Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
La fatigue d’être français(1), samedi 2 mai
Notre société va sortir éreintée de cette crise sanitaire. Facile de comprendre qu’elle est prise, par surprise, par une situation violente dans laquelle elle fréquente la mort, que nos sociétés occidentales ont effacée de la culture quotidienne.
La frappe est rapide, profonde et révèle un fort sentiment d’impuissance. Personnelle et de l’organisation sociale. Ajoutons une crise de la rhétorique. Le « story telling » et les éléments de langage, qui font florès depuis quelques années, ne sont pas à la hauteur de la situation.
C’est révélateur d’un mal profond d’une République sans curseur. La belle endormie ne pouvait être à ce point dérangée.
La pandémie s’épand sur un terreau fertile d’une crise de confiance face à l’avenir que l’on ne voulait pas aborder de front.
La glissade est aisée vers un sentiment de déclassement et une crise de l’identité.
Comment être français demain, dans cette crise de l’incertitude ? Et ce, alors qu’il va falloir affronter la crise sanitaire, la crise climatique, la crise économique, c’est-à dire sociale, sur fond de crise psychologique.
Nous avons joui de la dispersion, de l’émiettement de revendications éparses, sans remise en question. Comme le dit joliment Charles Melman, le psychanalyste, « trop de particulier conduit au général (à képi) ». Il est probable qu’un tel profil se prépare dans ce contexte qui lui irait comme un gant.
Face à cela, on voit déjà les forces de la puissance et de la continuité se mettre en place avec une facilité d’autant plus grande que n’émerge pas une voie pour une transformation profonde.
Il va falloir recoudre, réparer.
Mais, on le sait bien, dans les périodes de trouble psychologique aigu, il vaut mieux repartir du proche pour aller vers le lointain qui renforcerait le sentiment d’incertitude. Le quotidien nous montre le retour spectaculaire du proche, du territorial. Les départements se voient, par exemple, confortés dans leur légitimité dans ce rôle pour accompagner et préparer. La distanciation sociale dans un rayon de 100 km ressemble à leur historique définition. C’est un pied de nez à l’arrogance métropolitaine qui voulait les effacer. Une revanche du social ?
Cette chronique sert de liaison pour poursuivre la recherche des conditions d’un pacte social de proximité que le devoir climatique rendra incontournable.
(1) Je détourne volontairement le titre de l’ouvrage d’Alain Ehrenberg La Fatigue d ‘être soi, pour passer de la névrose personnelle au syndrome collectif.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste