Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
Remise en forme, lundi 4 mai
La France a besoin d’une période de remise en forme. Depuis longtemps, mais, singulièrement depuis deux ans, elle est en délicatesse avec son futur. Les Gilets jaunes ont fait exploser, au grand jour, une perte de repères, une crise de la considération. Un désamour général exprimé dans la douleur et, parfois, dans la haine. Cette haine était, autant, un mal à soi qu’une cassure, de ce qu’ils voulaient exprimer sous le nom de “peuple”, avec un autre mot vague “les élites”. Les mots sont imprécis mais la douleur réelle. Dans ce contexte, le moins que l’on puisse dire, la réforme des retraites n’était pas une bonne idée. On ne joue pas avec le futur en période de grande incertitude.
La pandémie vient parachever cette période. Sa sortie fait envisager de mauvaises options. Ce sont l’ordre et le repli qui ont la plus forte côte chez les bookmakers.
Dans mon article précédent, “La fatigue d’être français“, j’ai initié une voie plus optimiste. Elle passe par la proximité et les territoires et l’espoir d’un nouveau pacte social de proximité grâce à la souveraineté de la donnée qui permet aux citoyens de se reconstruire une place plus conforme à leurs légitimes attentes de représentation.
Ce serait un début, un bout de réponse à la crise démocratique que nous traversons.
Mais je ne voudrais pas laisser entendre qu’il s’agit là d’une contestation des principes de la République. C’est, au contraire, tenter de lui donner un peu d’oxygène car elle semble prise en étau entre la crise que l’on vient d’évoquer et les affrontements latents ou réels autour de la laïcité.
Il faut être prudents. Ne pas croire, par exemple, que l’urgence sanitaire efface le risque terroriste.
Je crois qu’une des leçons, que l’on peut retirer de toutes ces facettes anxiogènes, est la nécessité de remettre sur l’établi notre socle sémantique républicain.
En premier lieu, il faut retrouver une vision claire et peut-être épurée du “régalien”.
On voit bien, aujourd’hui, combien il se perd dans les méandres de la complexité, combien, aussi, il doit clarifier son action sur les questions stratégiques de souveraineté comme de santé, de protection comme d’ambition.
Pour éclaircir le régalien, il faut le dégager des ronces d’un maelstrom administratif, de plus en plus critiqué. Un effet annexe serait d’ailleurs de redonner ses lettres de noblesse aux services publics qui sont souvent assimilés aux lourdeurs tatillonnes de ladite administration. Pour tout cela il faut refaire du principe de subsidiarité une base. Elle est en phase avec la modernité. L’administration y retrouverait une occasion d’exprimer ses qualités en servant plus qu’en étant un filtre.
C’est dans ce cadre que les territoires et une nouvelle phase de décentralisation sont essentiels.
Peut-être, aussi, est-ce le moment d’interroger certains principes qui font loi. Quitte à choquer, il est possible de se demander si le principe d’égalité territoriale ne génère pas un fonctionnement normatif qui freine des énergies et des talents résidant dans des spécificités des lieux de vie. Là encore, l’idée d’un curseur serait à privilégier.
La singularité comme la réciprocité ne devraient pas être des gros mots. Ils impliquent mieux les citoyens comme leurs collectivités locales.
Le régalien sera d’autant plus efficace qu’il s’appuiera sur ces strates d’énergies locales, de ces libertés rafraîchies.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste