En janvier dernier, après trois ans de rumeurs et de reports, Donald Trump a dévoilé son plan de paix pour le Moyen-Orient. Mais pour Léo Keller, fondateur du blog de géopolitique Blogazoi, ce plan est caduc. Il nous explique pourquoi.
Retour vers le futur
Netanyahu, remarquable tacticien mais piètre stratège, est tout sauf un va-t-en-guerre. Pour la raison adamantine que le statu quo est son option favorite. Cela explique d’ailleurs qu’il ne voulait pas d’action militaire de grande envergure à Gaza. Mais les calendriers juridiques et électoraux ont leurs exigences propres que, souvent, la raison d’Etat ignore voire regrette.
Netanyahu prenant le train en marche a tenté d’imposer ce vote au Conseil des ministres dès le dimanche 2 février. Le but de la manœuvre : forcer encore davantage la main aux Américains. Le gendre de Trump, Jared Kushner a ainsi admonesté publiquement Netanyahu en l’informant que Washington ne tolérerait aucun mouvement unilatéral avant les élections. En conséquence de quoi, Netanyahu a obéi. Il ne saurait offenser et contrarier le meilleur ami d’Israël. L’on sait également combien Trump a l’orgueil chatouilleux et l’ego démesuré.
Soyons clairs. Ce plan change peu de choses sur le terrain. L’on serait tenté de dire pour reprendre le titre de la pièce de Shakespeare : « Much ado about nothing ». Sauf qu’il porte en lui une charge émotionnelle dont nous n’avons pas fini de mesurer les dégâts.
Entendons-nous, il n’y aura pas de grand soir, ni ce soir, ni demain soir ! Pour la simple raison qu’il traduit un rapport de forces sur le terrain tellement favorable à Israël que ce dernier n’a – heureusement – rien à craindre en ce qui concerne une menace stratégique.
Ce plan démontre officiellement, et comme jamais auparavant, la faiblesse stratégique mais non diplomatique des Palestiniens.
C’est peut-être le seul avantage de ce plan.
Hormis les extrémistes de tous bords, personne n’a à gagner quoi que ce soit de la faiblesse des Palestiniens. On se rappellera utilement Edmund Burke qui disait : « Ceux qui ont tout à espérer et rien à perdre seront toujours dangereux. »1
Ni les Palestiniens rejetés dans les ghettos de la rancœur, du désespoir et de l’humiliation, ni les Israéliens vivant en permanence dans l’angoisse des attentats visant des civils, ni les Américains dont l’impéritie laisse la porte grande ouverte aux deux seuls vainqueurs de ce plan : la Russie et la Chine.
Les Américains étaient les seuls à assumer pleinement la double fonction et compétence – du Peace-making et Peace-Keeping – viennent d’effacer d’un seul coup les effets bénéfiques du spectaculaire renversement opéré – en son temps – au Moyen-Orient, par Kissinger et approfondi avec des succès divers par tous les présidents des États-Unis. Ils étaient « l’Honest broker », ils sont devenus le factotum des Israéliens. Du côté palestinien – certains pas tous heureusement – entretenaient la violence et la haine jamais éteintes lesquelles n’attendaient qu’un brandon pour tisonner ses braises. L’on se rappellera – avec nostalgie – Raymond Aron : « On se demande avec angoisse si en allant dès l’origine, jusqu’au bout des concessions inévitables on n’aurait pas évité la tragédie. » 2
Ce deal rendra donc bien entendu la situation moins stable que le statu quo actuel.
Mais ce deal nous révèle plusieurs leçons. La première c’est qu’il est tout sauf sûr qu’il y ait une solution à perte de vue tant les représentations idéologiques ont ajusté le conflit. Peu de plans peuvent se targuer d’avoir mêlé aussi étroitement l’idéologie à la sécurité faisant même passer cette dernière au second rang.
Les Palestiniens auraient pu accepter (ils l’avaient déjà officieusement accepté d’ailleurs) les conditions sécuritaires voire le problème des réfugiés ; ils n’accepteront jamais des concessions faisant fi de leur identité et rabaissant leur fierté. Les réactions palestiniennes et arabes le démontrent amplement.
Il est une ressemblance frappante entre le conflit vietnamien et celui du Moyen-Orient. Au Vietnam, les Américains ont perdu car ils avaient affaire à un adversaire dont les revendications nationalistes l’emportaient sur les motivations communistes. Dans le climat de la guerre froide, le Vietnam a été la variable d’ajustement de la triangulation Pékin–Moscou–Washington. Pékin et Moscou se servaient de Hanoï en livrant des armes, à la fois pour marquer des points contre l’autre Mecque communiste et aussi comme symbole de la lutte contre l’impérialisme. Certes Hanoï recevait des armes mais pas suffisamment pour défaire militairement les États-Unis. Il faudra attendre pour cela les restrictions imposées par le Congrès. Washington connaissait les lignes rouges. Il en va de même avec les Palestiniens et l’Iran. Sauf que ce plan vient de les franchir. Laisser accroire que le conflit israélo-palestinien n’est qu’un conflit religieux, donc voué à l’impossibilité d’une solution est l’argument préféré des extrémistes de tous bords.
Ce conflit est aussi un conflit classiquement territorial pollué par des querelles religieuses.
Les Palestiniens bénéficient d’un support à géométrie variable des pays arabes. Selon les pays, il peut être faible voire antagonisé. Mais le plan a montré que lorsque la ligne rouge est franchie par Israël et par les États-Unis, alors le soutien envers les Palestiniens se raffermit mécaniquement. La pression de la rue arabe bouscule tous les calculs israéliens et américains.
Quant à l’Iran, il est lui aussi une variable d’ajustement mais côté israélien. Que viennent l’Arabie Saoudite et l’Iran à se réconcilier, alors la valeur marchande d’Israël baissera de façon drastique et immédiate au trébuchet de toute realpolitik. Certes ce scénario n’est pas l’hypothèse la plus plausible actuellement. Pour autant, ne négligeons pas le fait que l’Arabie Saoudite n’a réagi que très mollement après les destructions de ses pipelines par des missiles iraniens. L’absence de véritable réaction américaine ne peut que pousser l’Arabie Saoudite et l’Iran à alâchir leur antagonisme. La gestion pétrolière sera un carburant parfait. Car le pari du plan américain suppose aussi que la peur de l’Iran sera suffisamment forte pour que les pays arabes troquent un soutien qui était mitigé envers les Palestiniens au profit d’une alliance avec Israël qui à la fois les protégerait de l’Iran et éliminerait le terrorisme du Hamas.
Un Ambassadeur arabe nous a récemment confié en « off » que certes les Arabes pousseraient les Palestiniens à des compromis mais que d’une part à trop les pousser on n’obtiendrait rien et que d’autre part une solution juste doit obligatoirement passer par la reconnaissance de la souveraineté palestinienne sur Jérusalem-Est.
En ayant franchi cette ligne rouge, les Américains et les Israéliens ont brûlé leurs vaisseaux.
Ce deal a déjà eu plusieurs conséquences néfastes. Il a rapproché les frères ennemis que sont l’Autorité Palestinienne et le Hamas. Jusqu’à quel degré et pour combien de temps, il est difficile de le prévoir. En outre l’histoire tourmentée de leurs haines recuites a laissé des traces profondes qui même anesthésiées ne demanderont qu’à se réveiller.
- Re–création d’un front arabe – même de façade – contre le plan et un soutien palestinien réaffirmé. Il aura beau se fissurer lorsque les lampions de la fête unitaire s’éteindront. Actuellement, il existe bel et bien.
- Le costume d’Oslo est certes mort, mais ses paramètres resteront incontournables car ils sont les seuls à tenir compte des intérêts et représentations des deux parties. Qu’il nécessite de nouveaux essayages et retouches c’est évident. Le jeter aux orties serait pure folie.
- La conséquence la plus dramatique sera une résurgence low-cost du terrorisme. À elle seule, elle ne changera pas la donne dans la région. D’abord parce qu’il n’est pas stratégique, en ce sens qu’il ne mettra pas en cause l’existence d’Israël, et qu’il ne bouleversera pas fondamentalement l’équilibre de la région.
Ensuite parce qu’Israël a appris à le gérer à cet étiage et qu’il prend en compte en échange, volens nolens, d’en payer le prix : un certain nombre de victimes du terrorisme au sein de sa population civile.
D’aucuns évoquent une auto-dissolution de l’Autorité Palestinienne. Pour notre part, nous n’y croyons guère car on ne voit pas ce qu’elle aurait à y gagner. Une dissolution de l’Autorité Palestinienne rendrait le travail des Palestiniens en Israël plus compliqué et Tsahal devra l’assumer militairement ce qu’il saura bien entendu faire. Mais à quel coût ?
Plus problématique pour Israël serait une vraie détérioration de ses relations avec la Jordanie et l’Égypte. Israël a en effet été le grand et principal bénéficiaire des accords de coopération sécuritaire. Not to mention, la première et véritable rupture de son ostracisme diplomatique. L’on a d’ailleurs trop tendance à oublier que l’origine du grand retour diplomatique d’Israël sur la scène mondiale date du retrait israélien de Gaza et de quelques colonies en territoires occupés par Arik Sharon. L’Europe condamnera – mollement pour certains pays – ce plan mais l’on ne voit pas en quoi cela changera la donne.
Deux pays attendent patiemment – tapis derrière l’Himalaya – des échecs du deal du siècle : la Chine et la Russie.
S’il est un principe qui commande la géopolitique, c’est qu’il n’y a pas de repas gratuit en ce bas monde. L’on sent déjà poindre les premières frictions entre la Russie et Israël. La dispute, certes à fleurets mouchetés, à propos d’un avion civil soi-disant utilisé (ou peut-être pas, mais peu importe) pris comme parapluie par Israël lors du raid effectué début février en Syrie sont des prolégomènes que Netanyahu devrait méditer.
- Enfin last but not least, poussé par une droite ultra-nationaliste, Netanyahu danse tel un équilibriste sur une ligne rouge. Il aura du mal à ne pas tomber du mauvais côté. Qu’il vienne à irriter Trump, nul ne sait ce que ce dernier pourrait faire, tant son ego est démesuré. Or c’est précisément ce à quoi l’a conduit la trop grande complicité avec l’ambassadeur américain David Friedman dont les propos ont fini par agacer non seulement le State Department mais le gendre de Trump, Jared Kushner qui ne s’était guère signalé par une sympathie exagérée envers les intérêts palestiniens.
David Friedman s’étant fait admonester par ce dernier a donc dû publiquement revenir sur ses déclarations antérieures et contredire Netanyahu en affirmant clairement qu’aucune annexion ne saurait être tolérée avant les élections. En outre devant le peu de succès rencontré par son plan, Kushner a signalé que celui-ci n’était pas définitif et qu’il pourrait être amendé. Cette modification n’est pas anodine ; mais elle n’en garantit absolument pas son acceptation future. Certes on assiste aussi à un léger assouplissement de la position palestinienne avant son discours au Conseil de sécurité ; mais il est tout aussi probable que cela relève de la cosmétique destinée à obtenir un soutien d’un certain nombre de pays dont l’Union européenne hélas, une fois de plus, divisée.
Ce plan aura aussi pour effet de fissurer encore davantage la société israélienne parfaitement fracturée quant au prix à payer pour un règlement de paix. Pour autant ce plan a un immense avantage. Il permet en effet de s’apercevoir qu’il n’y a pas – à perte de vue – de solution. Cette aporie peut provoquer une catharsis salvatrice. On se rappellera la pensée prémonitoire de Platon : « Dieu voulant réconcilier les deux ennemis et ne pouvant y réussir les y attacha tous deux par leurs extrémités. »
Une des conséquences est l’alignement des positions arabes lors de la réunion du 31 janvier. Les 22 pays ont réaffirmé leur opposition ferme au plan car : « It does not meet the minimum rights and aspirations of Palestinian people. »3
La ligue précise derechef qu’Israël ne peut implémenter cette initiative par la force. « The plan leads to a status that amounts to a one-state situation that comprises two classes of citizens, that is apartheid, in which the Palestinians will be second-class citizens, deprived of the basic rights of citizenship, » et Mahmoud Abbas de déclarer « I will not have it recorded in my history that I have sold Jerusalem, » « that he would cut security ties with the US and Israel. » 4
Pour notre part nous pensons là qu’il s’agit sur ce point d’une rodomontade car il bénéficie lui aussi de ses accords. Pourtant les propos d’Abbas ont rencontré un accueil chaleureux. Israël devra donc gérer un relâchement des différents accords de sécurité et diplomatique. Israël saura bien sûr y faire face. Mais les coûts financiers, militaires et diplomatiques seront très lourds.
Quand bien même l’on ne se dirige pas vers une éruption de violence de grande envergure. L’on peut aussi se demander si une fois de plus les Palestiniens ne vont pas jouer la carte Netanyahu en déclenchant des actes de violence dans un nouvel accès de jusqu’au-boutisme. À moins que les palestiniens ne veuillent cette fois-ci s’orienter très sérieusement vers un état binational. L’on se rappellera le Président Trump affirmant en 2017 lors d’une conférence de presse commune avec Nétanyahu : « I’m looking at two-state and one-state, and I like the one that both parties like, I can live with either one,” he said on Wednesday, during a joint news conference with his Israeli counterpart, Prime Minister Benjamin Netanyahu. » 5
La Jordanie, quant à elle, a mis en garde Israël contre : « an annexation of palestinian lands. » Elle a réaffirmé sa position réclamant la création d’un État palestinien en Cisjordanie et Jérusalem-Est comme capitale. La tenue de cette conférence est un revers certain pour les États-Unis et Israël et symétriquement un succès pour Mahmoud Abbas que d’aucuns daubaient avec une satisfaction soulagée sur son lâchage par les pays arabes.
Il montre également que l’Arabie Saoudite entend demeurer fidèle à son plan de paix de 2002 qu’Israël avait rejeté. Cela étant tant l’Arabie Saoudite que l’Égypte ont salué les efforts américains. Ce n’est là, finalement, que le SMIC d’un soutien de pays tellement dépendant des États-Unis. Le ministre des Affaires étrangères saoudien Faycal ben Fahran a d’ailleurs déclaré que la cause palestinienne demeure la « priorité ». Ce n’est pas un propos de façade. Quant aux Arabes israéliens, tiraillés entre vivre en démocratie et jouissant d’un niveau de vie plus élevé que dans la plupart des pays arabes – mais moins élevé que le niveau de vie de l’israélien moyen – ils ont montré dans une forte proportion, eux aussi leur désapprobation du plan.
Mahmoud Abbas, fort de ses premiers succès politico-médiatiques, tentera de les prolonger lors d’autres rencontres. Il est tout sauf sûr que l’accueil y sera aussi unanime. Sur le terrain bien sûr on verra une légère brise se lever dont ne sait encore rien de l’intensité. Tout aux plus quelques coups de tonnerre assombriront le ciel du Moyen-Orient. Rien de bien neuf.
Pour autant si l’accusé Netanyahu, est réélu ce qui n’est pas à exclure, il se lancera dans une escalade annexionniste à la fois pour des raisons idéologiques et à la fois pour faire diversion quant à ses ennuis judiciaires. C’est à l’intérieur de ce scénario que l’on peut craindre une spirale de la violence, car Netanyahu tentera de montrer qu’il est le rempart indispensable face aux exigences des Palestiniens qui une fois de plus ne rechercheront pas obligatoirement le compromis.
« I think that anyone who is going to establish a Palestinian state today and evacuate lands is giving attack grounds to the radical Islam against the state of Israel,” he said in a video interview published Monday on the NRG site.
« Anyone who ignores this is sticking his head in the sand. The left does this time and time again, » Netanyahu said. « We are realistic and understand. »
Netanyahu was then asked specifically whether he meant that a Palestinian state would not be established if he were reelected prime minister. He answered, « Correct. »
Netanyahu has vowed « no concessions » and « no withdrawals » from the West Bank in speeches and statements during the campaign.
« In the Mideast today, any evacuated territory will be overtaken by radical Islam and terror groups backed by Iran. Therefore, there will be no withdrawals and no concessions. It’s just not relevant, the statement read, attributing the remark to Netanyahu. »6
L’annexion hissera alors sur le podium un état binational !
Une rage froide envahit l’observateur devant la « farce du siècle » en lisant et en relisant les commentaires de Donald Trump. C’est à dessein que nous n’employons pas le mot analyse. La declaration de Trump est édifiante. Qu’on en juge : « We’re going to show a plan that’s been worked on by everybody, and we’ll see whether or not it catches on,” Trump said. “If it does, that would be great. And if it doesn’t we can live with it too. But I think it might have a chance. »7
Les réactions américaines sont également loin d’être unanimes ; ainsi la pétition de douze congressistes américains. La presse américaine est tout sauf agréable quant à la prestation de Jared Kushner : « Jared Kushner’s incompetence is surpassed only by his arrogance. » 8
Ce dernier declare ainsi : « It’s a big opportunity for the Palestinians and they have a perfect track record of blowing every opportunity they’ve had in their past, but perhaps maybe their leadership will read the details of it, stop posturing and do what’s best to try to make the Palestinians’ lives better »9
La presse américaine est également vent debout contre le deal du siècle.
Elle n’hésite pas à démontrer l’inanité de ce plan. Comme à l’accoutumée, le New York Times, par la plume brillantissime de Thomas Friedman intitule son article: « Is Trump Bibi’s Chump » « Given the timing of the release on Tuesday of President Trump’s Middle East peace plan, I have to begin by asking: Is this plan about two states for two peoples or is it about one diversion for two dirty leaders? » 10
Pour notre part nous divergeons des propos de Thomas Friedman, non pas sur son titre ni sur sa qualification des deux leaders mais sur la nature même de ce plan. Thomas Friedman emploie d’ailleurs le mot « It smells. »
Ce plan a été conçu, non pas pour de quelconques intérêts électoraux ou judiciaires, mais bien en fonction de ce que pense réellement une fraction importante voire majoritaire de leurs populations.
Pour autant Kushner a commencé à rétropédaler et il voudrait laisser une fenêtre d’opportunité avec une nouvelle déclaration. Trop timide, trop décalée dans les effets d’annonce, trop indécise, elle n’a que peu de chances d’être prise au sérieux. Et paradoxalement elle ne peut que braquer la droite ultra-nationaliste en Israël. « The terms are not final terms. This is an opening offer and if the Palestinians come – and they have some adjustments, they want to move the line, they want to change one of the sentences, they want to negotiate on different thing – there’ll be flexibility, » 11
Que ne l’eût-il dit plus tôt au lieu de concocter ce plan en duo avec Israël !
Enfin ce plan présente un vrai risque stratégique pour Israël. Nicole Bacharan écrit à juste titre que Trump : « Il a décidé de présenter le Parti Républicain comme le seul parti pro-Israël et le parti démocrate comme entièrement anti-Israël, une division dangereuse pour l’État hébreu. »12
Lors d’une alternance inévitable, bien entendu, parce qu’il y aura une alternance et c’est heureux pour la démocratie, l’État Hébreu pâtira nécessairement de cette identification poussée jusqu’à l’outrance. Le danger est que lors de l’alternance, le balancier de la politique américaine non seulement annulera les dispositions du plan américain mais qu’elle aille en sens totalement opposé.
Commanders for Israël Security, mouvement qui regroupe 285 généraux parmi les plus hauts gradés de l’armée israélienne et de l’appareil sécuritaire, est vent debout contre les dangers contenus de ce plan qui risque contrairement aux idées reçues de l’ultra-droite et du Likud de mettre en péril la sécurité d’Israël. Qu’on en juge. Abandoning over 14,000 Israelis, residents of 15 isolated settlements, at the heart of the territory earmarked for the State of Palestine. Protecting them will be a security nightmare. • The possibility of including the Arab Triangle, and its 250,000 Israeli Arab citizens, in the area designated for transfer to Palestinian sovereignty. Beyond being morally reprehensible, the very consideration of the idea would severely undermine the process of integration of Arab citizens into Israeli society.
« Any unilateral annexation – of a single settlement bloc, all settlements, or the Jordan Valley – undermines Israel’s security: • Annexation will destabilize the already sensitive relations with Jordan, its regime stability, and bilateral security coordination.
The importance of security coordination with Jordan to Israel’s national security, in deterrence, early warning, and in thwarting acts of terror and state aggression from adversaries such as Iran, cannot be overstated. It will be utterly irresponsible to undermine a primary Israeli security interest and bring those risks closer to our border.
• Annexation might bring about the end of security coordination with the Palestinian Authority and possibly its very collapse. Whether this will be due to a Palestinian leadership decision or be forced upon it by popular pressure, terror groups – first among them Hamas – will fill the ensuing security vacuum.
To prevent their takeover, the IDF will be forced to reoccupy the entire West Bank. Thereafter, Israel will be responsible for managing the lives of 2.6 million Palestinians. Much of the IDF and Shin Bet’s attention will have to be dedicated to this mission, at the expense of preparedness for security challenges to the north (Syria, Lebanon), east (Iran) and south (Hamas). All this with no exit strategy from the trap of a bi-national state.
There is no risk-free unilateral annexation. The situation does not justify – and certainly does not require – taking unnecessary security risks. » 13
Tamir Pardo soulève également des critiques fortes et signale que ce plan ne change rien sur le terrain mais prépare une escalade.
Sa première critique porte sur un point juridique qui a son importance. « I should point out, by the way, that neither the prime minister nor his government alone have the authority to relinquish sovereign Israeli territory in the Negev. By law this requires approval either by a two-thirds majority in the Knesset (80 MKs) or a plebiscite. »
La deuxième concerne la nature de l’Etat Juif : « We will have plenty of land, to be sure. Our Zionist, national identity, on the other hand, will be lost. » 14
L’on se rappellera avec une immense tristesse les propos prémonitoires d’Itzhak Rabin qui comparait les territoires occupés à : « un cancer dans le tissu de la société israélienne. » Après moult réflexions et hésitations, il souhaitait leur démantèlement:« si l’on ne veut pas aller vers l’apartheid. »
Pour autant se pose tout de même la question quasi ontologique : Israël sous les leaderships avisés de Rabin, Peres, Olmert , Barak et Sharon ont proposé aux Palestiniens les deals les plus généreux possibles. L’on ne peut aussi que s’interroger sur les refus – antérieurs certes – quasi-systématiques des Palestiniens !
En toute humilité, nous ne saurions trop conseiller à tous les leaders de la région – certes pour des raisons parfaitement asymétriques de faire leur miel de ce que Philippe Moreau Defarges écrit dans son livre – remarquable en tout points – Une Histoire Mondiale de la Paix : « La force, tout en étant indispensable, ne suffit jamais. Napoléon peut être le dieu de la guerre, selon le qualificatif de Clausewitz, son empire n’en sombre pas moins du fait de son enfermement dans le continent européen mais aussi des idées révolutionnaires de liberté, d’égalité et de nation que diffusent les armées françaises et que les peuples dominés retournent contre elles… Ni le génie napoléonien ni la fureur destructrice du führer n’obtiennent ces victoires totales qui contraignent les vaincus à reconnaître que le vainqueur porte et incarne l’avenir. »
En guise de conclusion l’on nous permettra de citer les écrits prémonitoires de Thucydide : « Toujours, en effet, quand on a les choses sous les yeux, et que l’on se voit directement victime d’un traitement inhabituel, la colère vous prend ; et lorsque l’on calcule le moins, on passe à l’action avec le plus de fougue. » 15
« For what shall it profit a man, if he shall gain the whole world, but lose his soul? » 16
Le Président Nixon eût l’extrême intelligence de mettre un terme à la guerre froide car il avait eût l’intuition que l’hégémonie mondiale des Etats-Unis ne saurait être éternelle. Ou plutôt il comprit que pour perdurer, elle devait se transformer.
Laissons le mot de la fin à Nehru qui dans un superbe discours, s’adressa au Congrès des Etats-Unis le 13 Octobre 1949 : « Plus une nation est grande, plus lourde est sa responsabilité dans la recherche et la mise en œuvre d’une réponse juste. »
Léo Keller
Directeur du blog de géopolitique Blogazoi
Professeur à Kedge Business School
- Edmund Burke in Réflexions sur la Révolution Française ↩
- Raymond Aron in carnets de la guerre froide ↩
- Deutsche Welle 01022020 ↩
- Deutsche Welle 01022020 ↩
- Politico 17022017 ↩
- William Booth In Washington PostMarch 16, 2015 ↩
- CNN 28/02/2020 ↩
- Max Boot in Washington Post 03/02/2020 ↩
- Max Boot Washington Post 3 Février 2020 ↩
- Thomas Friedman in New York Times 30 Janvier 2020 ↩
- Jared Kushner in CNN 03 Février ↩
- Nicole Bacharan In Politique Internationale Hiver 2019 ↩
- Communiqué de Commander’s for Israel Security ↩
- Tamir Pardo in Haaretz 07/02/2020 ↩
- Thucydide in la Guerre du Péloponnèse ↩
- Mark 8:36. ↩