La grande, très grande actualité de la fin de l’année 2020 et de l’année 2021 est sans aucun doute la normalisation des relations en Israël et certains pays du Golfe, les Émirats Arabes Unis et Bahreïn qui ont désigné des ambassadeurs en Israël et multiplient les coopérations à tous les niveaux.
On a pu assister au « coming out » des communautés juives locales, exerçant leur culte ouvertement en présence des dignitaires de ces pays, ce qui a pu sembler une vision totalement surréaliste aux observateurs avertis.
C’est d’un autre niveau qu’entretenir des relations discrètes, des tolérances pour l’exercice du culte israélite en terre de Sharia.
Quant aux sociétés israéliennes, qui n’ont cessé de travailler sous couverts de sociétés écran, elles peuvent afficher ouvertement leur présence.
Outre les relations aériennes et les relations touristiques, les instructions données aux hôtels des Emirats d’offrir de la nourriture casher, ou encore l’ouverture de restaurants casher ou de cuisine israélienne, sont autant de signes de la vitalité des accords signés.
« Les drapeaux israélien et émirati survolent l’ouverture d’un restaurant israélien à Dubaï »
« Je parie que la nourriture aussi est délicieuse ! »
A cela, il faut ajouter ce qui semble être une adhésion de la population des Emirats, notamment qui se perçoit très clairement dans les échanges de messages enflammés et amicaux sur twitter.
« Quand j’irai en Israël, je veux manger la meilleure nourriture israélienne traditionnelle et visiter tous les sites historiques. J’ai l’appétit pour les deux. »
Twitter devient ainsi le nouveau vecteur de cette amitié si forte et si récente.
Des vœux pour le nouvel an juif, des condoléances pour le jour du souvenir des soldats morts dans les guerres d’Israël.
« Joyeuse fête de l’indépendance en Israël, imaginons ce qui se serait passé si les arabes avaient accepté et reconnu Israël il y a 72 ans de cela. Combien d’orphelins n’auraient pas perdu leurs parents ! Combien de parents n’auraient pas eu à enterrer leur enfant ? »
Qui l’eut cru … ? En tous les cas pas moi, et pourtant.
Avec ces accords d’Abraham, Israël devient un acteur majeur au Moyen-Orient, non pas qu’il ne l’était pas déjà, mais sa place est aujourd’hui officielle.
Quel changement lorsque que lors d’une manifestation sportive, il y a trois ans, les Émirats Arabes Unis n’avaient pas pu, ou pas voulu jouer l’hymne israélien…
On pense aussi à tel joueur ayant refusé de serrer la main d’un autre joueur israélien.
Tout cela est bien loin, semble-t-il.
Un riche Emirati vient d’acheter, en décembre 2020, 50% du club de football Beitar Jérusalem, réputé pour être un club « anti-arabe ».
Cette situation, tout à fait extraordinaire, s’accompagne évidemment d’une offensive économique et militaire.
On connaît tous la puissance des entreprises israéliennes de sécurité.
Un important accord est en passe d’être conclu.
La société technologique Group 42 (G42), basée à Abu Dhabi, a créé avec l’entreprise publique israélienne Rafael Advanced Defense Systems, la société Presight.AI, afin de commercialiser des technologies d’intelligence artificielle et de big data.
Un site de recherche et développement en Israël développera des produits pour des secteurs tels que la banque, les soins de santé et la sécurité publique, qui seront vendus en Israël, aux Émirats Arabes unis et à l’international.
« L’ambassadeur des Emirats Arabes Unis en Israël Mohamed Al Khaja a assisté à la cérémonie de signature d’un accord entre Rafael Advanced Defense Systems et G42. Nous nous félicitons de la création d’une nouvelle coentreprise, Presight.AI, qui établira un centre de R&D en Israël pour l’IA et la Big Data. »
La présence des Israéliens au salon de l’armement d’Abu Dhabi IDEX, marque le début d’une coopération militaire qui devrait faire trembler les fournisseurs habituels des pays du Golfe et l’industrie de l’armement française en particulier, d’autant que les Emiriens seront présents au salon de l’armement à Tel Aviv du 1er au 3 juin prochain.
Dans la foulée de ces accords, les Israéliens ont signé avec la Grèce un accord militaire historique de plus de 1,9 milliard de dollars.
Ce faisant, les cartes géostratégiques sont rebattues en Méditerranée et au Moyen-Orient.
« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis » a trouvé une application exemplaire.
L’ennemi commun reste l’Iran.
Ce rapprochement avec les Israéliens renforce aussi les liens entre tous ces pays et les Etats-Unis.
Et la France dans tout cela ? Et l’Europe ?
La France reste encore une fois spectatrice de la situation, sans pouvoir l’infléchir, ne serait-ce que par rapport à la situation des Palestiniens résignés dans l’attente d’élections qui pourraient peut-être leur offrir une gouvernance digne de ce nom, et les sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent.
L’Europe, en perte de vitesse, engluée dans la crise sanitaire et dans la dette, empêtrée dans la technocratie, semble ne pas voir l’essentiel.
Il se dessine au Moyen-Orient et en Méditerranée un axe dont elle est exclue et une dynamique qui ne lui bénéficiera pas.
Dommage !
Nathalie Goulet
Sénateur de l’Orne