L’histoire de la représentation politique n’a connu de régime qui régnait pendant longtemps en opprimant sa nation et en provoquant son insatisfaction et consternation. La survie d’un régime est étroitement liée à sa capacité à répondre aux besoins fondamentaux de ses sujets. La République Islamique de l’Iran, après les élections présidentielles, s’est retrouvée pour la première fois au milieu d’un inévitable dilemme. Les politiques d’amélioration des conditions socio-économiques et celles les éliminant se croisent, et interfèrent ainsi avec les principales institutions du pouvoir.
Le Guide Suprême de l’Iran, Ali Khamenei, a disqualifié via le Conseil des gardiens la majorité des candidats à la présidentielle, ouvrant le chemin à Raisi, le principale acteur du massacre des prisonniers politiques en 1988, pour devenir le président du pays. Le journal Arman a publié: « Il semble qu’il y ait un entêtement qui facture des coûts au système en écartant des candidats de profils uniques tels qu’Ali Larjani et Is-haq Jahangiri ». Que pensent-ils quand le train de la révolution est, jour après jour, plus déserté, causant de l’abstention des iraniens aux élections ?
Il est naïf de croire que Khamenei est inconscient des conséquences de la nomination de Raisi comme président de l’Iran, à savoir l’isolement de son régime aux niveaux national et international. Amnesty International cite Agnès Callamard en disant: « La nomination de Raisi à la présidence, au lieu d’être objet d’une enquête pour crimes contre l’humanité, meurtre, disparitions forcées et torture, est un rapprochement tant visé en Iran. »
Cette politique suivie par Khamenei, éliminant certains candidats y compris ceux qui lui sont proches, mène à se demander : à quels défis est-il confronté et de quelle impasse veut-il se sortir ?
Craint-il une menace d’ampleur plus grande que celles précédemment rencontrées au point de tourner le dos à ses alliés internes ?
Khamenei a fait face auparavant à deux soulèvements, en janvier 2017 et à la mi-novembre 2019. Ce dernier est réprimé en tirant sur les manifestants, faisant 1500 morts.
Ces soulèvements sont dus principalement aux mauvaises conditions de vie du peuple iranien. Selon le Centre de recherche parlementaire iranien, 60% des iraniens étaient en dessous du seuil de pauvreté avant la pandémie. Après elle, le chiffre passe à 80% de la population entre les seuils de pauvreté et de survie, selon les médias pro-régime. L’armée affamée est mobilisée et la société est telle une poudrière qui risque d’exploser à la moindre étincelle.
La fatwa publiée par Khamenei, interdisant l’importation des vaccins covid-19 provenant de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, ne vise qu’à détourner l’opinion publique vers le développement de la pandémie en Iran, les préoccupant de planifier un nouveau soulèvement. Cependant, l’ère post-covid-19 est aux portes de Khamenei depuis plusieurs mois.
Depuis le dernier soulèvement, les unités de résistance se sont rapidement développées, comme les unités de résistance formées en France suite à l’occupation nazie du pays. Les unités de résistance en Iran ont détruit les affiches de Raisi lors des récentes élections présidentielles, au point que Raisi ait ordonné de ne plus mettre d’affiches pour sa compagne électorale.
Et dans ce contexte tendu dans la société iranienne, ces unités de résistance se sont répandues dans tout le pays. Ceci n’a laissé de choix à Khamenei que d’adopter une politique de contraction. Ce choix n’est pas fait entre le bien et le mal, ni entre le mal et le pire, mais entre le pire et le pire. Il cherche à unifier son régime afin de réprimer tout potentiel soulèvement par la force meurtrière sans s’en tenir pour responsable. Cette politique n’est en réalité que signe de faiblesse et de désespoir. Khamenei aurait préféré avoir d’autres choix lui permettant de pérenniser son régime, mais l’état bouillonnant de la société ne lui laisse pas le choix.
Bipolarité de la société iranienne
La nomination de Raisi est le résultat direct de la politique restrictive de Khamenei qui engendre plus de répression interne et de terrorisme à l’étranger. Ceci n’est que la manifestation d’une crainte de la confrontation des deux pôles de la société. L’un d’eux est le régime de Khamenei qui fait vivre des millions de citoyens dans la pauvreté. Ces derniers constituent le second pôle de cette société, surtout que la classe moyenne a été progressivement éliminée.
La bipolarité de la société iranienne a toujours existé.
La confrontation qui peut en résulter a été empêchée par la soi-disant faction réformiste du régime, et ce en utilisant des slogans réformistes et des tendances pro-occidentales. Ces réformistes affirment qu’ils ont contribué à la survie du régime pour une trentaine d’années de plus.
Ces réformistes, malgré qu’ils ont longtemps servi le régime de Khamenei, celui-ci les a éliminés lors des récentes élections présidentielles sous prétexte que leur candidats sont réformistes et modérés. Khamenei a favorisé Raisi pour être le président de la République Islamique afin d’empêcher l’explosion de la société qui se traduira en un soulèvement inévitable. La question qui se pose alors est si Raisi pourra empêcher la chute du régime.
Le Guide Suprême, en écartant certains candidats à la présidentielle, a répondu à cette question. A ce stade historique, en refusant de répondre aux questions des réformes socio-économiques et des libertés fondamentales, il a rajouté une raison justifiant le boycott de ces élections.
La grande communauté de la diaspora iranienne
L’opposition iranienne CNRI estime que ses forces en Iran, connues sous le nom d’unités de résistance, ont contribué efficacement au boycott réussi des élections par les iraniens. A cet effet, le CNRI organise un grand rassemblement le 10 juillet pour annoncer au monde que le peuple iranien choisit une république pluraliste laïque et que le monde doit reconnaître cette alternative au régime théocratique actuel.
Hamid Enayat
Ecrivain et expert de l’Iran