Il se passe indéniablement quelque chose en cette approche de la Toussaint dans le pays d’avant et de toujours, cette France résiliente et d’une patience remarquable eu égard à la dégradation de la situation dans la plupart des domaines régaliens, constatée au fil des jours sans que rien ne vienne enrayer cette lente érosion.
La pré-campagne électorale vient exacerber ce sentiment diffus qu’il faut mettre un terme à cette dérive si l’on ne veut pas faire naufrage inexorablement, et qu’il devient urgent de tourner la page et sortir de ce marécage dans lequel on s’enfonce depuis trop longtemps ; à dire vrai, en finir avec les faux-semblants et l’impuissance des dirigeants camouflée par une succession d’effets d’annonce et l’illusion de l’action caractéristique de cette mandature clivante et très décevante après avoir soulevé de vaines espérances, marquée irrémédiablement par la grave crise des Gilets jaunes et une appréhension hasardeuse de la pandémie à son tout début, responsable de bien des difficultés et blocages actuels, en particulier dans nos régions d’outre-mer profondément perturbées par la politique sanitaire en vigueur.
Points de rupture atteints dans le secteur hospitalier public épuisé par une lutte intense contre un virus qui reprend sa course meurtrière en Europe Centrale et de l’Est en guise d’illustration du fiasco actuel qui justifie toutes les interrogations et inquiétudes pour les six mois qui nous séparent de l’échéance présidentielle…
Cet instant avant la fin, juste avant de tourner la dernière page de l’ouvrage et d’ouvrir la porte sur de nouveaux horizons, est en train de se concrétiser au fur et à mesure où une proportion grandissante de Françaises et de Français se réveille enfin pour donner de la voix dans un débat d’idées trop longtemps occulté par une partie des médias complaisante avec les responsables de la situation de l’heure mais nécessaire pour que le pays rebondisse et sorte de l’ornière actuelle. L’affolement, qui gagne peu à peu ceux qui prédisait une réédition à l’identique de la joute de 2017 devant une évolution de la donne des plus incertaines, augure mal du climat dans lequel le pays va se rapprocher de l’échéance d’avril 2022. Le crédit excessif accordé en France aux instituts de sondages et aux politologues professionnels – toujours les mêmes, qui saturent quotidiennement nos écrans en écrasant de leurs certitudes ceux qui ne sont rien aux yeux de ces sachants impavides – est aujourd’hui fortement ébranlé par un phénomène nouveau qui vient perturber la mécanique d’une pratique de la politique convenue et de plus en plus éloignée du monde dans lequel se débattent les laissés-pour-compte livrés depuis des décennies à l’impéritie d’une technocratie dénuée d’empathie et de vision, sans autre ambition que celle de se maintenir au pouvoir. La cohorte grandissante au fil des élections de ceux qui ne se déplacent plus pour aller voter, tellement ils sont désabusés et sans illusion aucune sur les promesses jamais tenues d’une amélioration de leur condition, éprouve à nouveau un regain d’intérêt pour le sort de leur pays à l’appel d’une voix iconoclaste qui dérange l’ordre conventionnel en déclenchant des réactions de haine d’une rare intensité dans l’atonie générale, symbolisée par les rangs scandaleusement clairsemés des députés qui ont voté la possibilité d’étendre la prolongation du pass sanitaire au delà de la limite annoncée lors de son instauration… Cette mesure, qui n’est finalement qu’une dérobade devant une impopulaire obligation vaccinale que le pouvoir n’a pas eu le courage d’imposer suite à la succession de maladresses initiales dans la lutte contre la pandémie, n’a pas fini d’empoisonner le débat public et elle constitue une terrible source de clivage dans nos territoires les plus éprouvés outre-mer tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique.
Il est singulier que, jusqu’à présent la question de l’urgence de réparer la dramatique situation de l’hôpital public soit aussi peu abordée dans les ébauches de programmes politiques des candidats déclarés à cette heure…
La France est un vieux pays qui n’a pas à rougir de son glorieux passé et elle a toujours tenu son destin entre ses mains tant qu’elle a eu à sa tête des dirigeants qui l’aimaient en la respectant avant toute autre considération et qui avaient, pour elle et la grande diversité de ses composantes, une vision de son destin et de son avenir allant bien au delà des cinq ans bornant le mandat présidentiel ou d’un horizon économique limité à 2030… A la croisée des chemins, la facilité et la lâcheté ordinaire – celles qui consistent à dénigrer aux limites de la haine le discours de l’adversaire en caricaturant l’appel au débat d’idées parce qu’elles dérangent le conformisme majoritaire et soulignent les renoncements qui ont conduit le pays au bord du gouffre – sont des voies très dangereuses à emprunter, qui ne sont pas sans réveiller le souvenir douloureux des années trente du siècle dernier. L’heure tourne et l’instant de la fin approche, car il y aura nécessairement une fin à la situation présente et le début d’une autre séquence qu’il faut espérer plus encourageante que l’approche de la Toussaint et de l’hiver, ce moment où le jour raccourcit pour laisser gagner les ténèbres… En attendant, il faudra, à l’instar des derniers estivants qui jouent les prolongations de l’été en arpentant les plages balayées par des vagues et une houle de plus en plus fortes, patienter et endurer encore bien des déconvenues avant de renaître à une toute autre lumière…
Eric Cerf Mayer