De tous les présidents qui ont exercé depuis 1958, Emmanuel Macron est certainement le plus inepte en matière de politique étrangère. Il semble même en voie de dépasser en ce domaine François Hollande. L’Afrique en est l’exemple le plus pertinent. Inexpérience et inculture nous semblent en être les causes principales.
Inexpérience ? E. Macron est le président le plus jeune jamais élu à la tête de la République : 40 ans. Il a certes été collaborateur puis ministre de F. Hollande mais n’a jamais été élu local. Il n’a aucun ancrage politique dans un quelconque terroir sauf familial du côté des Hautes-Pyrénées voire en terres amiénoises.
Cette inexpérience, à un tel niveau de pouvoir, est un handicap certain.
E. Macron l’a presque avoué lorsqu’il a évoqué, dès le début de son premier mandat, que son rapport avec l’Afrique ne pouvait être celui de ses prédécesseurs. Déjà la Françafrique était dans le viseur. Précisons que l’expression « Françafrique », généralement connotée péjorativement, désigne une relation qualifiée de néo-coloniale par ses détracteurs, entre la France et d’anciennes colonies en Afrique subsaharienne sur les plans économiques, monétaires, diplomatiques ou militaires. Il apparait incontestable que ce concept est originellement utilisé par des intellectuels français pour défendre l’idée que la puissance française après la Seconde Guerre mondiale devrait s’appuyer sur une forme renouvelée de son empire colonial en Afrique. Bien entendu personne ne pourra objectivement contester que toute colonisation porte en elle le germe d’un abus oserait-on dire de position dominante. Par exemple le fléau abject de l’esclavage. Mais cette colonisation est aussi une sorte de Janus bifrons. Son autre face est celle qui a permis l’essor économique et le développement des pays concernés. De nombreux pays d’Afrique anciennement colonisés en attestent. Celle du Nord avec notamment l’Algérie ne fait pas exception bien au contraire (la majeure partie des sociétés d’exploitation gazière et pétrolière algériennes ont été implantées et mises en service par la France).
Alors comme son prédécesseur N. Sarkozy, E. Macron a très vite ressorti l’antienne de la Françafrique. L’ « Afrique de grand papa » ou celle des réseaux Foccart disait-on. Jacques Foccart, homme d’influence s’il en est, s’affirma dès la fin des années 50 comme l’indispensable « Monsieur Afrique » du gaullisme, homme de l’ombre du général de Gaulle puis de Georges Pompidou, chargé avec Pierre Guillaumat, autre homme de base du gaullisme et PDG d’Elf d’organiser la politique africaine de la France. Et ces réseaux, certes d’inspiration plutôt paternaliste, qu’on le veuille ou non, ont montré leur efficacité pour une présence française active participant aussi au développement local.
Ces réseaux ont perduré jusqu’à l’arrivée de N. Sarkozy. Et c’est à partir de ce dernier que la dégradation de la politique africaine de la France a lentement décliné.
Le discours de novembre 2007 dans lequel Nicolas Sarkozy affirme notamment que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », a choqué par ses clichés sur l’homme africain et ses relents colonialistes. Il a incontestablement contribué à dégrader l’image de la France en Afrique.
Avant d’accéder à l’Elysée, F. Hollande n’avait aucune appétence particulière pour l’Afrique. Il est vrai que son inexpérience ministérielle ne lui donnait aucune prédisposition en la matière ! Comme l’a bien démontré Christophe Boisbouvier (Hollande l’africain, La Découverte) qui aurait songé, avant mai 2012, à accoler l’adjectif « africain » au nom de François Hollande ? Personne, sans doute. Car, avant son élection, l’actuel président de la République était l’un des hommes politiques français les plus étrangers à l’Afrique. Depuis son arrivée à l’Élysée, il s’est pourtant inventé un destin africain. D’abord pour prendre ses distances avec la Françafrique version Sarkozy. Puis en inventant sa propre politique africaine, mélange singulier de déclarations humanistes et d’interventions armées.
« Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique », s’écrie-t-il en février 2013, le jour où il défile en « libérateur » dans les rues de Tombouctou, trois semaines après avoir lancé les troupes françaises à l’assaut des djihadistes du Sahel. Et voilà que le président socialiste semble prendre goût à son nouveau statut de chef de guerre ! Un an après l’opération Serval au Mali, il lance l’opération Sangaris en Centrafrique et redéploye les moyens militaires français en Afrique dans un vaste dispositif, l’opération Barkhane, censé aider nos « amis africains » à mener à bien la « guerre contre le terrorisme ».
Et aujourd’hui ces mêmes Maliens nous ont demandé de partir pour se jeter dans les bras des milices Wagner… Il en a été de même pour la Centrafrique.
Curieuse Afrique qui a décidément tant de difficultés à se démocratiser… Est-ce d’ailleurs dans ses traditions, dans sa culture ?….. Nous en doutons fortement.
Peu de temps avant son élection, lors d’un voyage en Algérie, Emmanuel Macron a qualifié la colonisation de « crime », de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie », dans une interview à la chaîne algérienne Echorouk News, diffusée mardi 14 février 2017. Et de rajouter pour parfaire l’ineptie : « La colonisation fait partie de l’histoire française (…). Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ». Lorsqu’il était ministre de l’Economie de F. Hollande, E. Macron soulignait pourtant (et à juste titre) les aspects positifs à la colonisation : « il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie ». Il aurait dû rester sur cette position une fois à l’Elysée. Mais il souffre incontestablement d’un manque de culture historique voire politique (et de colonne vertébrale rajouta F. Fillon !). Pourtant dans ses études de Lettres puis d’énarque, l’actuel locataire de l’Elysée a bien dû être instruit en ces matières.
A l’automne 2017, alors qu’il a accédé à l’Elysée, il prononce un discours pour le moins contestable à Ouagadougou . Quelques heures avant celui-ci il avait plaidé, dans un élan démagogique inouï, pour la levée du secret défense pour « tous les documents » sur le rôle de la France dans l’assassinat de Thomas Sankara, homme d’État burkinabé en 1987. Parmi les plus belles perles de ce discours de débutant : « Je ne vais pas vous dire quelle est la politique africaine de la France, car il n’y a plus de politique africaine de la France. Il y a un continent que nous devons regarder en face (…) même si je n’ai pas la prétention de parler de l’Afrique dans son ensemble. » Puis il a poursuivi estimant que « les crimes de la colonisation européenne sont incontestables ». Puis de rajouter : Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire, quelles sont les règles de l’Etat de droit … ». Et oui il est bien là le cœur du problème de M. Macron. Il est d’une génération qui ne connait pas grand-chose à l’histoire, aux rapports toujours complexes de la France avec l’Afrique. Et, au risque de choquer, parler de l’Etat de droit sur ce continent, c’est comme parler de la démocratie en Corée du Nord ou en Chine ! Dans un pouvoir despotique, la main lie le pied ; dans une démocratie, c’est le pied qui lie la main (proverbe africain).
Lors de son voyage actuel en Afrique centrale (18è depuis 2017, un record) E. Macron a rejoué un couplet connu : « L’âge de la Françafrique est révolu ». Il était d’abord au Gabon pays dirigé par Ali Bongo Ondimba qui n’est autre que le (digne) fils d’Omar Bongo, grand démocrate devant l’éternel qui a exercé une quasi dictature durant près de 40 ans. Il va rencontrer aussi Denis Sassou-Nguesso, militaire et président de la République du Congo depuis 1997 ce qui démontre l’intérêt de l’alternance dans ce pays ! Donc ses limites démocratiques. Il y rencontre aussi Félix Antoine Tshisekedi, qui ayant succédé au dictateur Kabila, essaye de démocratiser la République Démocratique du Congo. La question à se poser au-delà des critiques sur la Françafrique c’est pourquoi aller dans ces pays d’Afrique centrale ? Instaurer une « nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable » avec un continent où notre influence ne cesse de reculer. Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots !… Le président Macron a aussi annoncé une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le jihadisme au Sahel, mais devenue l’incarnation de l’héritage colonial aux yeux d’une jeunesse avide de « nouvelle indépendance ». A notre sens cette dernière est purement illusoire.
Car après la France, la nouvelle idole dans ces contrées compliquées et volatiles se nomme Poutine.
Il y déploie inéluctablement sa milice Wagner dont les exactions ont déjà commencé. Bientôt « le pré-carré français » et nos soldats seront regrettés. Et si les Russes ne parviennent pas à s’imposer, ce sera au tour de la Chine. Et là ce sera une autre histoire. Mais après tout n’a-t-on pas aussi parfois le destin que l’on se donne voire que l’on mérite ?
Au risque de surprendre nous prônons un désengagement de l’Afrique en général. Car, voyage d’E. Macron ou pas, nous n’y sommes plus les bienvenus. Notamment dans l’esprit de la grande majorité des jeunes. A chaque fois on nous conspue et on nous joue le couplet de la repentance et c’est insupportable. On a suffisamment donné.
Et de toute façon nous ne sommes pas de taille à lutter contre la Russie et encore moins contre la Chine. Voyons vers d’autres continents comme l’Amérique du Sud par exemple.
Nous disions plus haut que la politique diplomatique macronienne était erratique. Lorsqu’il va aux Etats-Unis il est accueilli plutôt froidement pas Trump (qui se fiche d’une France qu’il ne doit même pas situer sur une carte !) d’abord puis un peu plus chaleureusement par Biden (qui connait bien notre pays). Mais le partenariat fraternel avec les Etats-Unis n‘est plus ce qu’il était, c’est une certitude. En Europe le partenaire majeur des yankees ce sont la Grande-Bretagne et l’Allemagne.
On parlait d’Amérique du Sud. E .Macron s’y est peu intéressé. Par méconnaissance ou désintérêt élyséen, la voix de la France en Amérique latine et aux Caraïbes n’aura pas été à la hauteur des enjeux et des dangers durant tout le premier mandat. Elle n’aura pas été non plus source d’espoir pour des milliers de femmes et d’hommes qui souffrent depuis plusieurs années du poids des politiques néolibérales et de la violence exercée par les gouvernements néoconservateurs (ex : Brésil de Bolsonaro). Il y a quarante ans, quand les dictateurs avaient les mains ensanglantées, les peuples latino-américains pouvaient compter sur une France solidaire, humaniste et consciente. C’était la France « mitterrandienne ». F. Mitterrand fut le dernier président à savoir faire avec l’Am’Sud.
Aujourd’hui, la stratégie d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Amérique latine est inexistante, ce qui représente un véritable recul par rapport au bilan diplomatique de son prédécesseur.
En effet, avec près de dix voyages présidentiels en Amérique latine, François Hollande aura inscrit cette région du monde au cœur de son action de politique étrangère. Le point majeur de sa mandature fut d’ailleurs la visite officielle à La Havane en tant que premier chef d’État européen à se rendre sur l’Île depuis l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro. La France était audible, volontariste, présente. Héritage Mitterrand ?!
Où était la France quand la crise sociale a éclaté au Chili en octobre 2019, faisant une trentaine de morts, plus de 3 500 blessés, sans oublier cette descente des chars militaires dans les rues de Santiago, rappelant les heures sombres de 1973 ? Où est la France pour exiger le respect de l’accord de paix de La Havane entre l’État colombien et l’ancienne guérilla des FARC ? Sur le Venezuela aussi la France n’est pas au rendez-vous pour mettre en cause le dictateur Maduro. Quant au Brésil la France a été inefficiente sur Bolsonaro et ne s’est pas vraiment préoccupée du retour de Lula.
A titre de dernier exemple d’une diplomatie macronienne plus qu’aléatoire, on citera la visite effectuée par E. Macron le 7 février 2022 à Moscou pour éviter le conflit avec l’Ukraine. Ce fut une des visites les plus humiliantes que la France ait effectuée depuis des décennies. Rappelons en quelques détails. D’abord il a fallu plusieurs appels téléphoniques du président français pour que le maître du Kremlin daigne le recevoir. Ensuite lorsqu’il est reçu, la délégation française est accueillie par l’équivalent du secrétaire général de la présidence. Poutine reçoit en principe personnellement les hôtes de marque. Certes on est en pleine crise Covid et le président russe est obnubilé par ce virus. Il fait même tester les personnalités qu’il reçoit (E. Macron comme O. Scholtz refuseront). De même rappelons-nous l’image de cette table en bois massif laqué blanc et orné de feuilles d’or, de six mètres de long ! On sait depuis que durant ce long entretien (près de 5h) le tsar Poutine a déroulé une interminable logorrhée sur l’histoire russe (et ukrainienne) justifiant l’invasion. Il fut difficile au président français de répliquer. E. Macron (qui aura rencontré 7 fois Poutine depuis 2017) l’estima « plus raide, plus isolé » et au fond « parti dans une sorte de dérive idéologique ». Un conseiller de l’Élysée ajoute : « il a tenu un discours paranoïaque ». Après cette rencontre E.Macron avouera plus tard : « j’ai simplement compris quelques-uns de ses ressorts intimes, qui sont cultuels, historiques et liés au ressentiment des 30 dernières années ». 5 heures d’entretien pour ça, serait-on tenté de dire ?….
A la fin de ce rendez-vous crise Covid oblige, Poutine partit dans ses appartements et la délégation française dut faire le nécessaire pour se restaurer.
Le président français a, ni plus ni moins, été humilié et la France avec lui. Il apparait certain que le général de Gaulle, en pareilles circonstances, aurait pris congés de son hôte. Rappelons-nous « la politique de la chaise vide » impulsée par l’Homme du 18 juin. C’est la politique de blocage de la CEE qui fut menée par le gouvernement français du 30 juin 1965 au 30 janvier 1966. Refusant d’accepter une extension du rôle du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, chargé de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), et de celui du Parlement européen, mais surtout la modification du principe de l’unanimité dans la prise de décision au profit de la règle majoritaire, de Gaulle suspend la participation de la France aux réunions du Conseil des ministres de la CEE, bloquant de facto toute prise de décision. C’est le compromis trouvé à Luxembourg en janvier 1966 qui met fin à la crise institutionnelle en affirmant la nécessité d’une prise de décision à l’unanimité pour les votes importants.
Puisque d’Europe il s’agit, c’est peut-être le seul domaine où l’action d’E. Macron est plutôt positive.
La présidence qu’il a assurée du Conseil (interrompue par le Covid) est constituée de certaines avancées. La France est parvenue à atteindre 97 % de ses principaux objectifs et ceux, malgré la guerre en Urkraine. Ainsi l’accord final entre les États et le Parlement sur les règlements Digital Services Act (DSA) et Digital Market Act (DMA). De même l’obtention de l’accord final obtenu avec le Parlement sur la directive relative aux « salaires minimaux adéquats » dans l’Union européenne. Enfin l’obligation pour les fabricants de smartphones, tablettes, casques ou liseuses de fournir un chargeur universel, compatibles avec tous les modèles et toutes les marques (https://www.europe-direct-ppa.fr/quel-bilan-pour-la-presidence-francaise-du-conseil-de-lunion-europeenne-pfue).
Voilà ce qu’il nous apparaissait important de dire sur une politique étrangère qui, au fond, a perdu de sa grandeur et de sa hauteur depuis 2007.
Même si les puissances se sont mondialisées, si le monde est plus que jamais multipolaire, le temps des présidents français qui comprenaient les enjeux du monde, qui avaient une vision, que l’on écoutait, est révolu depuis que J. Chirac s’en est allé de l’Elysée.
Depuis lors notre diplomatie balbutie plus qu’elle n’agit. Le dernier grand acte diplomatique de notre pays fut le « Non » de la France à l’ONU exprimé avec tant de panache par D. de Villepin (expert es diplomatie). C’était il y a 20 ans. Réécoutons – en un passage d’anthologie :
Dans ce temple des Nations Unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix.
Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs. Et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur.
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités