Les territoires urbains, que ce soit les grandes villes, les grandes agglomérations ou encore les métropoles, sont au cœur de la transformation du modèle énergétique. Ils concentrent environ 80 % de la population. Ils sont les lieux où se crée la richesse et où se consomme l’énergie.
Les émissions directes de CO2 associées aux territoires urbains ont représenté plus de 75 % des émissions globales entre 1990 et 2008. La transition énergétique suppose qu’une priorité forte soit donnée à la valorisation des ressources urbaines.
Acteurs engagés, les villes et leurs intercommunalités n’ont pas attendu les orientations nationales et européennes pour s’engager concrètement dans la transition énergétique. Avec des objectifs ambitieux, ils conduisent aujourd’hui des projets locaux, en proximité avec les acteurs de terrain du monde entrepreneurial et associatif. Les villes, évidemment grâce à leur clause générale de compétences, mais aussi de plus en plus d’intercommunalités, métropoles en particulier, sont devenues compétentes sur un ensemble de politiques publiques, au service d’un développement territorial plus durable. C’est l’urbanisme et l’habitat afin de lutter contre l’étalement urbain et de promouvoir l’efficacité énergétique dans les programmes de construction ou de rénovation de logements. C’est également la mobilité durable, respectueuse de l’environnement, par le développement des transports collectifs et des modes de transports doux comme les vélos. C’est aussi les politiques de prévention et de gestion des déchets ménagers dans la perspective d’une transition vers une économie circulaire.
Le rôle des territoires urbains est tout aussi important en matière de solidarité financière entre usagers, pilier de notre modèle énergétique. Les grandes villes et grandes agglomérations sont les principaux financeurs de la péréquation tarifaire qui permet à n’importe quel concitoyen de payer au même prix son énergie.
Dans le domaine énergétique à proprement parler, les territoires urbains agissent dans différentes directions. On observe la multiplication des actions de sensibilisation aux enjeux d’un modèle énergétique plus sobre, que ce soit dans les écoles ou auprès des familles pour réaliser des économies d’énergie. Les collectivités urbaines investissent également massivement dans la production des énergies renouvelables avec le développement de l’installation des panneaux photovoltaïques ou la construction de centrales biomasse.
Dans ce cadre, les différents projets de loi en cours d’examen, et notamment le projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte, comportent plusieurs avancées intéressantes. Je pense notamment à la simplification des documents d’orientation avec la création du Plan climat-air-énergie territoriaux (PCAET), utilement élaborés à l’échelle intercommunale. De même, revendication portée par l’AMGVF, les porteurs de projets de production d’énergies renouvelables devront obligatoirement proposer aux citoyens et aux collectivités territoriales de participer à leur capital. Cette mesure est très importante pour limiter les phénomènes de rejet de ces projets et en améliorer l’acceptabilité sociale.
Néanmoins, le projet de loi est resté relativement mesuré dans la reconnaissance des agglomérations et métropoles comme autorités organisatrices de la transition énergétique. Face aux enjeux et forts de leurs leviers d’action, nous demandions cette reconnaissance, là où le texte se limite à faire des intercommunalités “les coordinatrices” de cette transition énergétique. Il faudra poursuivre les réflexions afin de doter les territoires urbains de nouveaux moyens d’action, permettant de développer une réelle vision du développement énergétique du territoire. Ajoutons que cette action multiforme du bloc local urbain ne saurait être mise sous une quelconque tutelle régionale comme semble le laisser penser la mise en œuvre de nouveaux Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) du projet de loi sur les compétences des collectivités en cours d’examen.
Par ailleurs, le travail doit se poursuivre avec les principaux concessionnaires de distribution d’électricité et de gaz afin d’améliorer l’échange de données sur la vie de la concession à une maille la plus fine possible. Sans connaissance approfondie de l’état des réseaux, du niveau des investissements réalisés, mais également des données de consommation, il est difficile pour nos territoires de s’engager dans une politique pertinente en matière de transition énergétique. Il faut avancer, de façon concertée, vers une meilleure prise en compte des demandes des collectivités, propriétaires des réseaux. Dans le même temps, il faut poursuivre les réflexions pour mieux adapter les contrats de concession aux réalités locales.
Parmi les autres pistes d’amélioration, il convient d’ajouter les relations entre zones urbaines et zones rurales, en matière, par exemple, d’organisation de la distribution publique d’électricité. Différents schémas de gouvernance subsistent aujourd’hui dans les territoires, fruit de l’évolution de notre carte institutionnelle. Rien ne sert de vouloir uniformiser les solutions. Chaque territoire doit être en capacité de définir le schéma de gouvernance le plus approprié à son histoire et aux réalités locales. Toutefois, il convient d’harmoniser les solutions afin d’éviter l’empilement ou le chevauchement des outils de gouvernance.
Comme bien souvent, la principale zone d’ombre des textes en cours d’examen renvoie aux outils financiers des collectivités pour mener à bien la transition énergétique. Les principales discussions sont renvoyées au projet de loi de finances, mais la baisse des dotations de l’état, dans un contexte général de réduction de nos déficits publics, ne laisse aucunement augurer un accroissement des ressources… Or, de nombreuses obligations nouvelles figurant dans le projet de loi en matière de rénovation thermique des bâtiments publics, de renouvellement des flottes de véhicules… doivent être financées. Nous devons passer de l’intention aux actes. L’AMGVF sera très vigilante à ce que des moyens puissent être alloués.
Face à ces enjeux énergétiques croissants, l’année 2015 représente une formidable opportunité de valoriser les démarches exemplaires portées par l’ensemble des territoires, et en particulier du monde urbain. L’accueil au Bourget à la fin de l’année de la vingt-et-unième Conférence des Nations unies pour le climat (COP21), qui aboutira, espérons-le, à un accord permettant de limiter à + 2°C la hausse des températures d’ici 2100, oblige l’ensemble des acteurs, état, entreprises, associations, et bien sûr collectivités, à s’inscrire dans une dynamique en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. À cet égard, les états doivent amener leurs gouvernements locaux à la table des négociations. Leur responsabilité est grande. Ne reproduisons pas les erreurs de Copenhague !
En tout cas, l’AMGVF compte participer pleinement aux manifestations organisées en amont et pendant la COP21 : Sommet mondial “Climat et Territoires” de Lyon début juillet, Sommet mondial des gouvernements locaux pour le climat à Paris pendant la COP21. Elle tiendra sa 15e Conférence des Villes sur ce thème, le 23 septembre 2015, à l’Hôtel de Ville de Paris. L’occasion de montrer que notre pays doit rattraper son retard par rapport aux autres pays européens en matière de décentralisation des politiques énergétiques.
Jean-Luc Moudenc, président de l’Association des maires de grands villes de France, maire de Toulouse, président de Toulouse Métropole