20 ans déjà. Le 29 mai 2005, le peuple français disait non au Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE).
Le plus extraordinaire ne fut pas tant ce refus, mais les efforts constants, insidieux, mensongers, de la classe dirigeante pour gommer cet évènement. À commencer évidemment par la ratification scélérate du traité de Lisbonne, jumeau du TCE, en 2008. Aujourd’hui encore, à la veille de cet anniversaire, il est frappant de voir à l’œuvre les artisans de cette sape antidémocratique, entre amnésie volontaire et récupérations tous azimuts, en préparant la prochaine échéance électorale par exemple.
On ne pourrait que mépriser cet acharnement s’il n’était pas le signe d’une volonté politique plus profonde : détruire le peuple en tant que souverain, c’est-à-dire les fondements de la République, anéantir le vote populaire au nom d’une Europe qui se voudrait une institution fédérale, imposer une vérité politique contre l’esprit critique.
C’est pour ces objectifs non affirmés que nombre d’experts des institutions expliquent que le vote Non émis par les Français prouve simplement qu’il ne fallait pas leur poser la question. À bas les référendums quand ils ne donnent pas la réponse attendue par la classe dirigeante ! Élémentaire, comme dirait l’autre. Certains, à peine plus subtils, analysent les Français comme s’étant trompés de vote ou n’ayant pas compris la question. Doit-on comprendre que les parlementaires avaient parfaitement compris et analysé les quelques 400 articles du traité de Lisbonne destiné à bafouer le vote en France -comme d’ailleurs aux Pays-Bas ?
Ces tentatives pour déconsidérer la démocratie et le peuple en tant que souverain seraient pathétiques et ne serviraient qu’à ridiculiser leurs auteurs si elles ne rencontraient pas une étonnante passivité de la part des citoyens. Non pas que les Français acceptent de gaité de cœur qu’on les ignore, mais il semble souvent difficile de sortir du carcan imposé par notre mode de fonctionnement politique. Déjà le 29 mai 2005 n’avait pas été suivi par des demandes de remises en cause politiques profondes, mais pour l’essentiel par des appels à trouver le « bon candidat » à l’élection présidentielle suivante.
Comme si un vote aussi massif transcendant les clivages politiques traditionnels pouvait entrer dans le cadre classique des oppositions partisanes ! Il est dur de sortir des figures imposées, surtout lorsque celles-ci sont des instruments de vassalisation. La solution ne pouvait être que collective, par la dissolution de l’Assemblée nationale par exemple ou, plus sûrement, par une remise en cause fondamentale de nos institutions. Depuis 2008 et la ratification scélérate du traité de Lisbonne, l’Association pour une Constituante célèbre, chaque 29 mai, dans le jardin des Tuileries, à l’endroit précis où fut proclamée la République, l’anniversaire du référendum de 2005 afin d’en entretenir la mémoire et de préparer, hors de tout calendrier électoral ou partisan, la reconstruction du peuple comme communauté politique par lui-même et pour lui-même.
La recréation de vraies pratiques démocratiques est plus que jamais à l’ordre du jour. La reconstitution d’un peuple en tant que corps politique est de l’ordre du travail de Sisyphe. Bien sûr, le fonctionnement des institutions est nécessaire au pays. Mais il ne saurait suffire à recréer une démocratie aujourd’hui à terre. Ce 20ème anniversaire est l’occasion d’y appeler.
André Bellon
Président de l’Association pour une Constituante (www.pouruneconstituante.fr)