La corruption des généraux algériens continue de faire des ravages. Bien que l’on assiste à une augmentation des condamnations, les actes frauduleux semblent être passés sous silence lorsque la justice internationale n’est pas convoquée.
Lancé au printemps 2020, un processus de démantèlement du système du général défunt Ahmed Gaïd Salah, avait commencé à sérieusement mettre en lumière les pratiques mafieuses de l’armée algérienne.
En Algérie, la corruption revêt de multiples facettes. Elle se traduit parfois par de la dilapidation d’argent public, comme ce fut le cas lorsque le général-major Lechkham avait acquis du matériel de télécommunication et de l’équipement électronique à hauteur de 2 milliards de dollars sans que ces acquisitions ne représentent un réel intérêt pour l’Armée nationale et populaire (ANP). D’autres fois, c’est sous l’angle de l’oppression latente que les généraux exercent leur pouvoir.
De nombreux témoignages indiquent que, quelles que soient les situations, il y a toujours un général derrière une affaire de corruption. Ces derniers auraient même des secteurs d’activité bien organisés. Certains s’occupent par exemple du marché du sucre, et d’autres des importations de café.
Déjà à la fin des années 90, un entrepreneur algérien qui avait tenté un temps de défier ces systèmes frauduleux, s’était vu salir dans plusieurs grands journaux locaux. L’homme d’affaires, né en Algérie, et alors installé en Belgique, avait décidé d’envoyer du lait à des tarifs moins chers que la concurrence qui, pour conserver son implantation, collaborait avec plusieurs généraux. L’entrepreneur avait été victime de différentes campagnes de propagande, notamment dans l’Authentique, le journal du puissant général Betchine (mort en novembre 2022).
Plus récemment encore, Youcef Baadja, négociant en matières premières, a déclaré avoir été victime de menaces particulièrement sordides. Lui aussi n’avait pas accepté de céder aux propositions de plusieurs généraux. Enlevé à deux reprises devant chez lui par les Services de renseignement algériens, l’on tentera même d’atteindre à sa vie en empoisonnant son café dans un lieu public. Pris par la peur, également pour sa femme et ses enfants, Youcef Baadja sera contraint de quitter l’Algérie, son pays natal, et de s’exiler en Suisse et en Espagne.
Depuis, sa seule présence dans des pays arabes est devenue source d’angoisses. Il y a quelques mois, les Services de renseignements algériens sont allés jusqu’à sommer le gouvernement libyen de livrer l’entrepreneur alors que celui-ci se trouvait à Benghazi où il venait signer un contrat avec l’État libyen.
Par chance, la Libye ne se plia pas aux demandes algériennes. Là encore, c’était un général, Djabar Mhenna, également directeur des Services de renseignement algériens qui avait pris en charge l’opération visant à contacter directement le chef des Renseignements de Benghazi en Libye.
De plus en plus régulièrement, ces pratiques scandaleuses sont mises à mal par la justice lorsque les procédures sont élevées à un rang international.
Récemment, c’est un groupe ferroviaire espagnol qui a eu gain de cause. Le gouvernement devra verser à celui-ci plus de 17 millions d’euros.
Cela ne s’arrête pas là, au seul été 2023 et avec trois arbitrages perdus, l’Algérie a été condamnée à s’acquitter au total de 400 millions de dollars – mais au-delà des affaires financières, la terreur exercée conduit souvent à des désastres personnels.
Tom Benoit,
Directeur de la rédaction de Géostratégie magazine