L’accord du 11 mars 2024 marque une étape historique dans la relation entre l’État français et la Corse, en reconnaissant une large autonomie à l’île tout en préservant son appartenance à la République, un article de Michel Scarbonchi, ancien Député européen pour la Revue Politique et Parlementaire.
Le 11 mars 2024, l’Etat et la Collectivité de Corse signait un accord prévoyant un nouveau statut d’autonomie pour l’Ile au sein de la République.
L’Assemblée de la collectivité l’entérinait, le 27 mars, à une large majorité, 73 voix contre 12.
De quoi s’agit-il ? Essentiellement « les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptation » propre à la Corse. Point de co-officialité du français et de la langue corse ; point de statut de résident. Si cet accord passe les obstacles du Sénat et de l’Assemblée Nationale ainsi que le filtre du Conseil Constitutionnel, l’Ile pourra, dès 2025, fixer ses propres règles en matière d’urbanisme, de droit de succession, de santé aujourd’hui toujours seul territoire national à ne pas disposer d’un CHU), ou la mise en place d’une fiscalité anti-spéculative.
En somme, à l’Etat ses compétences régaliennes-défense, affaires étrangères, justice, police- à la collectivité autonome, la gestion en proximité et au quotidien, la vie des insulaires.
Cette répartition des taches permettra à la Corse de faire, enfin, face à ses deux handicaps majeurs, une montagne dans la mer.
On pourrait y ajouter l’absence d’industrie, une faible démographie, un PIB insuffisant…
Cet Accord met fin à plus de cinquante années d’affrontement, d’incompréhension et de paupérisation de la Corse, marqués par les évènements d’Aléria, l’assassinat du préfet Erignac et celui, en prison, d’Yvan Colonna.
Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin ont fini par prendre en compte la victoire électorale des autonomistes aux deux scrutins régionaux avec comme conséquence la marginalisation des nationalistes et l’effondrement des partis traditionnels, de gauche comme de droite.
Gilles Siméoni a réussi, dans la lignée de son père Edmond, le pari de démontrer la réalité politique des autonomistes et de se poser en interlocuteur incontournable des autorités nationales pour solutionner le problème Corse.
Mais, dès l’annonce de cet Accord que n’avons-nous entendu !
Les cris d’orfraies de Bruno Retailleau, de Manuel Valls et d’anciens membres du Conseil Constitutionnel dénonçant, qui « le démantèlement de la nation », qui « une dérive communautariste », qui « le préalable à l’indépendance », qui « l’organisation d’un référendum national » laisse présager d’un futur débat tendu.
De quoi ont-ils donc peur ?
Ces gardiens du « temple Constitution de la Vème République » n’ont pas compris que 33 territoires outremarins ont un statut d’autonomie ; que la Sardaigne et la Sicile sont autonomes depuis 1949 et toujours pas indépendantes ; que la terre qui a donné naissance à deux illustres personnages, Pascal Paoli, auteur de la première constitution communautaire européenne et Napoléon, auteur de l’Etat moderne mérite intérêt et considération et que lui donner un « statut avancé » ne met pas en danger la République.
Ils oublient aussi que la Collectivité de Corse (CDC) est déjà un laboratoire de l’évolution décentralisatrice de notre République avec, en 2018, la fusion des deux départements et de la région en une entité unique disposant de compétences que n’ont pas les régions actuelles.
Loin d’affaiblir la Nation, l’autonomie de la Corse va l’enrichir, donner un sens à une jeunesse déboussolée et lui permettre de jouer, pour la France un rôle en méditerranée comme le souhaitait le Président de la République dans son discours de Bastia, en septembre 2023.
Michel SCARBONCHI
Ancien Député européen