En déplacement en Europe, Andrés Allamand, ministre des Affaires étrangères chilien a répondu aux questions de la Revue Politique et Parlementaire. Ce dernier évoque le plébiscite pour le changement de Constitution, la pandémie de la Covid-19 et la coopération internationale du Chili.
Revue Politique et Parlementaire – Après le plébiscite du 25 octobre où le « oui » l’a emporté, quelles sont les prochaines étapes du processus du changement de Constitution ?
Andrés Allamand – En 2019, le Chili a souffert d’une explosion sociale qui a été canalisée institutionnellement et démocratiquement par le biais d’un processus constitutionnel. Ce processus constitutionnel, repoussé par la pandémie de la Covid-19, a été initié lors du référendum d’octobre où la grande majorité des Chiliens ont déclaré vouloir une nouvelle Constitution.
Au mois d’avril prochain, 155 membres de l’Assemblée constituante seront élus pour rédiger une nouvelle Constitution. Le processus se poursuivra un an après la constitution de cette assemblée. Toutes les étapes du processus incluront toutes les forces politiques du pays et les citoyens.
RPP – Ce plébiscite, c’est une réussite pour le Chili ? Quels changements constitutionnels au Chili ? À quoi doit-on s’attendre ?
Andrés Allamand – Ce que le Chili a réussi, c’est avancer vers une nouvelle Constitution de manière pacifique et démocratique, laissant de côté la violence. On maintient l’objectif principal, c’est à dire que la Constitution sera la base pour que le pays continue de progresser dans la paix et pour tous.
Fondamentalement, la Constitution doit résoudre trois questions. Premièrement, la question principale est de savoir si le régime de gouvernement présidentiel comme celui que nous avons au Chili sera maintenu ou non. Il y a des forces politiques qui pensent que le Chili devrait peut-être connaître un régime parlementaire ou un régime semi-présidentiel où la référence obligatoire est la France. La deuxième question est de savoir comment les droits sociaux vont être organisés, quels seront les règlements sur l’éducation et la santé. Une troisième question d’un grand intérêt est de savoir quels seront les droits dit « de la quatrième génération » qui seront inscrits dans la nouvelle Constitution. C’est à dire les droits qui encadrent la protection de la vie privée, l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, ainsi que l’impact des nouvelles technologies. Ce débat constitutionnel chilien aura donc ces trois dimensions : le régime politique, les nouveaux droits sociaux, les garanties des droits individuels.
RPP – Quels sont les progrès que le Chili a réalisé durant ces dernières années ?
Nous sommes conscients que le Chili a joué un rôle important durant les trente dernières années. Nous avons consolidé une démocratie stable qui respecte les droits humains, nous avons progressé considérablement économiquement et socialement. Quand la démocratie est revenue dans les années 90, 60 % des Chiliens vivaient dans la pauvreté. 30 ans après, environ 8 % des Chiliens vivent dans la pauvreté.
D’un autre côté, le Chili a conclu des partenariats sur différents continents notamment en Europe avec l’Union européenne depuis 2020. Je pense que nous devons continuer à progresser avec l’idée qu’il faut de la justice et de l‘égalité.
RPP – Est-ce que le Chili a réussi les objectifs fixés durant la pandémie de la Covid-19 ?
Andrés Allamand – Plus que jamais, le Chili veut être un pays sérieux qui fait les choses dans l’ordre. Pour le cas de la Covid-19, nous avons réalisé le plus de tests en Amérique Latine et nous avons effectué des suivis pour maîtriser cette pandémie. Cette traçabilité des contaminations nous donne des résultats qui sont très positifs. Nous sommes très attentifs à la possibilité d’une seconde vague comme celle qui touche actuellement le continent européen. Nous pensons que nous allons récupérer notre économie après cette crise, plus facilement que certains pays de l’Amérique du Sud.
RPP – Dans le monde entier, on évoque des crises sociales et économiques. Est-ce une vision que vous partagez dans le cas du Chili ?
Andrés Allamand – Je partage le point de vue du président français Emmanuel Macron, il y a des crises conjoncturelles et il y a des crises structurelles. Dans le cas de la Covid-19, il s’agit d’une crise conjoncturelle. Pour les crises structurelles, le plus souvent le défi c’est de réduire les inégalités sociales à l’intérieur du pays mais également au niveau international. Tous les pays du monde doivent faire face à ces crises qu’elles soient sociales, économiques mais aussi environnementales.
Le Chili veut donner une nouvelle impulsion sur les questions qui touchent l’environnement et le changement climatique.
On a pu le démontrer lors de la dernière COP25 où nous avons ajouté la question de la pollution des océans. C’est important de s’engager pour les générations futures.
RPP – Commerce, environnement, sciences… Quelle est la contribution internationale du Chili ?
Andrés Allamand – Pour le moment, nous avançons sur nos accords à l’international notamment avec l’Union européenne. Nous souhaitons également maintenir notre relation commerciale avec la Chine mais aussi développer un partenariat avec l’Inde.
La contribution internationale du Chili, ce n’est pas seulement les accords commerciaux ou la participation à des sommets internationaux. C’est aussi d’attirer le regard sur notre futur et nos intérêts communs. Notre vision de l’Antarctique par exemple, c’est de créer des aires protégées pour la nature et la biodiversité présentes. Ce continent est entouré des océans Atlantique, Indien et Pacifique. Nous nous devons d’avoir une coopération mondiale coordonnée.
Andrés Allamand
Ministre des Affaires étrangères chilien
Propos recueillis par Guillaume Asskari, journaliste et producteur, spécialiste de l’Amérique latine