Trois mois après les élections régionales, Gérard Le Gall nous livre une analyse très complète des résultats de cet ultime scrutin avant la présidentielle et les législatives de 2017.
Les sixièmes élections régionales qui se sont déroulées les 6 et 13 décembre 2015 se présentent avec de nouveaux habits après la réforme issue de la loi du 16 janvier 2015. La France métropolitaine connaît désormais treize régions dont sept nouvelles après fusions d’anciennes collectivités territoriales issues de la loi de 1982.
Cette ultime consultation électorale du quinquennat de François Hollande survient après les municipales, les européennes, les sénatoriales de 2014 et les départementales de mars 2015. Elle va susciter une vive attente seize mois avant le rendez-vous présidentiel de 2017. L’étude qui suit a un triple objet : d’abord rappeler des connaissances générales sur la chose régionale depuis 1986, ensuite livrer une interprétation des résultats en les resituant dans le temps et en s’interrogeant pour savoir si ils confirment les précédentes sous le quinquennat de François Hollande, enfin tirer quelques enseignements dans la perspective de 2017.
Un peu d’histoire
Convoquer l’histoire pour comprendre la nature d’une élection, ici les régionales, c’est nécessairement faire de l’histoire au temps court. Il fallut, en effet, attendre l’année 1986 pour que s’ouvre une première édition, contrairement aux cantonales et municipales qui connurent le statut de collectivités territoriales élues au suffrage universel sous la IIIe République respectivement en 1871 et 1884.
Cependant chaque millésime des élections régionales va accompagner un temps fort de notre vie nationale ou être un signe précurseur d’un tournant politique.
1986 ne fut pas une élection intermédiaire, mais une simple doublure de la première élection législative, qui ouvre la voie à une première cohabitation sous la Ve République. 1992 vit la gauche électorale ramenée à son étiage depuis 1945. Elle constitue alors le signe annonciateur d’une lourde défaite en mars 1993 et d’une deuxième cohabitation. 1998 survient moins d’un an après une « dissolution hasardeuse » du président Chirac qui voit la victoire de la gauche plurielle. Comme en 1986, ce contexte va davantage contribuer à nationaliser le scrutin qu’à le régionaliser. Deux enseignements doivent aussi retenir l’attention. D’une part une expression électorale relativement forte de l’extrême gauche qui connaîtra son apogée le « 21 avril 2002 » et d’autre part une manifestation, plus nette qu’en 1986 (en 1992, la droite n’en n’avait pas besoin) d’alliances d’une partie de la droite parlementaire avec le Front national au moment de la désignation du président de l’exécutif régional.
L’année 2004, comme 1992, demeure l’archétype de l’élection intermédiaire et sa traduction en vote sanction à l’encontre d’un exécutif très impopulaire. Sanction amplifiée, précisons-le, par un nouveau mode de scrutin proportionnel à deux tours. 2010, première vraie consultation régionale, sans jumelage depuis 1986, va nettement confirmer les municipales perdues par Nicolas Sarkozy, phénomène que les élections européennes de juin 2009 pouvaient masquer un an plus tard par la victoire de l’UMP, mais avec seulement 20,7 % des suffrages. Aux yeux de quelques analystes, « 2008 », confirmée par « 2010 » et le retour du Front national, préfigurait une nouvelle alternance en 2012.
Variations autour des modes de scrutin
Avec la grande alternance de 1981, la région va changer de statut par la loi du 2 mars 1982. Elle passe d’institution infra-politique à collectivité territoriale. Il faudra néanmoins attendre la loi du 10 juillet 1985 pour que soit fixée l’organisation de l’élection des vingt-deux conseils régionaux. Elle se fera selon un mode proche des nouvelles dispositions relatives aux élections législatives. Triomphe du départementalisme ? On observera que rien n’est fait pour assurer la notoriété du fait régional quand les régionales sont fixées le même jour, le 16 mars 1986.
Les conseillers régionaux seront élus pour six ans à la proportionnelle, à un tour au scrutin de liste départemental. Ce mode de scrutin perdurera jusqu’en 1998, année qui connut de graves dysfonctionnements lors de l’élection des exécutifs régionaux, notamment dans les régions où le rapport de force gauche/droite était serré. En effet, contrairement aux déclarations durant la campagne, une fraction de la droite parlementaire pactise avec le Front national. Ce dernier y joue, dans cinq régions, un rôle d’arbitre particulièrement actif. Pour remédier à ce détournement du mandat populaire, le gouvernement de Lionel Jospin fit adopter une loi d’essence libérale où l’électeur retrouve sa souveraineté grâce à un second tour où il peut peser sur le choix des alliances en vue du troisième tour. Cette nouvelle loi, proche de celle des municipales, du 19 novembre 1982, permet de dégager des majorités de gestion grâce à une prime – 25 % des sièges – à la liste arrivée en tête au tour décisif, au premier ou au deuxième tour. Autre modification qui, cette fois, contribue à renforcer la dimension régionale de l’institution, l’organisation du scrutin toujours avec maintien de la section départementale, mais où toutes les listes de chaque département de la région sont homothétiquement calquées sur l’offre politique régionale.
Cette réforme réaliste de 1999, comme la réforme municipale de 1982 tant vilipendée à l’époque, ne fut jamais remise en cause dans son architecture. Elle va cependant, dans la perspective du renouvellement en 2004, connaître des modifications sous le gouvernement Raffarin. Celles-ci vont porter essentiellement sur une question capitale : le choix du niveau des seuils dans le processus électoral. In fine, après décision du Conseil constitutionnel modifiant le projet de loi du gouvernement, ces derniers vont passer de 3 % à 5 % des suffrages exprimés pour la fusion de listes entre les deux tours, de 5 à 10 % pour pouvoir se maintenir au second tour, enfin de 3 à 5 % pour la répartition des sièges.
Une réforme du 16 décembre 2010 créée en place des conseillers généraux et des conseillers régionaux un « conseiller territorial » élu au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans une nouvelle circonscription cantonale. Le renouvellement de 2010 était dès lors prévu en 2014. Une réforme des collectivités locales du 17 mai 2013 va rétablir le conseiller régional et le mode d’élection antérieur.
De nouvelles configurations géopolitiques
Le 14 janvier 2014, le chef de l’État ouvre un processus qui aboutira au 1er janvier 2016 à une France métropolitaine organisée en treize régions. Ces nouvelles entités seront créées en application de la loi promulguée le 16 janvier 2015. Elles se feront à partir des vingt-deux régions selon le double principe du maintien en l’état pour une minorité d’entre elles et par fusion entre régions avec un impératif de non modification des départements qui les composent. Celles qui ont conservé leurs contours géographiques, parfois après d’âpres débats, sont au nombre de six : Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Île-de-France, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Parfois loin de la démocratie participative, les autres ont paru fusionner sur le mode injonctif de l’exécutif. Ici avec l’adhésion des élus et des populations comme par exemple entre les deux Normandie et entre la Bourgogne et la Franche-Comté, là souvent avec une résistance plus ou moins accentuée comme dans le Grand Est, avec une Alsace très rétive, ou encore entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, ou entre Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Certaines régions ont, semble-t-il, évoluées selon des cartes plus ou moins officielles. Ainsi le Limousin parfois rattaché au Centre-Val de Loire, parfois avec Poitou-Charentes et qui, in fine, fera corps avec la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
Le principe de cette réforme structurelle par reconfiguration politico-administrative, maintes fois évoqué de tous bords depuis les années 70, a été immédiatement salué par l’opinion. Cette dernière, accompagnant le gouvernement, y voyait certes une forme de modernité, mais surtout un moyen de faire des économies. Ultérieurement, l’opinion va quelque peu évoluer quand le débat autour des « bénéfices » à court terme de la réforme paraissait aléatoire et sans doute plus encore, à l’aune de la visualisation du projet réel dans chaque région comme dans l’ensemble de la métropole1.
En 1982, l’esprit de la décentralisation est particulièrement teinté de considérations idéalistes autour d’ « une nouvelle démocratie », d’un renouvellement des élites locales, et d’une volonté d’intégration de la société civile dans la décision politique. Dès 1986, avec le symbole du reclassement de futurs battus aux législatives, l’élan initial connaît un début de désenchantement. Le nouvel espace va, en effet, reproduire les codes et les modes de fonctionnement de la démocratie représentative la plus traditionnelle. Près de trente-cinq ans plus tard, la loi de 2015 se veut plus marquée du sceau du réalisme et d’emprunt à l’esprit du temps. Pas d’inflation d’élus comme en 1986 pour les législatives, ainsi le nombre d’élus régionaux et leur répartition entre les régions reconfigurées demeurent inchangés. Pour les mandats acquis lors du présent renouvellement, leur durée est réduite de neuf mois, ceux-ci prenant fin en mars 2021. Dès lors, sauf réforme ultérieure, les assemblées départementales et régionales seront élues le même jour.
Il y avait aussi urgence à clarifier les compétences2 notamment entre le département et la région et à imposer plus de rationalité et d’efficacité économiques en donnant force à la région, par un effet de taille à l’image des grandes régions européennes. Les choix politiques ayant souvent prévalu, la lecture attentive du tableau 1 montre qu’on s’est éloigné de l’objectif. Au final on compte treize régions inégalitaires et, à quelques exceptions près, loin de l’échelle européenne. On l’observe en termes de démographie, comme selon la puissance économique, sans évoquer leur superficie. À l’issue de cet exercice impossible de reconfiguration spatiale ou, si le gouvernement avait suivi les experts, les historiens, les géographes, les démographes il eût subi le triste sort de l’âne de Buridan. La nouvelle carte à laquelle on s’habituera, paraît relativement cohérente au regard de la géographie, des cultures et de l’aménagement du territoire.
Tableau 1 – L’univers administratif, démographique et économique des régions(1)

Si l’on regarde la carte d’un point de vue politique, les nouvelles régions voyaient, lors du second tour de la présidentielle de 2012, la victoire du nouveau président de la République à six reprises : Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes : 57,2 %, Bretagne : 56,3 %, nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : 54,7 %, Île-de-France : 53,3 %, nouvelle région Picardie-Nord-Pas-de-Calais : 53,1 % et enfin nouvelle Normandie : 51,8 %. Quant à l’ancien président, trois votaient majoritairement en sa faveur : Provence-Alpes-Côte d’Azur : 57,6 %, Corse : 55,8 % et la nouvelle région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine : 55,9 %. Quatre autres régions connaissaient un rapport équilibré entre le président sortant et le nouveau : Pays de la Loire : 51,1 % pour François Hollande, Bourgogne-Franche-Comté : 50 %, la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes : 49,7 %, enfin la région Centre-Val de Loire : 49,4 %.
L’avant élection
Un environnement anxiogène sans précédent
Depuis les élections départementales de mars, le climat socio-économique de la France ne s’est guère amélioré. Une vive critique sociale tout azimut se fait jour régulièrement à propos de beaucoup de projets de réforme du gouvernement : un jour ce sont les médecins, un autre les avocats quand ce ne sont pas les enseignants face à la réforme du collège ou les fonctionnaires à propos de leur statut, ou encore, plus durablement, les éleveurs de porcs inquiets de la baisse des cours. Le plus préoccupant demeure le chômage. Début décembre, à quelques jours du scrutin, l’Insee fait état d’une nette et inattendue dégradation du marché de l’emploi au troisième trimestre qui se traduit par une hausse du taux de chômage de 0,2 % entraînant un record du nombre de chômeurs depuis 1997.
À ce climat économique et social dominant depuis la crise de 2007-2008, va s’ajouter et se préciser au fil des mois la menace du terrorisme islamique qui grimpe dans la hiérarchie des préoccupations de nos compatriotes et qui envahit l’espace médiatique. Parfois éloignée géographiquement, la menace se fait jour violemment en France avec les attentats de janvier 2015 à Charlie Hebdo puis à l’Hyper Cacher de Vincennes. Ils vont susciter une immense émotion dans les profondeurs du pays et une forte solidarité à l’échelle internationale. Les mois qui suivent vont encore alourdir l’atmosphère et ouvrir une nouvelle rubrique dans les journaux télévisés avec l’arrivée massive en Europe de réfugiés, notamment syriens, en provenance de la Turquie. Mais le choc le plus violent viendra un mois avant le scrutin avec les tragiques attentats, en Île-de-France dans la soirée du 13 novembre, qui firent 130 morts. Les autorités proclament la France en guerre. Près de 25 millions de Français vont exceptionnellement, pendant une semaine, regarder chaque soir les journaux télévisés. C’est la première fois, depuis la fin de la guerre d’Algérie (1962), que les Français votent dans un climat aussi anxiogène.
Les enjeux du scrutin et la campagne électorale
Cet environnement exceptionnel qui précède le scrutin va logiquement éclairer d’une lumière particulière les enjeux du rendez-vous électoral. Face à l’ennemi de la démocratie, la première interrogation porte naturellement sur l’ampleur de la participation au scrutin. Même pour des élections locales, sans enjeu national, les Français vont-ils se mobiliser plus fortement et bousculer les statistiques de l’abstention des derniers scrutins tant européens (2014) que départementaux (2015) respectivement 56,5 % et 49,7 %.
La juste attitude du président et du gouvernement pendant et après les événements, la proclamation de l’état d’urgence, des annonces de durcissement des lois relatives à la sécurité et dans un autre registre le succès de la Cop 21, autant de décisions et de réussites saluées par l’opposition et par l’opinion selon toutes les enquêtes des instituts de sondages, allaient-ils se traduire dans les urnes par de meilleurs soutiens aux listes qui se reconnaissent dans l’action de l’exécutif ? Mais par delà ces interrogations, l’une d’entre elles va, de manière privilégiée, mobiliser toute l’attention de la gauche comme celle de la droite, des syndicats de salariés comme du Medef, des médias français comme ceux des capitales étrangères : le Front national va-t-il tirer un profit électoral d’une nouvelle donne focalisée sur les questions de sécurité et d’identité et par là même battre sa performance des départementales : 25,8 % en métropole ?
On en oublierait presque qu’il s’agissait de renouveler des conseils régionaux élus en 2010 et où l’opposition de gauche conservait vingt-et-une régions sur vingt-deux.
Au cours de la campagne, le débat public se focalise de plus en plus sur ce qu’il conviendrait de faire face à une certitude : la présence du FN dans toutes les régions au second tour.
Plus précisément, il s’agissait de savoir comment adapter les stratégies – front républicain, retrait de listes, fusion de listes – notamment dans deux régions, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une fois encore, les enjeux régionaux passeront au second plan. Certains candidats n’hésiteront pas à s’approprier des pouvoirs de l’État que naturellement la loi ne leur accorde pas, par exemple en matière de sécurité.
Si les études d’opinion montrent un intérêt accru dans les jours qui précèdent le scrutin par rapport à celui manifesté en 2010, la comparaison entre la vague d’octobre 2015 et celle post-attentats montre une petite hausse de un point (de 59 à 60 %), mais néanmoins une baisse de deux points parmi ceux qui répondent « beaucoup ». À la question, toujours riche d’enseignements, posée chaque mois par l’Ifop : « Pour chacun des sujets suivants dites-moi s’il a animé cette semaine vos conversations avec vos proches, chez vous ou au travail ? », la comparaison des réponses entre les vagues pré ou post-attentats montre une progression de trois points, de 29 à 32 % en faveur de l’item « la campagne électorale ». Elle se situe au quatorzième rang d’une série de quinze réponses avec en tête, à un niveau sans précédent, « les attentats du 13 novembre 2015 à Saint-Denis et à Paris ». Précisons que l’item « campagne électorale » arrive derrière « la mise en cause du joueur de football Karim Benzema dans le cadre d’une affaire de chantage », mais devant « la sortie au cinéma de Star Wars, le réveil de la Force » !
Afin de compléter la description du paysage pré-électoral, on soulignera, sans nouveauté, une forte méconnaissance de l’orientation politique des exécutifs régionaux sortants et, autre signe d’atonie politique, une relative indifférence à un basculement politique de leur région, sauf dans l’hypothèse d’une conquête par le FN3.
De septembre à décembre 2015, les intentions de vote livrées par les instituts de sondage n’ont pas connu d’évolutions majeures. Les listes PS alliées au PRG oscillent entre 21 et 23 %, celles LR-UDI-MoDem autour de 27 % tandis que le FN avoisine les 28-29 %.
L’offre électorale et les limites d’une approche trop quantitative
Toute approche historique de l’offre aux régionales doit distinguer deux périodes. La première, avant la réforme de 1999, avec une autonomie de candidatures à l’échelle départementale (1986-1992), la seconde avec l’obligation d’unité régionale. Pour mémoire on comptait 6,8 listes par circonscription en 1986, 8,6 en 1992 et 6,7 en 1998. Avec 8,4 listes en 2004, 9,7 en 2010 et 10,1 en 2015, on constate que la réforme n’a pas eu mécaniquement d’effet contraignant sur l’offre. Preuve qu’elle obéit moins aux logiques institutionnelles qu’aux variations du système des partis, à la vie sociale et politique ou à des particularismes régionaux4. La petite inflation de 2010-2015 est par exemple la résultante d’une gauche qui, contrairement à 1998 et 2004, se présente en ordre dispersé. Les variations peuvent encore être le fait d’une extrême gauche qui joue uniquement sur l’une de ses gammes (L.O. en 2015) ou d’une écologie politique plus ou moins diversifiée ou encore d’une droite plus ou moins unie, voire de l’émergence de nouvelles forces politiques.
En 2015, 131 listes se présentent au suffrage des électeurs (tableau 2) avec quelques variations selon les régions par exemple : huit dans le Centre-Val de Loire et treize en Île-de-France. L’observation la plus importante nous paraît être dans une perception globale d’une offre marquée par une gauche dispersée. De fait, elle l’était autant en 2010 sans contrarier son vif succès. Pour sa part, la droite est justement apparue plus unie.
Tableau 2 – L’offre électorale dans les treize régions métropolitaines
L’exceptionnalité du scrutin s’illustre à gauche moins dans l’offre entre partis que par une complexité des situations parfois au sein d’une même formation. Ainsi, le PCF qui n’a plus d’alliance avec le PS, lui-même allié au PRG, sauf en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, se présente en liste séparée dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Auvergne-Rhône-Alpes. Le Front de gauche et chacune de ses composantes – PC, PG, Ensemble – connaissent des stratégies variables. EELV souvent solitaire dans huit régions est aussi en partenariats avec le Front de gauche en PACA et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ou encore avec le seul Parti de gauche.
À droite l’alliance LR-UDI de 2010 est reconduite avec l’apport du MoDem sauf en Bourgogne-Franche-Comté. Elle est partout en concurrence avec Debout la France et quelques listes Divers ou Divers droite (tableau 3). Le FN est présent dans toutes les régions et, cette fois, ne subit la concurrence d’une liste d’extrême droite que dans deux régions : PACA et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, contre dix en 2010.
Tableau 3 – La tripartition des suffrages par région et le phénomène des petites listes

(2) En suffrages exprimés
Mais une approche purement quantitative selon le nombre de listes peut être un trompe-l’œil. Sans entamer l’analyse des résultats, on retiendra que sur les 131 listes qui concourent, 70 obtiennent moins de 5 % dont 46 moins de 2 % ! Les 19 qui passent la barre des 5 % des suffrages exprimés peuvent fusionner, mais pas se maintenir. Seules 42 listes, qui réalisent plus de 10 %, vont être présentes au second tour, parfois en fusionnant avec une autre liste.
Premier tour : victoire du FN
Abstention : malgré un reflux, toujours l’asthénie démocratique
Le 6 décembre le niveau de l’abstention en métropole (tableau 4) confirme ses reflux des derniers scrutins : -3,6 points par rapport à 2010, qui succède à -6 points aux départementales de mars 2015 par rapport à 2011 et à -2,2 points aux européennes de juin 2014 par rapport à 2009. Comment interpréter ce mouvement d’atténuation de l’incivisme quand, selon toutes les enquêtes d’opinion, l’univers politique et ses acteurs connaissent depuis deux ou trois décennies des niveaux très élevés de scepticisme convertis en défiance ? Dans ce contexte, seul le maire bénéficie d’une bonne confiance, mais pour les conseillers départementaux comme pour les conseillers régionaux, elle est médiocre mais sensiblement supérieure à celle des députés et des partis politiques5.
Tableau 4 – L’abstention, les blancs et nuls au premier tour des élections régionales (1986-2015)(1)

(2) Régionales couplées avec des législatives
(3) Régionales couplées avec des cantonales
Une interprétation trop optimiste de ce reflux nous paraît devoir être nuancée pour trois raisons. La première parce que ce mouvement se réfère à trois types de consultations après des records historiques. La deuxième parce que lors de chacune d’entre elles, environ un inscrit sur deux, voire plus, ne participe pas au scrutin : 56,5 % aux européennes, 49,8 % aux départementales et 50,1 % aux régionales. Enfin, parce que les municipales de mars 2014 se révèlent à contre courant quand le niveau de non participation (36,5 %) bat le précédent record absolu de 2008 (33,5 %) comme ce fut le cas en juin 2012 aux législatives qui succèdent à la présidentielle (42,8 %).
La lecture de l’abstention durant les deux derniers quinquennats présidentiels confirme la classique hiérarchie de la participation selon les enjeux, d’abord la présidentielle, les législatives, puis les européennes. Pour les élections territoriales c’est toujours une nette prévalence pour les municipales, mais une quasi-équivalence entre les dernières régionales et départementales malgré un attachement plus grand des Français pour les premières que pour les secondes, quelles que soient les strates de populations6. Elle montre, tendanciellement encore, derrière des variations plus ou moins sensibles liées à la conjoncture politique comme au rythme de convocation de l’électeur, un haut niveau de détachement, voire de lassitude, pour les formes traditionnelles de la participation politique.
Tableau 5 – Les résultats du premier tour des élections régionales(1)

(2) Listes EELV alliées à FG ou PG
Si d’un point de vue global, tant sociologique que géographique, on retient à travers les études d’opinion, comme de l’observation cartographique, les mêmes grandes caractéristiques de l’abstentionnisme politique que par le passé on peut, en se focalisant sur les régions et les départements à forts enjeux autour du FN, constamment évoqués au cours de la campagne, percevoir quelques mutations spectaculaires. Ainsi l’indicateur forgé par le calcul du rang de classement des départements selon leur niveau d’abstention dévoile-t-il dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA une dynamique spécifique dans les onze départements qui les composent. Pour preuve le Nord qui, lors du premier tour de la présidentielle de 2012, se classait au 91e rang sur 96 se retrouve au 21e ou le Pas-de-Calais qui passe du 73e rang au 4e ou encore la Somme du 59e au 2e rang ! Même tendance, bien que moins nette, dans le Vaucluse du 54e au 18e rang ou dans les Alpes-de-Haute-Provence du 37e au 5e. On retiendra encore la Corse très abstentionniste aux élections nationales, la Corse du Sud et la Haute Corse se classent au 94e et 95e rang en 2012 – juste devant la Seine-Saint-Denis, toujours dernière – qui se retrouvent respectivement au 3e et 1er rang !
Tableau 6 – Les résultats du premier tour par grandes tendances politiques
Cela illustre, si nécessaire que, par delà la puissance des variables sociologiques et la force de l’histoire des territoires, compte la dimension conjoncturelle où se manifeste de la part de l’électorat une réactivité sélective selon les enjeux et le vécu de leur culture régionale. D’un point de vue politique autour du questionnement classique d’une participation plus ou moins différentielle entre gauche, droite et Front national, les livraisons des institutions de sondage comme leurs références méthodologiques – proximité partisane ou vote par rapport à 2012 – me paraissent ne pas livrer des tendances assez nettes et assez convergentes entre la gauche et la droite, à l’exception du vote Le Pen de 2012, toujours moins abstentionnistes que les autres.
Tableau 7 – La tripartition par région au premier tour

(2) Listes LR-UDI-MoDem + Debout la France sans UPR classée « div », ici dans « autres »
(3) Total écologie (indépendants), régionalistes et « div »
(4) Total indépendantistes, autonomistes et « div »
(5) Total indépendantistes, autonomistes, « div » et extrême droite
Un moment historique pour la gauche électorale
À la veille du scrutin, une comparaison de la situation avec 2004 et 2010 présente, pour la gauche, de substantielles différences. En effet, en 2015, le PS et ses alliés assument depuis 2012 le pouvoir dans des conditions difficiles. Ils ne peuvent dès lors espérer bénéficier de la prime à l’opposition intrinsèque aux élections intermédiaires. Avantage en raison d’une sur-abstention des déçus de la majorité présidentielle qui se conjugue à une volonté de la sanctionner de la part de ses opposants naturels comme, dans une moindre mesure, par des franges de ses soutiens. Rappelons que ces logiques ont construit au fil des scrutins locaux, de 2004 à 2011, une hégémonie territoriale de la gauche qui atteint son sommet en 2008 sans être infirmée en 2010 aux régionales et en 2011 aux cantonales. D’autre part, parce que la décennie 2000 a été, après le traumatisme du « 21 avril 2002 », à l’exception de l’épisode conflictuel du référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, une période relativement harmonieuse où l’alliance entre formations de gauche sans être automatique, ni généralisée, selon les lieux et les circonstances peut se réaliser. À cet égard, 2015 marque une rupture par l’attitude du Front de gauche et d’Europe Écologie Les Verts dans une période où le FN est en position de force et de conquête. C’est un nouveau moment historique d’individualisme partidaire et de fragmentation stratégique. On l’observe aussi au sein même de leur famille politique.
Tableau 8 – La gauche électorale 2002-2015(1)

L’extrême gauche aux marges
Historiquement l’extrême gauche s’est toujours caractérisée en France par un fort pluralisme idéologique et par une aptitude particulière à exacerber les contradictions entre organisations. En 1998, L.O. d’Arlette Laguiller et la LCR d’Alain Krivine partent en ordre dispersé. 2004 voit l’existence de listes communes. 2010 marque le retour à la concurrence entre les familles trotskistes. Mais le NPA (février 2009), se voulant plus ouvert, s’allie dans deux régions au FG et dans quatre autres avec le seul PG de Jean-Luc Mélenchon. Au final, les résultats de l’extrême gauche sont éloignés des espérances et inférieurs aux européennes de 20097. En 2015 point d’affrontements entre les rivaux historiques puisque le NPA délaisse le combat électoral. L.O. demeure seule en piste dans toutes les régions. Malgré une montée de la pauvreté et un chômage record mais, il est vrai, une montée des préoccupations des Français autour du terrorisme et de l’immigration, les résultats de L.O. sont désastreux. L’extrême gauche connaît son plus bas niveau sous la Ve République (1,1 %). L.O., nous l’avons vu, sans concurrence dans son espace idéologique, ne peut dépasser 2 % dans aucune région et seulement, de peu, dans trois départements : Ardennes (2,1 %), Ariège et Hautes-Pyrénées (2,5 %). Son leader national, Nathalie Arthaud, ex candidate à la présidentielle de 2012 (0,5 %), tête de liste en Île-de-France, réalise 1,1 % à peine plus qu’aux européennes de 2014 (0,85 %) quand Besancenot la concurrençait (0,84 %).
La gauche de la gauche en désarroi stratégique
Signe des temps, dans les années 60 et 70 on évoquait une gauche non communiste pour parler du PS et du MRG. Après 1978, et l’inversion du rapport de force entre PS et PC, puis le déclin historique du PCF, nul ne parla de gauche non socialiste. Il a fallu attendre la présidentielle de 2002 et les performances de sept candidats non socialistes qui totalisent 26,8 %8 face au Premier ministre Lionel Jospin (16,2 %) pour que ressurgisse l’idée d’une possible alternative à l’hégémonie socialiste. Néanmoins, l’agrégation de suffrages conjoncturels obtenus par des personnalités très typées incarnant des courants idéologiques contradictoires peut difficilement constituer une base politique porteuse d’avenir en termes d’organisation. La suite le montre quand le phénix socialiste renaît de ses cendres.
Avec l’avènement en 2009 d’un nouveau pôle politique, le Front de gauche (PCF, PG, Ensemble), va s’affirmer dans le débat public la notion « de gauche de la gauche », un espace ni trotskiste, ni socialiste, ni écologiste, aux contours idéologiques parfois flous qui aurait vocation à rassembler les soutiens venus de ces trois familles politiques. Autres signes d’une période de mutation, contrairement à 1998, 2004 et 2010, le FG inaugure avec les régionales un système d’alliances à géométrie variable qui exclut le PS. Il part le plus souvent seul à la bataille, mais parfois, il pratique des listes communes avec EELV en PACA, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, en leur laissant le leadership. Parfois c’est le seul PG qui s’allie à EELV dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Auvergne-Rhône-Alpes tandis que le PCF s’y présente en liste séparée. On le voit, la complexité de la situation rend difficile une juste mesure des forces en présence au plan national. Il reste que, malgré un exécutif impopulaire, une extrême gauche exsangue, une situation économique et sociale difficile, la gauche de la gauche version 2015 ne parvient pas, comme ses équivalents Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne, à mobiliser les couches populaires derrière un projet novateur.
Tableau 9 – La gauche électorale par région 2012-2015

La difficulté de produire des chiffres globaux en raison des alliances nouées dans de grandes régions entre FG, PG et EELV, comme aux départementales avec les binômes, n’interdit pas de procéder par approximation. Ainsi peut-on évaluer la force nationale du FG autour de 5 %, soit un recul d’environ deux points par rapport aux départementales et presque équivalent par rapport aux européennes. L’énoncé de ses scores dans les régions où le FG se présente seul montre une grande faiblesse quand dans cinq régions il n’atteint pas les 5 % : Grand Est (3,1 %), Pays de la Loire (3,3 %), Bretagne (3,7 %), Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (4,9 %), Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire (4,6 %). Il réalise son meilleur score en Normandie (7 %), notamment grâce à l’ex-Haute Normandie, et en Île-de-France (6,6 %) avec Pierre Laurent, secrétaire national du PCF en tête de liste. Dans six de ces huit régions, le FG arrive derrière EELV. L’alliance avec cette dernière en PACA est médiocre (6,5 %), si elle est meilleure en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (10,3 %), elle est très en deçà de l’ambition de devancer la liste PS-PRG. Quand le PCF est en liste séparée, il réalise en Auvergne-Rhône-Alpes 5,4 %, un pourcentage inférieur à la liste PG-EELV-Nouvelle Donne (6,9 %) à l’inverse du Nord-Pas-de-Calais-Picardie où là le PC passe, contrairement au PG-EELV, la barre des 5 %.
Une écologie politique écartelée et en échec
Depuis sa première épreuve électorale en 19749, l’écologie politique a connu des hauts et des bas dans son ambition stratégique originelle de rivaliser avec le courant socialiste avant de le dominer, projet semblable aux gauchistes des années 60 dans leur volonté de supplanter le PCF. Dans la perspective des régionales, la direction de EELV, sensible à l’histoire électorale récente et à son exploit aux européennes de 2009 (16,3 %) à égalité avec le PS (16,4 %), confirme aux régionales de 2010 (12,5 %) son statut de deuxième force de la gauche. Elle va vouloir rejouer la partie avec une même ligne autonome. Elle pensait sans doute neutraliser ainsi les stratégies antagonistes qui s’affirmaient depuis plusieurs mois en son sein. Elle semble aussi partager l’idée qu’une élection, ici les régionales, aurait en quelque sorte une nature propre susceptible de favoriser différentiellement un parti selon ses orientations politiques. Ainsi l’écologie politique serait plus en adéquation avec la Région, instance infra-nationale de proximité, et pourrait bénéficier, par ailleurs, de la concomitance avec la Conférence de Paris sur le climat (Cop 21). Les leaders de EELV ne pouvaient pas ne pas penser aussi, face à un pouvoir impopulaire et après leur refus de participer au nouveau gouvernement dirigé par Manuel Valls (31 mars 2014), que leur attitude pourrait contribuer à l’accueil des déçus de la gauche. C’était oublier que pour l’opinion ils étaient depuis 2012 associés à un camp en perte de vitesse. Comme l’histoire électorale le montre, il est difficile dans ce cas de tirer son épingle du jeu. De fait, en refusant toute alliance avec le PS, mais en acceptant des partenariats avec le FG ou le PG, au risque ici et là de favoriser l’élimination du PS et une victoire du FN, EELV va exacerber ses contradictions internes et au final connaître une lourde défaite électorale.
Comme pour le FG, les choix d’alliances d’EELV rendent difficile l’exacte mesure de leurs forces au niveau national. Néanmoins dans les huit régions où il est en position autonome, sa performance n’atteint que 6,7 % tandis que dans les quatre où il est allié avec le FG ou le PG son pourcentage n’est guère supérieur (7,1 %). On prend encore conscience de l’importance du repli électoral par rapport à 2010, précisons-le avec la même stratégie, en pointant ses résultats en Bretagne (-5,5 points), Centre-Val de Loire (-5,1), Île-de-France (-8,6), Pays-de-la-Loire (-5,8). En PACA, malgré une alliance avec le FG, il perd 4,4 points. L’affaiblissement est général, atténué au niveau départemental où on reconnaît parfois des traces de zones de forces historiques de l’écologie politique. Sa seule satisfaction tiendrait peut-être à sa domination nationale sur le FG d’un à deux points qui, par là même, conforte son statut de deuxième force de la gauche. Aussi, arrive-t-il en tête dans six des huit régions et dans quarante-et-un des cinquante-neuf départements des régions où ils sont en concurrence.
Le Parti socialiste affaibli mais toujours dominant à gauche
Le PS avait tout à redouter du renouvellement électoral de 2010. N’y avait-il pas réalisé l’un des plus beaux succès de son histoire électorale ? A contrario, il connaissait en 2014 l’une de ses plus cuisantes défaites lors des municipales comme, trois mois plus tard, son pire score aux européennes (13,9 %). Double échec qui sera confirmé aux départementales de mars 2015. Du côté de l’opinion, son image, dangereusement affaiblie depuis 2013, connaît à la rentrée 2015 un indice de popularité inférieur à 30 %. Un léger redressement10 post-attentats parallèle au rebond de l’exécutif11 comme une série d’intentions de vote pour les régionales publiée en septembre-octobre laissent entrevoir une défaite moins douloureuse que celle de 1992 qui hante la mémoire collective des socialistes. Cependant, malgré les invites pressantes de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, et son initiative sans précédent d’un référendum militant les 16 et 18 octobre portant sur l’adhésion à « l’unité de la gauche et des écologistes » qui connaît une faible participation mais une large adhésion12, le PS ne peut bâtir ses listes qu’avec le seul PRG et, ici ou là, avec l’UDE et le MRC.
À gauche, le PS avec le PRG est le seul ensemble où l’on peut apprécier grandeur nature son score et de surcroît le comparer à 2010. Avec 23,5 % en métropole, il fait nettement mieux qu’aux dernières européennes de 2014 (13,9) et retrouve approximativement notre propre évaluation des départementales (24,2), mais connaît une forte décote (-6 points) par rapport aux précédentes régionales. Les mouvements varient selon les régions : Bretagne -2, Centre-Val de Loire : -4, stabilité en Île-de-France grâce à des transferts écologistes, Pays de la Loire : -8,6, PACA : -9,2. Il n’arrive en tête de la compétition que dans deux régions : la Bretagne : 34,9 % et l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes : 30,4 %. Il passe la barre des 30 % à quinze reprises au niveau départemental avec un record en Ille-et- Vilaine (35,9 %) devant les Landes et le Morbihan (35,3 %)13. Derrière le maintien de solides implantations électorales, on doit retenir de grosses déconvenues qui se dessinaient depuis longtemps dans deux régions traditionnellement socialistes encore récemment : le Nord-Pas-de-Calais-Picardie (18,1 %) ou de manière plus lointaine PACA (16,6 %) et une implantation fortement à la baisse dans vingt-trois départements où le PS ne parvient pas à passer la barre des 20 %. Dans cette période de basses eaux électorales, le PS pourra se consoler en observant que dans chacune des régions, l’ensemble théorique formé par une gauche non socialiste (de l’extrême gauche aux divers gauches) est toujours derrière lui, idem au niveau départemental à l’exception du Bas-Rhin. Preuve qu’aucune des composantes de la gauche n’a pu tirer profit de l’impopularité de l’exécutif et d’alliances partidaires peu rationnelles pour un enjeu régional. À l’exception de la Corse, le poids du PS par rapport à l’ensemble de la gauche s’est renforcé. Il n’est jamais inférieur à 58 % en Languedoc–Roussillon-Midi-Pyrénées et peut atteindre 70 % en Bourgogne-Franche-Comté.
LR-UDI-MoDem face à la concurrence du FN
Contrairement au PS, la droite parlementaire avait peu de raisons de craindre l’issue des régionales. Elles se profilaient immédiatement après des départementales qui furent une réussite. Finalement l’obligation qui fût faite au gouvernement, par le Conseil constitutionnel, de fixer à décembre les élections qui devaient être jumelées avec les départementales arrangeait une opposition qui pouvait ainsi espérer deux succès un an avant le début de la campagne présidentielle. Ici et là, on évoquait un possible grand chelem ou, au pire, un 2010 inversé. D’autant qu’après de difficiles négociations nationales entre Les Républicains (LR) et l’Union démocratique indépendante (UDI) et au niveau régional avec le MoDem, un accord intervient dans lequel l’UDI obtient le leadership dans trois régions sur douze : Normandie, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté. L’accord s’étant avéré impossible en Corse et en Bourgogne-Franche-Comté le MoDem a fait bande à part. In fine, l’offre électorale de la droite paraît simple au regard de celle des gauches. Dans chaque région, on compte une liste LR-UDI-MoDem, une liste Debout la France et, ici et là, des DVD sans têtes de liste connues.
D’un point de vue électoral, cet ultime rendez-vous avant 2017 pouvait marquer un point d’orgue pour une droite qui s’est rapidement redressée après l’honorable défaite de son champion en 2012 (48,4 %). Dès l’automne, commence une longue série d’élections partielles où l’opposition remporte des succès face à une gauche divisée qui connaît rapidement le désenchantement. Plus tard, la droite triomphe aux municipales puis conquiert vingt-cinq départements et n’en concède qu’un seul (Lozère).
Les européennes de juin 2014 manifestèrent le premier petit signe d’une dynamique moins porteuse. Non en raison d’une bonne performance de la gauche, seulement 33,8 %, avec un PS-PRG à 13,9 %, non par le total des voix de la droite parlementaire (37,1 %), mais plutôt par le décevant score de l’UMP (20,7 %) et surtout par l’envolée du FN qui réalise 25,5 %. Pour la première fois en France, un parti d’extrême droite parvient en tête d’une élection. C’est ce que craignait la droite modérée dans les années 90 quand se précisaient nationalement, et plus visiblement au niveau régional, les germes d’une concurrence qui pouvait devenir ravageuse.
Pour la droite parlementaire, plus précisément pour LR, l’échéance à venir avait d’autres dimensions, moins explicites mais tout aussi réelles, qu’une simple totalisation de suffrages et de nombre de régions conquises. Elle constituait pour Nicolas Sarkozy un enjeu majeur. Son retour en politique, puis à la tête d’une UMP devenue LR, devait remplir trois exigences pour triompher de ses rivaux dans la perspective de la primaire. Il devait d’abord connaître un retour en grâce selon les baromètres de confiance et de popularité, ensuite réussir une série de performances électorales, semblables à celles de la gauche entre 2008 et 2012, enfin manifester la preuve de sa capacité, comme dans les années 2004-2007, à faire face politiquement, stratégiquement et idéologiquement au FN afin d’endiguer et de contrarier son irrésistible ascension.
Tableau 10 – La droite parlementaire par région 2012-2015
Au soir du premier tour, la droite modérée, pourtant bien préparée à l’idée par les sondages d’opinion comme par les récents scrutins, va recevoir un puissant choc au moment de l’annonce d’un score record du FN. C’est la première fois que LR-UDI-MoDem arrive derrière le parti de Marine Le Pen. De surcroît, la performance des listes unies LR-UDI-MoDem est, au regard de l’histoire électorale récente, peu glorieuse. Rappelons qu’en 1998, les listes unies RPR-UDF réalisaient 30 % et le MPF-RPF-DVD 6,2 % sans Chasse Pêche Nature et Tradition (2,8 %), soit un bloc proche de 39 %. En 2004, l’UMP (21,5 %) et l’UDF-NC (12,5 %) totalisaient 33,8 %, sans les DVD (1,1 %) ni CPNT (1,7 %) (un bloc de 35,5 %). En 2010, les listes UMP avec le Centre obtenaient 26,2 % sans le MoDem (4,3 %) et les DVD (1,5 %) (un bloc de 32 %). Le renouvellement 2015, avec les listes d’union (27,1 %), de DVD (0,6 %) et l’appoint, un peu théorique, de Debout la France (3,8 %) forment un bloc de la droite parlementaire à un niveau semblable à 2010, quand elle détenait le pouvoir et connaissait l’impopularité et se situe à un niveau inférieur à l’ensemble des gauches sans l’extrême gauche (36 %). Dans ce contexte la droite parlementaire ne parvient à se hisser à la première place que dans quatre régions : Pays de la-Loire (33,5 %) avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, Auvergne-Rhône-Alpes (31,7 %) avec Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse en Île-de-France (30,6 %) et Hervé Morin en Normandie (27,9 %). Sauf en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, elle est partout en seconde position derrière le FN ou le PS-PRG. Elle obtient des scores médiocres, au regard de son influence traditionnelle dans les régions, en Corse (13,8 %) qui connaît une division14, 18,8 % en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, 23,5 % en Bretagne, 25 % en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et 26,5 % en PACA. Au niveau départemental, LR-UDI-MoDem ne passe le seuil des 30 % qu’à vingt reprises. On y retiendra trois performances dans des départements culturellement de droite : Haute-Loire (51,7 %), Vendée (45,7 %) et Cantal (44,3 %).
Mais ce que l’histoire retiendra surtout des régionales 2015, notamment du point de vue de la droite, c’est, désormais, l’intensité de sa concurrence avec le FN. On compte en effet cinquante-deux départements où le FN totalise plus de suffrages que l’ensemble LR-UDI-MoDem. La performance serait moins nette si l’on ajoutait à la droite unie les suffrages de Debout la France, alors le parti de Marine Le Pen dominerait la droite parlementaire dans trente-sept départements. Selon le premier critère, le FN devance LR-UDI-MoDem dans tous les départements de trois régions : Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA, Centre-Val de Loire tandis que dans le Grand Est on en compte sept sur les huit, sauf dans le Bas-Rhin, idem en Bourgogne-Franche-Comté, sauf en Côte d’Or, et six sur sept dans le Centre-Val de Loire à l’exception du Cher. Dans ce bras de fer FN-droite unie, la Bretagne se singularise par l’absence de leadership du FN dans ses quatre départements, tandis que les Pays de la Loire et l’Île-de-France connaissent chacun une exception dans la Sarthe et la Seine-et-Marne.
Loin du souverainisme des années 90, l’essai satisfaisant de Debout la France
Le courant souverainiste de la droite parlementaire, qui s’est tardivement manifesté sur la scène politique nationale, a connu son apogée durant la décennie 90, dans la foulée de la campagne qui allait conduire à l’adoption le 20 septembre 1992 du traité de Maastricht (51,04 %). Contrairement au Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement qui ne peut aux européennes de juin 1994 récolter les fruits du « non de gauche » (2,5 %), Philippe de Villiers, en rupture avec la droite gaulliste, parvient à engranger 12,4 % des voix. En juin 1999, sa vive critique de la construction européenne aux côtés de Charles Pasqua, trouve un ample écho (13 %) et réussit la prouesse de devancer le RPR (12,5 %). Avec 8,5 % en 2004, le courant souverainiste marque le pas et enregistre un premier recul ; c’est pour l’essentiel un effet direct de la division entre ses deux leaders, 6,8 % pour de Villiers et 1,7 % pour Pasqua. En 2009, Philippe de Villiers et Frédéric Nihous de CPNT, alliés pour la circonstance, montent des listes Libertas qui ne parviennent à convaincre que 4,8 % d’électeurs. Pour sa part, Nicolas Dupont-Aignan, avec l’étiquette Debout la République, obtient 1,8 %15. Aux européennes de 2014 DLR, désormais seul principal représentant du courant souverainiste de droite, recueille 3,83 % des suffrages en métropole.
Les régionales de 2015 où Debout la France succède à DLR, en octobre 2014, devaient constituer une nouvelle étape dans l’affirmation de ce courant qui présentait des listes dans chaque région en métropole. Avec 3,85 %, il confirme, à la décimale près, son score des européennes de juin 2014, mais progresse sensiblement par rapport à 2004 et plus encore par rapport à la présidentielle de 2012 (1,80 %).
Les listes DLF parviennent à passer le seuil des 5 % dans deux régions, en Île-de-France (6,6 %) – il obtient 13,2 % en Essonne son département – et en Bourgogne-Franche-Comté (5,2 %) et recueille plus que sa moyenne nationale dans cinq autres : Grand Est (4,8 %), Centre-Val de Loire (4,6 %), Normandie et Pays de la Loire (4,1 %), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (3,9 %). S’il passe la barre des 5 % dans vingt départements, il peine cependant à s’implanter dans les quinze où il réalise moins de 2,5 %. On remarquera de faibles scores dans tous les départements des deux régions phares du FN : le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA. À l’ombre de DLF, un autre courant souverainiste l’Union populaire républicaine, animée par François Asselineau, ancien adhérent du Rassemblement pour la France de Charles Pasqua, favorable à la sortie de l’Union européenne qui réalisait 0,4 % aux dernières européennes, ne parvient pas à décoller. L’UPR, se proclamant ni à gauche, ni à droite est classé « divers » par le ministère de l’Intérieur, réalise nationalement 1 % des suffrages exprimés et ne passe ce pourcentage que dans trois régions. Son leader obtient 0,94 % en Île-de-France, c’est à peine plus que le 0,58 % recueilli lors des dernières élections européennes.
Le Front national en puissance
Lors de chaque veille d’élection depuis les européennes de 1984, la même interrogation se fait jour autour du score qu’obtiendra le FN au soir de l’élection au regard de ses performances passées et des derniers pourcentages livrés par les instituts de sondage. Cette fois, après une série de succès électoraux depuis 2012, notamment le premier coup de tonnerre aux dernières européennes lorsqu’il réalise 25 %, confirmé aux départementales, le questionnement, nourri du pressentiment de l’opinion publique d’un lien entre sécurité, immigration et identité, se fait plus pressant après les attentats du 13 novembre qui replacent les trois questions au cœur du débat public.
Le renforcement du FN depuis quelques années en termes de candidatures lors de chaque scrutin, d’élus, d’implantation militante sur tout le territoire, de communication dans le sens d’une dédiabolisation, d’amélioration de l’image du FN et de ses leaders sous l’ère Marine Le Pen depuis 2011, une idéologie moins libérale au plan socio-économique mais toujours axée autour du triptyque des origines du FN immigration, sécurité, souveraineté en Europe… allait-il se traduire, pour la première fois, par une nette victoire qui permettrait au FN de s’approcher du titre de premier parti de France qui, à nos yeux, ne pourra être décerné qu’au soir du premier tour de la présidentielle de 2017 et d’une confirmation aux législatives.
L’annonce des premiers chiffres nationaux, 28,5 % en métropole, laissait augurer une puissante traduction géographique sur l’ensemble du territoire. Sans surprise, le FN est en tête dans six régions métropolitaines, le plus souvent avec un net écart sur le deuxième : Nord-Pas-de-Calais-Picardie 40,6 % (avec un écart de 15,6 points), PACA 40,5 % (+ 14), Grand Est 36,1 % (+10,3), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées 31,8 % (+7,4), Bourgogne-Franche-Comté 31,5 % (+11,5), Centre-Val de Loire, 30,5 (+4,2). Il réalise la même performance dans quarante-six départements contre trente-et-un pour la droite unie et dix-huit pour le PS-PRG.
Tableau 11 – Le vote Front national par région 2012-2015
Quand le FN n’est pas le premier, il est dix-sept fois second ou encore troisième trente fois. Il ne prend la place de quatrième des listes qu’à Paris et de cinquième qu’en Corse. Quand la droite unie ne parvient à passer le seuil des 40 % qu’à trois reprises, le FN y parvient dans onze départements de quatre régions. Sa puissance électorale peut encore se lire dans trois grandes régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Grand Est et PACA lorsque dans aucun de leurs départements il réalise un score inférieur à 30 % des suffrages. La dynamique électorale mesurée par rapport aux départementales de mars 2015 est particulièrement nette dans quatre régions : PACA (+6,9 points), Nord-Pas-de-Calais-Picardie (+6,4), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (+5,7), Grand Est (+5,4). On observera qu’elles ont toutes pour têtes de liste des dirigeants importants et médiatiques du FN, respectivement Marion Maréchal-Le Pen, Marine Le Pen, Louis Alliot et Florent Filippot. Ces quatre régions, qui assument à elles seules près de la moitié des suffrages du FN, sont aussi celles qui, pour l’essentiel, ont permis au FN d’atteindre les 28,5 %.
Deuxième tour : une forte mobilisation différentielle
Le lendemain des départementales de mars 2015 laisse entrevoir des situations complexes dans la perspective des régionales de décembre. Certes, les précédentes avaient été souvent l’objet d’âpres compétitions très diversifiées. Sans réévoquer 1998, on rappellera qu’en 2004, on comptait beaucoup de triangulaires gauche-droite-FN sauf en Auvergne, Bretagne, Limousin et Pays de la Loire et que dans quatre régions, les négociations d’entre-deux-tours au sein de la droite, entre l’UMP et l’UDF, échouèrent en Basse-Normandie, Franche-Comté, Bourgogne et Languedoc-Roussillon. La gauche était unie partout sauf en Midi-Pyrénées et en Champagne-Ardenne. En 2010, l’affaiblissement du FN a pour conséquence la présence de seulement douze triangulaires gauche-droite-FN auxquelles s’ajoutent trois autres en Aquitaine avec le MoDem, en Bretagne avec EELV et en Limousin avec le FG. Ailleurs, dans six autres régions, les situations duales gauche-droite s’imposent.
Un entre-deux-tours centré autour du Front national
Au soir du premier tour, le paysage politique s’était fortement éclairci grâce notamment aux vertus sélectives et à la souplesse du mode de scrutin. Paradoxalement, il s’était complexifié avec l’affaiblissement de la gauche et de la droite et l’essor du Front national. La discussion théorique des derniers mois, selon telle ou telle hypothèse, dans telle ou telle région, n’avait plus cours. Désormais les résultats étaient gravés dans le marbre. À droite les positions de principe étaient celles portées par Nicolas Sarkozy, président de LR, non sans réticence. Face à toute situation ce serait ni fusion, ni retrait. Au demeurant DLF, qui pouvait juridiquement fusionner dans deux régions, ne le souhaitait pas. À gauche, les principales options dans le débat alternaient entre la position du Premier ministre, qui inclinait vers la fusion de listes, et d’un autre côté celles qui préconisaient le retrait pur et simple comme la maire de Paris et le président de l’Assemblée nationale. Finalement, aux vues des résultats en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA, comme dans le Grand Est, ce serait le retrait. Par ailleurs, dans huit régions où les fusions à gauche étaient possible, ce sera le rassemblement avec le FG et EELV sauf, comme en 2010, en Bretagne avec les écologistes.
Les décisions stratégiques prises, les listes de gauche recomposées, la droite en ordre de bataille comme au premier tour, il fallait mener campagne. Plus encore qu’avant le premier tour, le FN va être au cœur du débat. Le Premier ministre, le président du Medef vont mener une vive charge contre lui, et à un degré moindre les syndicats de salariés. Mais, fait exceptionnel, une partie de la presse, notamment de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, La Voix du Nord et Le Courrier Picard, va prendre position contre Marine Le Pen, candidate à la présidence de la Région, à l’inverse de la presse de Bernard Tapie en PACA, pourtant adversaire historique du FN. Mais les deux charges les plus virulentes viendront de Matignon et du Medef. Manuel Valls accuse le FN de porter en lui le germe de « la guerre civile » et le président du patronat mêlant Mélenchon et Le Pen dénonce « un programme économique non responsable, ni tourné vers l’avenir, ni vers la compétitivité ».
Du côté de l’opinion, l’institut Ipsos16 s’est livré à une éclairante étude sur l’état d’esprit de nos compatriotes à la veille du scrutin. Pour eux, parmi les neuf leaders testés, Marine Le Pen apparaît la grande gagnante du premier tour, 73 % la voient « plutôt renforcée » à l’inverse de l’actuel président (64 %) et de l’ancien (60 %) qui en sortent « plutôt affaiblis ». Ce dernier connaissant un net recul par rapport au même type de questionnement au lendemain des départementales. À la veille du scrutin il était intéressant de voir comment l’opinion a pu réagir au score élevé du Front national après une année 2015 et son cortège de chômage, d’attentats et de la plus grande vague d’immigration en Europe depuis 1945. Peut-être avec surprise, l’opinion garde le même niveau d’inquiétude (57 %) qu’en mars après le premier tour des départementales, 26 % éprouvant de « la satisfaction » et 7 % de « l’indifférence ». Les électeurs interrogés sur la stratégie de Nicolas Sarkozy la désapprouvent à 54 % contre 46 %, sauf ceux de LR (75 %) à l’inverse des centristes 57 % à l’UDI et 65 % au MoDem. La décision de retrait du PS est plus soutenue par ses sympathisants (67 %) que par ceux de EELV (50 %) ou du FG (46 %). Enfin, l’accentuation de la critique contre le Front national paraît accroître les préventions à son endroit, 54 % plus 4 points par rapport à une précédente enquête et montre qu’une victoire du FN dans leur région serait perçue comme une « mauvaise chose ».
Nouveau rapport de force global ?
À l’issue du premier tour, on a pu aisément calculer nationalement le poids respectif du pôle des gauches, du pôle des droites et du FN sans omettre une petite catégorie plus marginale, a priori souvent ni à gauche, ni à droite, composée des divers, d’écologistes indépendants, de régionalistes non situés et des candidats d’extrême droite, soit un total de 2,9 % des suffrages exprimés.
Tableau 12 – Les résultats des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015 par région

(2) Totalisation des suffrages des listes de gauche de l’extrême gauche (L.O.) aux divers gauches y compris liste C. Troadec en Bretagne
(3) Totalisation des suffrages des listes divers, des listes UPR, autres inclassables et extrême droite (Languedoc-Roussilon-Midi-Pyrénées et PACA)
(4) Totalisation des suffrages des listes LR-Udi-MoDem et de Debout la France
(5) LR-UDI-MoDem
(6) Avec MoDem
(7) Liste du président sortant J.-P. Masseret, dissident
(8) Retrait des listes de la gauche
Ainsi, les gauches recueillaient-elles 37,1 %, les droites 31,6 % et le FN 28,5 %. Au second tour, bien que l’offre soit réduite, l’exercice comptable s’avère moins simple en raison notamment du retrait de la gauche dans trois régions dont une qui provoquera une dissidence. Sans omettre la Corse qui se prête mal à l’exercice avec son offre quadripolaire. Ainsi, afin de ne pas reprendre les statistiques officielles, par addition des treize régions17, nous avons choisi d’isoler les neuf régions rigoureusement comparables entre elles. Le résultat, nécessairement imparfait, livre cependant quelques riches enseignements. D’abord un mouvement de recul de l’abstention très proche de celui des treize régions, 8,4 % contre 8,5 %, un total gauche qui marque un recul que nous confirmerons par l’examen détaillé région par région et parallèlement un rebond d’une droite jugée faible au premier tour +3,4 points. Enfin, un FN qui se replie de 1,3 point. Bien qu’en léger recul d’un tour à l’autre, la gauche demeure en tête. Nul ne sait ce qu’aurait livré, au plan strictement électoral, le maintien des listes PS-PRG dans les trois régions. Observons encore qu’en Corse, la gauche, qui comme la droite est très divisée au premier tour, recule fortement au second, la droite restant stable tandis que les indépendantistes et les autonomistes progressent fortement.
Net sursaut de la participation qui ramène… à 1998
Sous la Ve République, qui pratique les deux tours de scrutin dans toutes les consultations nationales et locales, les exemples de forte amplitude d’un tour à l’autre sont très exceptionnels. On garde naturellement à l’esprit le premier tour de la présidentielle de 2002 quand l’électeur hébété par la qualification de Jean-Marie Le Pen s’était d’autant plus fortement mobilisé entre les deux tours – plus 3 336 562 électeurs supplémentaires et plus 8,1 points de participation – que le « 21 avril » établit un record absolu lors d’une présidentielle : 28,40 %.
Le 13 décembre, on compte 4 115 443 électeurs supplémentaires par rapport au premier tour et une chute brutale (-8,4 points) du niveau de l’abstention : 41,47 % en métropole, pourcentage curieusement très proche du niveau, jugé élevé à l’époque, des régionales de 1998 : 41,96 %. On rappellera encore qu’aux précédents scrutins régionaux en 2004 et 2008, l’abstention avait aussi reculé de 3,5 % et 4,7 % entre les deux tours.
L’intensité de la mobilisation se traduit dans toutes les régions et tous les départements. L’établissement d’une hiérarchie d’abstention aux régionales selon le rang de classement entre les 6 et 13 décembre montre des singularités. Ainsi PACA qui ne passe que du quatrième au cinquième rang, Nord-Pas-de-Calais-Picardie du deuxième au troisième rang, mais, faut-il le repréciser, en raison du fait qu’elles étaient déjà très mobilisées dès le premier tour. Cette hiérarchie se modifie ailleurs très sensiblement selon l’intensité des enjeux. Ainsi, la Bourgogne-Franche-Comté qui passe du septième au quatrième rang des régions les moins abstentionnistes, le Centre-Val de Loire du 10e au 6e rang, la Normandie du huitième au septième, le Grand Est du 12e au 9e. Si la Corse conserve la palme du civisme, d’autres régions, où l’issue du scrutin était inscrite bien avant le premier tour, illustrent logiquement une mobilisation moins intense : l’Aquitaine-Limousin-Midi-Pyrénées passe du 6e au 9e rang, les Pays de la Loire du 8e au 11e et la Bretagne du 5e au 12e. Les mouvements des bulletins blancs et nuls donnent aussi quelques clefs pour la compréhension du scrutin lorsque l’on recense dans les deux régions où la gauche est absente 4,5 % de bulletins blancs et nuls selon les inscrits dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et 4,7 % en PACA. Soulignons les pics de 7,8 % dans les Alpes-de-Haute-Provence département de Christophe Castaner, tête de liste du PS-PRG, 8,4 % dans les Hautes-Alpes et 5,6 % dans le Vaucluse, preuves d’une résistance à la décision nationale de retrait.
Une mobilisation plus favorable à la droite qu’à la gauche
Après l’examen d’une mobilisation générale, mais différenciée selon les régions et les enjeux, il fallait tenter de vérifier, sans recourir à des méthodes sophistiquées, les logiques qui rendraient plus intelligibles les résultats du second tour. L’observation globale de nos neuf régions montre que la gauche connaît un recul (tableau 13), un regard région par région livre par ailleurs des mouvements contrastés.
Tableau 13 – Les résultats au premier et au second tour dans neuf des treize régions avec triangulaire(1)

Source : l’auteur
Ainsi, dans six régions, la gauche ne réalise pas, selon la mesure en suffrages exprimés, la même progression que selon les suffrages calculés par rapport aux inscrits, preuve que le jeu concurrentiel lui est relativement défavorable contrairement à la droite qui progresse à l’aune des inscrits, mais aussi des exprimés sauf dans une région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées où elle baisse selon les exprimés.
On soulignera encore qu’en Île-de-France, alors que la participation augmente de 8,7 points, le FN recule de 0,8 point par rapport aux inscrits et de -4,4 points par rapport aux exprimés. En Auvergne-Rhône-Alpes il ne progresse que de 0,5 point et de 2,9 points.
Parallèlement, la droite progresse respectivement de 5,9 et de 5,3 points en Île-de-France et de 5,5 et 4,4 points en Auvergne-Rhône-Alpes assurant par là même la victoire de la droite, avec certitude en Île-de-France et possiblement en Auvergne-Rhône-Alpes.
Une dynamique moins forte pour le FN que pour ses concurrents
Contrairement à la gauche sous évaluée par son absence dans deux régions et évidemment une droite surévaluée, le FN peut, pour sa part, être évalué grandeur nature par agrégation des suffrages des treize régions en lice au second tour. La démarche ne nous paraît pas illégitime puisqu’il y est présent partout. Grand vainqueur au premier tour, il accroît ses suffrages de 809 961 unités, mais ce n’est pas à la mesure de son influence théorique dans le potentiel que constituent les 4 115 443 électeurs supplémentaires. Observons aussi que ses gains de suffrages d’un tour à l’autre se répartissent a peu près également selon nos neuf régions : 388 253 suffrages et les quatre régions atypiques : 421 708 quand les premières représentent 73 % du corps électoral.
On peut évaluer son isolement politique et son affaiblissement relatif au second tour liés à la surmobilisation, mais aussi en raison de son image, à la lecture de sa place dans les triangulaires en les comparant au premier. Souvenons-nous qu’au niveau départemental, les listes FN étaient en tête dans quarante-six départements contre trente-et-un pour la droite et dix-huit pour le PS-PRG. On va le voir, il résistera mal au rassemblement de ses concurrents au second tour. Le 13 décembre en passant des gauches à la gauche, des droites à la droite, il n’est plus en tête que dans huit départements contre quarante-six pour la gauche et quarante-et-un pour la droite qui, toutes deux, disposaient de plus de réserves électorales et de ressources politiques pour mobiliser de nouveaux électeurs.
Le temps de la décision politique
Souvenons-nous que dans la soirée du 6 décembre, les situations étaient très diverses, mais l’attention se portait d’emblée sur les deux régions phares du scrutin, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA, où les faibles scores des listes PS-PRG respectivement 18,1 % et 16,6 % – inférieurs aux prévisions – rendaient leur maintien très difficile même si les gauches totalisaient dans la première 1,3 point de plus que les droites. Leur maintien eût laissé, dans un cas comme dans l’autre, la victoire au FN. Ce qui n’eût peut-être pas été le cas dans le Grand Est. Comme les estimations raisonnables, les mois précédents le scrutin, fondées sur le résultat des départementales, des traditions politiques des régions, des candidatures et des sondages d’opinion le laissaient présager, trois régions paraissaient acquises à la gauche : la Bretagne, la seule région où elle est majoritaire absolue, l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et le Langudoc- Roussillon-Midi-Pyrénées. De son côté la droite bénéficiait des préjugés favorables dans les Pays de la Loire. Dès lors il restait sept régions où l’incertitude dominait avec plus ou moins d’intensité. L’issue dépendrait des dynamiques nées des fusions de listes et des mobilisations différentielles entre les deux camps. Sans oublier l’arbitrage de l’électorat stratège du FN qui peut préférer in fine la victoire de la droite à celle de la gauche dans les régions que cette dernière détient. Cette dernière variable a fonctionné, comme nous l’avons vu précédemment, en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes sans qu’elle soit nécessairement pleinement décisive.
Le sort des cinq dernières régions va se jouer selon la perception des enjeux et le comportement du nouvel électorat de second tour. La droite va ici l’emporter en Normandie grâce à une dynamique plus favorable (+5,4 d’accroissement selon les inscrits et 4,4 selon les exprimés contre respectivement +1,7 et -3,2 pour la gauche). La droite va encore l’emporter dans le Grand Est, malgré le maintien du candidat PS-PRG contrairement à la décision du PS, grâce à un fort appoint d’électeurs de gauche hostiles au maintien de leur candidat et un petit renforcement du FN selon les inscrits, mais à une stabilité selon les suffrages exprimés. De son côté, la gauche va l’emporter dans le Centre-Val de Loire et en Bourgogne-Franche-Comté avec ses deux présidents sortants. Dans la première région où la gauche ne compte aucune présidence de départements, son avantage le 6 décembre va fondre au second tour face à une droite très mobilisée. À l’inverse en Bourgogne-Franche-Comté la dynamique profite pleinement à la gauche face à une droite, il est vrai, moins unie qu’ailleurs. En Corse, la victoire des nationalistes, avec 35,3 % des exprimés et 23 % des inscrits est, pour l’essentiel, due à la division de la gauche comme à celle de la droite.
La nouvelle répartition des forces entre les trois pôles politiques, notamment depuis les européennes de juin de 2014, va modifier les conditions de l’élection des vainqueurs. En 2004, on comptait onze régions où la victoire était acquise avec plus de 50 % des suffrages, en 2010 c’était quinze, en 2015 seules trois passent la barre de la majorité absolue au tour décisif. La plus brillante victoire est en Bretagne avec Jean-Yves Le Drian (51,4 %), si on veut bien considérer que la victoire de Xavier Bertrand (57,8 %) et de Christian Estrosi (54,78 %) furent acquises dans des conditions très exceptionnelles. La nouvelle tripartition du champ politique implique aussi la victoire de listes avec moins de 45 % des suffrages exprimés dans neuf régions sur treize et avec moins de 40 % dans cinq. Quant à la décision finale, elle va se conclure entre vainqueur et vaincu avec des écarts inférieurs à 2 % dans quatre d’entre elles.
Au final la gauche va diriger cinq régions, la droite sept et les nationalistes une.
Bilan et esquisse prospective
À l’issue de la sixième édition des régionales et des cinq scrutins qui se sont déroulés durant le quinquennat de François Hollande, municipales en mars 2014, européennes en juin 2014, sénatoriales en septembre 2014, départementales en mars 2015 et régionales en décembre 2015, tentons, à l’aune des résultats et des commentaires que la dernière consultation a suggérés, une brève synthèse et une esquisse prospective.
De l’interprétation
Commenter une élection, comme commenter un sondage le plus souvent en les paraphrasant est une chose, les interpréter en est une autre. L’interprétation est en effet une démarche complexe où se mêlent la vérité des chiffres, mais aussi, pour une part, la subjectivité de l’auteur, moins dans sa dimension politique et idéologique, tous les politologues ont une orientation plus ou moins affirmée, que par son approche méthodologique. Au lendemain du second tour, le journal Le Monde a pu titrer en page intérieure « Ni vainqueur, ni vaincu » et La Croix « La défaite pour tous ». L’appréciation d’un journal, d’un éditorialiste ou d’un commentateur peut en effet varier selon ses références. Par exemple selon les derniers sondages ou encore par rapport au précédent renouvellement, ici l’exceptionnel renouvellement de mars 2010, ou encore par rapport à d’autres scrutins entre 2010 et 2015, l’appréciation peut alors être substantiellement différente. Il reste, qu’en dernière analyse, surtout en matière électorale, il y a in fine des réalités, par exemple le nombre de régions gagnées par les uns ou par les autres, mais ici encore, la valeur de l’unité régionale peut varier considérablement en fonction de leur démographie et de leur puissance économique sans omettre de considérer leur charge symbolique et les conditions d’une victoire. Le FN eût emporté une seule région qu’elle eût jeté beaucoup d’ombres sur les douze autres.
Des formes de renouvellement non saluées
Face à la crise de confiance avérée et l’appel constant au renouvellement de la vie politique, les scores de listes portant l’innovation politique connaissent peu de succès. « Ni Nouvelle Donne », orientée à gauche qui présentait seule quatre listes, ni « Nous citoyens » favorable au libéralisme économique, ni les souverainistes d’UPR ne parviennent à convaincre plus de 2 % des électeurs. On pourrait, dans le même sens, souligner la faible réussite des mixages politiques entre EELV et le FG où certaines de ses composantes. Seule DLF, qui s’inscrit dans une filiation longue qui a connu le succès lors des trois dernières décennies, commence à acquérir une petite visibilité.
Les vainqueurs, les vaincus
À l’issue du premier tour, un seul vainqueur s’imposait dans les commentaires. Fort de ses 28,5 %, le FN, arrivé en tête, avait dominé le jeu. Au second tour serait-ce moins net ? Pas forcément si on ne se remémore les séismes de 1992 pour la gauche et de 2004 et 2010 pour la droite. Mais, si l’on considère la vérité d’une élection non seulement en nombre de régions gagnées, mais aussi en fonction de leur poids réel, le débat est clos. En termes de régions, le score final de la compétition paraît étriqué, mais, selon d’autres critères, moins traditionnels, la victoire de la droite apparaît nette quand elle administre en France métropolitaine 68,2 % de la population et qu’elle est à la tête de sept régions qui comptent pour environ les trois-quarts du produit intérieur brut du pays (tableau 1). On pourrait encore mettre l’accent sur son implantation en sièges (789, 547 pour la gauche et 358 pour le FN contre respectivement 460, 1 119 et 118 en 2010) ressource politique non négligeable pour l’avenir (tableau 14). Sous un angle plus politique et dans la perspective des primaires de la droite et du centre, contrairement aux municipales et aux départementales, Nicolas Sarkozy n’apparaît plus le gagnant du scrutin. Il semblerait d’ailleurs que son affaiblissement dans l’opinion durant l’année 2015 se soit sensiblement aggravé durant la séquence pré et post-régionales, notamment dans l’entre-deux-tours où le « ni-ni » fut de plus en plus critiqué au sein de LR et plus encore chez les centristes. Ces derniers évoquant même, le 6 décembre, l’idée d’un retrait des listes d’union arrivées troisième. S’il y a un vainqueur, il y a bien sûr un vaincu. C’est la gauche qui, malgré le crédit moral de ses retraits dans les deux régions, s’effondre par rapport à 2010 et reste faible dans les urnes depuis les municipales de 2014. On peut certes additionner de manière un peu théorique ses composantes, 37 % au premier tour, mais au second, non seulement les reports sont imparfaits, phénomène masqué par la hausse de la participation, mais, de surcroît, elle ne parvient pas à bénéficier avec la même intensité que la droite du puissant sursaut démocratique de second tour principalement motivé par le danger du FN. Pour ce dernier, ces régionales resteront ambivalentes. Comme à l’accoutumée, il peut progresser au second tour en nombre de suffrages et ici et là conquérir des sièges (tableau 15) mais dans l’alchimie du tour décisif, il connaît encore une forte résistance quand il faut lui confier les clefs du pouvoir fût-ce au niveau local.
Tableau 14 – La composition politique des 1 722 élus métropolitains des douze conseils régionaux et de l’Assemblée de Corse

Tableau 15 – Les 1 722 élus régionaux par grandes tendances politiques (2004-2015)
De la tripartition
La puissante dynamique électorale du Front national depuis la dernière présidentielle en 2012, 17,9 % des suffrages exprimés pour Marine Le Pen, confirmée aux municipales de 2014, amplifiée aux européennes de juin (25,1 %) et aux départementales de mars 2015 (25,8 %), atteint un sommet en décembre avec 28,4 % en métropole. Cette progression, jusqu’à présent linéaire, implique de facto un réaménagement du champ électoral quand parallèlement les gauches comme les droites parlementaires connaissent un affaiblissement. Alors resurgit le thème du tripartisme et, moins improprement, la fameuse tripartition de la votation, plus ou moins inégalitaire selon le critère retenu, devenue l’alpha et l’oméga de l’analyse politique. La notion, déjà convoquée dans les années 90, puis après la présidentielle de 2002, cette dernière soulignant plutôt une quadripartition, perdit de son éphémère pertinence après la présidentielle de 2007 qui vit un net recul du FN. La politologie, toujours prompte à théoriser l’expression d’un moment ou d’une courte séquence, s’interrogea alors sur une possible réémergence de la bipolarisation. Aujourd’hui paraît s’imposer une nouvelle lecture tri-tendancielle en totalisant, parfois artificiellement, des espaces, les gauches, les droites parlementaires que l’on met en parallèle avec le seul FN on abusant parfois de l’accolade statistique tant, aujourd’hui, les gauches paraissent émiettées et que la réunification partielle de la droite en 2015 devra être confirmée au premier tour de la présidentielle de 2017 puis aux législatives. L’offre peut en effet varier selon le candidat vainqueur de la primaire à l’automne 2016. Plus pertinente dans sa globalité, une tripartition qui respecterait l’offre réelle des forces politiques mérite aussi d’être nuancée quand les trois forces – FN, LR-UDI-MoDem, PS-PRG – rassemblent nationalement 79 % des suffrages, ce qui, reconnaissons le, n’est pas la totalité. En ce sens on lira le tableau 3 qui illustre une tripartition au niveau des régions, elle connaît peu de turbulences globales, entre 74 % en Île-de-France et 84 % en PACA ou dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. En revanche, une lecture tripartite entre forces politiques dans les régions montrerait une tripartition déséquilibrée.
Vers 2017
À la veille de 2017 le paysage politique n’est pas, malgré quelques ressemblances, à l’exact opposé de celui d’avant la présidentielle de 2012. Aujourd’hui, la gauche est très affaiblie nationalement et territorialement par ses défaites successives. La droite parlementaire, rapidement remise de son échec en 2012, renforcée par ses succès des deux dernières années, est apparue, dans la dernière période, sans vrai leadership, sans programme rassembleur et sans ligne idéologique claire. Elle tarde à s’affirmer pleinement malgré des sondages flatteurs dans la perspective de la présidentielle.
Le FN sait désormais qu’il peut être présent au second tour de la présidentielle, mais il sait, probablement plus nettement qu’avant les départementales et les régionales, que le mur à franchir pour être crédible et légitime pour gouverner le pays est encore très haut.
En juin 2014, nous options dans ces colonnes en commentaire des européennes : « Les européennes du 25 mai 2014 en France : prolégomènes à 2017 ? ». Aujourd’hui, nous voyons dans les régionales de 2015, des « élections de confirmation » des grandes tendances électorales du quinquennat 2012-2017.
Annexe 1 – Les présidents de région (2004-2015)

Annexe 2 – Les présidents de région de 1986 à 1998

(6) Puis P. Chantelat (UDF) de 1988 à 1992. (7) Puis P.-C. Grieg (RPR) de 1988 à 1992. (8) Puis M. Censi (UDF) de 1988 à 1992. (9) Puis A. Zeller (UDF) de 1996 à 1998. (10) Puis G. Longuet (UDF) de 1992 à 1998.
(11) Puis J.-F. Bazin (RPR) de 1993 à 1998. (12) Puis E. Morin (UMP) de 2002 à 2004. (13) Puis A.-M. Comparini (UDF) de 1998 à 2004. (14) Puis M. Sapin (PS) de 1998 à 2000 et A. Rafestain (PS) de 2000 à 2004. (15) Puis M. Malvy (PS) de 1998 à 2004. (16) Puis D. Percheron (PS) de 2001 à 2004. (17) Puis J.-L. Le Vern (PS) de 1998 à 2004. (18) Puis J.-L. Harousseau (UDF) de 2002 à 2004.
Gérard Le Gall
Analyste politique
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- Voir « Les Français et le nouveau paysage territorial » étude de la Sofres réalisée pour l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation, du 2 au 7 septembre 2015. ↩
- Compétences des régions : développement économique, gestion des fonds européens, formation professionnelle, apprentissage et coordination des politiques des acteurs de l’emploi, lycées, environnement. Compétences partagées avec le département : tourisme, culture, sport. ↩
- Voir « Les Français et les élections régionales de 2015 », étude réalisée par la Sofres pour Le Figaro et RTL le 6 novembre 2015. ↩
- Ainsi aux européennes de 2014, sans changement de règle du jeu, on dénombre en moyenne 25 listes par « euro-circonscription » contre 21 en 2009 et 22 en 2004. ↩
- Voir « Les fractures françaises, Vague 3 », étude réalisée par Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et Sciences-Po, du 22 au 27 avril 2015. L’indice de confiance pour le maire est de 66 %, pour les conseillers départementaux comme pour les conseillers régionaux de 39 %, pour les députés de 27 % et de 9 % pour les partis politiques. ↩
- Voir « Les Français et l’attachement à la région » de l’Ifop pour Sud Ouest Dimanche réalisé du 16 au 18 décembre 2014 : 44 % des Français sont d’abord « attachés à leur commune », 36 % à « leur région » et 20 % à « leur département ». ↩
- L.O. obtient aux régionales 1,1 % et le NPA 2,4 % des suffrages exprimés contre respectivement 1,2 % et 5 % aux européennes. ↩
- D. Gluckstein (0,47 %), A. Laguiller (5,72 %), O. Besancenot (4,25 %), R. Hue (3,37 %), C. Taubira (2,32 %), N. Mamère (5,26 %) et J.-P. Chevènement (5,39 %). ↩
- Candidature de R. Dumont à la présidentielle où il obtient 1,32 % des suffrages exprimés. ↩
- Selon la Sofres pour Le Figaro Magazine, début septembre, 27 % des Français ont « une bonne image » du PS, 60 % « une mauvaise ». L’indice remonte à 32 % dans le baromètre du début décembre. ↩
- Le président de la République passe d’un mois sur l’autre de 20 % à 27 % dans la cote de « satisfaction » de l’Ifop pour Le JDD, de 24 à 41 % dans celle d’ « action » d’Ipsos pour Le Point, de 15 à 35 % dans celle de « confiance » de la Sofres pour Le Figaro Magazine, de 25 à 33 % dans celle de « bonne opinion » selon BVA pour Orange et iTélé. ↩
- Le PS annonce 251 327 votants et un pourcentage de « oui » proche de 90 %. ↩
- On précisera qu’il passait la barre des 40 % dans onze départements en 2010. ↩
- José Rossi, LR, réalise 13,17 % devant Camille de Rocca Serra, 12,70 %. Alliés, ils auraient pu être en tête devant Paul Giacobbi, PRG (18,42 %). ↩
- Il réalise 2,04 % sans la circonscription « Grand Ouest » où il n’a pu acheminer ses bulletins de vote. ↩
- Voir « L’état d’esprit des Français à la veille du deuxième tour des élections régionales 2015 », enquête de l’Institut Ipsos Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, LCP et Public Sénat réalisée les 11 et 12 décembre 2015 auprès de 2 005 personnes. ↩
- Selon le ministère de l’Intérieur la gauche totalise 31,2 %, les droites 40,6 % et le FN 27,9 %. ↩