Le 24 février, la Russie a lancé une offensive militaire contre l’Ukraine. Pour la Revue Politique et Parlementaire, Thomas Flichy de La Neuville fait chaque jour un point de conjoncture sur la situation.
A l’heure où la comète médiatique de l’Ukraine s’efface dans le ciel, voici un billet en guise d’épilogue. En l’espace de quinze jours, la grande perdante de ce conflit fut une dame nommée Nuance. Que l’on en juge : l’histoire distillée par la fabrique de l’émotion s’adressa essentiellement à la grande section de maternelle : les gentils éléphants américains, gouvernés par le vieux général Cornélius avaient essuyé une nouvelle attaque des rhinocéros russes. Que Babar s’emparât du pouvoir et la paix règnerait à nouveau au pays des éléphants. La réalité est somme toutes, un peu différente.
Vladimir Poutine a en effet trouvé un allié improbable : l’aspiration au confort des peuples européens.
Celle qui rend insupportable toute hausse prolongée du prix du gaz. Avant de s’agiter, il convenait de préparer ses arrières. Les États-Unis ont très vite trouvé une parade en jugeant soudainement le régime vénézuélien suffisamment honorable pour qu’une ouverture de ses terminaux gaziers fut négocié. Les Européens ne pouvant tirer grand profit du gaz algérien ou norvégien, il leur restait l’Iran dont ils ont été expulsés par les États-Unis il y a quinze ans. Ironie de l’histoire : les sanctions européennes vis-à-vis de l’Iran sont devenues le meilleur soutien de l’armée russe. Voici pour le camp de la démocratie et de la liberté ou de la ploutocratie numérique comme l’on voudra.
Du côté adverse, quelques nuances méritent également d’être apportées. La Russie accuse la nourrice occidentale d’avoir élevé l’Ukraine, son clone afin qu’il assassine son frère jumeau plus tard. C’est sans doute exagéré. L’Ukraine eut en effet trois nourrices, la France du premier empire, l’Allemagne des années 30 et les États-Unis contemporains. Quoi de commun entre elles ?
Dans cette guerre, l’Occident est censé représenter aux yeux des Russes l’anti-civilisation.
Ceci n’est pas le moindre des paradoxes du nouvel empire mongol, cette construction politique opportuniste rassemblant trois États fondés chacun sur une révolution, avec à la clef une liquidation systématique de leurs élites : révolution russe, révolution culturelle chinoise, révolution islamique d’Iran. La clef est ailleurs, nous avons affaire aux trois plus vieilles bureaucraties du monde : les seules qui pouvaient survivre à la décapitation de leurs élites civilisées. La guerre va donc se poursuivre à bas bruit, loin des écrans. Les Russes tâcheront de se rendre le plus rapidement les maîtres du terrain afin de négocier dans les meilleures conditions. Ce sera l’ultima verba de Vladimir Poutine avant qu’il ne se retire du pouvoir.
Thomas Flichy de La Neuville
Professeur d’université