Entre le 27 février et le 4 avril, le Conseil des Droits de l’Homme se réunira pour sa 52e session. Des députés souverainistes conjointement avec les familles de victimes essaient de faire pression afin qu’une résolution pour la formation d’une commission d’établissement des faits soit adoptée lors de la réunion du Conseil prévue le 23 mars.
Les tentatives furent multiples pour réclamer une justice impossible au Liban. Après l’explosion du port de Beyrouth, une missive a été envoyée au Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, afin de solliciter son soutien pour une enquête internationale sur l’explosion du port de Beyrouth. Ce dernier, ne jouissant pas d’une jurisprudence pour répondre à des requêtes non gouvernementales, n’a pu se mobiliser. Le Conseil des Droits de l’Homme basé à Genève semble être le recours ultime pour cette quête désespérée de justice.
Cependant, les coulisses des 47 Etats-membres de cet organisme semblent opaques et hermétiques face aux revendications du peuple libanais et des parlementaires. L’ambiance dans la diplomatie française trahit des tergiversations devenues mot d’ordre au Quai d’Orsay et à l’Ambassade de France au Liban.
La France, malgré les promesses du Président Macron pour aider le Liban à sortir du marasme ambiant, ne s’intéresse qu’au volet économique de la crise libanaise.
Insuffler de la vie aux institutions caduques et corrompues de l’Etat libanais, soutenir l’audit juricomptable, mener des enquêtes sur les malversations financières du Président de la Banque du Liban Riyad Salamé sont légion dans les initiatives entreprises par le gouvernement français. Cependant, la France esquive toujours le volet politique de la crise libanaise, dans une attitude de compromission à l’égard du Hezbollah. Ignorant voire n’employant aucun levier de pression pour que l’enquête locale sur l’explosion du port avance, la France garde un silence glacial face aux blocages de la mission du juge d’instruction Tarek Bitar et ne manifeste aucune volonté à porter au sein du Conseil des Droits de l’Homme une résolution pour établir une commission d’établissement des faits. La France craint-elle le Hezbollah ? Est-elle toujours trop attachée à son attitude mielleuse à l’égard de l’Iran malgré les répressions atroces dont souffre le peuple iranien depuis le meurtre de Mahsa Amini ? Serait-elle encore hantée par l’attentat de la rue de Rennes et le Drakkar ? Ou est-ce qu’elle espère encore un retour à l’Accord sur le nucléaire avec l’Iran et donc une (ré)implantation industrielle au pays des mollahs rapportant des milliards d’euros ?
Les arcanes de la diplomatie française restent un mystère pour les Libanais qui meurent chaque jour un peu plus depuis le fatidique 4 août 2020.
Le Groupe international de soutien au Liban, la société civile, les parlementaires de l’opposition ainsi que les familles des victimes pourront-ils, par leurs lettres insistantes et leurs mobilisations pacifiques, bouger les lignes ? Convaincront-ils des pays parmi les 47 Etats-membres du Conseil de porter la résolution tant attendue ? L’avenir de l’enquête tient à cette commission d’établissement des faits. Rendre justice aux victimes et connaître la vérité sur cette explosion au lourd bilan humain et économique est une affaire de Droits de l’Homme. C’est une cause universelle et il en va de la dignité et de l’honneur de chaque pays siégeant au Conseil des Droits de l’Homme à Genève.
Maya Khadra
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