Le G7 qui s’ouvre aujourd’hui consacre le grand retour sur des sommets internationaux qui avaient été grandement perturbés par la pandémie de la Covid-19. Le présentiel va ainsi permettre le retour des conciliabules de couloirs et de salles annexes.
Il s’agit en outre du premier sommet international pour le président Biden, entré en fonction le 20 janvier dernier. La vice-présidente Kamala Harris vient quant à elle d’achever son premier voyage au Guatemala et au Mexique afin de parler notamment des questions migratoires pour, au final, dire aux Guatémaltèques « Ne venez pas. Ne venez pas », ce qui tend à relativiser la nouvelle politique migratoire en cours aux Etats-Unis.
Le retour des Etats-Unis sur la scène mondiale
L’arrivée de Joe Biden au Royaume-Uni consacre aussi, comme il l’a dit, le « retour des Etats-Unis ». La première puissance mondiale avait-elle pour autant disparu de la scène internationale ? Bien sûr que non, mais les conditions de la transition du pouvoir à Washington, les hésitations de la nouvelle administration, avaient pu laisser planer un doute sur la persistance de cet engagement sur la scène mondiale après une ère Trump marquée par les invectives et les décisions unilatérales.
Peu à peu, Joe Biden et son équipe rapprochée, notamment Antony Blinken, son secrétaire d’Etat, ont dessiné les contours de la politique étrangère de la nouvelle administration démocrate.
Ce sommet consacre en premier lieu, le retour du multilatéralisme de la part des États-Unis, c’est-à-dire une concertation renouvelée avec les Etats européens et les alliés de l’OTAN.
Il marque ensuite aussi le retour d’une réelle sérénité dans les débats après l’ère Trump qui avait été marquée par les anathèmes, les insultes et une grande méfiance vis-à-vis des dirigeants européens, notamment la chancelière Angela Merkel.
Joe Biden peut s’enorgueillir d’avoir réintégré les accords de Paris sur le climat. Ce fut la première décision marquante de son mandat. Il vient aussi d’abonder dans le sens de l’Europe en acceptant un impôt de l’ordre de 15% sur les grands groupes numériques dits les « GAFA ». Cette décision correspond d’ailleurs à son intérêt politique pour mettre en œuvre le très ambitieux plan de relance dans son pays.
Des divergences persistantes
Toutefois les sujets de divergence et d’incertitude ne manquent pas. Tout d’abord, Joe Biden n’a pas montré un intérêt particulier, au-delà d’une pétition de principe, pour faire revivre l’accord nucléaire iranien dénoncé par Donald Trump. Plus que jamais, l’Iran continue son dangereux programme nucléaire qui semble de moins en moins maîtrisé et qui constitue incontestablement une menace pour la région, notamment pour la sécurité d’Israël au moment même où ce pays connaît une transition politique délicate et agitée (le nouveau gouvernement de Naftali Bennet et de Yair Lapid doit être investi par le parlement ce dimanche).
Joe Biden, malgré sa volonté de se concerter avec les alliés de l’OTAN, ne remettra pas en cause l’exigence plusieurs fois exprimées par Donald Trump que les pays de l’OTAN consacrent un budget plus conséquent à leur défense, pour atteindre l’objectif de 2% du PIB, ce qui est encore loin d’être acquis à l’exception de quelque pays. S’agissant du retrait des troupes américaines d’Afghanistan, ce retrait, non remis en cause, risque aussi de précipiter ce pays de nouveau dans un cycle de violence aveugle et de relancer le terrorisme.
Le sujet des droits de l’homme sera crucial.
Il s’agit avant tout pour Joe Biden de montrer sa stature internationale et sa capacité à s’ériger en défenseur de la démocratie menacées par les pouvoirs forts : la Russie et la Chine. Le président américain doit rencontrer Vladimir Poutine la semaine prochaine, lequel est devenu un autocrate de plus en plus dangereux pour la stabilité mondiale et européenne. Il a fait déclarer hors la loi l’organisation anti-corruption d’Alexeï Navalny par une juridiction sous contrôle et ne cesse de couvrir les exactions de son ami biélorusse Alexander Loukachenko qui s’est livré récemment à un acte de piraterie aérienne d’Etat dans le seul but d’arrêter le jeune journaliste Roman Protassevitch, lequel croupit aujourd’hui en prison où il subit des traitements inhumains et dégradants, sa compagne étant elle-même retenue. Or l’Europe, au-delà des indignations formelles et des mesures de sanctions économiques, n’a hélas ni la force ni la crédibilité suffisantes pour contrer Vladimir Poutine. S’agissant de la Chine et des Ouïghours, que pourra faire le sommet si ce n’est émettre de nouveau des protestations solennelles ?
La question épineuse de l’Irlande du Nord
Enfin last but not least, Joe Biden, d’origine irlandaise, est furieux de la politique du premier ministre Boris Johnson vis-à-vis de la province et plus globalement sur sa politique post-brexit. Le premier ministre britannique est arrivé en Cornouailles en disant vouloir faire vivre la « relation spéciale » avec les Etats-Unis. En réalité, celle-ci n’existe plus. Le conseiller du président à la sécurité nationale, Jake Sullivan, n’a eu de cesse de parler des préoccupations du président à ce sujet y compris au sein de l’avion présidentiel Air Force One, car il pense que la politique de Boris Johnson-qui a trompé de bout en bout ses compatriotes d’Irlande du Nord en les sacrifiant volontairement sur l’autel d’un brexit qui l’arrangeait électoralement- est un risque considérable de nature à remettre en cause les accords du Vendredi-Saint et la paix en Irlande, notamment entre les communautés protestante et catholique.
Bref les enjeux sont réels, sans parler bien sur des vaccins à diffuser à travers le monde et le travail forcé des enfants.
Enfin, ce sommet arrive dans une période de transition. Angela Merkel quitte le pouvoir au mois de septembre et Emmanuel macron est soumis à réélection au printemps 2022, au moment où la France exercera la présidence de l’Union européenne.
Toutefois, il ne devrait au final pas y avoir de grosses surprises, le projet de communiqué final étant d’ores déjà prêt comme il se doit. Ce qui est certain est que Joe Biden ne refusera pas de signer les conclusions du Conseil une fois de retour dans son avion Air Force One comme le fit Donald Trump en son temps. C’est déjà cela !
Patrick Martin-Genier