La construction européenne vit au rythme des réformes institutionnelles. Il est toutefois permis de douter de l’émergence prochaine d’une souveraineté de l’Union. Si notre histoire européenne est jalonnée de transformations majeures, elle doit régulièrement surmonter des crises…
… D’une part, l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979 ou l’introduction de l’Euro le 1er janvier 2002 sont des marqueurs du volontarisme européen. D’autre part, la crise de la « chaise vide » entre 1965 et 19661 ou le référendum britannique du 13 juin 2016, point de départ du Brexit, prouvent une fragilité. La contestation idéologique alimentée par la montée du populisme eurosceptique, la défiance populaire depuis l’adoption du traité de Lisbonne sur les cendres de la « Constitution européenne »2, les crispations économiques suite à la crise des dettes souveraines, les défis migratoire et sécuritaire3 menacent l’acquis européen.
Dans ce contexte, l’appel d’Emmanuel Macron à un nouveau souffle interroge sur nos ambitions européennes. Le président de la République française se présente depuis la campagne électorale de 2017 en ardent défenseur d’un approfondissement de l’intégration européenne. Dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, il dénonce une Europe « trop faible, trop lente, trop inefficace »4 et propose l’instauration d’une souveraineté européenne : « L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c’est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts »5. Cela s’accompagne de propositions concrètes comme la constitution, pour les élections européennes, de listes transnationales censées permettre aux Européens de voter pour « un projet cohérent et commun »6 ou encore la réduction à quinze du nombre de membres de la Commission européenne. Dans une « lettre aux citoyens de l’Europe » publiée le 4 mars 2019 dans plusieurs journaux français et européens destinée à lancer la campagne des élections européennes, Emmanuel Macron avance trois idées. La première porte sur la défense de la liberté et de la démocratie au travers de la création d’une « Agence européenne de protection des démocraties »7 censée protéger le processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. La seconde, axée sur la sécurité, propose de « remettre à plat l’espace Schengen »8 au moyen d’une police des frontières commune et d’un office européen de l’asile placés sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure, incarnations des impératifs de sécurité et de solidarité. Un traité de sécurité et de défense en lien avec l’Otan rendrait opérationnelle la clause de défense mutuelle.
C’est le retour de la Communauté européenne de défense (CED)9 contre toute agression la sécurité des États-membres, en participant à la défense occidentale dans le cadre du traité de l’Atlantique Nord et en réalisant l’intégration des forces de défense des États-membres et l’emploi rationnel et économique de leurs ressources » (article 2, § 2 TCED). Le principe de défense mutuelle est également posé par l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949 et figure aujourd’hui dans le traité de Lisbonne (article 42, § 7, al. 1 TUE).] !
Un Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni serait institué. La troisième idée vise à assurer le progrès social au moyen d’un « bouclier » garantissant un « salaire minimum européen ». Une « Banque européenne du climat » financerait l’Europe du progrès écologique.
Ce volontarisme assumé se heurte à l’accueil prudent des autres États membres, à commencer par l’Allemagne. Après huit mois de réflexion, répondant par voie de presse10 au discours de la Sorbonne, Angela Merkel fait un pas en direction du président français en consentant à l’idée d’une agence européenne des migrations, à la nécessité d’harmonier le droit d’asile, à la réduction du nombre de commissaires, à la constitution de listes transnationales pour les élections européennes ou à l’institution d’un Conseil de sécurité européen tournant. Cependant, le poids de ces propositions est à relativiser concernant une chancelière sur le départ. Or, sans présager de la succession à la Chancellerie, Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), qui a pris la place d’Angela Merkel à la tête de la CDU le 7 décembre 2018, montre des positions fermes. Elle n’aura pas attendu huit mois pour répondre à la lettre d’Emmanuel Macron. Dans une tribune mise en ligne sur le site de la CDU le 9 mars 201911 et publiée le lendemain par voie de presse12, elle s’adresse directement au président de la République, affichant une volonté commune de renforcer l’Union européenne (UE), mais pas forcément de manière identique. En ce sens, elle propose la création d’un marché intérieur des banques et un « budget européen de l’innovation ». Elle se prononce également en faveur d’un « pacte européen de protection du climat ». En revanche, elle rejette la proposition de « bouclier social ». L’harmonisation des systèmes de protection sociale et l’instauration d’un salaire minimum européen constituent à ses yeux une « mauvaise approche ». Elle rejoint Emmanuel Macron sur la nécessaire refonte de l’espace Schengen afin de renforcer les frontières extérieures en transformant Frontex en « police aux frontières opérationnelle ». Si elle est d’accord avec l’idée d’un « Conseil européen de sécurité intégrant les Britanniques », elle propose que l’UE soit représentée par un « siège permanent commun » au Conseil de sécurité des Nations unies, reprenant la proposition choc du contrat de coalition signé en février entre les conservateurs et les socio-démocrates et réitérée par le vice-chancelier et ministre des Finances social-démocrate, Olaf Scholz, appelant la France à renoncer à son siège permanent au profit de l’UE13. Plus largement, à la souveraineté européenne avancée par le président français, elle oppose une vision plus pragmatique attachée à la préservation de l’État-nation en estimant qu’« aucun super-État européen ne saurait répondre à l’objectif d’une Europe capable d’agir ».
Côté européen, Jean-Claude Juncker prend la balle d’Emmanuel Macron au bond en plaçant le discours sur l’état de l’Union 2018 sous le signe de « l’heure de la souveraineté européenne ». Affirmant que « la puissance commerciale mondiale n’est rien d’autre que la preuve de la nécessité de partager nos souverainetés »14, le président de la Commission européenne renoue avec un thème en vogue lors de l’élaboration de la Constitution européenne. À l’unisson de la France et de l’Allemagne, il appelle à une Europe forte et unie, son rôle de payeur global devant se doubler d’un rôle d’acteur global15 au travers, notamment, du projet d’UE de défense16. En ce sens, il envisage la souveraineté européenne comme une capacité politique mondiale : « Weltpolitik-fähigkeit »17. Loin d’opposer l’UE aux États, il prend soin de préciser que « la souveraineté européenne provient de la souveraineté nationale de nos États membres. Elle ne remplace pas ce qui est propre aux nations »18. Il s’agit de partager les souverainetés pour rendre les États-nations plus forts.
Mais concrètement cette vision reste attachée aux préoccupations du moment au travers du renforcement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ou l’institution d’une Agence de l’Union pour l’asile.
Il propose alors d’activer la clause passerelle19 du traité de Lisbonne permettant le passage à la majorité qualifiée sur des questions intervenant dans des domaines régaliens comme la politique étrangère (notamment au sujet des droits de l’homme) et la fiscalité. Symbole de cette souveraineté européenne, des listes transnationales pour les élections européennes de 2024 sont également appelées de ses vœux. Si les termes « souveraineté européenne » sont forts, leur contenu paraît bien flou et laisse libre cours à toutes les interprétations. Sur le plan juridique, ils relèvent, en vérité, du simple slogan et laissent entrevoir le retour du spectre de la Constitution européenne.
Le slogan de la souveraineté européenne
Sur le plan juridique, la perspective d’une souveraineté européenne ne paraît guère envisageable. Elle fait appel à la vieille rengaine de la souveraineté partagée et au mythe d’une perspective fédérale non moins illusoire.
La rengaine de la souveraineté partagée
L’appel à une souveraineté européenne nécessite de situer cette notion. Sur le terrain juridique, la souveraineté se rapporte à une certaine conception du pouvoir. Le droit interne peut l’envisager comme un pouvoir supérieur ou suprême. Raymond Carré de Malberg y voit « le caractère suprême d’un pouvoir, suprême en ce sens que ce pouvoir n’en admet aucun autre, ni au-dessus de lui, ni en concurrence avec lui »20. En droit international, la souveraineté est, de manière classique, synonyme d’indépendance. Dans une célèbre sentence arbitrale, Max Huber considère que « la souveraineté, dans les relations entre États, signifie l’indépendance. L’indépendance, relativement à une partie du globe, est le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre État, les fonctions étatiques »21. Son volet interne « implique […] que l’État possède, soit dans ses rapports avec les individus qui sont ses membres ou qui se trouvent sur son territoire, soit dans ses rapports avec tous les autres groupements publics ou privés formés au-dedans de lui, une autorité suprême, en ce sens que sa volonté prédomine sur toutes les volontés de ces individus ou groupes, celles-ci ne possédant qu’une puissance inférieure à la sienne »22. Son volet international conduit à placer juridiquement les États sur un pied d’égalité, quelles que soient leurs dimensions, puissance ou démographie.
Principe du droit international, l’égalité souveraine des États est l’un des fondements de l’Organisation des Nations unies23.
Le point commun à ces deux approches se focalise sur l’impératif étatique. Pour Olivier Beaud, « rien ne permet d’invalider l’opinion classique selon laquelle il n’y a pas d’État sans souveraineté »24. Juridiquement, la souveraineté européenne ne peut guère s’envisager en dehors d’un État européen. La souveraineté à laquelle se réfèrent Emmanuel Macron ou Jean-Claude Juncker relève en réalité d’un autre registre : celui du fédéralisme. Cela peut conduire non à une souveraineté européenne comparable à la souveraineté nationale, mais plutôt à un partage de souveraineté comme le président Juncker en appelle de ses voeux.
La notion de souveraineté partagée n’est pas nouvelle. Elle se manifeste initialement dans le contexte des débats accompagnant la rédaction de la Constitution des États-Unis. Elle se rapporte alors au partage des compétences entre la fédération et les États fédérés. Élisabeth Zoller évoque « une souveraineté unique, celle de l’État fédéral, qui se superpose et s’impose aux diverses souverainetés des États fédérés »25. Le terme « souveraineté » est employé ici comme synonyme de compétences. Pouvant être considéré comme le père du concept unitaire et indivisible de la souveraineté, Jean Bodin considère, certes, les seigneurs des cantons suisses comme souverains, mais il estime néanmoins que « les sujets ne sont pas réputés sujets de plusieurs souverains, mais d’un seul qui commande en son ordre »26. Il ne s’agit pas d’une attribution de « la compétence des compétences »27 aux collectivités fédérées mais plutôt d’une formule révélant une contradiction entre fédéralisme et souveraineté28. Le recours à la notion de souveraineté partagée apparaît alors comme une « fiction nécessaire »29, illustrant, en réalité, un partage de la compétence législative. On comprend alors ce qu’Alexander Hamilton veut dire lorsqu’il qualifie les États-Unis d’ « association totale ou partielle d’un ensemble de souverainetés distinctes »30. Sans doute doit être interprétée en ce sens la résolution du 23 juin 2009 du gouverneur du Tennessee, Phil Bredesen, affirmant « la souveraineté du Tennessee en vertu du dixième amendement31 de la Constitution des États-Unis sur tous les pouvoirs non énumérés par ailleurs et conférés au gouvernement fédéral par la Constitution des États-Unis »32. Si la revendication est inédite, la formule vise avant tout les compétences des États. S’inscrivant dans les pas des Pères fondateurs américains, le ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, affirme lors de son discours du 12 mai 2000 devant l’Université Humboldt que « le partage de souveraineté entre la Fédération et les États-nations suppose comme préalable un traité constitutionnel consignant ce qui sera réglé au niveau européen et ce qui continuera de l’être à l’échelon national »33. En ce sens, la souveraineté partagée peut s’inscrire dans une logique fédérale où elle n’est en réalité que le synonyme d’un partage de compétences.
Lors de l’élaboration de la Constitution européenne, la souveraineté partagée est invoquée sous l’angle de la répartition des compétences entre les États- membres et l’UE. « Désormais, le discours politique tend à véhiculer les idées de la souveraineté partagée, de la différenciation ou de l’exercice en commun des pouvoirs régaliens, le respect des identités nationales au sein de l’Union, autant de notions qui font partie des notions fondamentales du fédéralisme »34. Pour ceux qui s’en revendiquent, la souveraineté partagée « offre […] des possibilités d’action plus grandes qu’une souveraineté solitaire aujourd’hui largement fictive »35 sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution, JORF, S, R n° 102, 1998-1999, p. 7.]. Mais cette approche n’est guère convaincante et s’apparente essentiellement à un prétexte. Pour Jürgen Habermas, « la souveraineté partagée nous livre le critère nous permettant d’apprécier des exigences de légitimation requises pour une entité commune supranationale, sans attributs étatiques »36. S’il existe une dualité de l’UE, elle n’est pas juridiquement synonyme de souveraineté partagée37, mais de compétences partagées. Les discours d’Emmanuel Macron et Jean-Claude Juncker favorables à l’avènement d’une souveraineté européenne prolongent une ambiguïté originelle et porteuse d’incertitudes. Vlad Constantinesco prévient que « faute d’espace public européen, il peut sembler périlleux d’éveiller les nationalismes et les populismes en proposant un projet européen en termes de souveraineté »38. Un récent sondage montre, par exemple, que les Français ont une perception très mitigée de l’UE : « 38 % estiment qu’elle a plus d’inconvénients que d’avantages39 et 24 % l’inverse. 38 % affirment qu’elle a autant d’avantages que d’inconvénients » ; 64 % d’entre eux ne croient pas en la capacité d’Emmanuel Macron à faire évoluer significativement le fonctionnement et les orientations politiques de l’UE et 76 % estiment mal connaître son projet européen40.
Se pose également une question de faisabilité : difficilement envisageable à 2741, la perspective d’une souveraineté européenne ferait alors appel à la logique de coopération renforcée42.
Toutefois, cet outil43 institué par le traité d’Amsterdam en 199744 reste marginal45. Quelle que soit la procédure envisagée, la démarche montre certaines limites. Ici, l’entente avec l’Allemagne paraît indispensable et l’attitude d’Angela Merkel (et de « AKK ») invite à la prudence. Le pragmatisme pourrait l’emporter sur le lyrisme.
Il faut garder à l’esprit que la souveraineté demeure indéfectiblement attachée à l’État. Certes, les compétences exercées par l’UE et les leviers normatifs de l’applicabilité directe, de la primauté ou la compétence de la Cour de justice de l’UE (CJUE) en matière préjudicielle46, peuvent donner le sentiment d’une dilution, voire d’une dissolution47 de la souveraineté étatique. Cependant, cette perception est largement fantasmée. Les États-membres de l’UE restent les seuls souverains. Lorsque l’UE prend une décision, les États en sont acteurs par le vote des ministres au sein du Conseil. Si le vote à la majorité qualifiée fait reculer la souveraineté étatique, il ne la fait pas disparaître car ce sont les États qui ont souverainement consenti à ces modalités de vote. In fine, les États restent maîtres de leur destin. Le Brexit en est l’illustration. Fédéralistes convaincus, les Pères fondateurs s’étaient heurtés au poids de l’histoire leur opposant le mur des souverainetés nationales. Relevant sur le plan juridique du droit international, l’UE cultive depuis l’origine une ambiguïté avec le droit interne qui provoque l’incompréhension et alimente l’euroscepticisme. La souveraineté partagée donne aujourd’hui le sentiment d’une rengaine dont la formalisation fédérale reste une illusion.
L’illusion fédérale
L’appréhension de la dimension fédérale de l’UE est d’autant plus délicate qu’il existe à peu près autant de formes de fédéralisme que de fédérations. À la lumière du droit international, constate Georges Scelle, « il ne peut y avoir de critérium juridique spécifique de l’État fédéral »48. Georges Burdeau lui emboîte le pas en soulignant que la diversité des pratiques constitutionnelles « rend fort aléatoire la découverte d’un critérium commun »49. Forme de l’État, suivant la conception européenne, union d’États elle-même non étatique, suivant la vision américaine des Pères fondateurs, la difficulté est la même50et ne permet pas de poser une définition unique, au mieux des critères présentés comme des lois du fédéralisme51. La loi d’autonomie confère aux collectivités fédérées une compétence législative qui leur est propre. La loi de participation les conduit à concourir à la volonté souveraine de l’État. La loi de superposition institue une reproduction du modèle constitutionnel normatif et juridictionnel fédéral à l’échelle des collectivités fédérées.
En 1945, les Européens comprennent qu’il faut enterrer « l’ancien monde » d’un Concert des nations responsable de leur destruction dans deux guerres planétaires. Mais l’Europe fédérale ne peut leur être imposée par le haut. Le projet de fédération européenne présenté en 1929 par Aristide Briand ou la relance fédérale envisagée par Paul Raynaud lors du Congrès de La Haye du 7 mai 1948 échouent. D’autres projets s’inscrivent dans la même logique. En 1940, Jean Monnet défend un projet de nationalité commune franco-britannique52. En 1950, Konrad Adenauer propose la création d’une union franco-allemande53 puis franco-anglo-allemande54. Ouverte aux autres nations européennes, elle aurait fusionné les parlements, les économies et les nationalités55. Le général de Gaulle y voit même la reprise « sur des bases modernes, économiques, sociales, stratégiques, culturelles, de l’entreprise de Charlemagne »56. Toutes ces propositions restent lettre morte. Aussi, la méthode Monnet va consister à renvoyer la question fédérale à plus tard.
Le réalisme l’emporte alors sur l’idéalisme.
Le 9 mai 1950, le ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman, trace le chemin d’une intégration fonctionnelle. L’ambition affichée s’inscrit dans le court et le long terme : « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait »57. La construction fédérale s’engage par le bas et le gouvernement français propose « de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe »58. Il s’agit de préserver la paix en fédéralisant l’économie de la guerre. Signé à Paris, le 18 avril 1951, le traité CECA en est alors la traduction juridique.
Le Plan Schuman ne fixe pas d’échéance. La mutation politique et fédérale relève du long terme. Cependant, le contexte de la guerre froide vient précipiter les choses avec la signature le 27 mai 1952 du traité CED. L’enjeu est existentiel. Il faut faire face à la menace soviétique et répondre à la pression des Américains et des Britanniques pour qui le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest est une priorité. La défense constitue alors le point d’ancrage du virage politique de l’Europe et de sa mutation fédérale. Le président du Conseil italien, Alcide de Gasperi, en profite pour imposer dans le traité une clause selon laquelle l’Assemblée commune de la CECA est chargée d’étudier « la constitution d’une Assemblée de la CED élue sur une base démocratique »59, les pouvoirs qui lui sont dévolus ainsi que « les modifications qui devraient éventuellement être apportées aux dispositions du présent traité relatives aux autres institutions de la Communauté, notamment en vue de sauvegarder une représentation appropriée des États »60. Mais il introduit surtout une disposition en vertu de laquelle l’Assemblée commune doit proposer une structure fédérale ou confédérale : « l’organisation de caractère définitif qui se substituera à la présente organisation provisoire devra être conçue de manière à pouvoir constituer un des éléments d’une structure fédérale ou confédérale ultérieure, fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs et comportant, en particulier, un système représentatif bicaméral… »61.
Les députés français mettent fin au projet en rejetant le traité CED le 30 août 1954. Les oppositions sont fortes pour des raisons multiples. Les communistes voient dans la CED un moyen d’affaiblir l’Union soviétique. Les gaullistes du Rassemblement du peuple français (RPF) pensent que la CED aurait privé la France d’une partie de sa souveraineté. Ils rejettent aussi toute idée de commandement américain au travers de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Certains socialistes rejoignent les gaullistes sur le sentiment d’une menace vis-à-vis de la souveraineté nationale. La question allemande, entre la crainte d’un renforcement de la partition du pays et la méfiance62, les divise. Surtout, se profile la naissance d’une Europe politique. Or, entre la préparation et la ratification du traité CED, le contexte international a évolué. Le sentiment de peur63 du début de la guerre froide a laissé place à un relatif apaisement depuis la mort de Staline en 1953 et le tournant de la coexistence pacifique. L’engouement fédéral recule et les Européens montrent davantage d’attachement à la souveraineté nationale.
L’échec de la CED est le symbole de l’inertie à laquelle est confrontée une Europe politique dont la mutation fédérale n’est pas allée à son terme.
Il en résulte une ambiguïté sur la nature de l’UE. Malgré les limites64 inhérentes à une telle distinction, l’UE se situe entre un État fédéral et une confédération d’États. Louis Le Fur définit la confédération comme une « association d’États souverains »65. Venant du terme latin fœdus (alliance), la fédération forme une « réunion de collectivités non souveraines »66. Cette distinction permet de déduire que la confédération relève, en principe, du droit international et la fédération, du droit constitutionnel.
L’UE cultive l’ambivalence exprimée par la formule de la « fédération d’États-nations » inaugurée en 1994 par Jacques Delors67, expression largement reprise depuis, notamment par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en 201268. Certes, « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains »69, mais, unis par un traité international, ils demeurent souverains. Conformément à la logique du droit des traités70, l’entrée en vigueur et la révision de ceux qui définissent l’UE restent subordonnées à ratification à l’unanimité suivant les règles constitutionnelles des États- membres71. La dimension confédérale de l’UE se manifeste donc sous cet angle.
Cependant, l’UE s’apparente, à bien des égards, à une fédération. À ce titre elle « dépasse largement l’arsenal des institutions confédérales »72. Quelques exemples emblématiques de cette dimension en attestent. Sur le plan normatif, le droit primaire impose la règle d’applicabilité directe en vertu de laquelle « le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État-membre »73. Forgée par la jurisprudence, la primauté du droit de l’UE74 est désormais érigée en « principe fondamental du droit communautaire »75. L’interprétation uniforme des traités s’impose aux États au travers de la technique du renvoi préjudiciel. La CJUE « assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités »76. Ce principe est garanti par l’obligation faite aux juridictions nationales, dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, de saisir la Cour77. Cela traduit l’adage allemand selon lequel le droit de la fédération brise celui des collectivités fédérées78. Par ailleurs, et de manière plus symbolique, certains aspects de l’UE lui confèrent une ressemblance avec les États-Unis. La création de la zone euro rappelle le passage au dollar unique. « Unis dans la diversité », la devise de l’UE s’apparente à « E Pluribus Unum », aux États-Unis, qui était en cours jusqu’en 195679. Le discours du président de la Commission sur l’état de l’Union pousse le mimétisme avec celui du président américain jusqu’à lui retirer le terme « européenne ». Sur le plan institutionnel, le Parlement européen est élu au suffrage universel direct80 depuis 1979. La démocratie européenne est ainsi légitimée par les urnes depuis quarante ans ! L’UE désigne son président élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois81. Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité figure une sorte de ministre des Affaires étrangères, dénomination qui avait été instituée par la Constitution européenne82.
Toutefois, la logique fédérale de l’UE joue, en quelque sorte, à front renversé. Le schéma classique du fédéralisme envisage une autonomie qui se manifeste, en principe, au niveau des collectivités fédérées qui exercent des compétences suivant une clé de répartition définie par la Constitution. Aux États-Unis, celle-ci pose la règle selon laquelle le Congrès exerce une compétence d’attribution83 et les États une compétence de droit commun84. En Allemagne, la loi fondamentale distingue trois sortes de compétences : exclusives fédérales du Bund85, exclusives locales des Länder86, et concurrentes87. Ces dernières se répartissent en vertu du principe de subsidiarité : « dans le domaine de la compétence législative concurrente, les Länder ont le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération n’a pas fait par une loi usage de sa compétence législative »88. Inscrit dans le traité de Maastricht, le principe de subsidiarité s’inspire directement du modèle allemand : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États-membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union »89. Mais, à la différence d’un État fédéral, l’autonomie se définit à l’échelon supranational car seuls les États-membres sont souverains. Suivant la vision constitutionnelle, l’État fédéral est souverain et les collectivités fédérées ne le sont pas. Elles ne peuvent pas quitter de leur propre fait la fédération. L’UE inverse la logique fédérale. Le Brexit le prouve. Souverain, le peuple britannique a choisi par voie de référendum de quitter seul l’UE. Stipulant que « tout État-membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union », l’article 50 TUE ne pose aucune condition. Il se borne à établir une procédure destinée à conclure « un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ». Cette démarche peut très bien ne pas aboutir. Le scenario d’une sortie de l’UE sans accord est juridiquement possible. La souveraineté demeure étatique, renvoyant celle de l’UE au rang d’un slogan qui induit le retour du spectre constitutionnel.
Le retour du spectre constitutionnel
Sur le plan normatif, le lien indéfectible entre la souveraineté et l’État se noue au cœur de la Constitution. En conséquence, la revendication d’une évolution vers une souveraineté européenne ne peut guère être envisagée sans elle. Pourtant, malgré le rejet de la mutation constitutionnelle, l’ambiguïté sur la nature des traités se maintient.
Le rejet de la mutation constitutionnelle
Parce que les Pères fondateurs ont partagé une ambition fédérale commune, il était tentant de voir dans les institutions européennes un potentiel constitutionnel. Le volontarisme en la matière voit se succéder les projets90. Sans qu’il soit nécessaire de tous les citer, leur histoire, impulsée par le traité CED, s’achève avec la Constitution européenne. L’alpha et l’oméga du projet constitutionnel a trouvé sur son chemin le refus de la France. Sur la base de l’article 38 TCED91, l’Assemblée commune présente en 1953 un projet de traité portant Statut de la Communauté européenne (CE). Le texte s’inspire des travaux du Comité d’études pour la Constitution européenne créé le 6 mars 1952 par le Mouvement européen (ME). Il est porté par Paul-Henri Spaak qui préside l’Assemblée ainsi que le ME. CECA, CED et CE forment « une entité juridique unique »92. Le « Statut » prévoit l’institution d’un Parlement, d’un Conseil exécutif, d’un Conseil de ministres et d’une Cour de justice. Le Parlement comporte une chambre des peuples élue au suffrage universel93 et un Sénat élu par les parlements nationaux « selon la procédure fixée par chaque État-membre »94. Si le terme « fédéral » est absent du texte, l’inspiration est d’autant plus présente que le bicamérisme est égalitaire95. En outre, le Parlement vote des lois96 et le budget. Assurant « le gouvernement de la Communauté »97, le Conseil exécutif remplace la Haute Autorité de la CECA. Le régime parlementaire est assumé : le président du Conseil exécutif est élu par le Sénat98 et ses membres, nommés par le président99, « portent le titre de ministres de la [CE] »100; le Conseil exécutif partage l’initiative législative avec le Parlement et les ministres, il est investi par les deux chambres du Parlement qui peuvent également le censurer ; il peut dissoudre la Chambre des peuples101. Un Conseil de ministres européens assure la liaison entre le Conseil exécutif et les gouvernements des États-membres. Les questions contentieuses sont tranchées par une Cour de justice issue de celle de la CECA.
Ce projet fut enterré avec la CED et aucune Constitution ne sera instituée par la suite.
La Constitution européenne du 29 octobre 2004 devait faire renaître cette ambition. Nombreuses sont les ressemblances avec le droit constitutionnel, à commencer par le libellé du traité « établissant une Constitution pour l’Europe ». Le texte stipule que « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États-membres »102 ; il intègre la Charte des droits fondamentaux ; le Parlement européen « exerce les fonctions législative et budgétaire »103 ainsi que le « contrôle politique », il vote des lois, investit104 la Commission et peut la censurer105. La logique de l’investiture impose au Conseil européen de tenir compte du résultat des élections européennes pour désigner le candidat à la présidence de la Commission106. Mais le texte ne bouleverse pas l’architecture institutionnelle. La Commission conserve le monopole de l’initiative législative107 et le Parlement ne peut pas être dissout. La seule véritable nouveauté réside dans le remplacement du haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune par un ministre des Affaires étrangères de l’UE108. Après l’échec des référendums français et néerlandais, le traité de Lisbonne est partiellement expurgé du vocabulaire constitutionnel. Toute référence à une Constitution européenne disparaît, les règlements et directives retrouvent leur place qui avait été prise par les « lois » européennes et le ministre des Affaires étrangères de l’UE disparaît au profit d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Sur le fond, les dispositions essentielles de la Constitution sont reprises. Le « plan B » aura eu raison du vote du peuple souverain. Ce bref passage en revue de la dynamique constitutionnelle de la construction européenne appelle une réflexion sur ses échecs. Les causes des rejets par la France du traité CED et de la Constitution européenne sont multiples. L’évolution du contexte international en 1954, la sanction de la politique intérieure menée par le président de la République Jacques Chirac et son Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, en 2005, en font partie. Mais l’une des explications de ces deux revers se trouve sans doute dans l’ambiguïté des Communautés, puis de l’Union quant à leur nature.
Le maintien de l’ambiguïté
La question de la nature constitutionnelle des traités européens renvoie aux rapports conceptuels entretenus entre les notions de Constitution et de traité. De la CECA à Lisbonne, les traités européens sont formellement des actes conventionnels de droit international. Une Constitution se présente, sur le plan formel, essentiellement comme un acte unilatéral de droit interne. Les normes juridiques constitutionnelle et internationale n’appartiennent pas aux mêmes branches du droit. La première appartient au droit interne et la seconde au droit international. Mais, dès l’origine de la construction européenne, le caractère constitutionnel des traités est mis en avant par certains auteurs109. Cette approche n’est pas si singulière au regard de la double dimension conventionnelle et constitutionnelle des traités constitutifs d’organisations internationales110. Le juge Monaco estime que « l’acte institutif revêt la forme du pacte mais possède la substance de la Constitution : né sur la base d’une convention, il dépasse, avec le temps, son origine formelle, jusqu’à devenir une Constitution de durée indéterminée dont le développement déborde le cadre à l’intérieur duquel elle avait été initialement conçue »111. Le raisonnement ouvre la porte à la reconnaissance d’un droit constitutionnel international. Georges Scelle considère ainsi qu’ « il y a Constitution et normes constitutionnelles toutes les fois qu’il y a élaboration de règles normatives destinées à traduire les nécessités essentielles des rapports sociaux et à fournir […] les moyens de mise en œuvre de ces règles fondamentales »112. Cette vision n’est pas que théorique. Dans l’arrêt « Les Verts », la Cour de justice qualifie les traités de « charte constitutionnelle de base » de la Communauté113. Base juridique d’une organisation internationale, le traité comporte des points communs avec la notion de Constitution : « les organisations internationales sécrètent un ordre juridique hiérarchisé dont le “sommet” est occupé par leur charte constitutive »114.
Parfois même officiellement dénommée Constitution115, cette charte n’a en réalité de constitutionnel que le nom.
Si des points communs existent entre elles, les notions de traité et de Constitution demeurent fondamentalement différentes.
Les points communs sont d’ordre formel et visent les règles écrites et non écrites. Le développement de la forme écrite au XVIIIe siècle s’explique par sa vertu codificatrice et sa publicité, qui en font un gage de sécurité. René Capitant martèle que « le droit doit être écrit, parce qu’il doit être publié. Il doit être non le secret des puissants, mais la règle publique et commune car la règle est tyrannique tant qu’elle est imprévisible, la codification est bien la condition d’un droit juste et d’une obéissance librement consentie »116. L’écriture tient lieu « de mécanisme pratique de prévention des conflits »117. Le mouvement constitutionnel se développe donc largement sous une forme écrite, aujourd’hui devenue très répandue. Sur ce point, le raisonnement se transpose aisément aux traités. Les accords verbaux n’étant pas assez sûrs pour être codifiés, les conventions de Vienne118 ne retiennent que la forme écrite. Les jurisprudences européenne et constitutionnelle peuvent également être rapprochées en tant que sources écrites dérivées de ces droits. « Pour n’être énoncée qu’au moment de son application, [la jurisprudence] n’en est pas moins écrite dans les motifs des décisions concordantes ; […] elle entre donc bien dans la catégorie du droit écrit entendu largement »119. La jurisprudence « confine à la source du droit »120 menant le juge à suppléer, le cas échéant, les carences du législateur. Le Conseil constitutionnel « décrète », par la décision Amendement Séguin, qu’il existe des « limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement »121. L’approche subjective122 modifie la nature de la jurisprudence qui peut devenir à l’occasion une source originaire du droit constitutionnel123. En qualifiant les traités de « charte constitutionnelle de base », la CJCE anticipe la résolution du Parlement européen du 25 octobre 2000 sur la constitutionnalisation des traités124. Exceptionnelle, cette attitude du juge ne peut conduire à considérer la jurisprudence comme source du droit en tant que telle. Que ce soit dans le cadre de l’UE ou de la Constitution – française du moins – le juge suprême n’est, en réalité, que l’interprète « authentique »125 du traité ou de la Constitution. D’un côté, la CJUE exerce un monopole imposé par la question préjudicielle qui lui confère « une autorité et une valeur singulière »126. De l’autre, le Conseil constitutionnel partage ce rôle avec le président de la République127. L’évolution du contrôle de constitutionnalité de la loi prend, avec la question prioritaire de constitutionnalité, une coloration qui le rapproche de la question préjudicielle formant un autre point commun. Découlant de la forme écrite, l’architecture du droit de l’UE rejoint celle du droit constitutionnel de la majorité des États-membres au travers de sa hiérarchie des normes. En France, le Conseil constitutionnel considère, de ce point de vue, que « la loi […] n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution »128. La CJUE souligne que la « spécificité »129 de l’ordre juridique communautaire lui est « propre »130. Sa hiérarchie est respectée par le juge qui sanctionne la violation des traités par le droit dérivé.
La ressemblance se prolonge avec les règles non écrites. Communs aux droits interne et international, les critères de la coutume portent sur une pratique répétée et sur le sentiment d’être en présence d’une règle obligatoire. L’opinio juris justifie alors la sanction juridictionnelle. Pour autant, ni le droit constitutionnel ni celui de l’UE ne laissent une place importante à cette source du droit car la pratique privilégie la souplesse des règles politiques non écrites. La pratique constitutionnelle britannique a inventé les « conventions de la Constitution ». Règles lato sensu131 du pouvoir, elles « définissent les droits, pouvoirs et obligations non juridiques des titulaires de fonctions relevant des trois branches du gouvernement, ainsi que les relations entre ces organes »132. Situées hors de la sphère du droit, elles échappent au juge et se caractérisent par le seul volontarisme. La Constitution d’Angleterre apparaît ainsi largement comme une « convention de la Constitution ». La Ve République ne saurait davantage fonctionner sans y recourir. Le consensus sur la responsabilité politique du Premier ministre devant le président de la République en est l’exemple topique. Dans L’Ancien régime et la Révolution, Tocqueville écrivait déjà à propos de la France : « la règle est rigide, la pratique est molle ». Intervenant dans des domaines les plus variés, les accords interinstitutionnels ne sont que la transposition en droit européen de la logique des « conventions de la Constitution ». Comme ces dernières, ils permettent d’éviter des blocages, de compléter certaines carences des textes, sans avoir recours à une révision. Les accords interinstitutionnels ont ainsi contribué à surmonter les difficultés entre le Parlement européen et le Conseil en matière budgétaire. Ils ont également été essentiels à la mise en œuvre de la procédure de codécision. Selon Pierre Avril, « ce que l’on appelle Constitution ne saurait se réduire à la seule nature juridique, mais comporte une dimension politique »133. Le raisonnement vaut également pour le droit de l’UE.
Ces points communs ne peuvent néanmoins mener à la confusion car des différences fondamentales existent entre les traités européens et la Constitution. L’ambiguïté de la qualification du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe n’y change rien134. Comme toute convention internationale, les traités de l’UE sont le support de relations interétatiques définies par un objet135 soumis à une exigence de licité imposant le respect du « droit commun international »136 matérialisé par des normes impératives. Le jus cogens s’impose au jus dispositivum.
Alors que l’objet d’un traité n’est pas figé, celui d’une Constitution est fixe.
Il porte, dans sa dimension politique, sur l’organisation des pouvoirs publics et, dans sa dimension sociale137, sur la reconnaissance et la protection des droits fondamentaux. Pour Dominique Rousseau, la Constitution est « la définition des rapports entre les citoyens et l’État, la charte des droits et des libertés dont la garantie est assurée par la mise en place d’un mécanisme de sanction des organes de l’État »138. Contrairement au traité, elle n’est soumise à aucune obligation de licité et la dimension sociale de son objet ne vaut que dans le cadre démocratique dont l’État de droit assure la garantie. Une Constitution – aux sens formel et matériel – existe juridiquement, même en l’absence de respect des droits de l’homme. La dimension organique des traités européens ne se confond pas avec leur objet. Elle est à leur service, même si le respect des droits fondamentaux, corroboré par la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui « a la même valeur juridique que les traités »139, renforce le rapprochement avec le modèle constitutionnel.
En outre, la place de l’État diffère selon que l’on se trouve en présence d’un traité ou d’une Constitution. Dans la Constitution, il joue essentiellement un rôle disciplinaire : « lui seul est chargé d’assurer […] un minimum d’ordre, au sens matériel, entre les individus afin qu’ils vivent en paix, à défaut de vivre en bonne intelligence »140. Simple sujet de droit international, il n’est, dans une organisation internationale, qu’un État-partie. « Aucun être ne joue par rapport aux États-sujets internationaux le rôle qu’assure l’État-sujet interne par rapport à ses propres assujettis »141. Par ailleurs, si le lien entre État et Constitution paraît indéfectible, il ne l’est pas au sens du droit interne en matière de traité car en droit interne, l’impératif étatique se confond avec la souveraineté142. « La possession d’une Constitution est un signe distinctif de l’État. Seules, en effet, les collectivités étatiques sont capables de se donner un statut fondamental, de leur libre et propre puissance »143. Par conséquent, « l’existence de l’État suppose celle d’une Constitution »144. Les futures réformes de l’UE ne devront pas répondre uniquement à des questions techniques. Les échanges de points de vue entre Emmanuel Macron, Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer et Jean-Claude Juncker, si l’on s’en tient à ce noyau dur, le montrent. Souveraineté, Constitution, fédéralisme ne sont pas que des mots. Leur emploi nécessite des précautions parfois oubliées. La crise de légitimité que traverse l’UE ne sera surmontée qu’au prix d’une clarification. Alors, sortons de l’ambiguïté !
Nicolas Clinchamps
Maître de conférences de droit public, habilité à diriger des recherches
CERAP, EA n° 1629, Université de Paris 13 – Sorbonne Paris Cité
- Devant entrer en vigueur le 1er janvier 1966, le passage du vote à l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil, est considéré par le général de Gaulle comme une dérive supranationale. La France décide alors de ne plus y siéger à partir du 30 juin 1965 jusqu’à l’adoption, le 30 janvier 1966, du « compromis de Luxembourg » qui maintient le vote à l’unanimité sur les sujets importants et permet, lorsqu’une question concerne un « intérêt vital » d’un ou plusieurs États- membres, la recherche d’un compromis jusqu’à ce qu’une solution fasse l’objet d’un accord unanime. Philippe Huberdeau, « Le “compromis de Luxembourg” est-il encore d’actualité après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ? », RMCUE, Paris, Dalloz, 2010, p. 362. ↩
- Signé à Rome, le 19 octobre 2004, le traité établissant une Constitution pour l’Europe, plus connu sous le nom de « Constitution européenne », n’est pas entré en vigueur en raison des rejets successifs de la France par référendum du 29 mai 2005 et des Pays-Bas par celui du 1er juin de la même année. ↩
- Sylvain Kahn, « Les crises de l’Europe : un panorama », RJSP, Paris, LexisNexis, 2016, n° 12, p. 106-117. ↩
- Discours d’Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique. Paris, La Sorbonne, 26 septembre 2017. ↩
- Ibid. ↩
- Ibid. ↩
- Emmanuel Macron, « Pour une renaissance européenne », Lettre adressée aux citoyens européens, 4 mars 2019. ↩
- Ibid. ↩
- La CED n’est jamais entrée en vigueur. Infra. Elle prévoyait, entre autres, la création d’une armée intégrée au travers de « forces armées communes » (article 1er) et reprenait la clause de défense mutuelle instituée par le traité du 17 mars 1948 de l’Union occidentale (UO). La CED « [assurait ↩
- « Europa muss handlungsfähig sein », Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, 3 Juni 2018. ↩
- Annegret Kramp-Karrenbauer, « Faisons l’Europe comme il faut », https://www.cdu.de ↩
- Welt am Sonntag, 10 märz 2019.. ↩
- Discours du 28 novembre 2018 devant l’Université Humboldt de Berlin. ↩
- Jean-Claude Juncker, Discours sur l’état de l’Union 2018, Parlement européen, Strasbourg, 12 septembre 2018. ↩
- Ibid. ↩
- Document de réflexion sur l’avenir de la défense européenne, Commission européenne, COM (2017) 315, 7 juin 2017. ↩
- Jean-Claude Juncker, ibid. ↩
- Ibid. ↩
- L’article 48, § 7, al. 1 TUE institue une clause passerelle générale qui permet au Conseil européen statuant à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, de remplacer le vote du Conseil à l’unanimité par la majorité qualifiée pouvant notamment s’appliquer au titre V TUE portant sur la PESC, sauf pour les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. ↩
- Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, tome 2, Paris, Sirey, 1920, réédition Dalloz, 2004, tome 1, p. 70. ↩
- CPA, 4 avril 1928, Affaire de l’Île de Palmas, traduction par Charles Rousseau, RGDIP, Paris, Pedone, 1935, p. 156. ↩
- Raymond Carré de Malberg, op. cit, p. 71. ↩
- Article 2, § 1 CNU : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres ». ↩
- Olivier Beaud, La puissance de l’État, Paris, PUF, collection Léviathan, 1994, p. 14. ↩
- Élisabeth Zoller, Droit constitutionnel, Paris, PUF, collection Droit fondamental, 2e édition, 1999, p. 27. ↩
- Jean Bodin, Les Six Livres de la République, Livre Ier, Chapitre VI, Paris, Jacques du Puys, 1577, p. 63. ↩
- La formule est séduisante, mais pas limpide. Tout en considérant que l’État dispose de « la compétence de sa compétence », Georg Jellinek a pu remettre en cause cet impératif estimant qu’un État non souverain pouvait exister, notamment dans l’hypothèse de la confédération. Georg Jellinek, L’État moderne et son droit, Paris, Fontemoing, 1904, réédition Panthéon-Assas, 2004, II, p. 142-147. ↩
- Olivier Beaud, « Fédéralisme et souveraineté : Notes pour une théorie constitutionnelle de la Fédération », RDP, Paris, LGDJ, 1998, p. 104 et s. ↩
- Élisabeth Zoller, « Aspects internationaux du droit constitutionnel. Contribution à la théorie de la fédération d’États », RCADI, Leyde, Sijhtoff, 2002, vol. 294, p. 113. ↩
- Alexander Hamilton, « Lettre n° LXXXII », in Alexander Hamilton, John Jay, James Madison, Le Fédéraliste, traduction par Gaston Jèze, Paris, LGDJ, 1957, réédition Economica, 1988, p. 684. ↩
- Infra. ↩
- Résolution soutenue par Suzan Lynn à la Chambre des représentants du Tennessee. House Joint Resolution 108 (HJR0108) by Suzan Lynn, Jun 27, 2009 : « we hereby affirm Tennessee’s sovereignty under the Tenth Amendment to the Constitution of the United States over all powers not otherwise enumerated and granted to the federal government by the Constitution of the United States ». ↩
- Joschka Fischer, « De la Confédération à la Fédération – réflexion sur la finalité de l’intégration européenne », Discours prononcé à l’Université Humboldt, Berlin, 12 mai 2000. ↩
- Dusan Sidjanski, L’approche fédérative de l’Union européenne ou la quête d’un fédéralisme européen inédit, Paris, Notre Europe, 2001, p. 8. ↩
- Pierre Fauchon, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles [… ↩
- Jürgen Habermas, La Constitution de l’Europe, Paris, Gallimard, 2011, p. 103. ↩
- Marie-France Christophe-Tchakaloff, « François Luchaire et l’Europe », in Didier Maus et Jeannette Bougrab (dir.), François Luchaire, un républicain au service de la République, Paris, Publication de la Sorbonne, 2005, p. 134. ↩
- Vlad Constantinesco, « La souveraineté est-elle soluble dans l’Union européenne ? », L’Europe en Formation, Bruxelles, CFIE, 2013, n° 368, p. 133. ↩
- Les Français et l’Union européenne, sondage Elabe, pour Les Échos, l’Institut Montaigne et Radio Classique, 4 octobre 2018. ↩
- Ibid. ↩
- Quand les Britanniques auront quitté l’UE. ↩
- Dusan Sidjanski, « “L’Europe de la souveraineté” du président Macron », RUE, Paris, Dalloz, 2018, p. 122. ↩
- Article 20 TUE (Lisbonne). ↩
- Florence Chaltiel, « Le traité d’Amsterdam et la coopération renforcée », RMCUE, Paris, Dalloz, 1998, p. 289 ; Vlad Constantinesco, « Les clauses de coopération renforcée », RTDE, Paris, Dalloz, 1997, p. 751. ↩
- Deux coopérations renforcées ont été engagées en matière de divorce et de brevet en 2010 et une troisième (inaboutie) concernant le projet de taxe sur les transactions financières en 2012. Introduite par le traité de Lisbonne (articles 42, § 6, 46 et protocole n° 10 TUE) dans le domaine de la défense, la coopération structurée permanente relève d’une logique semblable. Établie par une décision du Conseil « affaires étrangères » le 11 décembre 2017, seuls le Danemark, Malte et le Royaume-Uni n’y participent pas. Elle porte sur 34 domaines auxquels ne participent pas forcément tous les États qui en sont membres. ↩
- Sur ces notions, voir infra. ↩
- Vlad Constantinesco, « La souveraineté est-elle soluble dans l’Union européenne ? », op. cit., p. 123. ↩
- Georges Scelle, Précis de droit des gens. Principes et systématique, Première partie, Introduction. Le milieu intersocial, Paris, Sirey, 1932, p. 200. ↩
- Georges Burdeau, Traité de science politique, Paris, LGDJ, tome II, 1980, p. 509.. ↩
- Élisabeth Zoller, op. cit., p. 60-63. ↩
- Georges Scelle, op. cit., p. 194-199. ↩
- Pierre Gerbet, « La genèse du Plan Schuman. Des origines à la déclaration du 9 mai 1950 », RFSP, Paris, Presses de Sciences Po, n° 3, 1956, p. 540. ↩
- Entretien accordé au journaliste américain Joseph Kingsbury-Smith, le 6 mars 1950. ↩
- Entretien accordé à United Press, le 2 avril 1950. ↩
- Paul Legoll, Konrad Adenauer (1876-1967) Chancelier allemand et promoteur de l’Europe, Paris, L’Harmattan, collection Allemagne d’hier et d’aujourd’hui, 2007, p. 111. ↩
- Conférence de presse du général de Gaulle du 16 mars 1950. ↩
- Déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950. ↩
- Ibid. ↩
- Article 38, § 1 TCED. ↩
- Ibid. ↩
- Ibid. ↩
- Gilles Morin, « Les oppositions socialistes à la CED : les acteurs du débat », Les cahiers Irice, Paris, Irice, 2009/2, n° 4, p. 89-91. ↩
- Le 28 septembre 1948, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, Paul-Henri Spaak, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge, justifie la conclusion du Pacte de l’UO par la peur : « la base de notre politique c’est la peur ». ↩
- Olivier Beaud considère, notamment, que cette distinction gomme l’unité du fédéralisme. Olivier Beaud, Théorie de la fédération, Paris, PUF, collection Léviathan, 2e édition, 2009, p. 83-97. ↩
- Louis Le Fur, État fédéral et confédération d’États, Paris, Maréchal et Billard, 1896, réédité aux éditions Panthéon-Assas, 2000, p. 495. ↩
- Op. cit., p. 589. ↩
- Entretien accordé au Journal Der Spiegel, 28 novembre 1994, p. 148. Le président de la Commission européenne déclare : « la structure fédérale est la seule capable d’accroître notre poids vers l’extérieur, sans affaiblir l’État-nation et la démocratie à l’intérieur ». Propos traduits de l’allemand : « die föderale Struktur ist die einzige, die unser Gewicht nach außen vergrößern kann, ohne den Nationalstaat und die Demokratie im Innern zu schwächen ». Ibid. ↩
- José Manuel Barroso, Discours sur l’état de l’Union 2012, Parlement européen, Strasbourg, 12 septembre 2012. ↩
- CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, affaire 26/62, Rec., p. 3. ↩
- Article 14 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. Quelle que soit sa forme, le consentement de l’État exprime sa souveraineté. ↩
- Article 48, § 4, al. 2 TUE. En guise de réponse aux errements consécutifs aux rejets successifs de la part de certains États-membres, le traité de Lisbonne stipule que « si à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature d’un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des États-membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États-membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question » (§ 5). ↩
- Maurice Croisat et Jean-Louis Quermonne, L’Europe et le fédéralisme, Paris, Montchrestien, collection Clefs politique, 2e édition, 1999, p. 63. ↩
- Article 288 TFUE. ↩
- CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/Enel, affaire 6/64, Rec., p. 1141. ↩
- Avis du service juridique du Conseil du 22 juin 2007, figurant dans la déclaration n° 17 relative à la primauté, annexée à l’Acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007. ↩
- Articles 19 TUE, § 1 TUE. ↩
- 267 TFUE. ↩
- Article 31 LF : « Bundesrecht bricht landesrecht ». ↩
- Existant toujours de facto, elle est juridiquement remplacée, dans le contexte de la Guerre froide par « In God we trust ». Public Law n° 84-851, Joint Resolution to establish a national motto of the United States, US Statutes at Large containing the laws and concurrent resolutions, 84th Congress of the USA, 2d Session, 1956, vol. 70, Washington, USGPO, 1957, p. 732. ↩
- Article 14, § 3 TUE : « Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans ». ↩
- Article 15, § 5 TUE. ↩
- Article I-28 TCE. ↩
- Article Ier, section 8 C. ↩
- En vertu du Xe amendement adopté le 15 décembre 1791, « les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ou refusés par elle aux États, sont réservés aux États respectivement, ou au peuple ». ↩
- L’article 73 LF énumère les compétences fédérales. L’article 71 précise que « dans le domaine de la compétence législative exclusive de la Fédération, les Länder n’ont le pouvoir de légiférer que si une loi fédérale les y autorise expressément et dans la mesure prévue par cette loi ». ↩
- Article 70, al. 1 LF : « Les Länder ont le droit de légiférer dans les cas où la présente Loi fondamentale ne confère pas à la Fédération des pouvoirs de légiférer ». ↩
- Elles sont énumérées à l’article 74 LF. ↩
- Article 72, al. 1 LF. ↩
- Article 5, § 3 TUE (Lisbonne). ↩
- Jean-Victor Louis, « Les projets de constitution dans l’histoire de la construction européenne », in Paul Magnette (dir.), La constitution de l’Europe, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, IEE, 2000, p. 41-52. ↩
- Supra. ↩
- Article 5 TSCE. ↩
- Article 13, al. 1. ↩
- Article 16, al. 1. ↩
- Article 11. ↩
- Article 10. Il vote également des recommandations et des propositions. ↩
- Article 27. ↩
- Article 28. ↩
- Article 28, § 2. ↩
- Article 28, § 4. ↩
- Article 31, § 4 et 5. ↩
- Article I-6 TECE. ↩
- Article I-20. ↩
- Article I-27, § 1 et 2. ↩
- Articles I-26, § 8 et III-340. ↩
- Article I-27, § 1. ↩
- Article I-26, § 2. ↩
- Article I-28. ↩
- Notamment : Maurice Lagrange, « L’ordre juridique de la CECA vu à travers la jurisprudence de sa Cour de justice », RDP, Paris, LGDJ, 1958, p. 862 ; Léontin Constantinesco, « La spécificité du droit communautaire », RTDE, Paris, Sirey, 1966, p. 9. Certains ouvrages de droit de l’UE recourent volontiers au vocabulaire constitutionnel (par exemple : Denys Simon, Système juridique communautaire, Paris, PUF, 3e édition, 2001, 779 p. ; Jean-Paul Jacqué, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Dalloz, 4e édition, 2006, 779 p.). Inversement, il arrive aussi que l’étude du droit de l’UE soit constitutionnalisée par intégration dans les manuels de droit constitutionnel (Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux, Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2004, 874 p.). ↩
- Joël Rideau, Juridictions internationales et contrôle du respect des traités constitutifs des organisations internationales, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit international, tome 47, 1969, p. 6 et s. ↩
- Riccardo Monaco, « Le caractère constitutionnel des actes institutifs d’organisations internationales », in Mélanges offerts à Charles Rousseau, la communauté internationale, Paris, Pedone, 1974, p. 154. ↩
- Georges Scelle, « Le droit constitutionnel international », in Mélanges Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1977, p. 505 ; Précis du droit des gens, Principes et systématique, Deuxième partie, Droit constitutionnel international, Paris, Sirey, 1934, p. 7. ↩
- CJCE., 23 avril 1986, Parti écologiste « Les Verts » c/Parlement européen, affaire C-294/83, Rec., p. 1339. ↩
- Nguyen Quoc Dinh †, Patrick Daillier, Alain Pellet, Mathias Forteau, Droit international public, Paris, LGDJ, 8e édition, 2009, p. 646. ↩
- Organisation internationale du travail, Organisation mondiale de la santé. Ibid. ↩
- René Capitant, « La coutume constitutionnelle », RDP, Paris, LGDJ, 1979, n° 2, p. 960. ↩
- Bernard Lacroix, « Les fonctions symboliques des constitutions : bilan et perspectives », in Jean-Louis Seurin (dir.), Le constitutionnalisme aujourd’hui, Paris, Economica, 1984, p. 197. ↩
- Article 2, § 1, a) de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 précitée : « L’expression “traité” s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international… ». Le même principe est posé par l’article 2, § 1, a) de la Convention de Vienne du 21 mars 1986 sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales. ↩
- René Capitant, ibid. ↩
- Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 31e édition, 2017, p. 34. ↩
- CC, décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, Loi portant diverses mesures d’ordre social, Rec., p. 16, considérant n° 8. ↩
- Pierre Avril et Jean Gicquel, Le Conseil constitutionnel, Paris, Montchrestien, collection Clefs, 6e édition, 2011, p. 124-126. ↩
- Cette démarche prétorienne reste ponctuelle. Pascal Binczak, « Le Conseil constitutionnel et le droit d’amendement : entre “errements” et malentendus », RFDC, Paris, PUF, n° 47, 2001, p. 497. ↩
- Résolution du Parlement européen du 25 octobre 2000 sur la constitutionnalisation des traités, JOCE n° C 197, du 17 juillet 2001, p. 186. ↩
- Visant la Constitution, l’expression de Michel Troper peut s’appliquer aux traités européens. Michel Troper, Pour une théorie juridique de l’État, Paris, PUF, Collection Léviathan, 1994, p. 90. ↩
- Jean Boulouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Montchrestien, 6e édition, 1997, p. 233 ; « À propos de la valeur normative de la jurisprudence : remarques sur l’œuvre jurisprudentielle de la Cour de justice des Communautés européennes », in Mélanges Marcel Waline, Paris, LGDJ, 1974, tome I, p. 151. ↩
- Article 5, al. 1 C : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution ». ↩
- CC, décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie, Rec., p. 70. ↩
- CJCE, affaire 26/62, précitée. ↩
- CJCE, affaire 6/64, précitée. ↩
- Albert Venn Dicey, Introduction to the Study of the law of the Constitution, London, Macmillan, 1959. ↩
- Geoffrey Marshall, Constitutional Conventions. The Rules and Forms of Political Accountability, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 210. ↩
- Pierre Avril, « La constitution : Lazare ou Janus », RDP, Paris, LGDJ, 1990, n° 2, p. 959. ↩
- Pierre-Yves Monjal, « Le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe : quels fondements théoriques pour le droit constitutionnel de l’Union européenne ? », RTDE, Paris, Dalloz, p. 443-475. ↩
- Les buts de l’UE sont définis à l’article 3 TUE (Lisbonne) : paix ; bien-être ; liberté ; sécurité ; justice ; libre circulation ; progrès social, scientifique et technique ; protection de l’environnement ; égalité homme-femme ; solidarité ; cohésion économique, sociale et territoriale, union économique et monétaire ; développement durable ; protection des droits de l’homme. ↩
- Georges Scelle, op. cit., p. 20. ↩
- Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2e édition, 1929, p. 624. ↩
- Dominique Rousseau, « Une résurrection : la notion de constitution », RDP, Paris, LGDJ, 1990, p. 8 ; « Constitution », in Olivier Duhamel et Yves Mény (dir.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 209. ↩
- Article 6, al. 1 TUE. ↩
- Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, op. cit., p. 64. ↩
- Jean Combacau, Le droit des traités, Paris, PUF, collection Que sais-je ?, n° 2613, 1991, p. 4. ↩
- Olivier Beaud, « La souveraineté de l’État, le pouvoir constituant et le traité de Maastricht. Remarques sur la méconnaissance de la limitation de la révision constitutionnelle », RFDA, Paris, Sirey, n° 6, 1993, p. 1059. ↩
- Raymond Carré de Malberg, op. cit., p. 575. ↩
- Olivier Duhamel et Guillaume Tusseau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Seuil, 3e édition, 2013, p. 23. ↩