Longtemps, je me suis couché de bonne heure en pensant et surtout en souhaitant que le cauchemar de Trump ne revienne hanter les jours des « hommes bons. »
Ainsi donc, contre toute attente, et pour les uns selon toute crainte alors que pour d’autres – majoritaires, rappelons-le, le quarante-cinquième Président des États-Unis devient le quarante-septième président et Commander-in-Chief.
Pour les uns et Trump en fait partie, la réélection de Trump, les ramène à Ernest Renan qui écrivait : « Dieu n’existe pas, mais il existera peut-être un jour. »
Pour d’autres, dont nous sommes, proclamer que la première présidence Trump fut sur quasiment tous les plans la présidence la plus brouillonne sinon la plus catastrophique, relève de l’évidence.
Pour autant quelques signes – certes amphibologiques voire amphigouriques- nous conduisent à une réflexion débarrassée de sa gangue idéologique sur ce que sera peut-être la politique étrangère de Trump bis.
Étudier la politique étrangère de la première présidence Trump nous permettra-t- il de deviner les contours de sa deuxième présidence. Après tout nous savons grâce à Cicéron que « Historia magistra vitae. »
Nous pourrions également citer la fameuse réplique parfaitement cynique mais tout aussi parfaitement savoureuse de Henry Kissinger lors d’une conférence de presse durant l’invasion du Cambodge : « Nous avons écrit cette foutue doctrine, nous pouvons la modifier. »
Après tout le même Ernest Renan n’affirma-t-il point : « La bonne politique n’est pas de s’opposer à ce qui est inévitable, la bonne politique est d’y servir et de s’en servir. »
Une prime réflexion mérite trois questions. Trump a-t-il fondamentalement changé ? Est-il décanté de son ignorance manichéenne ? La démocratie américaine saura- t-elle se révéler suffisamment résiliente pour résister aux coups de boutoir du populisme de Trump ?
Washington n’est pas à Weimar !
Enfin et c’est peut-être ce qui fera l’essentiel de notre analyse, le monde ayant profondément muté depuis 2017, nous tâcherons de discerner les lignes de force de l’action américaine dans le monde.
« Foreign policy begins at home » comme l’écrit si finement Richard Haass.
Pour le dire en d’autres termes, les fondements astringents qui ont amené puis raccompagné Trump à la Maison Blanche influeront-ils sur sa politique étrangère ? Seront-ils déterminants ou bien au contraire laisseront-ils la possibilité d’une interprétation et d’une autre eau ?
Les significations nationales
Examinons les causes et les conséquences du véritable triomphe de Trump. Si l’on élargit la focale du temps, une première remarque semble s’imposer ; l’élection de Trump est d’abord une victoire posthume des Confédérés dans la guerre de Sécession qui opposa de 1861 à 1865 le Sud au Nord. Le général Lee a beau reposer au cimetière national d’Arlington, les cicatrices, quand bien même enfouies parfois refoulées, sont toujours vivantes et douloureuses. À la différence du sumbolon grec, la ligne de fracture Sud-Nord ne s’est jamais refermée.
En août 2017, lors d’une violente manifestation à Charlottesville en Virginie « pays sudiste » et à propos de la statue de Robert Lee que d’aucuns voulaient enlever- alors que Lee, pourtant général sudiste mais anti-esclavagiste, même s’il refusait d’accorder le droit de vote aux Noirs, Donald Trump déclare cependant alors que des membres du KKK et des néonazis faisaient assaut de violence- il y eut d’ailleurs deux morts-
« I think there is blame on both sides. »
« You had some very fine people on both sides. »
Sous d’autres latitudes on préfère – fort heureusement – qualifier ce genre d’individus comme étant de sac et de corde, à la brigue et à l’intrigue.
Le fait qu’il se rétracta- mollement- par la suite ne change pas grand-chose en cette occurrence quant au fond de sa pensée. Domine chez les partisans de Trump un côté rebelle, une fantasmagorie complotiste contre le Deep State et un rejet de l’élite intellectuelle.
Combien nous manque l’élégance des Cabot- Lodge, Dean Acheson, ou Adlai Stevenson alors que sonne le tocsin ou le carillon- c’est juste une question de point de vue- des éructations- ou prédictions-trumpiennes et alii.
Il y a quelque ironie- triste- à voir le parti de George Bush Senior, figure éponyme du parfait patricien républicain, rouler et s’abîmer dans la vulgarité des manifestants du 6 janvier.
Certes, nous ne croyons pas à la menace d’une guerre civile aux États-Unis. Et nous ne nous reconnaissons pas non plus dans les propos dégradants et outranciers de Biden qualifiant les électeurs de Trump « d’ordures », le terme anglais était « garbage. »
Pour autant, absence de menace de guerre civile n’éloigne pas pour autant le surgissement d’une fracture béante de la société américaine.
Or une société, si profondément divisée en son sein, en ses origines, en ses valeurs, aussi ethnocentrée ne peut s’entendre quant à la définition et l’exécution d’une politique étrangère dont le gage de réussite dépend d’une stabilité temporelle et donc forcément bipartisane.
Si cela concernait la politique étrangère du Lichtenstein, cela n’aurait que peu d’importance, mais nous parlons des États-Unis, toujours première puissance mondiale et à ce jour toujours responsable de la sécurité des « Global commons » et toujours et heureusement garante- n’en déplaise au Sud Global, de l’ordre du monde. Nous signalons aux distingués amateurs de Schadenfreude que les USA n’ont pas encore succombé au piège de Kindleberger.
Trump a cependant et ignominieusement déclaré en août 2024
« It’s the enemy from within.All the scum that we have to deal with what hate our country.That’s a bigger ennemy than China or Russia. » CNN Discours au Colorado 11/10/24
Trump a également osé dire qu’il aimerait avoir le même type de généraux que ceux de hitler. James Riley poète américain, est surtout connu pour avoir décrit le test du canard :
« When i see a bird that walks like a duck, and swims like a duck, and quacks like a duck, then it probably is a duck. »
Ainsi Trump parle de « déporter en masse », avec l’aide de l’armée américaine -excusez du peu- les immigrants illégaux.
L’emploi répétitif de ces mots nauséabonds par Trump nous renvoie à la pensée si juste de Hannah Arendt :
« La mort de l’empathie humaine est l’un des premiers signes et le plus révélateur d’une culture sur le point de sombrer dans la barbarie. »
Il n’est d’ailleurs pas certain que l’armée prêtera aussi facilement son concours. Restera alors à Trump le recours à la garde nationale qu’il devra cependant « fédéraliser » si les Gouverneurs lui refusent leur concours.
Les évènements de Little Rock, sous le Républicain Eisenhower seraient-ils passés à la trappe ?
hitler a déporté en masse les non-citoyens allemands. Horresco referens, honni soit qui mal interpréterait cette coïncidence linguistique et d’action.
Nous tenons à préciser que nous sommes parfaitement conscient du caractère excessif de cette comparaison et nous nous excusons bien volontiers auprès de ceux qu’elle pourrait choquer.
Précisons toutefois que le crime monstrueux de la Shoah fut précédé par tant d’autres alertes et crimes.
On citera avec tristesse Maurice Garçon, peut-être le plus grand avocat pénaliste français et éminent serviteur de la langue française : « Il connaît Dieu et le Diable. On n’a pas envie de rire et l’on n’a pas encore l’occasion de pleurer. »
La réflexion de Maurice Garçon nous semble effectivement plus pertinente.
Les USA ont bâti l’ordre international de 1945, inspirés d’une certaine idée -d’aucuns diront très minime, voire jésuitique -du progressisme. L’on peut s’interroger à bon droit sur ce que deviennent l’ordre libéral et progressiste avec l’hypertrophie d’America First, slogan par ailleurs hérité des nazis américains dans les années 1930.
La vie politique américaine a éployé sa pratique en accordance sur un double clivage : Républicains versus Démocrates et élus du Nord versus élus du Sud.
Pour autant, les points de convergence suscitaient le regard intéressé des observateurs et permettaient bien souvent des franchissements partisans.
Désormais cela relève des souvenirs ! La vie politique américaine a revêtu les habits et les armures d’une défiance adamantine et d’une violence inimaginable encore sous Bush Senior ou Bill Clinton.
L’on assiste dorénavant à un rejet non seulement des élites mais aussi des élus. Après avoir sournoisement envahi le pays, l’esprit libertarien sévit dès maintenant ouvertement.
Soyons justes, Trump n’en est pas l’inventeur, il en est juste devenu le grand communicant.
Pour simplifier, cela date au 20e siècle de Ron Paul, surnommé Doctor No. Ceci a comme conséquence d’affaiblir considérablement le pouvoir et l’attractivité du soft Power américain. America First est aux antipodes du cultissime et épatant : Ich bin ein Berliner qui a nourri et émerveillé l’espérance de tant de jeunesses, y compris celle du rédacteur de ces lignes, épris de liberté et de justice sociale et fait briller de mille feux la Lumière sur la Colline et la torche au sommet d’Ellis Island.
Aujourd’hui ce système vole en éclats. Est-ce une vraie rupture du paradigme américain ou au contraire un simple accident de l’histoire ?
Il est en tout cas légitime de s’interroger sur le pourquoi du déferlement de la vague populiste, désormais si répandue dans le monde, et qui frappe à son tour les USA dont peu laissait à penser qu’il gagnerait les rives du Potomac.
Mais il est vrai que Karl Marx eut été fort surpris de voir son rêve- que d’aucuns ont considéré à juste titre comme un cauchemar, se réaliser d’abord en Russie. Que le lecteur nous autorise à citer pour notre plus grand plaisir Jean d’Ormesson :
« Le passé et son histoire empêchent l’avenir de relever du seul hasard et de devenir n’importe quoi. » in le guide des égarés
La société américaine est désormais imprégnée et gangrénée et à tous les étages par le populisme. Les chèques mirobolants d’Elon Musk ne sauraient en aucun cas être comparés à l’évergétisme des notables romains. Cela aura forcément des répercussions au niveau mondial.
Tout le problème consiste à savoir si les différents leaders autocrates, prisonniers d’idéologies mortifères, se déchireront entre eux ou si l’on assistera à une « Sainte-Alliance » des démocratures contre les démocraties. Gardons en mémoire le fait qu’en 1936, le seul à s’être opposé à hitler au col du Brenner, fut Benito Mussolini.
Plutôt que de rechercher des comparaisons- avouons-le- bien trop caricaturales avec les grands dictateurs du 20e siècle, il n’est pas irrelevant d’observer la vie américaine avec la fin de l’Empire Romain.
Les Optimates, ou aristocratie sénatoriale, ont permis l’éclat de Rome, les Populares ne furent pas pour rien dans la chute de l’Empire Romain. Les Populares se sont appuyés sur les comitia pour contourner le Sénat. Jules César fut la figure éponyme des Populares ; il s’appuya sur le soutien populaire pour braver le Sénat. Toute ressemblance avec les événements du 6 janvier ne saurait être que pure coïncidence !
Ces manifestations- encouragées par Trump, on ne le rappellera jamais assez-rappellent douloureusement celles de 1933, où tel dirigeant, dont les partisans étaient vêtus de noir ou de brun, qui imitaient une marche tout sauf touristique à Rome le 27 octobre 1922.
Il n’est pas non plus totalement anodin qu’Elon Musk appelle dans le journal allemand de centre-droit Die Welt am Sonntag à voter pour l’AFD. « Nur die AFD kann Deutschland retten. »
Résonne à nos oreilles, l’obscénité prononcée par Trump à Charlottesville.
Les propos de Musk, non désavoués par Trump, annoncent le règne de l’algokratie ; viendra alors très vite le temps de l’ochlocratie.
En outre avoir émis l’idée- on ne peut plus sotte- de vouloir acheter le Groenland et tout dernièrement avoir proféré des menaces sur Panama n’est pas le fruit du hasard. Il est possible que les propos nauséabonds tenus par Trump sur les généraux d’hitler relèvent de la simple galéjade, acceptons-en l’augure.
« If the principles, both moral and legal, of this magnanimous gesture of giving are not followed, then we will demand that the Panama Canal be returned to us, in full, quickly, and without question. »
« We’re not going to stand for it. So to the officials of Panama, please be guided accordingly. »
Mais les paroles sur Panama nous autorisent le souvenir de Prague et de l’Anschluss.
Bien entendu, nous sommes conscients du caractère encore une fois quelque peu excessif de ce collationnement. Pour autant la kakistocratie n’est pas loin à Washington.
On cherche un Caton le Jeune aux États-Unis mais un Caton le Jeune qui triompherait. Toutes les élites du savoir sont désormais rejetées. Même l’élite WASP traditionnellement républicaine n’est pas épargnée.
Signe inquiétant même les minorités ont attrapé la fièvre populiste.
Trump a emporté le vote des latinos hommes à 55% et il a réalisé un score plus qu’honnête chez les femmes latinos à hauteur de 38%. Ce n’est pas négligeable surtout si l’on sait que Trump veut renvoyer les Mexicains chez eux. Trump a également progressé dans l’électorat des hommes de couleur.
Mais pour dresser un tableau complet, observons avec tristesse que l’autre côté du spectre politique paie aussi un écot dévastateur à la vie démocratique avec l’envahissement de la déferlante wokiste et qui n’est peut-être pas totalement étrangère à la défaite de Kamala.
Wokisme qui à l’origine consistait simplement à refuser de mettre les problèmes sous le tapis et à surtout les ignorer. Pour notre plus grande honte, il s’est totalement perverti.
A ce stade, la comparaison qui s’impose avec Rome est l’adage latin : « Bicipitem civitatem fecit », Il a fait de la cité (ou de l’État) une entité à deux têtes »
Force est de constater que les événements du 6 janvier nous rappellent douloureusement Salluste : « Ut paulatim immutata ex pulcherruma atque optuma pessuma ac flagitiosissuma facta sit . » « Comment, insensiblement , de si belle et si grande qu’elle était, la Cité est devenue si mauvaise et si criminelle. »
Trump a non seulement engrangé plus de voix qu’en 2016, mais il a aussi- événement historique- gagné deux millions de voix de plus que Kamala Harris.
Les électeurs de Trump sont les plus isolationnistes et les moins instruits de la population américaine, cela aura d’immenses répercussions quant à la politique étrangère de Donald Trump. Une politique étrangère est faite de subtilités et de complexités.
Paradoxalement Richard Haass décrit la politique étrangère comme suit : « La cohérence est un luxe que l’on ne peut pas se permettre en politique étrangère »
Le noir et blanc, si cher à Trump n’y a pas sa place.
La recherche identitaire
Le facteur recherche identitaire, y compris au sein des minorités devient de plus en plus prégnant. Or les facteurs identitaires emportent dans leur arroi, humiliations et peurs. Humiliations et peurs sont par essence des déclencheurs et des exhausteurs de conflits.
Trump est l’héritier parfait et l’exact barycentre du populisme national de Jackson et de l’isolationnisme Jeffersonien. Il est l’émanation achevée d’un Hamiltonisme poussé à la caricature. Les résultats sont éloquents à souhait.
Trump devance Kamala Harris de dix points dans la représentation populaire sur l’item de la défense nationale et de neuf points sur l’item de la lutte contre le terrorisme et la guerre. Les électeurs l’ont jugé plus capable que Kamala Harris de mettre un terme aux conflits qui sévissent à Gaza et en Ukraine.
La question est donc de savoir pourquoi le peuple américain lui a accordé une victoire aussi écrasante. Ses vues extrémistes et ses déclarations accordant licence de chasse à Poutine d’agresser des pays de l’OTAN qui ne s’acquittent pas de leur contribution de 2% au budget de l’OTAN, n’ont pas rebuté les électeurs.
Ses déclarations à l’emporte-pièce sur l’Ukraine sont pourtant en contradiction avec le fait qu’une majorité d’Américains sont en faveur d’une aide à l’Ukraine. La position des électeurs américains sur l’Ukraine est bien évidemment ambiguë, ils acceptent l’aide colossale accordée par leur pays à l’Ukraine- sans toutefois souhaiter l’envoi des boys, mais ils pensent que rétablir l’Ukraine dans l’intégralité de ses frontières ou affaiblir la Russie est moins important que d’empêcher un nouveau conflit d’éclater.
La désaffection américaine envers Kamala est aussi due à la fatigue des Américains envers les interventions et aventures extérieures. Ce fut jusqu’à très récemment l’alpha et l’oméga de la politique de Biden.
Il est possible que Trump la reprenne de façon encore plus brutale et plus défavorable envers Zelensky.
Trump, à cet égard sera en parfaite harmonie avec le peuple américain.
Ô tempora , Ô mores, le lecteur nous pardonnera de rappeler avec nostalgie le discours qui a gazé mon adolescence d’un Président américain lors de son discours inaugural le 20 janvier 1961 :
« Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe to assure the survival and the success of liberty.This much we pledge- and more. »
Il est vrai que la guerre du Vietnam a causé la perte de 47434 soldats américains morts au combat et qu’elle a coûté en chiffres actualisés l’équivalent de 1000 milliards de dollars.
Parmi les promesses de campagne de Trump, figure en bonne place une hausse non négligeable des tarifs douaniers, la conséquence quasi automatique entraînera le retour de l’inflation, la hausse des salaires et paradoxalement une baisse du pouvoir d’achat des ménages due à un renchérissement des produits importés.
En conclusion de cette première partie, hélas trop courte, -bornons nous à constater- avec une infinie tristesse mêlée d’angoisse- les fatigues de la démocratie aux Etats-Unis et dans le monde. Trump est hélas en symbiose avec l’air du temps et de tant d’électeurs.
Jusqu’à quel point les démocraties seront-elles résilientes ? Quatre-vingts ans après la Shoah et la seconde guerre mondiale, cette question se pose avec une acuité inconnue auparavant.
Quatre-vingts ans après la Shoah, l’on assiste à un retour de l’antisémitisme le plus violent sans que cela émeuve des pans entiers de population jusque dans les élites les plus mondialisées.
Quatre-vingts ans après la fin de la guerre l’on voit la vox populi se déchaîner contre des migrants musulmans ou de couleurs différentes.
L’on aimerait croire -o combien- que Raymond Aron avait -une fois de plus raison- lorsqu’il écrivit « Je crois à la victoire finale des démocraties mais à une condition, c’est qu’elles le veuillent. » in croire en la démocratie
Ce préambule, hélas incomplet car étriqué, nous a semblé nécessaire avant que d’aborder l’esquisse de ce que pourrait être sa politique étrangère.
L’impact mondial
Relisons avec profit Dominique Schnapper la propre fille de Raymond Aron : « La réflexion sur la démocratie est trop souvent disjointe de celle que développent de leur côté les spécialistes des relations internationales- pourtant il ne serait pas inutile de garder la conscience des données géopolitiques et de la place qu’y tiennent désormais les démocraties. L’ordre interne n’est pas autarcique. Ni la France ni les autres démocraties ne sont seules au monde» in les désillusions de la démocratie
« Faute de respecter les limites, les séparations, les catégorisations et les institutions qui règlent de manière démocratique la vie en commun, la démocratie pourrait se déliter. » Idem le 47e Président a ainsi émis l’idée de court-circuiter le Sénat pour la nomination de ses Secrétaires et exigé la loyauté non pas envers les États-Unis mais envers sa personne.
Cette disposition ne peut qu’interpeller tout homme héritier du Siècle des Lumières.
Trump a un péché mignon : la logorrhée sur les réseaux sociaux souvent les plus trash. C’est son antiphonaire. Son nouvel et probablement tôt ou tard ex futur modèle, lui offre un réceptacle idéal pour des messages forcément expéditifs, Trump ne s’étant jamais distingué par une pensée structurée et cohérente. Deux choses dont on ne saurait l’accuser !
Pour autant peut-on distinguer au sein de cette chrestomatie tweetesque quelques éléments nous permettant de deviner quels seront les principaux axes de sa politique étrangère ?
Considérons donc plusieurs facteurs qui nous permettent, peut-être d’esquisser ce que pourrait être sa politique étrangère.
En premier lieu le monde a changé, le glissement prévisible de certaines plaques tectoniques est désormais consommé ; alors que d’autres surprises nous attendent, le monde s’est durci et se conflictualise chaque jour davantage.
Il semblerait que Trump se soit professionnalisé, ce qui soit dit en passant, n’était pas très difficile. Son équipe est davantage au fait des dossiers même si nombre des conseillers sous Trump 1 n’étaient pas des amateurs.
Logos, nomos et ethos de Trump se résument en deux seules obsessions parfaitement dyadiques : l’argent et son égo.
Ils guident, déterminent et assignent son action dans la vie privée et dans sa vie publique.
Reconnaissons-lui cette constance. Trump a deux balises qui vont façonner de façon absolue sa politique intérieure et étrangère. Les deux clignotants, auxquels ils ne dérogera pas sont le prix du pétrole à la pompe et l’argent du contribuable- électeur américain.
Il est une autre ligne rouge qui le motive : c’est l’horreur de la guerre. Il est exact que sous sa présidence, les Américains n’ont connu aucune intervention extérieure.
Volens nolens, après le rapt du parti républicain, Trump en est devenu son Wunderkind. A la différence des Républicains qui n’ont pas toujours reculé devant les interventions militaires, Trump s’y refuse. Nous ne sommes pas sûrs cependant que cela soit pour des raisons morales où humanitaires, valeurs parfaitement inconnues au Panthéon de Trump. Ce dont nous restons persuadés, c’est que Trump recule devant l’envoi de Gi’s à l’étranger. C’est le coût faramineux que cela finit par coûter à l’Amérique qui motive sa doctrine.
Chine, Iran et alii peuvent dormir sinon du sommeil du juste en tout cas d’une certaine quiescence.
A ce stade retenons simplement trois preuves.
L’abandon en rase campagne à Doha de l’Afghanistan d’une guerre dont il est vrai qu’il ne l’avait point déclenchée.
Le deuxième exemple concerne la base aérienne syrienne de Shayrat. Trump avait, en avril 2017, décidé de la bombarder suite à une attaque chimique perpétrée par Assad contre des civils à Khan Cheikhoun. Le grain de sable était les accords américano- russe de déconfliction. Les Américains prévinrent donc les Russes lesquels s’empressèrent d’alerter les Syriens qu’une pluie de cinquante Tomahawks s’abattraient sur eux. Et bien entendu, lors du bombardement la base avait été vidée de ses occupants grâce à l’aimable prévenance russe.
Mais le troisième exemple le plus révélateur est incontestablement le bombardement le 14 septembre 2019 de deux installations pétrolières de première importance à Abqaiq et Khurais en Arabie Saoudite par l’Iran. Arabie saoudite et USA ont d’ailleurs accusé l’Iran de cette agression.
A ce jour, nous attendons toujours avec une impatience non dissimulée la riposte américaine à ces attaques. Il nous semble pourtant que Virgile avait préconisé : « Flectere si nequeo superos acheronta movebo. » « Si je ne puis fléchir les dieux alors je déclencherai la foudre ( ou les enfers) » Virgile livre VII 3.12
La doctrine militaire américaine repose sur l’idée du Kill Box c’est-à-dire un espace de tir libre. Que les ennemis des USA se rassurent, Trump ne l’a pas faite sienne.
Quant à la Chine, alors que Trump ambitionnait d’en faire son partenaire privilégié jusqu’au 28 février 2020, la Covid ayant été le révélateur de cette conjoncture, elle est devenue et demeure le principal objet de son ressentiment.
Reconnaissons que sur ce point qui va imprimer toute son action, nous ne pouvons pas désavouer Trump.
La méthode Trump est sa politique étrangère
Avant que de rentrer plus profondément dans l’analyse, commençons par la méthode Trump. On a beaucoup caractérisé sa diplomatie transactionnelle ; n’ayons donc pas peur des propos iconoclastes. Le propre de toute diplomatie est en effet d’élaborer des compromis et donc de transiger. On se rappellera utilement les propos du Saint Homme, évêque d’Autun, mais si heureusement défroqué, car diplomate de génie, et à qui la France doit tant : « Il pourra être cédé ce qui est d’un intérêt moindre pour obtenir ce qui est d’un intérêt supérieur. »
De là, à penser que Charles Maurice de Talleyrand Périgord, Prince de Bénévent, soit le père spirituel de Trump, il y a un pas que nous nous garderons bien de franchir.
Ce qui changera ou ne changera pas.
Trump est non seulement totalement imprévisible, mais il peut changer d’avis du tout au tout si cela n’est pas perçu comme un signe de faiblesse. Tout le problème est de savoir si cette disposition sera un facteur conflictuel ou si elle amènera les partenaires et adversaires à composer. Sera-ce une force de la diplomatie américaine ou au contraire une faiblesse ?
Dans ses négociations internationales, Trump a toujours admiré et respecté les leaders autoritaires et forts, Angela Merkel en a d’ailleurs fait les frais. Le problème est qu’il voulait croire que leurs intérêts pouvaient soit coïncider avec sa vision soit être susceptibles d’aboutir au deal qu’il exigeait.
Or la donne a changé et Donald Trump lui-même est obligé de le reconnaître.
La Chine est, et de très loin, en tête des ennemis de l’Amérique vu son écrasante domination dans les échanges commerciaux avec les États-Unis.
En Russie, Trump n’a plus pour elle les yeux de Chimène.
En Corée du Nord, après avoir été si piteusement éconduit, l’amant empressé n’est pas près de courtiser à nouveau Kim Jong-Un.
Restent les énigmes Erdoğan et Iran.
Son grand ami Netanyahu se pense encouragé dans sa politique, il n’est pas sûr qu’il ait toutes les raisons de l’être.
En Europe, Trump exercera aussi des pressions maximales.
Et bien entendu nous partageons les affres de Zelenski.
Serons-nous suffisamment avisés, forts et unis pour ne pas être le maillon faible ?
Ou pour le dire autrement, reprenons la phrase du Président Macron qui par ailleurs n’a pas toujours eu des idées aussi abouties. « Le monde est fait d’herbivores et de carnivores. Si on décide de rester des herbivores, les carnivores gagneront. Je pense qu’au moins, ce serait pas mal de choisir d’être des omnivores » sommet de la communauté politique européenne à Budapest le 7 novembre 2024
Ne voulant pas utiliser le levier militaire, Trump usera et abusera des sanctions et de l’arme tarifaire.
Trois pays vont retenir son attention. Iran, Israël et Arabie Saoudite. Son affrontement avec la Chine se jouera essentiellement dans les nouvelles technologies et plus particulièrement dans les microprocesseurs.
Pour des raisons tant personnelles que stratégiques, Trump portera une attention toute particulière à l’Arabie saoudite, gardienne du temple pétrolier et au tiroir-caisse quasi inépuisable. Mais même dans sa gestion avec l’Arabie Saoudite, le facteur chinois reste une pièce centrale sur l’échiquier.
Deux surprises sur lesquelles nous reviendrons plus avant, étonneront le monde. Iran et Israël.
Nous les analyserons à travers le prisme des engagements financiers et du refus américain de laisser les conflits proliférer. Trump s’est entouré d’une équipe en principe plus compétente qu’en 2017 même s’il a déjà perdu en route deux de ses principaux conseillers.
Pour autant ses conseillers ont des visions divergentes dans des domaines qu’ils auront à partager. Ensuite les objectifs de Trump sont souvent contradictoires pour ne pas dire antithétiques.
Trump ajoutera des sanctions maximales aux sanctions maximales qui frappent déjà l’Iran.
Sanctions maximales qui augmenteront les intensités et les zones de conflictualité.
Augmentation du protectionnisme et des tarifs douaniers entraîneront récession, rétorsion chinoise et renchérissement du coût de la vie des électeurs américains.
La confrontation opposant la Chine aux États-Unis est celle qui occupera Trump les quatre prochaines années.
Elle est la seule qui aura des répercussions véritablement mondiales, économiques, technologiques, militaires, territoriales, voire idéologiques.
Elle est celle où Trump aura le plus besoin d’alliés. Trump devra donc prendre sur lui pour les ménager. Exercice ô combien difficile si l’on se réfère à sa première présidence.
Avoir taxé l’acier japonais il y a huit ans n’était sûrement pas la réponse la plus intelligente. Saura-t-il et voudra-t-il apprendre de ses erreurs passées ?
Officiellement la doctrine nucléaire chinoise, à la différence des États-Unis et de la Russie, est celle du « no first use. » Officiellement mais la vulgate communiste du Fils du Ciel a toujours su trouver des accommodements même avec le ciel.
La Chine dispose aujourd’hui d’environ 500 têtes nucléaires, en 2030 elle en aura plus de 1000 et au mitan des années 2030 plus de 1550.
La Chine a prouvé qu’elle sait obtenir si nécessaire par la force des îles qui ne lui appartiennent pas.
Combien de temps la boussole « Make America Great again » réussira-t-elle à ne pas perdre le Nord ?
Trump sera confronté à un autre défi qui sera le plus important depuis 1945 : Taiwan En 2022 les USA ont importé pour 60 milliards de dollars de Taïwan et exporté pour 45 milliards de dollars. Ces flux sont en constante augmentation. La structure de ces échanges ressemble à celle des pays coloniaux.
Taiwan, est un concentré de très haute technologie les USA ; ne sauraient s’en passer. Quant aux USA, ils exportent vers Taiwan essentiellement des produits agricoles et chimiques.
Si un conflit éclatait à Taiwan il ferait passer l’Ukraine et le Moyen-Orient pour une aimable plaisanterie.
Actuellement les États-Unis sont liés à Taiwan par le Taiwan relations Act de 1979 qui garantit un soutien non officiel à Taïwan, et protège en principe l’île d’une invasion. Les six assurances de 1982 accentuent cette protection. En effet, ont été signés des accords de livraison d’armes sans en fixer la fin.
La relation qui lie les États-Unis à Taiwan peut être qualifiée « d’ambiguïté stratégique ».
Taïwan est en fait un des très rares pays dont les USA ne sauraient se passer. Taiwan est également un des rares pays dont Trump ne s’est jamais moqué. Trump a ainsi déclaré en juillet 2024 dans un entretien à Bloomberg Business Week : « Je connais très bien ce peuple, je le respecte beaucoup. Ils ont pris environ 100% de notre activité dans le domaine des puces. Et je pense que Taiwan devrait nous payer pour sa défense. »
Chez Trump, chassez le naturel il finit toujours par revenir au galop.
Pour autant Trump ne pourra se permettre de perdre la face à Taiwan. Ce serait concéder à la Chine de futurs avantages.
Remarquons Taiwan paye la quasi-totalité de ses achats militaires même si l’ile a reçu depuis 2023 1,4 milliard de dollars de dons sous forme de matériel militaire.
Ce qui est certain c’est que Trump exigera et obtiendra une plus grande participation financière de Taiwan pour sa défense ainsi qu’un transfert de technologie notamment dans le secteur des puces.
Moyennant quoi Trump enverra un signal clair et fort à la Chine de ne pas bouger sur Taiwan.
Dans ses négociations inévitables avec la Chine, nous mettons en garde le futur président des États-Unis de ne pas céder au mirage que Beijing pourra lui faire miroiter : à savoir des concessions chinoises en échange d’un relâchement américain sur Taiwan.
Dans le domaine économique, Trump dispose paradoxalement face à la Chine d’un certain nombre de leviers. D’abord même si la Chine a relégué au second rang les contraintes économiques derrière la suprématie du parti et le retour d’une idéologie se voulant modèle triomphant, elle ne peut se permettre de négliger les aspects économiques et sociaux dont les secousses encore souterraines peuvent faire trembler le régime sur ses bases.
La crise de la COVID a montré ses fragilités internes. La marche forcée vers un capitalisme on ne peut plus brutal a montré la précarité de son succès.
Xi Ji Ping en est d’ailleurs parfaitement conscient.
Ses derniers propos tenus en Novembre et Décembre 2024 en témoignent éloquemment.
« L’histoire a démontré que la Chine et les États-Unis bénéficient d’une coopération et perdent d’une confrontation. Une relation sino-américaine stable, saine et durable est conforme aux intérêts communs des deux pays et aux attentes de la communauté internationale. »
Xi Jinping a également exprimé son espoir que les deux pays :
« soutiendraient les principes du respect mutuel, de la coexistence pacifique et de la coopération gagnant-gagnant. »
Il a appelé Washington et Pékin à :
« renforcer le dialogue et la communication, à gérer correctement leurs divergences, à développer une coopération mutuellement bénéfique et à trouver un moyen correct pour que la Chine et les États-Unis puissent s’entendre dans cette nouvelle ère, dans l’intérêt des deux pays et du monde. »
Certes les régimes communistes nous ont habitué au double langage. Pour autant, sans vouloir penser naïvement que la Chine serait subitement éprise d’un doux irénisme envers les États-Unis, il y a une chose que les Chinois redoutent par-dessus tout : ce sont les troubles intérieurs qui feraient vaciller le pouvoir absolu du Parti communiste.
Le syndrome Gorbatchev demeure encore à ce jour l’ultima ratio.
« Le vent d’est l’emporte sur le vent d’Ouest » de Mao demeure une vérité biblique dans la Cité interdite.
Si Trump veut rétablir un certain équilibre dans ses relations avec la Chine, il devra comme évoqué plus haut dans sa compétition militaire, améliorer substantiellement la compétitivité de l’industrie américaine.
Trump assemble d’autres atouts. Mais il ne fracturera pas l’axe Pékin-Moscou Téhéran- Pyongyang. Pour autant Trump disposera d’une marge de manœuvre au Vietnam ou dans les pays du Caucase qui redoutent -à juste titre- l’expansion chinoise. Ces pays affichent une prise de distance même relative avec la Chine.
Ainsi en août 2024, le président Kazakh Kassim- Jomart Tokaïev a proclamé « la renaissance de l’Asie centrale ».
Obama avait forgé le la politique du « New Pivot », nous conseillons à Trump de l’amplifier et d’en élargir la zone. Les pays d’Asie Centrale ont une superficie de quatre millions de kilomètres carrés et leur population est de quatre-vingt millions d’habitants. Le PNB de ces 5 républiques est de 450 milliards de dollars.
Ils disposent de 20% des réserves d’uranium ,17% du pétrole, 7% du gaz naturel.
Le Kazakhstan a impulsé la création du Conseil constitutionnel consultatif des cinq chefs d’État de la région le Kazakhstan y réaffirme le respect des principes onusiens et surtout l’inviolabilité des frontières le Kazakhstan et en outre géographiquement pris en tenaille entre la Chine et la Russie, Trump y a donc une carte à jouer tout comme avec l’Inde, mais à la seule condition que les États-Unis ne cherchent pas à les embrigader dans une croisade contre l’Inde
Nous suggérons donc au quarante-septième Président des États-Unis de suivre le plus fidèlement possible les recommandations de Henry Kissinger, parfaitement pourpensées dans son maître livre De la Chine. Henry demeure un des meilleurs connaisseurs de la Chine, même s’il s’y montre légèrement complaisant. Il n’en demeure pas moins un des meilleurs experts de la problématique chinoise et de la complexité des relations sino-américaines.
Que le lecteur nous pardonne cette citation que nous souhaitons expressis verbis, mais elle reflète exactement ce que devrait être la feuille de route de Donald Trump.
« On évitera donc de confondre volonté hégémonique, volonté de domination avec marche automatique à la guerre. Chacun, par contre devra apprendre à anticiper l’autre, à le gérer.
« La question se résume en dernier ressort aux attentes réalistes et réciproques des États-Unis et de la Chine. Un dessein explicite de l’Amérique qui viserait à organiser l’Asie à partir de l’endiguement de la Chine, ou de la création d’un bloc d’États démocratiques en vue d’une croisade idéologique, court à l’échec – en partie parce que la Chine représente un partenaire commercial indispensable.
De même, une tentative chinoise pour exclure l’Amérique des affaires économiques et de sécurité de l’Asie se heurterait à une sérieuse résistance de la part de presse que tous les autres États asiatiques, qui redoutent les effets d’une région dominée par une seule puissance. Le terme plus exact pour définir les rapports sino-américains n’est pas tant partenariat que « coévolution ».
Cette notion signifie que les deux pays répondent à leurs impératifs intérieurs, coopérant là où ils en ont la possibilité, et adaptent leurs relations pour minimiser le conflit. Aucun n’avalise tous les buts de l’autre et aucun ne pose l’identité totale des intérêts, mais les deux parties s’efforcent d’identifier et de mettre en œuvre des intérêts complémentaires.
Les États-Unis et la Chine doivent à leur peuple et au bien-être du monde d’y travailler. Chacun de ces deux pays est trop immense pour qu’un rapport de domination sur l’autre s’établisse. C’est pourquoi ni l’un ni l’autre n’est en mesure de définir les termes de la victoire dans une guerre ou dans un conflit de guerre froide. »
Le dossier ukrainien est celui qui réunit le plus d’éléments contraires. Il est celui où Trump sera peut-être amené à changer sa politique. Mais ce changement de politique sera tout sauf spontané ou conçu. Il dépendra en premier lieu du degré d’intransigeance de Poutine et surtout de son hubris. Un des critères qui emportera la décision chez Poutine sera la perception qu’il aura de la volonté de Trump de rechercher un compromis pourtant défavorable à l’Ukraine.
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler au prochain président des États-Unis les propos tenus par Charles de Gaulle dans sa conférence de presse du 5 septembre 1961
« A un certain point de menace de la part d’un impérialisme ambitieux, tout recul a pour effet de surexciter l’agresseur, de le pousser à redoubler sa pression, et finalement facilite et hâte son assaut. Au total, actuellement les puissances occidentales n’ont pas de meilleurs moyens de servir la paix du monde que de rester droites et fermes. »
Soyons juste, le Président Obama n’est pas non plus vierge de toute responsabilité lors de l’annexion de la Crimée.
Le deuxième facteur dont Trump devra tenir compte est l’attitude chinoise. C’est elle qui commandera tout. De celle-ci dépendra aussi dans une certaine mesure la réponse de Poutine.
Officiellement, mais pas obligatoirement dans la pratique, la Chine proclame son attachement au sacro-saint respect de l’intégrité territoriale.
La Chine ne peut qu’être satisfaite de tout ce qui pose problème aux États-Unis.
Céder à Poutine en Ukraine cela équivaudrait à accorder à la Chine et à la Corée du Nord un blanc-seing pour leurs futures conflictualités.
La Chine n’a jamais réprouvé ou condamné l’agression russe en Ukraine. Elle s’est simplement contentée d’allumer un feu rouge quant à l’utilisation non seulement de l’arme nucléaire par la Russie mais aussi de sa logorrhée nucléaire.
Avertissement chinois à bon compte car Poutine connaît parfaitement sa grammaire nucléaire et sait tout aussi parfaitement qu’il ne franchira pas la dernière marche de l’escalier portant déjà très haute avec la sanctuarisation agressive.
Tout ce qui affaiblit les États-Unis est donc positif pour la Chine, tout ce qui permet de distraire l’attention et les capacités américaines de Taïwan est bienvenu.
Pour autant la Chine, en bonne disciple marxiste, ne souhaite pas l’aventurisme. Trump devra d’ailleurs tenir compte que dorénavant la Chine privilégie la préséance de l’idéologie et du Parti communiste à son expansion mercantile.
Trump se trouve devant l’alternative incontournable. Céder à Poutine sera pour lui une perte de prestige. Ne pas céder l’entrainera vers des dépenses qu’il juge excessives et surtout le conduira à plus ou moins reprendre à son compte la politique de Biden.
Reste l’Ukraine troisième facteur dans le processus décisionnel. Il est paradoxalement et hélas, celui sur lequel Trump aura le plus d’influence et de poids.
Il serait possible à Trump de céder sur certains points comme résultant des erreurs de ces prédécesseurs, il lui sera plus difficile d’accepter des gains supplémentaires de Poutine obtenus sous sa présidence. Le problème est que tout cela peut pousser Poutine à aller encore plus loin dans ses exigences prédatrices.
Trump présentera vraisemblablement un plan appelé, à tort, à la coréenne. A tort, car la ligne d’armistice correspondait alors à peu de choses près aux positions antérieures à l’agression nord-coréenne, ce qui est loin d’être le cas en Ukraine.
Un cessez-le-feu précédant un armistice équivaudra à une défaite de l’Ukraine. Si elle préservera la fiction de ses revendications juridiques, Zelenski aurait tort de croire qu’il recouvrira son intégrité territoriale avant longtemps ; l’exemple de l’Alsace-Lorraine n’est pas transposable en Ukraine.
L’Ukraine se battra pour obtenir son adhésion à l’OTAN, celle-ci n’est ni pour demain ni pour après-demain. Trump y mettra son veto formel.
Restera alors à l’Ukraine l’adhésion à l’Union européenne dont l’article 42. 7 du TUE est certes juridiquement plus contraignant que l’article 5 de l’OTAN mais dont les moyens militaires sont – hélas encore – réduits à quia.
Zelensky semble d’ailleurs s’être implicitement résigné à cela.
Trump ne s’engagera pas en envoyant des troupes américaines défendre des lignes de cessez-le-feu, il en laissera le fardeau financier et militaire à l’Europe, laquelle n’aura que fort peu à dire sur les clauses d’un éventuel armistice, Trump étant trop content de lui faire une mauvaise manière.
Rajoutons à ce pénible tableau deux autres éléments. Il est possible que l’entrée de la Corée du Nord en Ukraine entraîne Trump à plus d’empathie envers l’Ukraine mais en sens inverse, l’ego de Trump s’est révolté après la décision de Biden d’autoriser les livraisons d’armes américaines capables de frapper en profondeur le territoire russe.
Il a ainsi déclaré le 14 décembre lors d’une conférence de presse à Mar-a-Lago:
« “I don’t think that should have been allowed, not when there’s a possibility — certainly not just weeks before I take over,” “Why would they do that without asking me what I thought? I wouldn’t have had him do that. I think it was a big mistake.” « It was stupid »
Il n’est pas impossible que ce que Trump considère comme une mauvaise manière influe sur cette décision. Il est en tout cas vraisemblable qu’il réduira parallèlement à des pressions sur Poutine, les livraisons d’armes à l’Ukraine.
Il en usera pour faire pression et sur Zelenski et à la fois comme un encouragement avant d’éventuelles pressions sur Poutine.
Pour autant Trump s’apercevra aussi que ses moyens de pression sur Poutine sont moins puissants qu’il ne le pense.
L’allié Nord-Coréen le conforte dans sa volonté et aussi dans ses moyens. Paradoxalement l’humiliation que Poutine a subie en Russie peut l’entraîner à se durcir en Ukraine afin d’effacer sa défaite en Syrie.
En bonne logique, mais il n’est pas sûr que ce genre d’arguments soit sa voile d’artimon, Trump ne devrait pas abandonner trop fortement l’Ukraine car ce serait envoyer un message négatif à l’Europe dont il a besoin dans sa compétition avec la Chine.
Pressions sur l’Ukraine entraîneront soit une quasi-victoire de Poutine et donc la perte de la force du slogan America is great soit un raidissement de Poutine et comme Trump l’a laissé entendre, dans ce cas la continuation de l’aide américaine à l’Ukraine. Mais quelle que soit la ligne américaine, l’axe Chine-Russie sortira renforcé. Comment Trump résoudra-t- il la quadrature du cercle ?
Trump n’a que peu de respect pour les institutions nationales américaines et à fortiori pour les institutions internationales. Combien de textes de lois seront votés par le Congrès, combien de mesures nécessiteront des executive orders ou la clause de sécurité nationale ?
Si les institutions, notamment judiciaires font montre de résilience, le rayonnement américain à l’étranger en subira les conséquences. Parmi les dogmes qui seront gravés au marbre trumpien figurera la « déportation des migrants » dans leur pays d’origine. Essentiellement des Mexicains. Il n’est pas sûr que les Gouverneurs de Californie ou d’autres Etats veuillent coopérer. En cette affaire Trump a toujours aimé « dealer » en bilatéral avec des leaders forts et autocrates.
Cela ne changera pas ; mais ce qui pouvait relever lors de son premier mandat d’un combat de coqs ou d’un jeu d’enfants en cours de récréation avec le leader nord- coréen s’est profondément transformé. Chine, Russie n’exhibent plus seulement la volonté de disputer ou de partager la place du Primus Inter Pares mais tel Zeus en son Olympe, elles affichent ostensiblement leur animadversion pour Washington.
Le 20 janvier, Trump s’apercevra que la relation privilégiée qu’il avait et qu’il cherchait avec Poutine n’était qu’un jeu de dupes. Trump réalisera très vite qu’il a eu tort d’accorder davantage de confiance à Poutine qu’a ses propres services secrets.
Le premier problème auquel Trump devra faire face est le retour de la rhétorique nucléaire russe ; il est tout à fait envisageable que Poutine ayant découvert le charme – tout sauf discret-de la sanctuarisation agressive en fasse profiter d’autres proies. Comment Trump réagira-t-il ?
Suivra-t- il les conseillers les positions de son conseiller spécial, Keith kellog, pour la Russie et l’Ukraine ou bien suivra-t- il l’inclination de son vice-président J.D Vance ?
Les Américains ont depuis 1945 assuré la protection nucléaire de l’Europe du Japon et de la Corée du Sud alors que leur territoire ne fut menacé que très tardivement. D’une certaine façon, les accords SALT et START avaient aussi pour objectif la sanctuarisation des États-Unis.
Ces accords ont été petit à petit détricotés et dénoncés pour une grande part. Seul reste aujourd’hui le New START que Russes et Américains ont prolongé en février 2021 pour une durée de 5 ans.
Sauf percée diplomatique, il prendra fin le 5 février 2026.
Pour autant, la Russie a suspendu sa participation à tout ce qui touchait aux procédures de vérification, ce qui vide le traité de son intérêt principal. Certes la Russie ne l’a pas quitté officiellement.
Trump avait quant à lui, en février 2019, dénoncé le traité INF concernant les Intermediate Range Nuclear Forces.
Le 20 janvier Trump va trouver une conjoncture certes moins dangereuse idéologiquement que celle de la guerre froide. Pour autant Trump va être confronté avec la Russie à une triple menace. La Russie a fortement modernisé son arsenal nucléaire.
Le missile SARMAT qui remplace les SS 18 intercontinentaux emporte un nombre considérable de têtes nucléaires mirvées, capables de frapper les États-Unis en première frappe.
Le missile intermédiaire Orechnie, certes encore à l’état de prototype, vole à Mach10 et donc est difficilement interceptable. Sa cible : les alliés des États-Unis notamment en Europe. Là encore que va faire Trump ?
La Chine augmente elle aussi le nombre de ses têtes nucléaires. Enfin la Corée du Nord n’a plus rien à envier dans ce domaine. Elle vient de tester le 31 octobre son ICBM et envoie des troupes sur un théâtre européen, tout en inquiétant la Corée du Sud asset important pour les USA.
Il n’est donc pas totalement exagéré de penser que peu de présidents américains ont été confrontés à un tel niveau de dangerosité potentielle.
Chaque président américain fraîchement élu, se croit obligé de définire une nouvelle doctrine nucléaire.
Plutôt que de sacrifier à cet exercice, Trump devra impérativement moderniser son armement nucléaire. En outre les USA ont des manques dans la détérrence conventionnelle. Ils doivent impérativement augmenter la capacité de leur industrie d’armement dont la dans la guerre en Ukraine a cruellement montré leur insuffisance.
Les dernières modernisations sérieuses remontent à Reagan qui avait réactualisé les Minutemen lesquels deviendront obsolète au mitan des années 2030. Reagan avait conçu le programme de bombardier silencieux mais la triade de l’époque Reagan a pris de nombreux rides, peu a été fait depuis.
Les stratèges américains s’étaient reposés sur l’implosion de l’URSS.
Le mythique B 52 dont le premier vol eut lieu le 15 avril 1952 est encore en service même s’il a été modernisé à de nombreuses reprises.
Les experts estiment que les États-Unis auront besoin d’acquérir 200 B 21 supplémentaires pour compléter leur flotte de 100 appareils. Le coût unitaire de chaque appareil est d’environ 700. 000.000 dedollars.
Ils sont destinés à remplacer les B 2 et B1.
Trump devra également relancer le programme LRSO Long Range Stand off weapon. Suite aux accords bilatéraux, les États-Unis ont détruit 90% des armes de théâtre. Il est urgent que Trump remédie à cette situation ; il en aura la volonté mais les moyens ne seront pas tous au rendez-vous. Trump devra peut-être relancer le programme de sous-marins de dernière génération de la classe Virginie abandonné dans le budget 2025. En outre les porte-avions américains géants en dépit de toute la technologie embarquée et de leurs escortes sont devenus vulnérables face aux avions chinois DF 21D et 26D.
Trump devra également considérablement augmenter les capacités de cyberdéfense et de cyberattaques.
En septembre 2024, le Kremlin a dans sa nouvelle doctrine nucléaire abaissé le seuil de déclenchement nucléaire qui avait d’ailleurs déjà subi des modifications sous le ministre de la défense Chouighou lequel avait d’ailleurs conceptualisé l’idée de « to escalate to deescalate ».
Mettre à bas l’ordre hérité de 1945 ne suffit pas à la Chine et à la Russie ou plutôt ne leur suffit plus. Elles estiment dorénavant en avoir le droit, la légitimité et, plus important, les moyens d’imposer leur volonté. Il s’agit dorénavant de lutter contre les valeurs occidentales et la décadence américaine. Moscou n’avait pas encore envahi l’Ukraine, certes la Crimée avait déjà fait l’objet de la prédation russe, mais il était si facile de mettre cela sur le dos d’Obama. Il sera moins facile à Trump de ferrailler désormais contre la Russie.
En découdre avec l’Iran, soit ! Mais sa dénonciation du JCPOA a eu comme seul et unique et surtout piteux résultat d’accélérer la marche iranienne vers le Graal nucléaire. Il aura beau exécuter une pavane en Arabie Saoudite, le Royaume wahhabite a pris goût à voler de ses propres ailes et monnayera très cher de rester dans l’arrière-cour américaine.
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