La troisième et dernière partie de l’analyse approfondie de Leo Keller. L’auteur explore l’environnement géopolitique mondial et les contours du retour de Trump sur la scène des relations internationales.
Les signes complexes
Les signes complexes laissant augurer tous les impondérables. Certains proviennent de l’extérieur des États-Unis. Mais ils reflètent un attentisme lourd de conséquences. Lors de la première élection de Trump, l’on a accusé la Russie d’ingérence ayant pour but de favoriser son élection. Prouvé ou non, il était clair que Trump était le choix de Poutine.
Or cette fois-ci, rebus sic stantibus , les choses peuvent avoir deux lectures.
Soit Poutine a pris conscience d’une évolution défavorable de Trump, ou de l’incapacité dans laquelle il se trouvait de lever les sanctions américaines notamment la loi Magnitski.
Soit Poutine, dans un double jeu de désinformation auquel nous avait habitué feu le Kominform, laisse entendre qu’un Biden affaibli et vieillissant ou une Kamala Harris inexpérimentée eussent été plus manipulables.
Ce que nous pouvons affirmer c’est que le Kremlin n’aime pas les présidents forts.
Poutine a donc en toute logique, mis à part la différence de 2016 pris un certain temps à le féliciter, laissant le soin à Peskov et Lavrov de se montrer tout sauf enthousiastes. Il est probable que les seuls à détenir la clé de cette ambiguïté soient Donald Trump et Poutine.
Ce qui déterminera leur réponse restera l’Ukraine dans un premier temps. 24 heures ? ! Tout laisse supposer que Trump soumettra en premier lieu un oukase à Zelensky pour mettre fin au « carnage. »
« This war needs to end immediately. Too many lives have been lost, andit’s time for both sides to come to the table and negotiate peace. I will speak with President Putin and President Zelensky to make this happen. »
“There should be an immediate ceasefire and negotiations should begin” in order to “stop the madness,” Trump said on Truth Social.
« Too many lives are being so needlessly wasted, too many families destroyed, and if it keeps going, it can turn into something much bigger, and far worse, » he said.
« I know Vladimir well. This is his time to act. China can help. The World is waiting!”
Associated press rapporte les propos rémanents de Trump : « It was stupid for the Biden administration to allow Ukraine to use american weapons to strike deeper in Russia. This is escalating the situation unnecessarily. »
Pour autant, l’envoi dans un premier temps, de 12000 soldats nord-coréens, rajoute une inconnue supplémentaire pour Trump dans l’affaire ukrainienne. D’abord Trump n’oublie pas qu’il a été le jouet de Kim Jung On et son ego le pousse à prendre une revanche contre Little Rocket Man.
Ensuite parce que tout ce qui déstabilise la Corée du Sud ne peut laisser indifférent les États-Unis qui y maintiennent 35000 soldats. La Corée du Sud est d’autre part un pion stratégique dans le containment chinois
La litanie des positions divergentes, y compris au plus haut sommet de la hiérarchie Trumpienne est impressionnante. Ainsi en 2022 J.D Vance qui n’était alors que Sénateur a pu ainsi affirmer: « I don’t really care what happens to Ukraine, one way or the other. » Lors d’un meeting en Caroline du Sud le 10 février 2024, Trump raconte fièrement une conversation avec un dirigeant de l’OTAN :
« No, i would not protect you. In fact I would encourage Russia to do whatever they want . You have to pay your bills. »
Moldaves de tous les pays unissez-vous ! Welcome to the club of Belgique, Canada, Espagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Turquie. Cette dernière n’ayant cependant rien à craindre de la Russie. Pourtant Trump a horreur des guerres longues ou courtes mais coûteuses. Il compte également sur la fatigue des médias américains pour appuyer sa politique vis-à-vis de l’Ukraine.
Mais Trump sait parfaitement qu’aucun des bills accordant une aide à l’Ukraine n’aurait pu être voté sans l’appui des voix républicaines tant à la Chambre qu’au Sénat. Trump devra donc en aussi en tenir compte. En avril 2024 Mike Johnson, speaker de la Chambre déclare : « I think providing aid to Ukraine right now is critically important.»
Trump lui-même a accepté de dialoguer de façon moins abrupte avec Zelenski. En septembre 2021 le Sénateur républicain Graham, fidèle partisan de Trump, a déclaré après un entretien avec Zelenski : « Ukrainians are trying to stop the Russians so we don’t have to fight them. »
Trump a rappelé et c’était tout sauf innocent que les premiers missiles Javelin avaient été expédiés sous son administration. Lors d’une interview en 2019 il déclara : “I’m the one that gave Ukraine offensive weapons and tank killers. Obama didn’t. You know what he sent? He sent pillows and blankets. I’m the one — and he’s the one that gave away a part of Ukraine where Russia,”. In Washington Examiner
L’on peut cependant noter une légère inflexion en faveur de l’Ukraine- pour autant contredite immédiatement par d’autres propos de Trump- par rapport à ses déclarations si favorables à la Russie dans une interview publiée par time le 8 décembre 2024.
President-elect Donald Trump promised in a wide-ranging Time magazine interview published Thursday that « he will not “abandon” Ukraine amid its nearly three-year-long war — but called the Biden administration’s decision to green-light launching long-range missiles into Russia “the most dangerous thing.”
“I want to reach an agreement, and the only way you’re going to reach an agreement is not to abandon,” the once and future president said after being pressed on his plans for Ukraine.
“I think the most dangerous thing right now is what’s happening,” he went on later, “where [Ukraine President Volodymyr] Zelensky has decided, with the approval of, I assume, the president [Biden], to start shooting missiles into Russia.”
Natalya Gumenyuk rapporte dans un remarquable article de Foreign Affairs les propos de Mike Waltz futur Conseiller à la Sécurité Nationale affirmant que Biden n’avait pas fait assez pour soutenir l’Ukraine et allant même jusqu’à suggérer que les USA devraient envoyer des conseillers militaires en Ukraine :
« Let’s win this damn war »
En outre Mike Waltz a récemment déclaré : « que si Moscou ne voulait pas négocier, Trump pourrait essayer de « retirer les menottes des armes à longue portée que nous avons fournies à l’Ukraine » permettant ainsi à l’Ukraine d’augmenter le coût pour la Russie. » « More recently, he has said that if Moscow did not want to negotiate, Trump might try “taking the handcuffs off of long-range weapons we provided Ukraine,” thus allowing Ukraine to raise the cost to Russia….
Autre signe complexe, Elon Musk nouveau gourou que Trump se plaît à encenser en toutes occasions a, dans une conversation surprise qui a d’ailleurs fortement déplu à Trump, confirmé qu’il continuerait d’envoyer des stations satellites Starlink à l’Ukraine.
Il n’en reste pas moins que Trump a à nouveau tenu des propos qui n’augurent rien de bon pour Zelenski . S’il n’abandonnera pas purement et simplement l’Ukraine en rase campagne, le plan de « paix » sera en fait une espèce d’armistice à la coréenne sauf que la ligne de front consacrera la perte d’environ 20% du territoire ukrainien plus la Crimée. Ce sera une capitulation déguisée. La seule chance pour l’Ukraine serait paradoxalement un refus de Poutine habité par l’ hubris. En ce cas Trump serait contraint de soutenir Zelinsky, America Great ne pouvant accepter une telle humiliation.
Autre signal complexe avec lequel Trump devra composer, l’aide militaire massive à l’Ukraine bénéficie considérablement à l’industrie militaire américaine. Trump n’est pas un va-t-en-guerre, mais il a toujours porté continûment une attention toute particulière au budget militaire américain qu’il a toujours pris soin d’augmenter.
Mais encore plus grave, Trump s’opposera de toutes ses forces à l’admission de l’Ukraine dans l’OTAN.
Replaçons la focale après cette digression sur un des discours dans lequel il emploie le mot far worse. Si l’on lit le sous-texte, l’on voit que far worse signifie je ne tiens pas à voir les États-Unis décaisser davantage de dollars pour soutenir l’Ukraine.
Notre deuxième remarque concerne l’état de santé mentale de Trump ou sa méconnaissance abyssale des dossiers mondiaux. La Chine n’a aucunement l’intention de mettre fin à un conflit qui est une pomme de discorde pour les Occidentaux et qui engonce chaque jour davantage Poutine dans la position du vassal obligé. La seule ligne rouge fixée par la Chine étant l’usage et le logos nucléaire.
La seule exigence formulée par le mandarin de Pékin fut que Poutine attende la fin des Jeux Olympiques d’hiver se terminant le 20 février 2022 à Pékin. Un proverbe chinois souvent brandi par Mao était « On ne touche pas impunément les fesses du tigre », Poutine a parfaitement compris que l’on ne gâche pas impunément la fête chinoise.
Serviteur fidèle, empressé mais avisé Poutine obéit et attendit le 24 février pour envahir l’Ukraine, laissant s’éteindre doucement les lampions de la fête olympique à Pékin.
En outre dans l’état actuel des relations sino-américaines, l’on ne voit pas pourquoi Pékin accéderait aux désidérata de Trump. En toute humilité, nous nous permettons de rappeler à Trump que les subtilités de la géopolitique n’ont que peu de rapports avec la gestion d’un casino.
L’affaire ukrainienne est une double impasse. Poutine accepte les conditions pourtant plus que favorables proposées par Trump, son rêve de s’emparer de davantage de territoires ukrainiens s’effondre et il doit faire face à diverses frondes dans son pays risquant de voir son pouvoir menacé par ceux que l’on appelle des ultra-patriotes.
Soit Poutine refuse et Trump peut- à cette condition-continuer à soutenir Zelinsky pour montrer que Poutine ne saurait impunément lui tenir tête.
C’est aussi le scénario auquel sera confronté Netanyahu.
Si Orban et Netanyahou ont rivalisé d’enthousiasme courtisan voire caudataire, pour féliciter leur grand et meilleur ami. Netanyahu a ainsi déclaré que Trump : « Is the greatest friend Israel ever had in the White House. »
Ce qui était profondément injuste pour Obama qui fut le président qui accorda la plus grande aide financière à Israël soit 37 milliards de dollars sur 10 ans, ou bien pour Biden qui après avoir été le premier président à faire le déplacement à Tel-Aviv, a livré depuis le 7 octobre 2023 une aide supplémentaire de 18 milliards de dollars en matériel ainsi que 4 milliards de dollars pour le renouvellement des systèmes antimissiles Dôme de fer et Fronde de David.
Ce montant était essentiellement un don. Et plus récemment les USA ont livré à Israël des systèmes THAAD.
Observons donc les premières réactions iraniennes, elles sont plus intéressantes. Au-delà des rhétoriques habituelles des Ayatollahs qui relèvent de comportements matamoresques, elles furent relativement modérées. Ainsi Esmail Baghei porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien pointe le fait que l’Iran a l’amère expérience des précédentes administrations- Biden compris- mais que l’élection peut-être une chance de corriger les erreurs.
Mais surtout le membre de phrase important est que l’Iran jugera en fonction des actions et non des déclarations. Nous rapportons les propos exacts car ils émanent du think tank israélien INSS- rivalisant d’expertise concernant le Moyen-Orient avec les meilleurs think tanks au monde- et donc peu susceptible d’iranophilie :
« The Iranian Foreign Ministry spokesperson, Esmaeil Baghaei, addressing Trump’s victory, remarked that Iran has faced bitter experiences with the policies of various American administrations and that the election gives the United States an opportunity to correct its past mistakes. He emphasized that Iran would judge the current administration by its actions. »
Trump avait le 8 mai 2019 dénoncé les accords du JCPOA de façon parfaitement illégitime et surtout stupide alors que tant la CIA que les services secrets israéliens de Tsahal, du Shin Bet et du Mossad avaient confirmé le respect des engagements du JCPOA par l’Iran.
Pour autant, Trump avait déclaré en 2019 vouloir rencontrer Rouhani. Et surtout, Trump a durant sa campagne dit rechercher un deal avec l’Iran.
En 2020 Trump déclare que s’il avait remporté les élections, il aurait conclu un accord avec l’Iran.
Autre signe encourageant, Brian Hook, négociateur américain en charge de l’Iran sous la présidence Trump a récemment déclaré que la nouvelle administration ne cherchait pas un changement de régime en Iran. C’est là une inflexion fondamentale qui devra guider la politique de Trump.
Le 5 novembre 2024 Trump énonce à nouveau une politique ambiguë : « My conditions are very simple. Iran cannot have nuclear weapons. I would like to see them to have a very successful country. »
Autre signal complexe, l’Arabie Saoudite a- entre temps- fort sagement montré le chemin d’une réconciliation entre les pays du Golfe et l’Iran. Durant la présidence Trump, l’Iran avait abattu en 2019 un drone américain RQ-4 Global Hawk. Les Américains avaient soutenu que le drone évoluait pourtant dans l’espace international, Trump ne prit aucune mesure de représailles. Sage mesure ! Même Trump peut parfois -volens nolens- agir intelligemment !
La politique étrangère iranienne est, elle aussi, ambiguë et joue des signaux complexes.
Ce sera un défi pour Trump.
En cette période précédant la succession de l’Ayatollah et alors que les révoltes populaires grondent chaque jour davantage, la politique iranienne oscille entre apaisement et négociation, escalade et confrontations.
Mais plutôt que de brandiller menaces sur menaces, nous conseillons à Trump de laisser la porte ouverte à la négociation.
Il ne s’agit pas bien sûr de tout accepter, mais rien ne pourra amener l’Iran à revenir à un JCPOA bis, si sa fierté et ses intérêts ne sont pas reconnus.
Le prix à payer par Trump sera très élevé, il est la condition pour diminuer la tension dans la région.
Si Trump le comprend, il en sortira grandi. Toutefois un de ses problèmes relève de la psychologique- mais chez lui c’est prédominant. L’autre problème est qu’il ne sera pas le seul maître du débat.
Ainsi Mohamed Javad Zarif, négociateur en chef iranien lors du JCPOA, semble revenir en grâce dans l’arène diplomatique. C’est un signe encourageant que Trump aurait tort de négliger. Pour autant et dans le même temps, les Gardiens de la Révolution voient leur influence considérablement grandir.
Le média israélien Ynet rapporte le 27 septembre 2024 que le candidat républicain Donald Trump souhaite négocier un accord nucléaire avec l’Iran.
En dépit des démentis qui ne trompent personne, Trump a mandaté Elon Musk pour discuter avec l’Ambassadeur iranien à l’ONU.
« I would do that we have to make a deal, because the consequences are impossible. We have to make a deal. »
Cette pensée, quand bien même l’on peut noter une légère inflexion dans l’agressivité de Trump envers l’Iran, souffre d’au moins trois complications. La première est qu’elle est, une fois de plus, sujette à plusieurs exégèses parfaitement contraires. Mais après tout le Cardinal de Retz n’écrivit-il pas : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. »
La deuxième difficulté réside dans le fait que l’Iran est désormais- ironie suprême grâce à Trump -plus proche du seuil nucléaire qu’il ne l’a jamais été, et, l’on ne voit pas comment Trump ayant horreur de la guerre se lancerait dans une nouvelle, incertaine et coûteuse équipée militaire.
Une des raisons, de la quête nucléaire iranienne, mais bien entendu pas uniquement ni la seule ni la principale, est que l’Iran garde en mémoire l’agression irakienne contre son pays et le peu de soutien à lui accordé alors par les Occidentaux.
Il a fallu une colligation des intérêts et de volonté du P 5+1 pour obtenir les accords du JCPOA que Renaud Girard avait qualifié si subtilement de modèle que l’on enseignerait encore pendant trente ans dans les universités.
Depuis lors les intérêts de la Chine et de la Russie ne coïncident absolument plus avec ceux des Occidentaux. En outre ce que l’on avait offert aux iraniens était plus ou moins acceptable car ils étaient beaucoup plus éloignés du seuil nucléaire.
Trump va se trouver devant la quasi-alliance sino-iranienne avec la signature le 27 mars 2021 d’un Pacte de Coopération Stratégique de 25 ans pour 400 milliards de dollars. En mars 2024, Russie, Chine et Iran menèrent des manœuvres navales communes dans le Golfe d’Oman.
Ce pacte stratégique viole bien évidemment les sanctions américaines frappant l’Iran et notamment dans les secteurs pétroliers et financiers. Gageons que cela ne contriste que fort modérément ces trois puissances révisionnistes.
Russie et Iran fortifient leur quasi-alliance à travers l’Eurasian Economic Union. Moscou en est l’élément moteur. Ce faisant Moscou essaie de s’émanciper de Pékin. Ce forum comporte des réductions de droits de douane sur 90% de leurs échanges. En outre il englobe, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan. Ce rapprochement constitue une première pour l’Iran qui a demandé le statut d’observateur. Sont également observateurs, la Moldavie, l’Ouzbékistan et Cuba. Mais ce qu’il faut noter c’est que l’Iran combine à la fois la partie politique et la partie économique
Il faut également noter les accords de système de paiement entre l’Iran et la Russie leur permettant de contourner le système Swift. La Russie a également très fortement poussé pour que l’Iran intègre les BRICS et l’OCS. L’Iran tente ainsi de rompre son isolement diplomatique lui permettant de contourner les sanctions pourtant « maximales » imposées par les États-Unis et servant d’alpha et d’oméga au Président Trump.
L’on nous permettra une pointe d’humour dans ce tableau complexe à souhait. L’ancien Conseiller à la Sécurité de Donald Trump, lui aussi d’abord adulé par Trump puis « fired »John Bolton, était appelé Mr Strike. On connaît le peu de réussite de sa politique. Nous nous permettons d’appeler Donald Trump « Mr Sanction ». On a vu les résultats spectaculaires de sa doctrine avec la Corée et l’Iran. Saluons donc sa performance !
Le couple resserré entre Téhéran et Moscou diminue la marge de manœuvre de Trump. Bien plus qu’en 2017, il ne pourra traiter de façon isolée et l’Iran et la Russie. Moscou veut se servir du rapprochement avec l’Iran dans le cadre du EAEU comme test et comme modèle.
Moscou voudrait également y attirer l’Égypte, les UAE, mais surtout l’Indonésie. Ces trois pays sont les alliés des États-Unis.
Ainsi les États-Unis disposent d’une base aérienne à Al Dhafra aux UAE. Notons que cette base est utilisée conjointement avec la France. Les USA détiennent également une base aérienne à Al Minhad et une base navale à Fujairah. Les Américains entretiennent 3500 hommes aux UAE.
Si les USA n’ont pas de base militaire en Égypte ou en Indonésie, ils procèdent fréquemment à des exercices militaires communs. En outre les États-Unis accordent chaque année 1,3 milliard de dollars à l’Égypte depuis 1987. L’aide à l’Indonésie demeure cependant minime.
Il est intéressant de noter que ni la Chine ni l’Inde ne sont membres du EEAU, ce qui permet à Moscou de passer pour le Deus Ex machina au sein de ce forum.
Egypte, Éthiopie, Biélorussie et Azerbaïdjan et Turquie frappent à la porte de ce forum. Trump ne peut se permettre d’accorder un plus grand rôle à la Russie et à l’Iran. Or des sanctions supplémentaires américaines sur l’Iran rapprocheraient encore davantage ces deux pays. On le voit l’Iran s’est doté d’un parapluie supplémentaire.
Dans cette espèce de course à l’échalote, Trump pense encore et toujours que davantage de sanctions amèneront l’Iran à résipiscence. Possible mais le contraire est tout aussi plausible voire probable. Les Iraniens raisonnent sur la base d’une absence de volonté américaine pour déclencher un conflit armé. L’on peut vraisemblablement présumer qu’ils progresseront vers le Graal nucléaire sans franchir trop ostensiblement certaines lignes rouges.
Ce sera une espèce de gentleman’s agreement. Trump doit donc trouver un chemin étroit, sinueux et escarpé où chaque fausse manœuvre entraînera ou la catastrophe ou la marche triomphale de l’Iran vers la constitution d’un début d’arsenalisation nucléaire.
Trump devrait s’inspirer de la sagesse saoudienne qui a compris que l’Iran ne se transformerait pas en Suisse et ne changerait pas son lieu de résidence géographique dans la planète avec l’Australie.
Reste une autre carte dans le jeu de Trump. Il pourrait essayer de négocier un relâchement des sanctions sur la Russie en échange de la participation russe aux sanctions iraniennes. Mais il nous semble improbable que Poutine accède à ce marché de dupes.
L’Iran est devenu un partenaire idéal et indispensable à la Russie.
Chine et Russie rejetteront de concert toutes les pressions, cette dernière parce qu’étant affaiblie soutiendra avec la dernière énergie l’Iran dont elle a – ironie de l’histoire- tant besoin. Elles rejetteront toutes les sanctions qu’elles jugeront contraires à leurs intérêts. Cela les amènera d’abord à refuser leur concours aux Occidentaux, puis dans un second temps à prendre toutes les mesures qu’elles estimeront nécessaires à la protection de leurs intérêts.
Mais il existe une troisième arduité. Le JCPOA a difficultueusement obtenu des résultats sur le nucléaire ; ce ne fut pas le cas pour les missiles qui n’étaient pas véritablement l’objet du JCPOA.
Géographie, Histoire millénaire, démographie et désormais diplomatie autorisent l’Iran à jouer, conformément à ses désirs immémoriaux, un rôle majeur dans la région.
L’on ne voit pas l’Arabie saoudite se jeter dans les bras d’Israël même si l’Iran venait à se libérer de l’oppression des chaînes des Ayatollahs.
Mais d’autres éléments pourraient laisser augurer d’une politique plus radicale envers l’Iran. Suite aux frappes israéliennes résultant de leur décision incompréhensible et stupide d’attaquer Israël, l’Iran est aujourd’hui tétanisé et paralysé, ses proxys qui avaient pour fonction première de le protéger sont dans un état qui pourrait relever de la catatonie.
Aujourd’hui ces proxys sont pour longtemps invalides et inopérants. Paradoxalement cela peut représenter une chance pour une solution palestinienne, l’excuse iranienne ayant toujours servi à Netanyahu pour refuser la création d’un Etat Palestinien.
Il n’en reste pas moins- grâce à Israël -que l’affaiblissement de régimes terroristes représente toujours en ce bas monde une chance.
Trump peut donc estimer qu’il a une fenêtre de tir sur l’Iran. En outre l’Ayatollah Khamenei est malade et âgé de 86 ans.
L’économie iranienne n’en finit pas de s’écrouler, même si elle a développé de façon spectaculaire une industrie des drones et missiles. Pour autant la perfusion sino-russe la maintient en vie.
Le facteur nucléaire iranien n’est finalement que l’assurance vie d’un régime- chancelant mais dangereux parce que précisément chancelant- et voulant éviter tout regime- changer. Il n’est même pas sûr que l’on puisse qualifier l’armement nucléaire iranien- en devenir- comme relevant de la sanctuarisation agressive.
Trump ne viendra pas à bout d’un pays de 90.000.000 d’habitants aussi facilement.
En outre Trump ne peut se permettre de voir le Golfe Persique bloqué par des bateaux iraniens Les Iraniens pourraient en effet prendre cette mesure on ne peut plus facilement. Les répercussions sur les hydrocarbures et l’économie mondiale seraient incalculables et les électeurs américains se détourneraient aussi rapidement de Trump qu’ils l’avaient choisi.
Trump fait face aux cinq piliers de la déterrence iranienne :
– Une quasi-alliance avec la Chine et la Russie
– Un rapprochement de l’Iran avec la quasi-totalité des pays arabes, le réchauffement prévisible car on ne peut plus logique avec l’Arabie Saoudite en étant le gonfalon le plus éclatant.
– Des capacités considérablement accrues dans les drones et les missiles balistiques tant en qualité qu’en quantité et pour lesquelles la Russie n’hésite pas à payer le prix fort. Missiles qui autorisent dorénavant une profondeur stratégique.
– L’arme du terrorisme qui ne demande qu’à s’éployer à nouveau et plus fortement.
– Enfin le chantage nucléaire. C’est de loin, en raison de la nature même de la doctrine nucléaire, le point le plus faible.
Alors oui suite aux coups impressionnants porté à l’Iran et au Hezbollah par Israël, le régime des Ayatollahs sera peut-être contraint de composer.
Trump va essayer de tirer le maximum de cette rencontre. Mais il devrait savoir que les États-Unis devront payer un prix qui sera tout sauf celui d’un « benign neglect. »
Trump voudra-t- il en payer le prix ?
Que les belles âmes gardent leur émoi et regardent la situation en face. Nous nous permettons de leur rappeler la pensée attribuée à Hegel : « Ils n’ont pas les mains sales mais ils n’ont pas de mains »
Plus près de nous, Raymond Aron écrivit dans les Carnets de la Guerre Froide : « On se demande avec angoisse si, en allant dès l’origine jusqu’au bout des concessions inévitables, on n’aurait pas évité la tragédie. »
L’on citera pour le plaisir la finesse d’Oscar Wilde : « La question n’est pas de savoir si tel livre est moral ou bien immoral. Les livres sont mal écrits ou bien écrits .C est tout. »
Nous eussions aimé que Donald Trump s’inspirât de cette politique.
L’histoire fourmille d’exemples de cette politique réussie, finalement intelligente. Durant la seconde guerre mondiale, les Alliés en récoltèrent les fruits.
Ainsi Salazar, le dictateur portugais, à la neutralité trouble et craignant d’être envahi par Franco, dictateur espagnol à la neutralité encore plus trouble, milita auprès de Churchill pour que la Grande-Bretagne livrât 100000 tonnes de blé à l’Espagne qui pourvoyait cependant l’Allemagne de divers produits agricoles et surtout- ainsi que le Portugal- de tungstène.
Ainsi entre 1941 et mi-44, le Portugal expédia 2000 tonnes de tungstène à l’Allemagne ce qui représentait 60% des besoins allemands. L’Espagne quant à elle expédia jusqu’à 70% de ses propres réserves en tungstène. Moyennant quoi, l’Espagne n’envahit point le Portugal, pourtant objet de son rêve ancestral.
Churchill estima qu’empêcher l’Espagne, et donc poursuivre les livraisons stratégiques à l’Allemagne nazie valait bien une messe à la Segrada.
Il est vrai qu’il écrivit : « Ma conscience est bonne fille, j’arrive toujours à m’arranger avec elle. »
Il n’est pas inutile de rappeler que le tungstène était nécessaire à l’industrie d’armement et aux munitions.
Alors oui nous concevons bien volontiers que cela puisse choquer certains. Mais l’on ne voit pas comment Trump obtiendra un meilleur résultat que le JCPOA.
Même Biden s’est fracassé sur cette aporie. Il y a très peu de chances que l’Iran renonce désormais à l’armement nucléaire, L’Ukraine eusse-t- elle conservé ses ogives nucléaires, la Russie n’eût point osé l’envahir.
Les Ayatollahs ont beau lire assidument quitte à le déformer le Coran, ils connaissent parfaitement les lois de la géopolitique.
Trump doit donc offrir à l’Iran toutes sortes de compensation pour l’amener à émousser et fatiguer son comportement conflictuel. Bien entendu, il pourrait et devrait se servir de l’Arabie Saoudite pour que l’Iran cesse ses attaques contre Israël ; c’est là une ligne rouge logique et raisonnable.
Mais il est une autre inconnue la faiblesse désormais patente de l’Iran et de ses proxys, couplée à l’élection de Trump ne peut qu’encourager Netanyahu à chercher une solution radicale. L’Arabie Saoudite ne voulait pas d’un Iran dominateur, elle vient de prouver qu’elle ne veut pas pour autant d’un Israël hégémonique, ni surtout d’un embrasement dans la région, et dont Netanyahu croit que la défaite des proxys et de l’Iran lui permettra de faire définitivement l’économie du problème palestinien.
A l’appui de la réflexion stratégique saoudienne dont nous avons qualifié la diplomatie de vaticane, tant elle était discrète mais remarquablement intelligente, rapportons quelques déclarations.
« The Saudi Ministry of Foreign Affairs issued a statement condemning Israel’s plan to expand settlements in the occupied Golan Heights, describing it as « sabotaging Syria’s opportunities for security and stability. »
The statement emphasized that such actions undermine Syria’s prospects for regaining security and stability.
Additionally, the ministry reiterated that the Golan Heights is « occupied Arab Syrian territory » and called on the international community to condemn these Israeli violations, stressing the importance of respecting Syria’s sovereignty and territorial integrity. »
Netanyahu voudra en quelque sorte entraîner Trump dans cette escalade. Trump saura-t- il y résister et éviter ce piège. Cette volonté israélienne d’entraîner Trump dans les solutions les plus extrêmes est d’ailleurs une constante de la politique de Netanyahu.
Trump sera également confronté à l’équation, à multiples entrées, entre Israël et l’Arabie Saoudite. Comment Trump conciliera-t- il le soutien idéologique, sentimental et réel entre les valeurs très fortes qui cimentent la proximité entre Israël et les USA. Parmi ces valeurs figure désormais sur le podium l’appui inconditionnel et jusqu’au boutiste des évangélistes américains toujours plus nombreux et formant la base électorale de Trump.
Proximité renforcée désormais par un puissant et profond partenariat technologique.
Mais partenariat qui coûte cher aux États-Unis. L’Arabie Saoudite regorgeant de pétrole, de cash a désormais les yeux de Chimène pour la Chine.
L’Arabie Saoudite, ayant compris ce que signifiait pour elle l’absence de réactions américaines réelles et au-delà des simples déclarations, après le bombardement de ses installations pétrolières et surtout sa volonté de jouer un rôle mondial, a fait sienne ce qui sous-tendait la diplomatie de Bismarck : « La politique internationale est très simple. Dans un système à cinq puissances, il faut être parmi les trois plutôt que parmi les deux. »
En somme l’équation est simple pour Trump. Va-t-il accorder l’aide nucléaire que l’Arabie Saoudite lui réclame mais sans contrôle américain alors que la Chine la lui offrira avec la gourmandise d’une chattemite éprise de Rodilardus.
Trump enforcira-t-il le Pacte de Quincy- réclamé par MBS- alors qu’Israël refuse avec la dernière énergie de reconnaître un Etat Palestinien que même MBS exige. Et il ne l’exige pas seulement à cause de ce que l’on appelle « la rue arabe ».
L’Arabie saoudite affiche dorénavant davantage son soutien aux Palestiniens. Tant Trump que Netanyahu avaient commis l’erreur impardonnable avec les Accords d’Abraham de croire que le problème palestinien n’existait plus.
Ils ont voulu embastiller l’Arabie Saoudite dans ce déni croyant que le seul développement économique comptait pour le jeune prince héritier, pétri de modernisme.
Dans le meilleur des cas, ils ont cru que le soutien wahhabite aux Palestiniens était de façade. Ils se sont lourdement trompés. La visibilité de « la rue arabe » compte et plus qu’auparavant. Trump et Netanyahou ont cru que l’assistance technologique israélienne et que la protection américaine emporteraient l’alignement saoudien.
Ils se sont laissés circonvenir car désormais -et quand bien même l’Arabie Saoudite par les voix de deux de leurs plus éminents ambassadeurs aux USA et chefs des services de renseignement ont condamné de façon on ne peut plus ferme la barbarie du Hamas.
En octobre 2020 le Prince Bandar Ben Sultan al Saoud, diplomate saoudien à la finesse exceptionnelle et jouissant d’une connaissance intime des relations internationales, a tenu des propos condamnant les actions du Hamas compromettant et la cause palestinienne et la stabilité régionale.
Il a notamment usé des mots « transgression and reprehensible »
Il a notamment critiqué leur opposition au rapprochement entre les Etats du Golfe et Israel.
Ynet rapporte ainsi ses propos « The Palestinian cause is a just cause but its advocates are failures, and the Israeli cause is unjust but its advocates have proven to be successful. »
Plus près de nous le Prince Turki al-Faisal condamne peut-etre encore plus fermement les actions du Hamas car elles nuisent et à la paix et à la cause palestinienne.
Ainsi il n’hésite pas lors d’un discours prononcé à l’Université Rice à Houston le 17 octobre 2023 à stigmatiser le Hamas.
« I categorically condemn Hamas’s targeting of civilian targets of any age or gender as it is accused of. Such targeting belies Hamas’s claims to an Islamic identity. »
« I equally condemn Israel’s indiscriminate bombing of Palestinian innocent civilians in Gaza and the attempt to forcibly drive them into Sinai. »
Ces deux diplomates ont très fréquemment joué au côté des USA un rôle dans la lutte contre le terrorisme ou en Afghanistan. Trump serait avisé de faire appel à eux.
Mais surtout Netanyahou et Trump dans leur dérive ultralibérale ont confondu l’Arabie saoudite avec Dubaï ou les UAE.
Or si l’Arabie saoudite souhaite une modernisation économique du Royaume à marche forcée accompagnée d’une libéralisation certes encore beaucoup trop lente même si prometteuse, elle reste cependant fière de sa culture et de son identité.
La doxa du pays imprime un appui au peuple palestinien primant sur un rapprochement avec Israël qu’elle appelle pourtant de ses vœux.
Trump devra donc impérativement amender sa politique de soutien inconditionnel à Israël s’il veut continuer à se concilier les bonnes grâces du Royaume wahhabite.
L’Arabie saoudite serait même prête à participer à la reconstruction de Gaza certes dans une moindre mesure, un des objectifs américains, car elle estime que c’est aux Américains de régler ce problème. Les Saoudiens pensent que puisque les Américains n’ont pas réussi à « effectively disciplining Israel, the United States broke Gaza and thus should fix it. »
Trump risque de modifier substantiellement son soutien jusque-là inconditionnel si Israël va à l’encontre des intérêts américains profonds.
Ce qui est sûr c’est que l’asset saoudien est d’une importance capitale pour les États-Unis.
L’Arabie Saoudite n’est pas encore formellement membre des BRICS, elle se contente- pour le temps présent-d ‘assister à ses réunions. Trump a encore la possibilité de la dissuader d’y entrer.
Trump dispose cependant outre la puissance américaine, toujours la première au monde, d’atouts importants dans son jeu.
L’Arabie Saoudite tient au fond d’elle-même à un accord de sécurité avec les États-Unis, nonobstant un accord sécuritaire avec Israël. L’Arabie Saoudite ne tient pas à déchirer les quelques accords sécuritaires et commerciaux qu’elle entretient officieusement avec l’Etat Hébreu.
Si l’Arabie Saoudite a besoin d’un rapprochement avec la Chine, elle aimerait tout comme l’Inde ne pas avoir à choisir entre la Chine et les Etats-Unis.
L’ambition, au demeurant parfaitement légitime et intelligente de MBS, est de ne surtout pas s’éloigner des États-Unis et de laisser la porte ouverte à une reprise des négociations avec Israël.
Mais à la double condition d’accroître son indépendance stratégique et de ne pas sacrifier les intérêts palestiniens sur l’autel de cette politique.
Trump sera avisé d’appuyer la politique du Royaume Wahhabite. Il en va d’ailleurs de l’intérêt bien compris d’Israël.
Certes les BRICS sont un groupement hétéroclite ; Il n’empêche, un club où figurent deux des plus fortes populations au monde, la deuxième économie de la planète, la puissance disposant de la plus grande superficie et possédant le plus grand nombre de têtes nucléaires, si l’on y ajoute le poids lourd Aramco, cela risque de compliquer sérieusement la puissance et la liberté d’action américaine.
L’Arabie Saoudite sera amenée à jouer un rôle de tout premier plan dans les très proches années à venir.
Trump devra apprendre qu’elle n’est ni une alliée vassalisée ni une ennemie systémique mais un partenaire qui détient la clé du problème palestinien et qui a également vocation à participer à la gouvernance mondiale.
Il serait intelligent que l’Union accompagne l’Arabie saoudite dans son plan de modernisation 2030. Les besoins en investissement de l’Arabie saoudite sont colossaux.
L’Europe possède d’immenses atouts, une capacité financière intéressante, une solution de coopération militaire avec l’Arabie saoudite grâce au savoir-faire français deuxième exportateur mondial d’armement.
L’on se rappellera que dès son élection, le Président Mitterrand dépêcha comme émissaire personnel dans le Royaume wahhabite, son propre frère le Général Jacques Mitterrand.
Mais surtout la vocation de l’Arabie saoudite est d’être un bridge entre le Nord et le Sud et entre l’Est et l’Ouest.
Pour reprendre un concept mis à la mode par le Président Obama, l’Arabie Saoudite est devenue un pivot d’abord au Moyen-Orient et est appelée à l’être plus tard dans le jeu des relations internationales. Elle réussit cette performance en traitant dorénavant quasiment d’égale à égale avec les États-Unis.
C’est précisément le fondement de la politique étrangère de l’Union. L’Arabie saoudite trouverait aussi son intérêt dans un dialogue stratégique avec l’Europe qui lui permettrait de ne pas se laisser enfermer dans un dialogue avec les États-Unis ou la Chine.
Nous nous permettons d’ailleurs de conseiller à notre Présidente Ursula von der Leyen d’ouvrir un vrai dialogue stratégique avec le Royaume wahhabite.
Il reste de nombreux défis qui attendent Donald Trump. Nous ne sommes pas sûr qu’il ait véritablement changé, ce sont les évènements qui ont profondément changé et l’amèneront peut-être à commettre moins de bévues.
Nous devons au regretté Edgar Faure cette pensée si délicieusement savoureuse : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »
Nous sommes prêts cependant à le féliciter s’il s’adapte aux nouveaux défis du monde. Nous n’avons pas de certitude, mais il existe une possibilité.
Pour autant ce qui ne changera pas sera sa vulgarité et son peu de respect pour toutes les valeurs qui touchent à la dignité humaine et aux valeurs démocratiques.
Le cauchemar d’Henry Kissinger était que les valeurs qui unissent l’Amérique à l’Europe appartiennent au passé. Sur ce plan nous n’avons et n’aurons jamais rien en commun avec le populisme dans lequel Trump se complait.
Le temps de l’Amérique impériale pensant que les Autres n’ont pas le droit de penser différemment d’eux est révolu.
Les Européens que nous sommes devront impérativement se servir de la prévention que Trump voue à l’Europe pour s’affranchir des oukases américains.
Nous reprenons à notre compte la si juste formule : « Alliés oui, ralliés non.
Si Trump veut laisser une trace de sa deuxième présidence nous lui conseillons , en toute humilité mais fermementde faire son miel de ce que Kissinger formula si brillamment :
« L’Amérique doit maîtriser le passage d’une ère où tous les choix semblaient ouverts à la période actuelle où elle conserve certes la possibilité d’obtenir plus que n’importe quel autre pays pour peu qu’elle soit consciente de ses limites … » « Ce qui a fortifié l’idée que l’Amérique seule parmi toutes les nations du monde était à l’abri du danger est qu’elle pouvait triompher par l’exemple de ses vertus et de ses actes. »
“Calculations of power without a moral dimension will turn every disagreement into a test of strength … Moral prescriptions without concern for equilibrium, on the other hand, tend toward either crusades or an impotent policy tempting challenges; either extreme risks endangering the coherence of the international order itself.”
Leo keller