La transition énergétique, volet de la transition écologique qui désigne le passage du mode actuel de production et de consommation d’énergie principalement non renouvelable à un bouquet énergétique diversifié composé essentiellement de ressources renouvelables, est présentée par le gouvernement comme l’un des enjeux majeurs du quinquennat de François Hollande., avant la tenue à la fin 2015 de la COP 21.
Les États participant à la conférence sont en effet invités à soumettre leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui seront intégrés dans l’accord. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte soumis à l’examen du Parlement vise à l’émergence d’une économie sobre en énergie, en ressources et en carbone avec pour objectif la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et leur division par quatre d’ici 2050. La consommation énergétique finale devrait être divisée par deux en 2050 par rapport à 2012 et la part des énergies renouvelables portée à 32 % en 2030.
Le projet de loi présenté par le gouvernement
Une suite du “débat national sur la transition énergétique”
La finalisation du projet de loi sur la transition énergétique préparée par quatre ministres successivement chargés de l’environnement, Mme Nicole Bricq, Mme Delphine Batho, M. Philippe Martin et Mme Ségolène Royal, et dont le calendrier a été reporté à plusieurs reprises, est pour une part issue d’un débat national sur la transition énergétique. Les 14 et 15 septembre 2012 a eu lieu une conférence environnementale sur le développement durable avec pour thèmes principaux la transition écologique et énergétique et la préservation de la biodiversité. Afin d’assurer un dialogue sur l’environnement, la conférence environnementale a associé les acteurs de la société civile : associations environnementales, syndicats, entreprises, représentants des élus locaux, parlementaires. Cinq thèmes étaient à l’ordre du jour : l’énergie, la biodiversité, les risques pour la santé, le financement de la transition et la gouvernance. La conférence s’est conclue par l’établissement d’une feuille de route gouvernementale traduisant les engagements du gouvernement à l’issue des travaux des différentes tables rondes. Comme l’observent Mme Laurence Rossignol et M. Louis Nègre, dans leur rapport d’information fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois sur l’application des lois Grenelle I du 3 août 2009 et Grenelle II du 12 juillet 2010, “l’organisation annuelle d’une conférence environnementale doit permettre de faire de la gouvernance à 5 + 1, les parlementaires étant désormais associés, le pilier de la concertation”. La conférence a été marquée par les discours du président de la République et du Premier ministre. Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du Développement et de l’énergie y a évoqué un “patriotisme écologique”. Un planning pour la transition énergétique a été annoncé ainsi que, pour l’été 2013, un projet de loi de programmation. “Cette conférence n’a pas été ressentie comme un véritable dialogue, mais comme le premier acte d’un nouveau dialogue” notent Mme Laurence Rossignol et M. Louis Nègre. “Le dialogue environnemental doit pouvoir permettre à l’avenir un échange entre les différentes parties prenantes, afin de créer un effet d’entraînement dans la société en vue de la transition écologique” soulignent les deux rapporteurs dans la ligne du Grenelle de l’environnement. Ils constatent cependant que “la conférence n’a pas suscité l’attention médiatique qu’elle méritait. Il est difficile de déterminer si c’est là le signe d’un désintérêt ou d’un passage à l’arrière-plan des problématiques environnementales du fait de la crise économique et financière, ou bien le fait que ce type de manifestations se soit banalisé et soit désormais considéré comme la norme en termes de gouvernance.”
Un débat national a été lancé le 29 novembre 2012, sous l’égide du ministère de l’écologie, avec la réunion d’un Conseil national du débat, en vue d’aboutir à des “recommandations” préparant la loi de programmation. Des débats citoyens sur la transition énergétique ont été organisés dans le pays à partir de janvier 2013 à l’initiative de collectivités, d’ONG, d’entreprises ou d’universités et grandes écoles. En outre, en mai 2013, s’est tenue à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale une table ronde consacrée à la transition énergétique. À cette occasion, M. François Brottes, président de la Commission a annoncé la constitution en son sein d’un groupe de travail sur la transition énergétique, composé des représentants des différents groupes parlementaires de l’Assemblée. Au cours d’une première table ronde ont été auditionnés MM. Thierry Wahl, secrétaire général du Débat national sur la transition énergétique, Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Bruno Rebelle, directeur d’une agence conseil en développement durable, ex-dirigeant de Greenpeace et membre du comité de pilotage du débat sur la transition énergétique. Et au cours d’une deuxième table ronde, MM. Pierre Gadonneix, président du Conseil général de l’énergie, Henri Proglio, président directeur général d’EDF et Nicolas Wolff, directeur général de Vestas France, ont apporté leurs éclairages. Un Débat national sur la transition énergétique (DNTE) a été conclu, le 18 juillet 2013, par le nouveau ministre de l’écologie, M. Philippe Martin. Le document de synthèse énonce des recommandations en vue de l’élaboration de la loi sur la transition énergétique. Mais le texte n’a pu occulter les clivages très vifs et peu conciliables qui ont marqué toutes les discussions, par exemple, sur la consommation d’énergie, les lignes à très haute tension ou l’exploitation des gaz de schiste. Puis des travaux ont été effectués, à partir de décembre 2013, sous l’égide d’une commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Des documents de travail ont été transmis en mars 2014 à la commission spécialisée du débat national. Une consultation citoyenne et publique a été lancée par le ministère chargé de l’écologie et du Développement durable et un avant-projet de Stratégie nationale de la transition écologique vers un développement durable (SNTEDD) 2015-2020 a été présenté le 19 mars 2014 au Conseil national de la transition écologique (CNTE) composé d’ONG, de collectivités locales, d’organisations d’employeurs, d’organisations syndicales, de parlementaires et de représentants des ministères. Les membres du CNTE ont ensuite été appelés à contribuer par écrit jusqu’au 20 avril. Une consultation publique a été ouverte du 20 mars au 20 avril 2014, au terme de laquelle 295 contributions écrites ont été recueillies. Les résultats de la consultation ont été présentés le 29 avril 2014 au Conseil national de la transition écologique. Un projet de texte amélioré a ensuite été transmis aux membres du CNTE le 27 juin pour être examiné en séance informelle le 3 juillet.
Les objectifs et les principales dispositions du projet de loi initial
Le projet de loi préalablement soumis au Conseil économique, social et environnemental, le 19 juin 2014, au Conseil national de la transition écologique et au Conseil d’Etat ainsi qu’au Conseil national de l’industrie, a pour objectif de lutter contre le dérèglement climatique et de réduire la facture énergétique de la France par la transformation du modèle énergétique national. Il a été présenté par Mme Ségolène Royal en Conseil des ministres le 30 juillet 2014.
Le gouvernement estime que le projet de loi permettra de combattre le chômage par la croissance verte, de valoriser de nouvelles technologies, de conquérir de nouveaux marchés dans le domaine des énergies renouvelables, du transport propre, du bâtiment durable et de l’efficacité énergétique, et d’améliorer la compétitivité des entreprises. Il devrait aussi permettre de favoriser le progrès social en protégeant mieux la santé publique, en améliorant la qualité de vie et en donnant aux ménages du pouvoir d’achat grâce aux économies d’énergies dans le bâtiment et les transports.
Le projet de loi a été présenté au moment de la discussion européenne du nouveau paquet énergie climat. À l’approche de la Conférence de Paris sur le Climat de 2015, il vise à traduire l’ambition française dans le cadre des négociations internationales.
Le projet de loi a pour finalité un changement de modèle énergétique. Il vise, en premier lieu, selon Mme Ségolène Royal, à mettre à la portée de chaque acteur potentiel de la croissance verte des moyens concrets de s’impliquer et de coopérer avec d’autres ainsi qu’à créer l’élan d’une écologie positive. Il vise aussi à ne pas opposer les énergies les unes aux autres, mais à organiser leur complémentarité. Il vise enfin à être exemplaire dans la perspective du Sommet mondial de décembre 2015.
Le titre premier fixe les grands objectifs de la transition énergétique notamment la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et leur division par quatre en 2050 ; il s’agit de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030 et de diviser par deux la consommation d’énergie finale à horizon 2050.
Le titre II introduit des dispositions permettant d’accélérer et d’amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois. Les nouvelles constructions de bâtiments publics devront, chaque fois que possible, être à énergie positive.
Le titre III vise à développer les transports propres et la mobilité économe en énergie. Afin de favoriser le déploiement en France des véhicules électriques et à faibles émissions, le renouvellement des flottes de l’état et de ses établissements publics devra comprendre 50 % de véhicules propres. Le déploiement de sept millions de bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides est également prévu. Une prime au remplacement d’un vieux véhicule diesel par un véhicule bénéficiant du bonus écologique est introduite sous condition de ressources.
Le titre IV vise à l’encouragement de la lutte contre le gaspillage, de la réduction des déchets à la source et du développement de l’économie circulaire, en favorisant la conception innovante des produits et des matériaux ainsi que le tri et le recyclage.
Le titre V vise à favoriser le développement des énergies renouvelables afin de diversifier la production et de renforcer l’indépendance énergétique de la France. Il permet de valoriser toutes les ressources et de développer des filières industrielles d’avenir. À cette fin, l’état tend à améliorer le soutien aux énergies renouvelables. La simplification des procédures devrait permettre de raccourcir les délais de réalisation. Le financement participatif de la production d’électricité et de chaleur a pour objet de contribuer au développement d’une nouvelle citoyenneté, individuelle, collective et territoriale. Le projet de loi modernise la gestion des concessions hydroélectriques, afin de mieux y associer les collectivités.
Le titre VI vise à renforcer la sûreté nucléaire et l’information des citoyens dans ce domaine. Il prévoit également le plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire en France à 63,2 gigawatts, et fixe une part du nucléaire dans l’électricité de 50 % à l’horizon 2025.
Le titre VII vise à une simplification des procédures en vue d’une montée en puissance des énergies renouvelables.
Le titre VIII établit le cadre d’action des citoyens, des territoires, des entreprises et de l’État pour la transition énergétique et la croissance verte. Une programmation pluriannuelle de l’énergie doit établir les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des énergies. Les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz seront élargis à toutes les énergies domestiques grâce au chèque énergie. Les investissements dans l’amélioration des réseaux électriques seront facilités et les tarifs maîtrisés. Les régions sont invitées à intervenir pour favoriser la transition énergétique dans les territoires, en appui des intercommunalités. En outre-mer, les collectivités pourront adapter les règles en matière d’énergie pour valoriser leur potentiel, renforcer leur autonomie énergétique et développer les énergies renouvelables.
L’évaluation parlementaire du tournant énergétique allemand
Alors que L’Assemblée nationale commençait à examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), délégation parlementaire composée de dix-huit sénateurs et dix-huit députés, assistée par un conseil scientifique formé de personnalités choisies en raison de leurs compétences, a jugé utile de réunir, pour éclairer les parlementaires, un certain nombre d’acteurs et d’observateurs du tournant énergétique en Allemagne, afin de débattre des progrès réalisés ainsi que des difficultés rencontrées dans ce pays, et d’en tirer les enseignements utiles pour la France.
Bien que la France et l’Allemagne ne possèdent pas le même mix énergétique initial et ne poursuivent pas les mêmes objectifs, les deux pays sont confrontés à de nombreux défis communs : réduire la part d’électricité d’origine nucléaire, produire et intégrer aux réseaux une part croissante d’énergie renouvelable, maîtriser le coût de l’énergie pour les entreprises et pour les ménages, diminuer la consommation énergétique. MM. Bruno Sido (sénateur, UMP, Haute-Marne) et Jean-Yves Le Déaut (député, SRC, Meurthe-et-Moselle), respectivement président et vice-président de l’OPECST, ont organisé, le 25 septembre 2014, une audition publique sur le thème : Le tournant énergétique allemand : quels enseignements pour la transition énergétique française ?
L’expression “tournant énergétique” trouve ses origines dans les années 1970, lorsqu’il a été envisagé, pour la première fois, aux États-Unis, de remplacer les combustibles fossiles et l’uranium par des sources renouvelables. En Allemagne, un accord a été conclu en 2000 avec les producteurs d’électricité pour limiter la production de chaque centrale à une valeur particulière, correspondant à une durée de vie des centrales de trente-deux ans. En 2010, le plan de limitation de la production nucléaire adopté en 2000 a été interrompu pour une courte période par la décision de prolonger de quatre à huit ans la durée de vie des centrales nucléaires. Mais à la suite de la catastrophe de Fukushima, en mars 2011, l’énergie nucléaire ne fit plus l’objet d’un consensus de la population. Le gouvernement a fait fermer huit centrales disposant d’une capacité de huit gigawatts. Cette décision a provoqué un accroissement considérable dans la production électrique de la part des énergies renouvelables, en particulier éolienne et solaire photovoltaïque, 25 % de l’énergie produite en Allemagne l’étant aujourd’hui à partir de sources renouvelables et la production d’électricité à partir de charbon demeurant stable en volume. L’essor de ces énergies a permis, dans un premier temps, de créer près de 400 000 emplois, chiffre qui ne tient toutefois pas compte des destructions et délocalisations concomitantes, puisque, par exemple, à l’heure actuelle, 80 % des panneaux photovoltaïques installés en Allemagne proviennent de Chine.
La politique, dite de modernisation énergétique, s’est concrétisée en 2011 par le vote, d’une part, de la première loi sur l’énergie renouvelable EGG (Erneuerbare Energien Gesetz), qui introduit le principe de tarifs d’achat garantis sur vingt ans dont le surcoût est répercuté sur les consommateurs (via la redevance EGGUmlage) et, d’autre part, de la loi sur la sortie de l’atome (Atomausstieg) qui prévoit la fermeture de l’ensemble des centrales nucléaires au cours d’une période de vingt ans. Une nouvelle loi sur les énergies renouvelables est entrée en vigueur le 1er août 2014.
Le coût total du tournant énergétique, qui constitue un défi non seulement technique mais financier, a été estimé par M. Peter Altmaier, ancien ministre fédéral de l’environnement, à 1 000 milliards d’euros, ce qui représente un coût équivalent à celui de la réunification allemande. Selon M. Etienne Beeker, du département développement durable de France Stratégie, les prix du kilowattheure, qui ont explosé, sont devenus un enjeu politique majeur. L’industrie allemande est très inquiète du niveau de prix de l’électricité à laquelle elle a accès. Aujourd’hui, le coût de l’Energiewende est supporté par les clients domestiques et la petite industrie ainsi que les commerces. Pour les ménages allemands, le prix de l’électricité a doublé depuis l’an 2000. Ce prix est maintenant le double de celui payé par les Français. Selon M. François Lévêque, professeur d’économie (Mines ParisTech), une des leçons à tirer du cas allemand, en ce qui concerne le rythme de la transition énergétique, est que l’accélération du calendrier de fermeture d’un parc nucléaire est très coûteuse. ; fermer un réacteur sûr et rentable constitue un gaspillage.
Par ailleurs, note M. Bruno Sido, le tournant énergétique implique de gérer de fortes fluctuations de la production, dans un contexte défavorable au nucléaire et au gaz. En effet, le charbon est devenu plus compétitif que le gaz, d’autant que l’Allemagne dispose de réserves importantes de lignite et que le prix du carbone est bas. Une partie des centrales électriques ferment, en particulier des centrales à cycle combiné gaz de haute technologie, tandis que la production d’électricité à partir de charbon demeure stable. En conséquence, les émissions de CO2 du parc électrique allemand n’ont pas diminué mais se sont stabilisées. La fermeture de capacités thermiques crée un risque pour la sécurité d’approvisionnement, avec des fluctuations de tension ou de fréquence dommageables aux industriels. Enfin, les évolutions du parc électrique allemand nécessitent une coûteuse modification de la répartition des réseaux et une densification de ceux-ci, notamment pour gérer les pics de production, dont les effets s’étendent aux pays voisins de l’Allemagne.
L’Allemagne s’est fixée des objectifs de plus en plus ambitieux, en ce qui concerne l’accroissement de la part des nouvelles énergies décarbonées (pour l’électricité, 35 % en 2020, 45 % en 2025 et 60 % en 2035), le rythme de la rénovation thermique des logements (2 % par an), la diminution de la consommation d’énergie primaire (- 20 % jusqu’à 2020 et – 50 % avant 2050), ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (- 40 % à l’horizon 2020 et – 80 % à 95 % avant 2050). En matière de développement des énergies renouvelables, le tournant énergétique allemand représente, note M. Jean-Yves Le Déaut, un incontestable succès. En 2014, ces énergies ont généré plus du quart de l’électricité consommée par nos voisins (25,8 %, contre 17,7 % en France), succès d’autant plus notable que la part d’hydroélectricité reste faible (3,4 %, contre 12,6 % en France). L’effort consenti dans ce domaine depuis quinze ans en Allemagne a conduit à une décroissance très rapide des coûts dans le solaire et l’éolien terrestre, dont tous les pays tirent aujourd’hui les bénéfices. L’essentiel de la production électrique allemande demeurant d’origine fossile – 43,6 % à partir du charbon (houille et lignite) et 9,6 % à partir du gaz –, l’appel aux nouvelles énergies décarbonées contribue à limiter les importations énergétiques du pays.
“En France comme en Allemagne, la réussite de la transition énergétique implique d’engager un effort considérable en matière d’innovation”, conclut M. Jean-Yves Le Déaut.
L’examen du projet de loi en première lecture par l’Assemblée nationale
Les travaux de la commission spéciale
Le projet de loi a été examiné par l’Assemblée nationale du 24 septembre 2014 au 10 octobre 2014 par une commission spéciale composée de députés de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Rapporteurs de la commission spéciale :
- Mme Marie-Noëlle Battistel (SRC, Isère)
- Mme Sabine Buis (SRC, Ardèche)
- M. Philippe Plisson (SRC, Gironde)
- Mme Erika Bareigts (SRC, Réunion)
- M. Denis Baupin (écologiste, Paris)
La commission spéciale a adopté 495 amendements sur les quelque 2 383 déposés dont une trentaine sur l’économie circulaire.
Les députés UMP, conduits par M. Julien Aubert (Vaucluse), ont quitté la réunion de la commission le vendredi 26 septembre 2014 au soir, en signe de protestation contre un examen à marche forcée. Comme ceux de l’UDI, les députés UMP ont boycotté la réunion du samedi 27 septembre et réclamé le report de la discussion générale en séance afin de laisser plus de temps au travail en commission.
La commission spéciale a introduit un article additionnel (article 3A), qui prévoit la remise au Parlement, tous les cinq ans, d’un rapport qui présente “la stratégie nationale à l’horizon 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc national de bâtiments publics et privés à usage résidentiel et tertiaire”.
Mme Buis, rapporteur, a proposé une nouvelle rédaction de l’article 19 du projet de loi, au terme duquel l’objectif de réduction des quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant passe à 10 % (au lieu de 7 %), en 2020 par rapport à 2010. D’autre part, “le déploiement de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles en vue de la valorisation en épandage agricole doit être évité”, ajoute l’amendement. En outre, dans le cadre de la lutte contre les sites illégaux de tri et de traitement des déchets, les soutiens et aides publiques devront respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets.
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, il appartiendra au gouvernement de remettre un rapport sur la réversibilité des installations de stockage de déchets. La commission a adopté un amendement écologiste au terme duquel les Schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) devront procéder au recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur, alors que les Plans climat énergie territoriaux (PCET) devront favoriser la récupération des 150 térawattheures perdus dans l’industrie (soit 30 % de la consommation énergétique française), selon un amendement défendu par François-Michel Lambert (écologiste, Bouches-du-Rhône). Les maires (ou les présidents d’EPCI) seront compétents pour interdire le stockage de véhicules hors d’usage sur la voie publique ou dans les jardins, faire enlever les épaves dans les propriétés privées et les envoyer dans des filières de recyclage. Il s’agit de contribuer à résoudre “un problème majeur de santé publique dans les DOM-TOM”, une des causes du développement du chikungunya étant la stagnation de l’eau dans ces épaves, ainsi que l’a rappelé Mme Royal, ministre de l’écologie.
Un amendement du gouvernement a réintroduit, à compter du 1er janvier 2016, l’interdiction des sacs plastiques à usage unique, “sauf pour les sacs compostables en compostage domestique et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées”.
Un amendement de Mme Sabine Buis, rapporteur, a visé à interdire, jusqu’à ce que soit démontrée leur innocuité, “la production, la distribution, la vente, la mise à disposition et l’utilisation de sacs à usage unique destinés au transport de marchandises et constitués de plastique oxo-fragmentable”.
La commission spéciale a adopté un amendement de M. éric Alauzet (écologiste, Doubs) au terme duquel l’obsolescence programmée par les fabricants constituera désormais une tromperie “sur la durée de vie du produit intentionnellement raccourcie lors de sa conception”, passible de deux ans de prison et de 300 000 euros d’amende.
Elle a adopté un amendement du gouvernement demandant, à compter du 1er janvier 2017, à l’ensemble des distributeurs de matériaux de construction d’organiser sur leur site de vente la reprise des déchets issus de l’utilisation de ces matériaux. Afin de lutter contre la pollution lumineuse, un amendement de M. Joël Giraud (RRDP, Hautes-Alpes) a réduit à deux ans (au lieu de six ans) la date limite de dérogation à la mise en conformité des obligations relatives aux enseignes lumineuses, alignant ainsi leur régime sur celui des publicités et pré-enseignes. Les communes rurales sont par ailleurs incitées à la sobriété énergétique, par une forme de bonus, à savoir le doublement de la longueur de la voirie dans la dotation de solidarité rurale (DSR), pour celles pratiquant une réduction d’au moins 50 % du volume de leur éclairage public.
Au titre V sur les énergies renouvelables, le texte de la commission spéciale a prévu la prise en compte de la production d’énergie de récupération, telle que par exemple la récupération de chaleur sur eaux usées ou sur air extrait, dans l’ensemble des textes relatifs à la construction et à l’urbanisme, et en particulier dans les réglementations thermiques, énergétiques et environnementales des bâtiments.
La commission spéciale a adopté un amendement posant le principe de tarifs d’achats spécifiques aux zones non interconnectées (ZNI), fixés par les ministres de l’énergie et des Outre-mer, sur demande des présidents de région, de département ou de collectivité. Lorsque le développement d’une filière est inférieur aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, un droit d’alerte permettra en outre aux collectivités de solliciter l’expertise de la Commission de régulation de l’énergie qui se prononcera sur l’adéquation entre le tarif d’achat et le coût de production.
Les procédures d’appel d’offres ont été adaptées pour y associer les collectivités et leur reconnaître un droit d’alerte. L’assiette de l’indemnité forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) et le tarif d’obligation d’achat reposeront désormais suite à un autre amendement sur “la puissance active maximale injectée au point de livraison”. Un amendement défendu par Mme Frédérique Massat (SRC, Ariège) a ouvert à certaines entités publiques, tels les syndicats mixtes et les ententes départementales, la possibilité de bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat.
Un amendement de Marie-Noëlle Battistel, rapporteur, a prévu la possibilité pour les collectivités et les citoyens d’investir dans les sociétés de production d’énergie renouvelable au moment d’une “évolution” du capital. Il s’agit également de prévoir expressément que les collectivités peuvent investir dans des sociétés coopératives de projet, notamment des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), “lorsque le statut de la société coopérative concernée l’autorise”.
La commission spéciale a adopté un amendement de Martine Lignières-Cassou (SRC, Pyrénées-Atlantiques) permettant aux groupements de communes d’accéder à la répartition des redevances proportionnelles. Un amendement de Mme Frédérique Massat, adopté à l’article 29, permet aux collectivités et leurs groupements qui exercent la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité de prendre une participation dans le capital d’une société d’économie mixte hydroélectrique (SEMH). Là où il n’existe pas de SEMH, le texte ouvre la possibilité de créer un comité de suivi des usages de l’eau.
La commission spéciale a adopté un amendement de réévaluation du classement des cours d’eau dans le cadre de la révision du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage).
Elle a adopté après l’article 38, un amendement du gouvernement visant à étendre à tout le territoire, y compris ultramarin, l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), dans un délai de trois mois après la promulgation du projet de loi. Sont concernées les éoliennes et installations de méthanisation, mais encore les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l’eau (Iota).
Un amendement à l’article 40 modifiant le Code de l’énergie défendu par Mme Ericka Bareigts, rapporteur, vise à donner la possibilité au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) de “prémunir la collectivité contre les risques de manipulation frauduleuse” sur des mécanismes liés aux marchés de l’électricité. Il vise les fraudes observées sur celui des crédits CO2.
La commission spéciale a adopté un amendement créant un comité du système de distribution publique d’électricité, consacrant le principe de collégialité des investissements sur les réseaux publics de distribution, au bénéfice de la qualité du réseau et du service rendu aux usagers
Elle a aussi adopté un amendement de M. Denis Baupin et de Mme Cécile Duflot, ayant pour objet d’insérer l’obligation, sur le modèle des contrats de délégation des services publics existants pour l’eau et l’assainissement, la remise à la collectivité concédante par les concessionnaires de la distribution publique et fourniture d’électricité d’un inventaire détaillé et localisé du patrimoine concédé “au plus tard 18 mois avant le terme du contrat”.
Au titre VIII relatif à la gouvernance la commission a adopté un amendement de M. Denis Baupin, rapporteur, afin de prendre en compte, dans la stratégie bas-carbone du pays aux articles 48 et 49, le poids des importations, étant précisé qu’il revient au gouvernement de la définir. Un comité d’experts constitué de dix membres n’ayant aucun intérêt dans une entreprise du secteur de l’énergie est créé. Le Parlement sera informé, par la remise d’un rapport annuel du gouvernement, des engagements financiers pris en faveur de la transition énergétique. À l’article 49, des précisions ont été apportées au seuil de déconnexion des énergies renouvelables – un mécanisme désormais consacré au niveau législatif – afin qu’il soit moins uniforme et plus adapté aux spécificités territoriales.
La commission a adopté à l’article 51 un amendement présenté par le gouvernement ayant pour objet de contraindre les gestionnaires ERDF, GRDF et les entreprises locales de distribution (ELD) à mettre à disposition des personnes publiques, “dans le respect de la réglementation en vigueur”, les données de transport, consommation et production d’électricité, de gaz naturel et biogaz.
La commission a adopté à l’article 53 un amendement relatif au renforcement de la recherche sur les capacités de stockage des énergies renouvelables, en particulier dans les DOM. En outre, dans ces zones non interconnectées, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera spécifique et inscrira “le développement des énergies renouvelables stables telles que la géothermie ou la biomasse”, avec, en Guyane, un programme spécifiquement inclus afin “de répondre à la situation grave des communes de l’intérieur”.
Elle a adopté à l’article 56 un amendement sur la transition énergétique dans les territoires réaffirmant le rôle des régions. Il s’agit “de prendre en compte les évolutions techniques et les savoir-faire qui découlent de la transition énergétique dans les formations proposées aux futurs artisans ou artisans apprentis dans les lycées professionnels et centres de formation des apprentis”.
Elle a adopté un amendement ayant pour objet de permettre aux collectivités d’élaborer leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET) à l’échelle du territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) en cours d’élaboration, de révision ou de modification. La compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d’un PCAET qui ne pouvaient jusque-là agir que sur les réseaux de gaz et d’électricité est étendue. Les territoires dans lesquels est menée une action de sobriété, d’efficacité énergétiques ou de production d’énergies renouvelables, mais qui sans être dotés d’un PCAET, agissent “par d’autres moyens que la loi”, ne pourront être accompagnés dans le cadre du dispositif des 200 territoires à énergie positive, engagés en 2017.
Elle a adopté à l’article 58 un amendement d’élargissement de la liste des acteurs amenés à participer à l’expérimentation, sur des portions du réseau public, du “service de flexibilité local” en vue d’optimiser à l’échelle d’un territoire la gestion des flux d’électricité entre producteurs et consommateurs.
La commission a adopté à l’article 63 un amendement relatif à l’instauration d’une peine contraventionnelle afin de “lutter contre l’augmentation des abandons de véhicules usagés, spécialement en pleine nature” Le gouvernement devra présenter un rapport au Parlement “d’ici la fin 2015, indiquant quelles mesures spécifiques d’accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs de la présente loi”.
Les travaux en séance publique
Motions de procédure et discussion générale
L’Assemblée nationale a commencé ses travaux en séance publique le 1er octobre 2014. Une motion de rejet préalable de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire n’a pas été adoptée.
Selon M. Michel Sordi (UMP, Bas-Rhin) “face à un risque climatique qui ne cesse de croître, les politiques énergétiques européennes restent marquées par un mélange de bonnes intentions et de mauvais calculs. Des analyses convergentes confirment pourtant […] que l’écart se creuse entre intentions et résultats.” Il a estimé que le projet de loi présenté comme devant organiser “des gains d’efficacité énergétique” et permettre de réduire “l’impact des énergies fossiles” sur notre environnement se caractérisait par “l’absence de financement et la volonté non-avouée de remise en cause de la filière nucléaire française”. Il a rappelé que les réserves mondiales de pétrole étaient estimées à 80 ans, celles de gaz naturel à 120 ans, celles d’uranium à 130 ans mais que seulement 1 % de la matière introduite dans un réacteur est consommée et que “passer à la quatrième génération de réacteurs nous permettra d’utiliser plus de 80 % de la matière, ce qui portera les stocks mondiaux à plusieurs milliers d’années”.
Mme Ségolène Royal a souligné qu’à aucun moment elle n’a mis en cause l’industrie nucléaire mais qu’ “EDF doit s’engager dans la transition énergétique, la programmation pluriannuelle de l’énergie et le mix énergétique, d’autant qu’elle dispose – plus souvent d’ailleurs hors de nos frontières qu’en France même – de capacités et de technologies extrêmement performantes dans le secteur des énergies renouvelables, ainsi qu’en matière de maîtrise de l’énergie, de performance énergétique, de compteurs intelligents et de réseaux intelligents”.
Une motion de renvoi en commission de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire a été rejetée au cours de la même séance par 42 voix contre 28.
M. Martial Saddier (UMP, Haute-Savoie) a déploré l’application de la procédure du temps législatif programmé et un calendrier inapproprié de la discussion à l’Assemblée nationale au vu des enjeux du projet de loi, car la commission spéciale a travaillé pendant la semaine des élections sénatoriales, l’examen du projet de loi ayant été coupé par les journées parlementaires ainsi que par la niche parlementaire. En outre la limite des deux heures du matin de la nuit du vendredi à samedi a été rattrapée par l’examen par la commission spéciale, dans la seule journée du samedi, d’autant d’amendements qu’en trois jours et trois nuits. Il a considéré que l’engagement de la procédure accélérée n’était au demeurant pas “le gage d’un travail parlementaire serein et de qualité”. Il a considéré que la mise en ligne très tardive du texte adopté par la commission remettait en cause le droit d’amendement des parlementaires. Il a dénoncé des objectifs qui ne sont pas à la hauteur des enjeux […] ; une absence totale de financement et une étude d’impact n’apportant aucune réponse sur les coûts, les choix politiques en matière de transition énergétique et de financement des mesures proposées à la représentation nationale ; aucune disposition en faveur de l’efficacité énergétique, de la modernisation des appareils de chauffage domestiques défectueux et des véhicules les plus polluants […] ; des mesures qui vont complexifier le fonctionnement des collectivités territoriales […] et déboucheront localement sur des augmentations fiscales.
M. Julien Aubert (UMP, Vaucluse) a dénoncé la précipitation des conditions d’examen d’un texte “planifiant l’énergie jusqu’à la fin du siècle quasiment”, de même que M. Bertrand Pancher (UDI, Meuse) qui a déploré la procédure accélérée et l’usage du temps programmé en séance publique. M. Aubert a regretté “deux années de concertation pour aboutir à un texte de loi qui s’écarte totalement du consensus des acteurs et des parties prenantes.”
Présentant le projet de loi lors de la discussion générale en séance publique, le 1er octobre 2014, Mme Ségolène Royal a déclaré que “la mise en place d’un nouveau modèle énergétique, et donc de croissance durable, est une chance à saisir. Une chance d’améliorer très concrètement la vie quotidienne de chacun, tout en protégeant mieux notre planète ; une chance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique ; une chance de mieux assurer notre indépendance et notre souveraineté énergétiques en préparant l’après-pétrole et en réduisant le coût d’importations qui grèvent lourdement notre balance commerciale ; une chance de stimuler l’innovation, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, de développer des filières d’avenir capables de conquérir de nouveaux marchés ; une chance de créer des emplois non délocalisables, d’alléger la facture énergétique des ménages et de vivre dans un environnement moins pollué et plus sain.” […] “c’est là, a-t-elle poursuivi, le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide, le moteur du renouveau industriel, la clef d’un nouveau modèle de développement.”
Mme Sabine Buis (SRC, Ardèche), rapporteur, a estimé qu’il s’agissait “de répondre maintenant à la crise économique et sociale qui frappe notre pays, mais aussi de préparer l’entrée de la France dans le monde de l’après-pétrole.” Elle a considéré que “la promotion de l’économie circulaire serait l’un des leviers pour atteindre l’objectif mondial du développement durable.”
M. Philippe Plisson (SRC, Gironde), rapporteur, a rappelé que les transports “contribuaient en 2011 à 70 % de la consommation française de pétrole pour des usages énergétiques, à 32 % de la consommation finale d’énergie de notre pays et à 26 % de ses émissions de gaz à effet de serre, dont 94 % sont imputables au secteur routier. II était donc primordial que ce projet de loi prévoit des mesures visant à engager une conversion du secteur des transports vers un modèle plus sobre en énergie, moins émetteur de gaz à effet de serre et, de façon plus générale, moins polluant.” S’agissant de la sûreté nucléaire et de l’information des citoyens, et notamment de l’avenir des centrales au-delà de quarante ans, alors que l’âge moyen de notre parc nucléaire est de trente ans, M. Plisson a considéré qu’un consensus avait été obtenu autour d’un amendement qu’il a défendu ayant pour objet, “en cas d’exploitation au-delà de quarante ans, de faire réaliser un audit complet par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), suivi d’une enquête publique pour informer la population et, surtout, solliciter son avis. À l’issue de ce processus, l’Autorité de sûreté nucléaire devra décider de la prolongation ou de l’arrêt de l’exploitation. Dans le cas d’une prolongation, une clause de revoyure quinquennale permettra de faire un point d’étape et de valider ou d’invalider la feuille de route.”
M. Denis Baupin (écologiste, Paris), rapporteur, a observé que le Parlement était appelé à définir la stratégie énergétique du pays rompant avec la “logique du toujours plus – toujours plus de consommation, toujours plus de dépendance, toujours plus de centralisation – qui a prévalu aux XIXe et XXe siècles, pour passer à celle de l’efficacité, de la maîtrise de la consommation d’énergie, à celle qui encourage l’initiative locale et citoyenne, qui privilégie l’économie circulaire par rapport à la prédation, les ressources du territoire par rapport à la dépendance extérieure.”
Mme Sophie Rohfritsch (UMP, Bas-Rhin) a douté que les objectifs discutés puissent être atteints. Il eût été plus “pragmatique et réaliste” selon elle de s’en tenir au facteur 2 au lieu de 4 quant à la division du rejet de gaz à effet de serre.
M. Claude de Ganay (UMP, Loiret) a critiqué “l’euthanasie programmée” de la filière nucléaire, “troisième filière industrielle française” du fait de la réduction de 75 à 50 % de la part de l’atome dans le mix électrique national en 2025. Ainsi cette “faute stratégique” aura pour conséquence 150 000 chômeurs de plus et l’alignement de la France sur l’Allemagne qui acquitte une facture électrique de “deux fois celle de la France”.
M. Jean-Luc Laurent (SRC, Val-de-Marne) s’est déclaré opposé au plafonnement à 63,2 gigawatts de la capacité nucléaire française au risque de fermer des centrales pour compenser la mise en service de l’EPR de Flamanville en 2016.
M. Hervé Mariton (UMP, Drôme) s’est interrogé sur l’indemnisation des opérateurs en conséquence de ce plafonnement ce qui risque de créer une situation ruineuse “comparable à une nationalisation”.
M. Jacques Lamblin (UMP, Meurthe-et-Moselle) a critiqué le caractère incompatible de l’objectif de “réduction de CO2” et de “l’idée irrationnelle de réduire la part du nucléaire” dans les sources d’énergie, évoquant l’appoint polluant des centrales thermiques en Allemagne.
M. François Vannson (UMP, Vosges) a regretté l’insuffisance des incitations au développement de la voiture électrique.
Mme Delphine Batho (SRC, Deux-Sèvres), ancienne ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’énergie dans le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, a mis en cause la crédibilité des dispositions du projet de loi, faute de moyens financiers : “Au moment où nous discutons de ce texte, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, hélas de nouveau, une diminution de 5,8 % des crédits du ministère de l’écologie et alors que le projet de loi de finances rectificative avait amputé de plus de 200 millions d’euros les investissements d’avenir, normalement réservés à la transition énergétique.” Elle a fait en outre observer qu’ “il ne suffit pas de fixer des objectifs pour les atteindre. Le Grenelle avait lui aussi fixé des objectifs, notamment les fameux « trois fois vingt » : 20 % d’économies d’énergie, 23 % d’énergies renouvelables, 20 % de réduction des gaz à effet de serre. Or une bonne partie de ces objectifs n’a pas été atteinte. Lorsque l’on propose aujourd’hui de fixer un objectif de 20 % d’économies d’énergie à l’horizon de 2030, cela représente en fait un report de dix ans par rapport aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement pour 2020.” Mme Batho a aussi évoqué la remise en cause de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, contraire à l’engagement de M. François Hollande dans la campagne pour l’élection présidentielle.
En réponse aux intervenants, le 6 octobre 2014, Mme Ségolène Royal a considéré que “ce qui coûterait le plus cher, c’est le statu quo” et insisté sur l’importance du rôle du Parlement : “C’est la première fois que le Parlement est appelé à débattre de l’avenir énergétique du pays.”
Examen des articles
L’article 1er du projet de loi, qui comprend des objectifs chiffrés de la transition énergétique pour les prochaines décennies, a été adopté après trois jours complets de débats qui lui ont été entièrement consacrés. L’Assemblée a rejeté plusieurs amendements ayant pour objet d’apporter des garanties à la filière nucléaire, compte tenu de la réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique national d’ici à 2025.
Un amendement du groupe UMP visant à la stabilisation du potentiel nucléaire au moyen de programmes de renouvellement des centrales existantes et de l’allongement de leur durée d’activité a été rejeté. Selon M. Julien Aubert (UMP, Vaucluse) la notion de potentiel nucléaire est plus pertinente que celle, réductrice, de capacité de production. Il a estimé que le nucléaire “est aussi un modèle social, une source de création d’emplois, une filière de démantèlement, d’enfouissement et de retraitement” et qu’ “un pays qui se détourne d’une technologie aura du mal à convaincre les autres de l’acheter”. M. Martial Saddier (UMP, Haute-Savoie) a déploré le rejet de l’amendement « dernière chance de ne pas casser une filière que la France a mis près de cinquante ans à mettre en œuvre”. “Le seul objet du texte est d’inscrire dans le marbre l’accord politique passé entre François Hollande et les Verts à l’occasion de l’élection présidentielle.” En effet, “la date de 2025 retenue comme échéance ne repose pas sur des bases scientifiques mais est le fruit d’un compromis entre majorité et écologistes”.
Un amendement sur le coût de l’électricité a été rejeté. M. Patrick Hetzel (UMP, Bas-Rhin) a rappelé que le coût de l’énergie en Allemagne est plus élevé qu’en France, mais qu’en contrepartie, celui du logement y est plus faible. “Aujourd’hui, si nous voulons nous assurer que le pouvoir d’achat de nos concitoyens ne sera pas dégradé à la suite de décisions liées à la transition énergétique, pas plus que ne le sera la compétitivité de nos entreprises, en raison du coût de l’énergie, nous avons besoin de donner des garanties.”
Selon M. Jacques Lamblin (UMP, Meurthe-et-Moselle) “conserver le même nombre de sites tout en baissant la production cumule tous les désavantages : on maintient le même niveau de danger tout en augmentant le prix de revient de l’atome.” Il s’agit de développer la filière des réacteurs de la quatrième génération.
Mme Ségolène Royal a répondu que les allégations selon lesquelles les socialistes casseraient le nucléaire sont caricaturales et portent atteinte aux intérêts d’EDF, société cotée en Bourse. “La quasi-totalité des centrales auront atteint leur fin de vie vers 2025 ; c’est une opportunité unique de diversifier notre mix.”
Elle a déclaré que “l’Etat allait aider les Français à faire des travaux d’économie d’énergie et d’amélioration de la performance énergétique […] grâce au crédit d’impôt pour la transition énergétique prévu dans le projet de loi de finances pour 2015, et […] grâce au prêt de 5 milliards de la Caisse des dépôts et consignations.” “En créant massivement une obligation de construire des bâtiments à énergie passive ou à énergie positive, nous allons faciliter la constitution de filières de bâtiments, de fournitures, de matériaux, de savoir-faire, nous allons améliorer la formation des architectes et des maîtres d’œuvre.” Elle a salué “les initiatives […] dans certaines régions, soutenues par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), telles que les familles à énergie positive. Sans même faire de travaux, mais en étant informées sur la façon d’utiliser le matériel, les lumières, le chauffage, elles diminuent déjà de 15 à 20 % leur consommation énergétique.”
Lors de l’examen de l’article premier, qui a duré trois jours, l’UMP a épuisé son temps de parole dans la défense de la filière nucléaire et n’a siégé ni la journée du vendredi ni la nuit suivante.
Après l’annonce par Mme Ségolène Royal de l’ajournement des péages de transit poids lourds, Mme Cécile Duflot (écologiste, Paris) a dénoncé une décision prématurée et tragique et M. Noël Mamère “une capitulation de plus de ce gouvernement devant les lobbies”, au profit du “tout routier” a ajouté M. Patrice Carvalho (GDR, Oise).
Au titre II consacré aux bâtiments, l’Assemblée nationale a multiplié par cinq le nombre d’articles. Dans la discussion de l’article 3A, M. Christophe Bouillon (SRC, Seine-Maritime) a rappelé que “le secteur du bâtiment comporte non seulement de très importants gisements d’emplois mais constitue aussi une façon très efficace de lutter contre la précarité énergétique”. Présentant le titre II, Mme Ségolène Royal a déclaré : “L’efficacité énergétique est bien sûr au cœur de la transition énergétique : elle permet d’économiser l’énergie, de faire baisser la facture de nos concitoyens et de créer des emplois. Dans le contexte actuel, elle constitue le principal levier de sortie de crise, et un encouragement aux filières traditionnelles du bâtiment, qui sont en train de faire un effort considérable de mutation et de formation professionnelle pour s’engager dans l’éco-construction.” Un échange vif a eu lieu avec M. Bertrand Pancher (UDI, Meuse) ayant reproché à Mme Royal sa présentation du plan logement comme une grande innovation et de s’approprier même l’éco-prêt à taux zéro, fruit du Grenelle II, qui devait être mis en place dans les derniers mois de la précédente législature. “À votre arrivée au pouvoir, vous carbonisez l’éco-prêt à taux zéro pendant deux ans et demi. Et vous nous dites aujourd’hui que vous allez le relancer ! Nous verrons bien, mais nous avons été tellement échaudés que nous ne croyons plus en rien dans vos annonces.” […] “Nombreux sont ceux qui vont vouloir faire des travaux ; on leur expliquera qu’il faut respecter tout un tas d’obligations ; ils se tourneront alors vers les collectivités, qui sont toujours le point d’entrée ; et celles-ci leurs répondront que ce n’est pas avec la diminution de leurs moyens et des aides de l’État qu’elles vont pouvoir les aider.”
Dans la discussion du titre III, M. André Chassaigne (GDR, Puy-de-Dôme) a critiqué “le grand absent du projet de loi : les transports”, notamment le transport ferroviaire de marchandises. M. Bertrand Pancher a dénoncé “le caractère ridicule du plaidoyer de la ministre de l’écologie, du Développement durable et de l’énergie en faveur des transports propres” faisant état d’un “article du journal Le Monde qui s’intitule “Écotaxe : un fiasco qui coûtera plus de deux milliards d’euros”. Il a déploré l’absence de financement par l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport en France) des 122 projets de transports urbains que soutiennent les collectivités.
Après l’article 9, l’Assemblée a adopté des amendements identiques – de MM. Alexis Bachelay (SRC, Hauts-de-Seine), Jacques Krabal (RRDP, Aisne) et Denis Baupin (écologiste, Paris) – de réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés, notamment dans le cadre des plans de déplacements d’entreprises introduits par la loi Grenelle 2, une flotte de vélos.
La discussion des titres IV à VII a eu lieu au cours de la séance de nuit du 10 octobre 2014. Dans la discussion du titre IV, M. Bertrand Pancher a critiqué le caractère trop modeste des mesures relatives à l’élimination et au recyclage des déchets notamment industriels et demandé une grande loi sur l’économie circulaire. Mme Ségolène Royal a déclaré en revanche : “C’est la première fois qu’une loi consacre l’entrée dans notre droit positif de la notion d’économie circulaire, qui va de l’éco-conception des produits à leur recyclage, notamment dans le cadre de complémentarités entre les entreprises, grâce auxquelles les déchets des unes font la matière première des autres. Le projet de loi se donne pour objectif de réduire de moitié les déchets mis en décharge à l’horizon 2025 ; de valoriser à 70 % les déchets du bâtiment, comme c’est le cas dans les pays les plus en avance ; de valoriser 55 % des déchets non dangereux en 2020 et 60 % en 2025 ; de valoriser les déchets non recyclables dans les réseaux de chaleur.”
En fin de discussion des articles, l’Assemblée nationale a adopté l’interdiction des sacs plastique à usage unique à partir de 2016, disposition introduite en commission à la demande du gouvernement. Mais elle a aussi adopté l’amendement écologiste d’interdiction de la vaisselle jetable contre l’avis exprimé par Mme Ségolène Royal qui a considéré que la disposition pouvait contrevenir aux familles en situation de précarité.
Adoption en première lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale
Le projet de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014 au scrutin public par 314 voix contre 219 et 32 abstentions.
Les députés SRC ont voté pour, mais quatre ont voté contre : M. Christian Bataille (Nord), Mme Marie-Françoise Bechtel (Aisne), MM. Christian Hutin (Nord) et Jean-Luc Laurent (Val-de-Marne) et deux se sont abstenus : Mme Delphine Batho (Deux-Sèvres) et M. Jean-Louis Dumont (Meuse).
Les députés écologistes ont voté pour sauf M. Noël Mamère (Gironde) qui s’est abstenu.
trois députés GDR (ultramarins) ont voté pour, onze (Front de gauche) ont voté contre et un s’est abstenu.
Les députés UMP ont voté contre.
Cinq députés UDI ont voté contre : MM. Charles de Courson (Marne), Yannick Favennec (Mayenne), Philippe Folliot (Tarn), Jean-Christophe Fromantin (Hauts-de-Seine) et François Sauvadet (Côte-d’Or) et vingt-cinq se sont abstenus.
M. Gilbert Collard (Gard) et Mme Marion Maréchal-Le Pen (Vaucluse) se sont abstenus.
Mme Ségolène Royal a déclaré : “L’Assemblée démontre que l’on peut réconcilier la croissance et l’énergie”, et M. Manuel Valls, Premier ministre a considéré, après le vote, que le projet de loi “servira de référence partout en Europe et dans le monde”.
Dans les explications de vote, M. Patrice Carvalho (GDR, Oise) a indiqué que d’après “les évaluations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, il faudrait mobiliser entre 10 et 30 milliards d’euros supplémentaires, chaque année, par rapport au niveau actuel des investissements énergétiques – 37 milliards d’euros – pour parvenir au mix énergétique avancé. Or il n’est envisagé d’investir que 10 milliards d’euros sur trois ans, sous forme de crédits d’impôts, de chèque énergie et de fonds pour accompagner les collectivités locales, les particuliers, les entreprises et les banques. À cette aune, les objectifs fixés semblent illusoires. Il y a donc fort à craindre que ce projet de loi ne soit, au final, qu’une loi d’affichage. Il présente, en outre, à nos yeux des dangers pour le modèle énergétique français, qui a pourtant fait ses preuves en fournissant à nos concitoyens l’énergie la moins chère d’Europe en raison des choix faits et de la maîtrise publique que nous en avions.”
Pour M. Christophe Bouillon (SRC, Seine-Maritime) “Un pays ne peut plus dépendre d’une seule énergie. Le mix énergétique, c’est bon pour l’avenir et cela va dans le bon sens.”
M. Julien Aubert (UMP, Vaucluse) a considéré que “confrontée à un mur de mauvaise foi et de surdité, l’opposition a effectivement épuisé son temps de parole sur l’article 1er, à force de vouloir raisonner un pouvoir solitaire qui ne voulait rien entendre. Les écologistes, qui s’étaient endormis pendant les débats, se sont réveillés trop tard, ne pouvant que constater que l’écotaxe avait disparu pendant leur sommeil. Il reste les sacs en plastique, on a les victoires que l’on mérite !”
“Plutôt que de présenter un texte quasi prophétique, il aurait été préférable de se concentrer sur des objectifs à court terme et des mesures efficaces à financer rapidement”, a déclaré M. Bertrand Pancher (UDI, Meuse).
Mme Cécile Duflot (écologiste, Paris) a précisé que son groupe voterait pour « car, même s’il ne réalise qu’une somme de petits pas pour l’avenir, ce projet de loi fixe des objectifs salutaires et nécessaires pour notre pays.”
M. Jacques Krabal (RRDP, Aisne) a considéré le texte équilibré, notamment en matière de lutte contre la précarité énergétique, ayant rappelé les amendements adoptés à l’initiative de son groupe, qui “repousse la fin de la trêve hivernale énergétique du 15 au 31 mars, à l’instar de la trêve hivernale locative.” Il a salué une ouverture sur la possible mise en place d’un mécanisme de bonus-malus pour les propriétaires bailleurs en fonction de la performance énergétique.
Au terme de l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale, le nombre des articles a été porté de 64 à 173.
L’examen du projet de loi en première lecture par le Sénat
Rapporteurs au Sénat :
- M. Ladislas Poniatowski (UPP, Eure)
- Mme Françoise Férat (UDI-UC, Marne)
- M. Jean-François Husson (UMP, Meurthe-et-Moselle)
- M. Louis Nègre (UMP, Alpes-Maritimes)
- M. Rémy Pointereau (UMP, Cher) e
- M. Philippe Mouiller (UMP, Deux-Sèvres)
Les travaux de la commission des affaires économiques
La commission saisie au fond a conduit ses travaux du 28 octobre 2014 au 18 février 2015 dans le souci de mettre la politique énergétique au service d’un modèle de croissance à la fois durable – économe en ressources et protecteur de l’environnement –, riche en emplois et garant de la compétitivité de nos entreprises. Comme l’a noté son rapporteur, M. Ladislas Poniatowski (UMP, Eure), elle a opté pour une démarche constructive consistant à conforter, chaque fois que c’était possible, en raison de l’urgence climatique, et à équilibrer, lorsque c’était nécessaire, les dispositions du projet de loi. Les propositions de la commission ont ainsi visé, en particulier, à favoriser la rénovation thermique des bâtiments, à soutenir les énergies renouvelables, à lutter contre la précarité énergétique et à soutenir les entreprises, notamment électro-intensives.
La commission a estimé que la division par deux de la consommation énergétique finale en 2050 manquait de réalisme et n’était pas compatible avec la nécessité d’une croissance économique forte afin de résorber le chômage de masse ni avec celle de la réindustrialisation. En conséquence, la commission est revenue, à l’horizon 2030, à l’objectif de rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique prévu dans le texte initial et a visé, de façon plus réaliste, la “poursuite” d’un tel objectif en 2050, plutôt que sa réalisation certaine. Elle a jugé que le plafonnement de la capacité de production à son niveau actuel, qui condamnera deux réacteurs à la mise en service de l’EPR de Flamanville, attendu pour 2017 est inacceptable par la commission, car il risquerait de priver la France de son indépendance énergétique. Le rapporteur a dénoncé les conséquences d’une fermeture de Fessenheim : 2 000 emplois directs ou indirects perdus, plus de 5 000 personnes concernées et près de 50 millions d’euros d’impôts et taxes locales qui disparaîtraient. Au total, la fermeture anticipée de cette centrale, qui fournit 80 % de l’électricité alsacienne, pourrait induire un coût pour la collectivité de près de 5 milliards d’euros, dont 4 milliards d’euros au titre de la seule indemnisation de l’exploitant. Au-delà, cet objectif conduirait, dans l’hypothèse d’une stagnation de la consommation électrique, à la fermeture d’une vingtaine de réacteurs en moins de dix ans, soit près de deux par an. La commission a estimé que le nucléaire est un allié objectif de la transition énergétique en raison de son caractère totalement décarboné et a jugé paradoxal de se priver d’une énergie non émettrice de gaz à effet de serre au moment même où tout doit être mis en œuvre pour limiter le réchauffement climatique.
La commission des affaires économiques du Sénat, tout en maintenant le plafonnement à 50 % de la part du nucléaire dans la production nationale d’électricité, a rejeté l’échéance fixée initialement à 2025 afin, selon son rapporteur, de préserver l’objectif, souhaitable, de l’évolution du mix électrique, tout en prévoyant sa mise en œuvre de façon raisonnée. Par cohérence, la commission a également relevé le plafond de capacité de production nucléaire, pour y inclure l’EPR de Flamanville.
La commission a aussi précisé et encadré le relèvement progressif de la part carbone, pour ne viser que les énergies fossiles et prévoir sa stricte compensation par la baisse d’autres impôts ou taxes. Elle a modulé la réduction des énergies fossiles en fonction de leurs émissions respectives de gaz à effet de serre et décliné l’objectif de développement des énergies renouvelables par grands secteurs, tout en ajoutant un objectif sur le gaz renouvelable.
Au titre II, consacré aux bâtiments, la commission a préféré multiplier les dispositifs de financement des travaux de rénovation : écoprêt à taux zéro – éco-PTZ –, crédit d’impôt pour la transition énergétique, taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation ou encore aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, dans le cadre du programme “Habiter mieux”. La commission a observé que le projet de loi y ajoutait deux nouveaux outils : sociétés de tiers financement et fonds de garantie de la rénovation énergétique dont les ressources affectées restent à définir. Elle a demandé des éclaircissements sur le financement d’un fonds de la transition énergétique doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Elle n’a pas remis en cause les objectifs de rénovation de 500 000 logements par an à partir de 2017 et, avant 2030, des bâtiments privés résidentiels consommant plus de 330 kilowattheures d’énergie primaire, soit les classes F et G. S’agissant de l’obligation d’une isolation par l’extérieur des bâtiments et la possibilité de déroger aux règles d’urbanisme pour réaliser cette isolation, prévues aux articles 3 et 5, ayant suscité de nombreuses inquiétudes chez les professionnels et les associations de défense du patrimoine, la commission a choisi de donner aux maires la possibilité d’accorder de telles dérogations et a souhaité ne pas imposer une technique particulière d’isolation lors d’un ravalement important de façade. La commission a précisé les missions et la composition du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. Elle a apporté des précisions sur le carnet numérique de suivi et d’entretien du logement introduit par le projet de loi et contenant toutes les informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration de la performance énergétique du logement, qui contiendra des informations non seulement sur le logement, mais aussi sur les parties communes lorsque le logement est situé dans une copropriété : par exemple, les différents diagnostics obligatoires que les particuliers doivent déjà réaliser, notamment le diagnostic de performance énergétique et l’état de l’installation intérieure d’électricité ou de gaz.
S’agissant de l’information des particuliers en matière de travaux de rénovation énergétique, le texte prévoit la mise en place des plateformes territoriales de la rénovation énergétique, chargées d’apporter des conseils gratuits et indépendants aux consommateurs sur la réglementation et sur les aides auxquelles ils peuvent prétendre. La commission a prévu qu’elles seraient prioritairement mises en œuvre à l’échelle intercommunale et précisé que, dans le cadre des contrats de prestation visant à améliorer la performance énergétique d’un bâtiment, le prestataire souhaitant s’engager devrait le faire sur un niveau de performance énergétique ou environnementale. En ce qui concerne les dispositifs d’individualisation des frais de chauffage et d’électricité, la commission a modifié directement le droit en vigueur pour instaurer un régime de sanctions administratives en cas de manquement à l’obligation d’installation de systèmes de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz. La commission n’est pas revenue sur le dispositif de mise à disposition des consommateurs d’électricité et de gaz bénéficiant des tarifs sociaux des données de consommation au moyen d’un dispositif déporté d’affichage en temps réel, mais elle a précisé les modalités d’accès, pour le propriétaire ou le gestionnaire d’un immeuble qui réalise des travaux d’amélioration, aux données de consommation des occupants de l’immeuble. En ce qui concerne la garantie décennale, la commission a supprimé la disposition prévoyant son application en cas de non-respect de la réglementation thermique et apporté quelques précisions sur la notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique.
Au titre V visant à favoriser le développement des énergies renouvelables, l’article 23 prévoit la création d’un nouveau mécanisme de soutien financier fondé sur la vente directe de l’électricité sur le marché assortie d’une prime, appelée “complément de rémunération”. Sur ce point, la commission a souhaité clarifier la notion de puissance installée, prévoir la prise en compte des frais des contrôles à la charge des producteurs dans les conditions d’achat et du complément de rémunération, réaffirmer le caractère transitoire de ce complément ou encore sécuriser la période transitoire avant l’entrée en vigueur effective du dispositif. En matière d’investissement des collectivités dans les sociétés de production d’énergie renouvelable, la commission a étendu, à l’article 26, cette possibilité aux départements et aux régions et visé les sociétés par actions simplifiées. Elle a élargi, à l’article 27, le financement participatif des sociétés de projet au financement en dette. La commission a, par ailleurs, supprimé l’article 27 ter, introduit à l’Assemblée nationale, prévoyant le doublement du plafond de rémunération du capital prêté aux coopératives de production d’énergie renouvelable, au motif que cette disposition est contraire au principe coopératif de lucrativité limitée. Aux articles 27 quater et 27 quinquies, la commission a supprimé l’exclusion des activités de production photovoltaïque non subventionnées du bénéfice des réductions d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des investissements au capital des PME et étendu le principe de non-cumul entre avantage fiscal et aide publique aux activités bénéficiant d’un complément de rémunération. À l’article 29, la commission a complété la composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau et étendu les cas où sa création est de droit. Aux articles 28 et 29 la commission n’a pas souhaité remettre en cause la possibilité de regrouper les concessions hydroélectriques par vallée, au motif qu’elle permettra d’optimiser l’exploitation des installations, et celle de créer des sociétés d’économie mixte hydroélectriques, grâce auxquelles les collectivités qui le souhaitent pourront être mieux associées à la gestion de la ressource.
Au titre VI relatif au renforcement de la sûreté nucléaire et de l’information des citoyens, et notamment à l’article 32, qui encadre la cessation d’activité et le démantèlement d’une “installation nucléaire de base”, la commission a différencié le calendrier selon la complexité du site et amélioré l’information des acquéreurs de terrains ayant accueilli une telle installation.
Au titre VII la commission était saisie au fond du chapitre II consacré à la régulation des réseaux et des marchés, qui comporte des mesures essentiellement techniques, mais importantes, telles que l’assouplissement des règles du marché de capacité ou la consécration de la méthode dite « économique » de calcul des tarifs réglementés de vente et du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Elle a notamment encadré l’indemnité qui peut être due en cas de changement de fournisseur, soutenu le développement des solutions de stockage et notamment des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), en revenant sur leur double imposition au TURPE, ou encore renforcé les compétences du nouveau comité du système de distribution publique d’électricité introduit par l’Assemblée nationale. Concernant l’article 43 qui prévoit la possibilité de moduler le TURPE en faveur des industriels électro-intensifs au profil de consommation stable ou anticyclique, elle a cherché à donner à la Commission de régulation de l’énergie une base afin de porter le niveau de réduction à la hauteur de celui mis en œuvre en Allemagne. Afin de renforcer encore la compétitivité de ces entreprises, la commission a demandé au gouvernement, à l’article 44 ter, de réfléchir à la compensation des coûts indirects du CO2 en faveur des secteurs exposés à un risque significatif de fuite de carbone. Aux articles 44 et 44 bis, relatifs à la modulation du TURPE en vue de favoriser la baisse des consommations à la pointe, la commission a adapté le dispositif pour prendre en compte les spécificités du système gazier.
Enfin, au titre VIII relatif aux nouveaux outils de gouvernance et de pilotage de la politique énergétique – stratégie bas carbone et programmation pluriannuelle de l’énergie – la commission des affaires économiques du Sénat a cherché à en renforcer certains aspects, tout en prévoyant la prise en compte de la spécificité du secteur agricole, au travers notamment de l’exclusion du méthane entérique. En matière de contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, de nombreux commissaires ont exprimé leur préoccupation à l’égard de l’évolution des charges qu’elle couvre – plus de 6 milliards d’euros aujourd’hui, sans compter la dette des années précédentes – et du poids qu’elle fait peser sur les consommateurs d’électricité. À l’article 50 créant un comité de gestion, la commission a adopté, sur la proposition de la commission des finances, une véritable réforme, en vue de permettre au Parlement de contrôler son évolution tout en sécurisant cette contribution. La commission a aussi conforté les orientations du texte relatives aux dispositions concernant la lutte contre la précarité énergétique, notamment le remplacement des tarifs sociaux de l’énergie par le chèque énergie en décidant l’interdiction des frais liés au rejet de paiement pour les bénéficiaires du chèque énergie.
Les travaux de la commission du développement durable
La commission du développement durable a examiné, les 4, 10, 11 et 18 février 2015, 83 articles au fond – notamment l’intégralité des titres III et IV, relatifs à la mobilité propre et à l’économie circulaire – dont l’examen lui a été délégué par la commission des affaires économiques.
Elle a souligné le caractère alarmant du contexte du projet de loi. En effet, le rapport du GIEC, publié en octobre 2014, a montré que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté cinq fois plus entre 2000 et 2010 qu’au cours des trente dernières années. Le rapporteur, M. Louis Nègre, a indiqué que le projet de loi cherchait une nouvelle approche pour notre modèle de croissance économique et de développement, parce que le changement climatique s’aggrave jour après jour et qu’il vise à favoriser une économie circulaire, parce que nos ressources s’épuisent. Par ailleurs, il tend à engager une “révolution vers une mobilité propre”, parce que les énergies fossiles sont la première menace pour la biosphère, mais aussi parce qu’elles mettent en danger la santé humaine et, in fine, alourdissent notre facture énergétique. Il tend également à déterminer, au-delà du nucléaire, qui reste, à ce jour, le socle incontournable de notre puissance énergétique, un chemin innovant pour la compétitivité du futur de nos entreprises, afin que notre pays ne soit pas distancé par d’autres et que nous puissions être les leaders aussi sur les marchés de demain, ceux des énergies renouvelables et de la croissance verte. Enfin, il nous incite à poursuivre sur la voie d’une très large concertation, car l’écologie et le développement durable sont aujourd’hui l’affaire de tous les citoyens. Toutes ces orientations s’inscrivent dans une démarche à long terme déjà engagée par la France lors du Grenelle de l’environnement et permettent ainsi de qualifier le projet de loi de “Grenelle III”.
Le rapporteur a observé l’impression de complexité toute particulière du texte, en raison, notamment, du nombre d’objectifs, plus de dix, et d’échéances et dates butoirs fixés : 2015, 2016, 2017, 2018, 2020, 2030, 2050 !
Il a jugé envisageable l’objectif de baisser 50 % la part du nucléaire dans un mix plus équilibré à terme, mais il ne doit pas se traduire par une fragilisation de notre économie ou, pis, par des effets contreproductifs, à l’exemple de ceux de la politique allemande. Tout en veillant à améliorer cette filière industrielle d’excellence, il a considéré que la France devait être placée comme leader sur le marché, d’ailleurs en forte croissance, des énergies renouvelables.
Il a critiqué le manque de crédibilité du financement de la transition énergétique. Ainsi nombre d’articles de ce texte sont déclaratoires. Le financement du Fonds national de la transition énergétique et de la croissance verte, doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, n’est pas garanti.
S’étant inquiété de la mise en œuvre du projet de loi, il a regretté l’absence d’information voire de transmission de projet de texte réglementaire tel que le projet de décret sur la prime de remplacement des véhicules polluants. Il a demandé au gouvernement d’associer étroitement les rapporteurs au suivi des décrets d’application.
Le rapporteur s’est interrogé sur la définition des véhicules propres, étant précisé qu’une définition exacte reposerait sur un bilan dressé sur la totalité du cycle de vie du véhicule, sur la base d’une approche multicritère, considérant l’empreinte écologique du produit, de la fabrication au recyclage. Du fait de la difficulté d’une définition aussi large, la commission a proposé de ne retenir qu’un seul critère discriminant : les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
En ce qui concerne les plans de mobilité, prévus par les articles 13 ter et 18, la commission s’est fixée pour objectif de trouver un juste équilibre, entre l’incitation et la contrainte, pour les entreprises, de manière à réduire les émissions dues à leurs activités de transport. Cependant, lorsque l’enjeu de la qualité de l’air est en cause, le préfet pourra, si nécessaire, rendre ces plans obligatoires, pour les entreprises de plus de 250 salariés.
La commission a remplacé “l’interdiction générale” de la vaisselle jetable par une obligation de “tri à la source” de ces déchets, au plus tard au 1er janvier 2018 afin de la faire coïncider avec la mise en place du tri de tous les plastiques. Elle a entendu sécuriser la mise en œuvre de l’interdiction des sacs en plastique en prévoyant un délai, fixé à 2018, pour les sacs autres que les sacs de caisse, c’est-à-dire les sacs légers utilisés pour l’emballage des marchandises afin qu’une filière de solutions de rechange française ait le temps de se constituer.
S’agissant de l’obsolescence programmée et l’affichage de la durée de vie des produits, la commission a estimé que le texte adopté par l’Assemblée nationale, faisait peser un risque juridique très grand sur les entreprises et qu’il manquait sa cible véritable. Elle a souhaité établir un consensus sur la base de la définition proposée en 2012 par l’ADEME : l’obsolescence programmée se définira désormais par tout “stratagème” visant à réduire “sciemment” la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. De même sur la question de l’affichage de la durée de vie des produits, la commission a souhaité privilégier une approche libre et volontaire, avant de définir progressivement les indispensables normes pour mesurer objectivement la durée de vie.
La commission du développement durable a enfin considéré que si l’on veut réduire progressivement la consommation de matières non renouvelables, il faut mettre en place une hiérarchie dans le prélèvement des ressources : lorsqu’un prélèvement est effectué sur les ressources de la planète, il faudra d’abord privilégier les ressources recyclées ou issues de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, et enfin, seulement, tous les autres types de ressources.
Les travaux en séance publique
Les travaux du Sénat en séance publique se sont déroulés du 10 février au 3 mars 2015.
Le Sénat a adopté le 11 février 2015, par 194 voix pour et 12 voix contre, l’article 1er relatif aux objectifs de la politique énergétique. L’article 1er tel qu’adopté par le Sénat porte la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 et fixe, à terme, un objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %.
Le Sénat a rejeté un amendement du gouvernement défendu par Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie visant à rétablir l’échéance de la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %. Mme Chantal Jouanno (UDI-UC, Paris) a déclaré que le rétablissement de cette année aurait pour effet de “réintroduire un élément de polémique alors que nous sommes tous favorables à une diminution de la part du nucléaire”.
Le Sénat a inséré un article additionnel après l’article 3 B afin de rendre progressivement obligatoire la rénovation des logements à l’occasion d’une mutation (achat-vente) en fonction de la performance énergétique du logement. L’article a été adopté le 12 février 2015 par 181 voix pour contre 156.
Le Sénat a adopté un amendement relatif à la prise en compte des polluants atmosphériques en plus des émissions de gaz à effet de serre. Il a renforcé le contrôle technique avec pour objectif la réduction des émissions de particules fines et de polluants atmosphériques.
Il a adopté un amendement écologiste tendant à renforcer le contrôle technique des véhicules diesel au moyen d’un contrôle approfondi des émissions de polluants atmosphériques notamment par un contrôle thermodynamique du moteur du véhicule, à partir de la septième année de mise en circulation ; a été adopté un sous-amendement du gouvernement rendant obligatoire ce contrôle tous les deux ans.
Alors que la commission du développement durable a repoussé à 2018 la suppression des sacs plastiques d’emballage des produits frais afin de permettre une filière alternative biosourcée en France, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement ayant pour objet de rétablir en 2016 la date d’entrée en vigueur de l’interdiction de mise à disposition des sacs en matière plastique à usage unique destinés à l’emballage des marchandises autres que les sacs de caisse, sauf les sacs bisourcés et compostables en compostage domestique.
À l’appui de sa démonstration, Mme Ségolène Royal avait invité les sénateurs à faire circuler dans l’hémicycle un sac plastique « fruits et légumes », de dernière génération qu’elle avait apporté : elle a indiqué que celui-ci, “biodégradable” et “compostable” , “en compostage domestique” était fabriqué à partir d’amidon de pomme de terre, ce qui signifie qu’ “on peut jeter ce sac avec les épluchures dans son composteur et cela disparaît” , a précisé la Ministre,
Le Sénat a adopté des amendements identiques déposés par des sénateurs socialistes et UMP afin d’autoriser les commerces de proximité à distribuer à partir du 1er janvier 2016 des sacs biodégradables et compostables. Il a été rappelé au cours de la discussion de ces amendements que la grande distribution a réduit le nombre de sacs utilisés de 15 milliards en 2003 à un milliard en 2012 et que les consignes de tri seraient étendues à tous les emballages plastiques.
La filière du recyclage du papier a été étendue aux entreprises de presse, à l’exclusion de la presse d’information générale et politique.
Le Sénat a adopté la possibilité pour les maires de déroger aux règles d’urbanisme afin de permettre la réalisation d’une isolation des bâtiments par l’extérieur.
Il a reporté à 2018 l’obligation de l’état et de ses établissements publics d’acquérir ou d’utiliser au moins 50 % de véhicules propres lors du renouvellement de leur parc de poids lourds.
Il adopté plusieurs dispositions favorables à l’autopartage. Il a introduit une définition du covoiturage afin d’éviter que celui-ci ne soit confondu avec l’activité de transport de passagers.
Il a adopté un article additionnel afin de rendre obligatoire, lors du renouvellement ou d’une renégociation d’une délégation ou d’un cahier des charges, le principe d’une tarification réduite sur les autoroutes pour les véhicules identifiés comme sobres et peu polluants.
Il a adopté un amendement de Mme évelyne Didier (CRC, Meurthe-et-Moselle) de suppression de la date d’utilisation optimale des produits alimentaires, contre l’avis du gouvernement qui a cependant considéré que le respect strict de ces dates était une source de gaspillage par les ménages.
Il a adopté un amendement du gouvernement de transposition en droit français d’un règlement européen sur le recyclage des navires, rendant punissable d’un an d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le propriétaire de navire qui ne notifie pas au ministre chargé de la Mer son intention de recycler le navire. Il a aussi adopté un amendement écologiste selon lequel à compter du 1er janvier 2017 les personnes qui mettent sur le marché à titre professionnel des navires de plaisance ou de sport seront tenues de contribuer à leur recyclage. Il a adopté un amendement aux dispositions d’harmonisation de la gestion des concessions hydroélectriques à l’échelle des grandes vallées et de création d’une nouvelle catégorie de sociétés d’économie mixte d’exploitation des contrats de concession hydroélectrique dans une vallée. L’amendement a pour objet la détention conjointe par l’état, les collectivités territoriales et les autres partenaires publics entre 34 % et 66 % du capital de ces sociétés et entre 34 % et 66 % des droits de vote dans les organes délibérants. Mme Ségolène Royal a indiqué que l’Agence des participations de l’état et la Caisse des dépôts et consignations étaient susceptibles d’entrer au capital des sociétés d’économie mixte.
Le Sénat a adopté des amendements du gouvernement visant à soutenir les entreprises dites électro-intensives fortement consommatrices d’électricité. Parmi ceux-ci est introduite une définition de plusieurs catégories d’électro-intensifs selon des critères de consommation d’électricité et d’exposition à la concurrence avec pour objectif d’éviter une délocalisation des sites électro-intensifs. Un amendement du gouvernement tend à permettre aux électro-intensifs de bénéficier de réductions de tarifs de transport de l’électricité, dans la limite d’un plafond de 90 %. Les redevances des concessions hydroélectriques pourront en outre être modulées afin d’inciter les concessionnaires à conclure des contrats d’approvisionnement de long terme avec les électro-intensifs. Le plafond annuel du dispositif d’interruptibilité, permettant aux entreprises industrielles d’interrompre leur consommation d’électricité avec un préavis court, a été fixé, selon un amendement du gouvernement adopté, à 120 euros par kilowatt. Un amendement de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques, aux dispositions relatives à l’effacement de consommation d’électricité, adopté par le Sénat, tend à préciser que les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution ne peuvent exercer l’activité d’opérateur d’effacement afin de ne pas être à la fois juge et partie. Un amendement écologiste adopté est relatif à la mention dans leur rapport consolidé de gestion de l’analyse des risques de long terme auxquels sont exposées les entreprises.
Le Sénat a fixé la capacité de la production d’électricité d’origine nucléaire à 64,85 gigawatts, afin d’éviter l’arrêt à l’EPR de Flamanville de deux réacteurs supplémentaires. Il a rejeté par 216 voix contre 120 un amendement du gouvernement, défendu par Mme Ségolène Royal, tendant à rétablir cette capacité à 63,2 gigawatts selon la version initiale du texte.
Il a adopté des dispositions sur l’installation des éoliennes dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres à une distance d’au moins 1 000 mètres des habitations. Il a supprimé l’article relatif au barème d’indemnisation des propriétaires lésés par l’implantation d’une éolienne et inséré un article additionnel relatif à la répartition de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux – IFER.
Il a rejeté un amendement visant à intégrer dans la programmation pluriannuelle de l’énergie la “nécessaire identification du potentiel énergétique de la France en matière d’hydrocarbures non conventionnels.”
Il a inséré, le 19 février 2015, par 196 voix pour et 138 contre, un article additionnel afin de modifier le code de l’action sociale et des familles pour éviter un effet contre-productif de l’interdiction des coupures sur l’accès à l’eau, l’interdiction des coupures d’eau est maintenue pour les familles en difficulté, tout au long de l’année.
Adoption en première lecture du projet de loi par le Sénat
Après neuf jours de débats soit plus de 64 heures, le Sénat a adopté le 3 mars 2015 le projet de loi profondément modifié par 182 voix pour et 34 contre ; 127 sénateurs se sont abstenus. Au total, 1 000 amendements ont été déposés parmi lesquels 899 ont été examinés en séance publique et 247 ont été adoptés.
Les sénateurs socialistes se sont abstenus ainsi que 12 UMP, 3 UDI-UC, un sénateur RDSE, M. Robert Hue, et 3 non-inscrits, MM. Jean-Louis Masson, David Rachline et Stéphane Ravier.
127 sénateurs UMP sur 144 ont voté pour, 37 sénateurs UDI-UC sur 41, 12 RDSE sur 13 et plusieurs non-inscrits.
Ont voté contre 3 UMP, MM. François Calvet, Dominique de Legge, René-Paul Savary, un sénateur UDI-UC, M. Jean-Claude Luche, les sénateurs écologistes et CRC ainsi que Mme Marie-Noëlle Lienemann, socialiste.
“Le Sénat a apporté de grandes améliorations à ce texte” , a déclaré Mme Chantal Jouanno : en matière de précarité énergétique, d’énergies renouvelables, notamment avec un meilleur partage de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et une meilleure concertation, dans le domaine des transports, avec la multi-modalité et le développement des circulations douces. Mme Jouanno a souhaité que le travail du Sénat ne soit pas résumé à une polémique, très politique, sur une date – 2025 –, “car ce n’est pas le sujet ni l’ambition de la transition énergétique ou de ce que certains appellent le Grenelle 3” .
Selon M. Jean-Claude Lenoir (UMP, Orne), “quels que soient les majorités et les gouvernements, la part du nucléaire dans notre mix énergétique ne pourra que baisser avec le temps. L’objectif de réduction de 50 % ne nous contrarie pas. En revanche, la date de 2025 est irréaliste, le délai dans lequel il faudrait fermer vingt réacteurs est impossible à tenir.”
Selon M. Roland Courteau (Socialiste, Aude) “il n’y avait pas de meilleures réponses aux enjeux climatiques, écologiques, sanitaires et sociaux, non plus qu’à la nécessaire compétitivité de la France ! Il n’y avait pas de meilleures solutions pour impulser cette croissance verte solide, durable, avec la création de nombreux emplois et l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages.”
M. Ronan Dantec (écologiste, Loire-Atlantique) a estimé que le texte adopté par le Sénat comprenait des améliorations : par exemple, la rénovation énergétique des logements avec le fait de ramener de 2030 à 2020 la date limite pour l’obligation de rénovation du parc de logements privés, ce qui crédibilise “l’objectif de réhabilitation de 500 000 logements par an à l’horizon de 2017, surtout que cette mesure est complétée par l’obligation, introduite à la suite du vote d’un amendement écologiste, de rénovation au moment des mutations à partir de 2030. Ce fut une jolie bataille parlementaire…” “Le Sénat a fait œuvre utile pour crédibiliser l’objectif intermédiaire de réduction de 20 % de la consommation d’énergie en 2030.” M. Dantec a indiqué que le groupe écologiste approuvait aussi l’obligation de raccordement dans les dix-huit mois des installations renouvelables, ce qui devrait accélérer leur développement, “malgré l’interdiction de l’implantation des éoliennes à moins d’un kilomètre de toute habitation ; ce qui aura pour conséquence de geler toute urbanisation dans un rayon d’un kilomètre autour des éoliennes déjà installées, donc de réduire à néant les projets d’urbanisme de milliers de communes françaises”. Cependant “le refus complet par le Sénat des nouvelles tendances du renouvelable pour un repli entêté vers les modes anciennes dites du « tout-nucléaire », pourtant obsolètes partout ailleurs dans le monde, aura été une constante du débat” au Sénat. Il a déclaré qu’en conséquence son groupe votait contre.
Pour M. Jean-Pierre Bosino (CRC, Oise) “la lutte contre la précarité énergétique reste insuffisante et le manque de moyens criant : ni mise en place d’un service universel de dernier recours ni renforcement des compétences du médiateur de l’énergie. Il y a plus grave encore : la majorité du Sénat a adopté un amendement tendant à revenir sur l’interdiction des coupures d’eau.” Il a jugé le projet de loi en contradiction avec celui pour la croissance et l’activité présenté par M. Emmanuel Macron, “qui favorise le tout-routier au détriment de la sécurité et des objectifs de réduction des émissions de CO2” du fait de la “libéralisation du transport interurbain et de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières”.
Selon M. Jacques Mézard (RDSE, Cantal), le texte issu du Sénat est consensuel. « La stratégie bas-carbone prévue par le projet de loi nous a paru en cohérence avec nos engagements européens et internationaux relatifs à la réduction des gaz à effet de serre.” Le Sénat, en matière nucléaire, “est parvenu […] à une solution plus réaliste et plus responsable, en affirmant, d’une part, l’impératif de diversifier notre mix énergétique par le développement des énergies renouvelables et, d’autre part, la nécessité de mettre en œuvre cette diversification de manière progressive et raisonnée, par la suppression de l’horizon de 2025 initialement fixé par le texte pour la réduction de la part du nucléaire.”
Mme Ségolène Royal a déclaré souhaiter rétablir l’interdiction des coupures d’eau par les distributeurs, supprimée par le Sénat et qui avait été introduite par la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. Elle a considéré que “les réformes proposées pour construire une économie bas-carbone sortent renforcées à l’issue des débats dans les deux assemblées. […] Il y va ainsi de la performance énergétique des bâtiments pour faire baisser la facture et engager les travaux grâce au crédit d’impôt et à l’éco-prêt à taux zéro, par exemple ; de la priorité donnée aux transports propres pour lutter contre la pollution de l’air et protéger la santé ; des objectifs zéro gaspillage zéro déchet, notamment dans les plus de deux cents territoires à énergie positive ; de la montée en puissance des énergies renouvelables, grâce à de nouveaux mécanismes de soutien et de simplification ; de la lutte contre la précarité énergétique, avec, en particulier, le chèque énergie ; du renforcement de la sûreté nucléaire ; enfin, du pilotage démocratique du mix énergétique et de son rééquilibrage, par la baisse de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la production d’électricité.”
L’échec de la commission mixte paritaire
La commission mixte paritaire réunie le 10 mars 2015 n’est pas parvenue à un accord sur les nombreux points restant en discussion.
Les deux principaux points de désaccord concernaient, d’une part, la suppression par le Sénat de l’année 2025 de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production française d’électricité et, d’autre part, l’élévation à 64,85 gigawatts au lieu de 63,2 de la production d’électricité d’origine nucléaire.
Les sénateurs ont dénoncé les conditions dans lesquelles cet échec a été constaté. “L’issue était malheureusement attendue”, ont-ils déclaré dans un communiqué de presse, “dès lors que le président de la République avait annoncé son refus de tout compromis sur la seule question de l’échéance de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique.”
M. Philippe Plisson, rapporteur pour l’Assemblée nationale a reconnu que peu de choses séparaient l’Assemblée nationale et le Sénat mais qu’un point dur existait : l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025. Le Sénat a déjà fait un effort pour accepter l’objectif de 50 %, a-t-il déclaré. “Mais il lui reste un pas supplémentaire à faire : accepter la date de 2025. Il s’agit d’un engagement du président de la République et de la majorité de l’Assemblée nationale. Il est nécessaire de débattre de la question du mix énergétique”, mais il a souligné qu’“à défaut d’accord sur ce point, il ne sera pas possible d’aboutir.”
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour le Sénat, a considéré que le Sénat avait effectué un travail approfondi à travers la répartition de l’examen des articles entre les deux commissions compétentes – la commission des affaires économiques et la commission du développement durable –, dans un esprit constructif, qui avait conforté celui engagé par l’Assemblée nationale tout en permettant un certain rééquilibrage. Il a cité, à titre d’exemple, les sujets sur lesquels l’apport du Sénat lui apparaissait important : rénovation des bâtiments, dispositions relatives aux énergies renouvelables, sûreté nucléaire, régulation des réseaux et des marchés de l’électricité – s’agissant notamment de la question des électro-intensifs –, effacement de consommation électrique, réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), lutte contre la précarité énergétique. Il a rappelé la baisse de la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici 2025, date butoir que le Sénat avait supprimée. “La part importante du nucléaire dans le mix électrique français permet d’assurer l’indépendance énergétique de notre pays et d’assurer aux consommateurs un prix du kilowattheure de 50 % inférieur à celui qui prévaut outre-Rhin. Elle explique également, avec l’hydroélectricité, que la France soit aujourd’hui le deuxième plus faible émetteur de gaz à effet de serre en Europe derrière la Suède.”
M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire, a estimé qu’il serait dommage qu’un accord en CMP aboutisse à un texte qui ne serait pas voté par l’Assemblée nationale, rappelant que dans ce cas une place plus grande est faite au texte de l’Assemblée nationale dans la suite de la procédure législative et a ainsi constaté l’impossibilité pour la commission mixte paritaire de parvenir à l’élaboration d’un texte.
Jean Lalloy