L’équivalence des crimes que certains soutiennent pour renvoyer dos à dos le Hamas et Israël laisse penser que quelque chose ne tourne plus rond dans notre monde. L’atrocité des pogroms dont plus d’un millier de juifs d’Israël vient d’être victime révèle l’intention génocidaire du Hamas et cela ne devrait échapper à l’esprit de personne.
Sur une échelle de quelques kilomètres, ce qui s’est joué au petit matin du 7 octobre, c’est la volonté d’exterminer une nouvelle fois le peuple juif, en massacrant des femmes, des hommes, des enfants, des personnes âgées tout simplement parce qu’ils sont juifs. Ce constat effroyable sur la capacité de l’être humain à commettre l’abominable ne revient pas à donner un blanc-seing à la politique qu’Israël a suivie depuis les accords d’Oslo, pour une raison d’une désarmante simplicité. Le génocide perpétré par le Hamas et les morts résultant du conflit pluri-centenaire entre Juifs et Palestiniens ne relèvent pas de la même logique et ne peuvent pas être mis sur le même plan.
Ce qui devrait alerter dans cette horreur tragique, c’est la bestialité dont les criminels ont fait preuve et continuent de faire preuve à l’endroit de familles endeuillées ou de parents qui vivent dans l’angoisse du sort qui sera réservé aux otages.
Cette espèce de jouissance sadique souligne le degré incommensurable de perversion qui peut animer le bourreau. On est loin en ces instants de la banalité du mal théorisée par Hannah Arendt lors du procès Eichmann.
On dénonce avec force et vigueur les ravages dont l’idéologie islamiste serait à l’origine. Les spécialistes la font remonter au salafisme djihadiste dans l’utilisation qu’en ont faite les Frères musulmans depuis leur origine. S’il ne s’agit évidemment pas de condamner l’islam dans sa globalité ni l’ensemble de la communauté musulmane, en revanche, on découvre un peu tardivement que cette religion a pu engendrer une idéologie totalitaire porteuse d’une révolution nihiliste telle qu’un auteur comme Hermann Rauschning l’avait conceptualisée au sujet du national-socialisme.
Les religions n’ont hélas jamais été économes en sacrifices humains. Le Christianisme a longtemps jugé que des bûchers de l’Inquisition, au martyr des « sorcières » ou de celui qui simplement avait eu le tort de ne pas enlever son couvre-chef au passage d’une procession religieuse, le supplice servait la foi.
Mais il s’agit ici de tout autre chose. L’Allemagne nazie rêvait d’un Reich de mille ans, débarrassé des Juifs.
La communauté des croyants à venir postule une planète débarrassée des mécréants.
La réalisation de cet enfer a commencé dans les alentours de la bande de Gaza le week-end dernier. Cette nouvelle version du nihilisme, annonciatrice d’un monde qui serait dominé par les barbares, semble donner à René Girard selon qui dans Achever Clausewitz, « il nous faut entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les croisades sont plus proches de nous que la Révolution française et l’industrialisation du second empire ».
Telle est en partie la conséquence du retour d’une idéologie communautariste.
Elle exerce une emprise telle sur les esprits et les corps de ses sectateurs qu’elle les enferme dans une logique clanique. Celle-ci aveugle ses membres et conduit à dénier toute humanité à ceux qui n’en font pas partie.
Voilà qui devrait relativiser le songe éveillé issu d’un progressisme à tout va. Il n’est malheureusement pas certain que cette tragédie réveille l’esprit de tous nos décideurs.
Ce serait condamner une seconde fois les martyrs de cette barbarie à visage inhumain. Ce n’est pas inéluctable, mais il serait préférable d’agir au plus vite pour le conjurer.
Daniel Keller
Ancien membre du Conseil Economique, Social et Environnemental