
Les tendances inflationnistes, l’accroissement du déficit public, le solde désespérément négatif de la balance commerciale sont autant de phénomènes qui ont précédé le déclenchement des hostilités à l’Est.
Dans ce contexte, le conflit russo-ukrainien vient à n’en pas douter complexifier la tâche des gouvernements, à commencer par celui qui s’apprête à être nommé par le Président réélu en France.
Bien qu’il y ait une singularité française dans les éléments de la crise qui se profile, notamment en raison de l’intensité de la défiance institutionnelle qui s’y développe, la double tension géopolitique et économique s’exerce sur l’ensemble des pays de la vieille Europe. C’est ce moment que choisit la présidente de la Commission européenne pour relancer l’idée ontologiquement fédéraliste d’un élargissement du vote à la majorité qualifiée, rejointe en cela par Emmanuel Macron qui se déclare favorable également à cette mesure.
Tout se passe comme si à l’épreuve des difficultés l’UE entendait accélérer sa marche forcée fédérale afin d’asseoir une légitimité qu’elle gage sur une promesse de puissance… une fois encore.
Évidemment, la procédure vise à s’affranchir des peuples, loin des pré-requis d’une démocratie libérale qui ne peut respirer que dans le cadre de l’Etat-nation, le régime et l’organisation de la puissance publique étant en cette matière indissociable.
Les turbulences économiques et internationales créent l’opportunité historique aux yeux du parti fédéraliste dont Madame Von der Leyen comme Monsieur Macron sont, bien qu’ils ne l’explicitent pas officiellement, des représentants implicites d’accélérer la mise en œuvre de leur projet. Rien néanmoins ne saurait justifier que les nations ne soient pas consultées pour acquiescer ou non à une hypothèse qui solde dans un même mouvement souveraineté et démocratie : ni une conjoncture inquiétante, dont les maux ne se soigneront pas nécessairement à dose forcée d’européisme, encore moins la volonté de construire une Europe plus robuste et plus protectrice, perspective dont on sait qu’elle n’est pas conditionnée par un fédéralisme constructiviste qui a montré à chaque étape supplémentaire qu’il n’était pas plus efficace qu’adaptée. Trente ans après le fameux discours de Philippe Séguin à la tribune de l’Assemblée nationale une voix puissante et réaliste nous manque pour rappeler cet enseignement que les peuples dans la diversité de leurs réalités nationales sont beaucoup plus raisonnables lorsqu’ils sont respectés que forcés, à fortiori lorsque le passage en force à proportion qu’il s’effectue par le biais d’une idéologie technocratique opère par une dissolution avérée des liens démocratiques…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne