Sous le coup d’une procédure de potentielles sanctions pour déficit public excessif par la Commission européenne, dans l’attente fébrile du rendu des agences de notation, l’Etat est confronté à une crise budgétaire majeure, l’une de celle qui, l’histoire du pays nous le rappelle, est susceptible d’engendrer les plus grands désordres politiques et sociaux. Ici même dans notre revue, plusieurs de nos contributeurs, Jean-Yves Archer notamment, n’ont eu de cesse de rappeler l’extrême fragilité de nos comptes publics et le peu de réalisme avec lequel cette question est abordée par nos dirigeants.
Dénis et facilités l’ont emporté depuis des années, portés par des décennies de fuite en avant accéléré et accru par le « septennat » erratique du Président Macron.
L’éminent et sage Jacques de Larosière, l’un des pères de l’euro, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien directeur-général du FMI, a depuis longtemps et dans des analyses toujours solidement étayées dénoncé l’accoutumance à l’argent facile et magique avec laquelle les responsables de ce pays ont nourri au gré du temps les Français. Le constat est intraitable.
Face à cette épreuve, le nouveau chef du gouvernement, confronté à une atmosphère néo IVe République, mais dans un système institutionnel où le Chef de l’Etat dispose de prérogatives dont ses prédécesseurs du régime précédent étaient dépourvus, est évidemment en butte à la question lancinante des moyens de son action.
Triplement dépendant du passif des équipes gouvernantes sortantes avec lesquelles il doit composer pour s’assurer de leur soutien parlementaire, d’une Assemblée polarisée majoritairement autour de ses oppositions et d’un Président de la République qui n’entend pas perdre la main, c’est par « la porte étroite » que Michel Barnier ne peut qu’opérer. Équation complexe, impossible diront les plus pessimistes, structurellement difficilement dépassable tant le macronisme aura débouché sur un solde doublement négatif tant au point de vue des finances du pays qu’au plan institutionnel, en rendant peu gouvernable un régime fondé pour l’être. D’où l’interrogation existentielle non sans écho historique : la IVe fut minée par la question algérienne que le jeu des partis rendait insoluble, en raison d’institutions ne permettant pas aux pouvoirs qui se succédaient dans un mouvement brownien d’établir les bases d’une résolution du conflit qui se jouait tragiquement de l’autre côté de la Méditerranée ; la Ve, de son côté, est corrodée par la crise de la dette que l’affaiblissement constitutionnel dans lequel Emmanuel Macron a plongé le pays ne permet pas de traiter de manière optimale, en l’absence mortifère de majorité. Déjà, alors que la rentrée parlementaire n’a pas encore eu lieu et que le gouvernement est l’objet d’une gestation incertaine, les prurits manœuvriers se découvrent, à commencer au sein d’un bloc central, censé soutenir le Premier ministre mais dont les chevaux-légers font valoir leurs prédispositions aux butins ministériels et à l’orientation politique, eux dont la ligne a été pourtant défaite en juillet mais sans qui l’on ne peut gouverner… Force est de constater que l’équivoque dont a accouché le scrutin du 7 juillet fait peser une lourde hypothèque sur l’expérience balbutiante qui s’ouvre dans un halo d’incertitudes et de scepticisme.
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université