Après l’allocution présidentielle et la conférence de presse du Premier ministre, il convient de s’interroger sur ce que nous dit la communication de l’exécutif, de l’état d’esprit de ce dernier. L’idée générale, dans un contexte de grandes tensions psychologiques et économiques, est d’abord de tenir l’opinion en occupant le terrain, en imposant sa grille de lecture de la situation et en évitant qu’à la préoccupation sanitaire et à l’inquiétude sociale se greffe la crise politique.

Ce sont trois motifs qui de la sorte dessinent l’expression du chef de l’Etat et de son gouvernement.
Tout commence d’abord par la nécessité de démontrer que le choix du reconfinement était le bon, ceci à l’heure où l’acceptation de celui-ci n’est pas unanime, loin s’en faut, notamment parmi ceux dont l’activité est pénalisée, voire mise en danger. Chiffres et infographies à l’appui, President, Premier ministre et ministre de la Santé défendent leur ligne, pariant sans doute sur des données dont on espère qu’elles ne puissent être interrogées. D’aucuns s’y essayent, considérant que la corrélation entre décrue épidémique et mesures de confinement n’est pas aussi mécanique que la présentation gouvernementale ne cesse de le marteler. Jusqu’à maintenant, la controverse reste à bas bruit, même si des questions demeurent quant à l’efficience réelle de la politique d’urgence sanitaire.
Tout se poursuit, mutadis mutandis, par le biais d’une politique qui ronge de l’intérieur l’imaginaire macroniste. Le pays encaisse le choc, certes, mais grâce à ce « pognon de dingue » dénoncé en son temps par les chevaux-légers, et par le premier d’entre eux, de la pensée des marcheurs. C’est l’Etat social qui finance les contraintes liées à l’ordre sanitaire exceptionnel auquel nous sommes soumis. Ce sont les amortisseurs tant décriés qui limitent à ce stade les effets de la crise. La « start-up » Nation n’est plus qu’une antienne oubliée dans la poussière des tréteaux électoraux, une affiche délavée en quelque sorte. Cet État là est bien une providence pour l’exécutif, car sans celui-ci il y a fort à parier que la société n’encaisserait avec autant de patience les assignations bureaucratiques et autres limitations de liberté qu’on lui impose au nom de l’impératif de sa protection. L’histoire retiendra que les progressistes de 2017 sont ceux qui, confrontés à la pandémie, ont été contraints de renoncer à quelques unes des libertés les plus essentielles des libéraux (liberté de se mouvoir, liberté de commercer et pour une part liberté d’entreprendre). Le paradoxe est que ce crash du libéralisme est d’abord le produit d’un État qui n’a pas été en mesure de gérer ce qui relève fondamentalement de son domaine et qui n’a plus d’autre issue que de contraindre la société civile dans la course un peu folle du funambule sur la corde raide.
Tout se conclut, provisoirement, en dissimulant la poussière du branle-bas sous le tapis de la panique. Quid de la dette, épée de Damoclès dont on mesure qu’elle plane au-dessus du futur ? Quid des leçons que nous tirerons de cette désorganisation sans précédent par temps de paix ? Quid de notre réponse à une potentielle troisième vague ? Se raccrocher à l’espoir du vaccin reste un pari, même s’il est à souhaiter que celui-ci vienne nous délivrer du virus. Mais existe t-il un plan B, autre que la mise sous cloche de la société et de ses libertés, si jamais l’espoir vaccinal n’était pas aussi rapidement que prévu au rendez-vous ? C’est maintenant qu’il faut non seulement se poser la question, mais surtout agir.