La notion d’État de droit qui s’est renforcée ces dernières années est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Bien sûr, ce sujet concerne essentiellement les démocraties puisqu’il est entendu que les dictatures, les pouvoirs forts, les potentats, ne respectent aucune des règles relatives à l’État de droit, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse ou l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Qu’il s’agisse de la Russie, de la Turquie, du Venezuela, l’équilibre des pouvoirs n’y est plus respecté, la confusion du pouvoir politique et judiciaire est la règle et la presse libre n’existe plus. Cette question n’est donc pas le sujet de nos propos, ce qui ne signifie pas, au contraire, que les organisations de soutien aux droits de l’homme ne doivent pas continuer à militer pour la défense des droits de l’homme et des minorités dans ces pays.
Le virage réactionnaire des Etats-Unis
Ce qui nous retient ici est l’augmentation de plus en plus fréquente et inquiétante des atteintes à l’État de droit dans les grandes démocraties, en particulier les Etats-Unis et l’Union européenne.
Ces atteintes aux principes qui régissent un Etat démocratique vont très souvent de pair avec une atteinte aux valeurs de nos sociétés démocratiques, en premier lieu sur les sujets de société, émanant de la montée en puissance des extrêmes-droites réactionnaires.
Il est beaucoup question dans cet article de la communauté LGBTQ+, non pas par choix, mais parce que dans tous ces pays, elle est victime d’attaques de plus en plus violentes et convergentes des pouvoirs en place mettant en cause les valeurs de tolérance, composante de l’État de droit, dans sa définition moderne et démocratique et non juridique stricto sensu, notamment dans l’Union européenne.
Montée des idées réactionnaires et remise en cause des institutions démocratiques et judicaires suprêmes caractérisent ainsi le phénomène en cours au Etats-Unis.
Depuis la nomination de trois juges à la Cour suprême des Etats-Unis par le président Donald Tromp, proches de la droite néo-conservatrice voire de l’extrême-droite, les décisions contestées de cette cour se sont succédé.
La Cour suprême a remis en cause le droit à l’avortement, chèrement acquis pour les femmes, et qui avait été consacré par une décision historique de la cour suprême le 22 janvier 1973 dans le célèbre arrêt Roe vs Wade. Cette décision Dobbs vs Jackson Women’s Health Organization est intervenue le 24 juin 2022 par six voix contre trois et rédigée par un des juges proches de la mouvance idéologique de Donald Trump. En abandonnant la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, cette décision renvoie à chaque Etat le soin de décider les modalités, même restrictives, de l’interruption volontaire de grossesse. Dans la foulée de cette décision, plusieurs Etats ont interdit l’IVG obligeant des établissements le pratiquant à fermer leurs portes pour s’installer dans un Etat ayant conservé cet acte.
Les attaques frontales de Donald Trump contre les juges
On serait tenté de dire qu’une Cour suprême ayant pris une décision présente les aspects d’une juridiction indépendante. Toutefois, l’histoire américaine a montré que les juges nommés à vie par le président américain disposent d’un pouvoir considérable sur les enjeux de société. La nomination de trois juges néo-conservateurs aux compétences contestées, a montré une proximité idéologique avec l’ancien président qui, par leurs récentes décisions, ont complètement remis en cause des dizaines d’années de jurisprudence libérale et tolérante. La volonté politique d’influer ainsi à long terme sur les décisions juridictionnelles suprêmes est une première caractéristique de l’atteinte à l’État de droit.
Une autre décision de la Cour suprême démontre l’alignement du juge suprême sur la logique réactionnaire dominante : celle relative à la communauté LGBTQ+. Le 30 juin 2023, la Cour suprême a ainsi donné raison à une créatrice de site web qui refusait de promouvoir le mariage gay, privilégiant ainsi la liberté d’expression à l’anti-discrimination.
Encore une fois, si le juge suprême a pour mission, entre autres, de concilier les différents principes à valeur constitutionnelle, il n’en demeure pas moins qu’une telle décision manifeste une nouvelle fois une régression sur le chapitre de la tolérance aux Etats-Unis.
Jamais aux Etats-Unis toutefois, les juges n’ont été publiquement mis en cause. Le premier à l’avoir fait est l’ancien président des Etats-Unis et de nouveau candidat, Donald Trump, par des par des charges de plus en plus violentes contre les juges dans toutes les affaires dans lesquelles il est soit impliqué, soit inculpé, qu’il s’agisse des émeutes du 6 janvier 2021 et des assauts contre le Capitale pour lesquels Donald Trump est accusé d’avoir tenté par la force de conserver le pouvoir, des affaires d’agression sexuelle contre une femme dans les années 1990, des affaires immobilières de la société de la Trump Tower à New-York, enfin des documents classifiés et stockés dans sa propriété de Mar-a-Lago en Floride pour laquelle il a annoncé qu’il pourrait être interpellé. L’ancien président est même allé jusqu’à insulter les juges et a accusé le ministère de la justice via le procureur général d’être à la solde de Joe Biden.
Ces attaques réitérées et inédites contre les juges aux Etats-Unis ont libéré la parole de nombreux responsables politiques aux idées réactionnaires, comme cette déclaration de Ron DeSantis candidat à l’investiture républicaine pour la Maison-Blanche en 2024 affirmant que les noirs américains avaient bénéficié de l’esclavage, suscitant les réactions indignées- à juste titre- de la vice-présidente Kamala Harris qui a effectué au cours de l’été 2023 une tournée à travers le pays pour lutter contre la recrudescence des idées de la droite néo-conservatrice et réactionnaire.
La mise au pas des juges en Israël et en Pologne
Ces évènements malheureux cachent, n’en doutons pas, un affrontement de moins en moins feutré entre les responsables politiques et les institutions judicaires, caractéristiques de la fragilisation de l’État de droit.
Les Etats-Unis ne sont pas isolés dans ce processus dangereux et délétère.
Ailleurs dans le monde, les démocraties les plus anciennes ou récentes connaissent le même phénomène. C’est le cas en Israël, comme nous l’avons analysé dans la revue politique et parlementaire ( voir mon article du 25 juillet 2023 https://www.revuepolitique.fr/la-democratie-israelienne-est-elle-en-danger/ ), avec la décision de la Knesset prise à la majorité de 64 voix, de pouvoir contourner une décision de la Cour suprême, qui vient annihiler de fait et en droit le contrôle de constitutionnalité exercé par le juge suprême sur les lois votées par le parlement. Cette décision devrait être suivie par une autre délibération visant à modifier la composition du comité chargé de nommer les juges, notamment à la cour suprême.
Si le processus législatif engagé par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, prisonnier de partis politiques classés à l’extrême-droite, devait parvenir à son terme, Israël ne serait plus une démocratie au sens où on l’entend généralement, mais deviendrait de fait une démocrature, un Etat illibéral.
Le juge suprême ne serait par exemple plus en situation de vérifier les atteintes par la loi aux droits de la communauté LGBTQ+. Malgré des millions de manifestants présents dans la rue tous les samedis depuis le mois de janvier, le gouvernement reste à ce jour décidé à ne pas reculer.
D’autres pays connaissent également une évolution vers un état illibéral : c’est le cas de la Pologne et de la Hongrie. Sous la houlette des deux partis politiques aux idées d’extrême-droite, le parti paix et justice (PiS) en Pologne et le Fidesz en Hongrie, les dirigeants de ces deux pays ont décidé de soumettre la justice au pouvoir politique et à son bon vouloir, suscitant des réactions de la part de la commission européenne qui a initié à leur encontre une procédure d’infraction. Ces deux Etats ont pourtant souscrit aux traités européens, et notamment à l’article deux du traité sur l’Union européenne qui prévoit que « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Depuis l’accession au pouvoir de Andrzej Duda-président- et de Mateusz Morawiecki Premier ministre, la Pologne a brutalement violé plusieurs de ces principes, en premier lieu l’indépendance du tribunal constitutionnel.
Le parti au pouvoir, droit et justice, a d’abord décidé de reprendre le contrôle de cette instance suprême chargée comme dans toute démocratie occidentale d’exercer le contrôle de constitutionnalité des lois en changeant le mode de désignation des juges et en décidant de renvoyer une partie d’entre eux avant le terme de leur mandat.
Ayant réalisé cette réforme condamnée par la Commission européenne, le tribunal constitutionnel polonais désormais sous la coupe du pouvoir politique, a lui-même les 14 juillet et 7 octobre 2021 rendu deux décisions très importantes remettant en cause la supériorité du droit de l’Union européenne dont plusieurs articles du traité tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne.
Il est de règle que le droit de l’Union européenne est supérieur aux lois nationales dès lors que le pays a ratifié le traité. Seul l’ordre constitutionnel interne reste au sommet de la pyramide des normes. Le gouvernement polonais a beau jeu aujourd’hui de dire qu’il fait prévaloir l’ordre constitutionnel interne après avoir soumis le juge suprême à son bon vouloir politique et après avoir souscrit aux valeurs de l’Union européenne avant de s’assoir dessus.
La Commission européenne a donc décidé d’introduire une procédure d’infraction contre la Pologne pour atteinte à l’État de droit. La commission a considéré que ces décisions des mois de juillet et octobre 2021du Tribunal constitutionnel enfreignaient les « principes généraux d’autonomie, de primauté, d’effectivité et d’application uniforme du droit de l’Union ainsi que le caractère contraignant des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ». Si la Pologne a répondu sur les différents points, force est de constater qu’à ce jour, la commission européenne n’a pour l’heure pas poursuivi cette procédure en raison de la guerre en Ukraine et paradoxalement, la Pologne qui est aux avant-postes dans le soutien à l’Ukraine peut ainsi impunément continuer à violer le droit de l’Union européenne sans encourir les foudres de l’Union européenne.
La Pologne a pu ainsi à sa guise passer plusieurs législations interdisant de fait aux femmes de se faire avorter (bien que ce principe ne soit pas régi par le traité sur l’Union européenne mais protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales), ou encore afin de discriminer la communauté LGBTQ+ en créant des zones censées les exclure.
La Pologne est un exemple caricatural de la rupture de l’état de droit en plein cœur de l’Europe. Mais aujourd’hui, toute critique contre ce pays est regardée comme incongrue. La guerre et la raison d’Etat ont fait disparaître le combat pour le respect des droits de l’homme dans ce pays, provisoirement.
La Hongrie, le Royaume-Uni et l’Italie et la mise en place d’une politique d’extrême-droite
La Hongrie est aussi visée par une procédure d’infraction par la commission européenne. Viktor Orbán, son premier ministre toujours réélu depuis plus de treize ans a lui aussi rogné considérablement sur l’État de droit : les juges y sont contraints et soumis, la presse libre et indépendante a disparu et le parti du premier ministre est accusé de corruption dans l’utilisation des fonds structurels de l’Union européenne. Le 15 juillet 2022, la commission européenne a saisi la Cour de justice de l’Union européenne concernant la violation du droit des droits des personnes appartenant à la communauté LGBT+ outre, le même jour, une nouvelle procédure d’infraction sur la disparition d’une fréquence d’une radio qui était indépendante du pouvoir. Ce pays a aussi été privé d’une partie des fonds de relance post-covid pour violation des règles sur l’État de droit mais exige de recevoir son argent.
Voilà donc deux pays, sortis du joug communiste et ayant été reçus à bras ouverts par l’Union européenne le 1er mai 2004, en train de renier les valeurs au nom desquelles ils ont été admis.
Encore une fois, la guerre en Ukraine a mis en bémol ce contentieux qui perdurera toutefois et qui met en danger le socle des valeurs de l’Union européenne. Est-ce à dire qu’il n’existe pas d’autres foyers inquiétants en Europe sur cette question ? Il est possible de citer le Royaume-Uni qui, bien que n’appartenant plus à l’Union européenne, reste encore sous le contrôle juridictionnel de la cour de Strasbourg.
Le discours très populiste et nationaliste des gouvernements conservateurs successifs depuis le référendum sur le brexit au mois de juin 2016, a également comporté des propos extrêmement choquants de la part des premiers ministres et des ministres de l’intérieur sur les juges chargés d’exercer leur contrôle sur les lois anti-immigration.
Le gouvernement a ainsi, depuis deux ans, décidé de passer un accord avec le Rwanda pour faire de ce pays une plateforme destinée à étudier les demandes d’asile des étrangers en situation irrégulière. Il s’agissait et il s’agit toujours d’expulser vers ce pays les étrangers en situation irrégulière, quelles que soient leur nationalité, vers ce pays. Le gouvernement a constamment défié la justice nationale mais la Cour européenne des droits de l’homme a in extremis ordonné la suspension d’un premier train d’expulsions vers ce pays. Dans sa volonté de défier l’autorité de la cour de Strasbourg, le gouvernent a de nouveau légiféré mais s’est de nouveau heurté à un refus de ses pratiques par la cour d’appel de Londres. Le pouvoir a ouvertement et publiquement pris à parti le pouvoir judiciaire jusqu’à envisager de quitter la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
En Italie, le gouvernement de la néo-conservatrice Giorgi Melloni dont le parti comporte des nostalgiques de l’ancien dictateur Benito Mussolini dont elle se disait proche dans sa jeunesse, a également décidé de mener une politique reflétant ses choix idéologiques, enjoignant aux maires, à travers des juges proches d’elle sur le plan idéologique, de ne plus enregistrer sur les registres de l’état-civil les mères lesbiennes non biologiques d’enfants nés d’une telle union, laissant planer un doute sur l’indépendance de la justice et ce en violation des règles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La présidente du conseil italien a aussi envoyé des circulaires aux préfets de région pour leur demander de ne plus accueillir les étrangers ayant sollicité l’asile en Italie et renvoyés par tel ou tel pays, notamment la France et la Suisse (processus des règlements Dublin).
La situation particulière de la France
Est-ce à dire que tout irait bien ailleurs ? La situation est aussi inquiétante dans d’autres pays.
La situation de la France est spécifique à bien des égards. Grande démocratie garante des droits de l’homme par sa Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 qui est à la base de notre République et du contrôle de constitutionnalité, elle doit concilier cette référence juridique avec une autre tradition : celle d’une violence politique extrême qui éclate régulièrement dans des soulèvements, manifestations et autres coups de force mettant en cause le fonctionnement des institutions.
Depuis 1789, même bien avant, le peuple français s’enorgueillit d’une tradition révolutionnaire qui a, à de nombreuses reprises, conduit à des soulèvements et révoltes souvent réprimés dans la violence, par exemple la Commune de Paris. En 1958, la quatrième République finit lamentablement en raison des évènements en Algérie et c’est par un quasi coup d’Etat que le général de Gaulle accède au pouvoir au mois de juin 1958 avant de créer, en procédure accélérée, ce qui allait devenir République la plus autoritaire du pays : la Vème République.
Depuis, le peuple français vit sous l’emprise d’une République qui, au cours des décennies, s’est érigée en régime présidentialiste malgré sa vocation parlementaire du début telle qu’elle était défendue alors par Michel Debré devant le conseil d’Etat dans son discours du mois d’août 1958. Le présidentialisme a pris le dessus sur le caractère parlementaire de la Vème République surtout depuis la mise en place du quinquennat et la concomitance entre les mandats présidentiel et parlementaire (voir sur cette question mon ouvrage « Vers une VIe République » publié aux éditions Studyrama en 2021)
Toutefois, les soubresauts révolutionnaires des dernières années avec la crise des gilets jaunes et surtout le débat sur les retraites, les émeutes suite à la mort d’un jeune homme à Nanterre au mois de juin 2023 et des graves blessures d’un autre jeune homme à Marseille du fait de policiers, enfin en présence d’une configuration parlementaire confuse, le débat a montré une montée en puissance de la violence verbale de nature à remettre en cause l’État de droit d’une façon grave et persistante.
Il convient de mentionner bien sûr des attaques contre la justice faites par le directeur général de la police nationale en personne, soutenu par le préfet de police de Paris ravivant d’une façon violente les tensions qui ont toujours existé entre le Ministre de l’intérieur et le Ministre de la justice. En dénonçant l’incarcération d’un policier à Marseille et en réclamant un statut spécial pour un policer mis en cause lors d’une intervention policière, relayé par un syndicat de police, la police a allègrement violé la séparation des pouvoirs plaçant le président de la République Emmanuel Macron et la première ministre Elisabeth Borne dans une situation de grand embarras.
En mettant en cause d’une telle façon la justice, malgré le débat légitime qui peut exister sur la politique pénale, les policiers ont porté une atteinte grave à l’État de droit.
Mais il serait injuste de s’arrêter là. D’autre éléments pourraient susciter des inquiétudes. Les décisions des juges sont aussi de plus en plus commentées et dénoncées dans des termes qui frisent l’insulte. Lorsque le conseil constitutionnel rend une décision, certains, dans l’opposition comme dans la majorité, dénoncent des décisions politiques. Les juges seraient politiques et non indépendants. Cette opinion prend sa source dans le fait que les nominations des juges constitutionnels sont le fait exclusif de trois personnalités politiques (président de la République, président de l’Assemblée nationale, président du Sénat). Sur ce point il sera judicieux à l’avenir d’élargir le mode de nomination des juges constitutionnels. Lorsque, au Conseil d’Etat, le rapporteur public a prononcé ses conclusions sur une affaire récente concernant le port du voile lors d’une manifestation sportive féminine dans lesquelles il affirmait que rien ne s’opposait au port du voile lors d’un match, certains, y compris de journalistes, n’ont eu de cesse de critiquer la « décision » du rapporteur public pour jeter en pâture la plus haute juridiction administrative française, alors qu’à ce stade, le rapporteur public ne rend pas de décision, mais donne un avis. Au final, le Conseil d’Etat n’avait pas suivi son rapporteur public ; toutefois, cette affaire avait suscité déjà les plus grandes critiques des responsables politiques montrant la propension de la classe politique à porter atteinte à l’État de droit quand leurs idées ou leurs objectifs politiques et électoraux sont contrariés, surtout en période électorale et dans un contexte marqué par la montée de l’extrême-droite en France comme partout en Europe.
De façon générale, la logique sécuritaire l’emporte peu à peu partout sur la nécessaire préservation des libertés publiques, avec une accélération, surtout depuis la crise sanitaire. En France, l’objectif à valeur constitutionnelle de préservation de la santé publique l’a au final emporté sur l’exigence constitutionnelle de respect des libertés publiques.
Partout en Europe, la sécurité tend à l’emporter sur le respect de la liberté individuelle. Les pays développent d’une façon impressionnante la vidéosurveillance et l’expérimentation de la reconnaissance faciale sans que l’on sache dans quelle mesure les juridictions ou les autorités administratives indépendantes ont le pouvoir de contrôler les modalités de mise en place de tels instruments intrusifs. Dans un contexte sécuritaire, l’Europe tend à moins protéger les libertés, les juridictions sont moins audibles car moins soutenues dans leur travail et décisions, et les citoyens moins protégés contre les abus, sans pour autant qu’ils ne s’en aperçoivent, dans un premier temps, soit qu’ils s’y résignent dans des circonstances exceptionnelles.
Les attaques de plus en plus importantes contre l’État de droit et la montée de l’illibéralisme dans les démocraties occidentales exigent le retour d’une très grande vigilance qui a décru ces dernières années. Le temps est à la reconquête des libertés publiques. C’est l’un des principaux défis des prochaines années.
Patrick Martin-Genier