Bien qu’elles fassent partie de la vie quotidienne des Français depuis l’Ancien Régime, les concessions suscitent encore la défiance notamment concernant leur contrôle. Cette suspicion est-elle réellement fondée ? Jean-Marc Peyrical, avocat spécialiste du droit des concessions, tente d’apporter une réponse.
Contribuent encore aux difficultés le défaut de clarté des régimes contractuels, l’insuffisante concurrence entre les entreprises privées, de même que les lacunes constatées dans l’information des élus et des usagers ; enfin les contrôles des délégations de service public sont souvent trop peu rigoureux, voire inexistants ».
Cet extrait du rapport n°4327 de janvier 1997 de la Cour des comptes sur la gestion des services publics locaux d’eau et d’assainissement est révélateur de la suspicion qui a longtemps pesé – et pèse toujours – sur les conditions de la gestion externalisée des services publics industriels et commerciaux et plus largement des activités publiques. Ce focus sur l’eau et l’assainissement – qui a donné lieu à d’autres rapports de la Cour des comptes depuis – n’étant qu’un pan d’une critique plus large sur le manque de maitrise par les collectivités publiques, notamment locales, sur de telles conditions.
Symboliquement, ainsi, la concession – remplacée un temps par la convention de délégation de service public1 – est souvent perçue comme l’instrument de la mainmise du monde privé sur le monde public, et donc d’une défaillance du fonctionnement de notre système démocratique.
D’ailleurs, la concession est de façon récurrente synonyme de privatisation, et donc de la cession au privé de la chose publique. Il n’en est juridiquement rien, la concession ne revenant pas à transférer au secteur privé la propriété d’un équipement ou d’une activité publique mais à en externaliser pour un temps imparti son exploitation. Autrement dit, la concession est un mode de gestion des activités publiques, un contrat de la commande publique au même titre que le marché public.
Stigmatiser le manque de contrôle du concédant sur le concessionnaire revient à faire un drôle de procès à un mode contractuel qui a su historiquement faire ses preuves. Sans remonter jusqu’au Moyen Âge voire jusqu’à l’époque romaine, où l’on trouve de nombreuses traces de montages concessifs pour des équipements publics, il convient juste de rappeler que la plupart de nos réseaux d’infrastructures – eau, assainissement, gaz, électricité, chemins de fer, métro, tramway, autoroutes, chauffage urbain… – ont été réalisés et financés par les entreprises privées via le mécanisme de la concession, et ce tout particulièrement aux 19e et 20e siècles2. Une ville comme Paris a vu bon nombre de ses quartiers et monuments, de la place Vendôme à la tour Eiffel en passant par l’opéra de Paris, érigés et financés via des concessions ; le baron Hausmann ayant lui-même bénéficié entre 1851 et 1860 de 42 contrats de concession afin d’assainir et remodeler la capitale française. Et on a toujours aujourd’hui des concessions emblématiques, du tunnel sous la Manche au stade de France en passant par le pont de Normandie ou le viaduc de Millau, sans oublier toutes les concessions locales – parkings, centres aquatiques, cités de gastronomie… – qui illustrent la bonne vivacité d’un mode de construction et de gestion pourtant régulièrement décrié3.
Malgré ce succès qui ne se dément pas avec le temps – et qui démontre que bien des équipements publics n’ont pas été financés par les contribuables mais par des fonds privés –, la suspicion sur le manque de contrôle sur les concessionnaires perdure.
Est-elle réellement fondée ? Ce rapport de force à priori inégal entre concédants et concessionnaires ne traduit-il pas plutôt un manque d’expertise et de compétences des premiers au bénéfice des seconds ?
Le présent article tentera d’apporter une réponse à de telles questions, et tracera des pistes quant à des solutions et alternatives susceptibles de donner davantage de moyens aux collectivités publiques pour assurer un contrôle efficient des titulaires de leurs concessions.
Critiques récurrentes
Dans son rapport public pour l’année 2010 dont le thème central était « l’eau et son droit », le Conseil d’État dressait un bilan révélateur de la perception de ce qu’on appelait à l’époque les conventions de délégation de service public : « Trois grandes critiques sont adressées à la délégation : l’asymétrie d’information entre les parties au contrat, la grande stabilité des opérateurs en place et une répartition des gains de productivité d’autant plus avantageuse pour le délégataire qu’il jouit d’une longévité garantie par son contrat ». Autrement dit, ce type de contrat n’était pas transparent, insuffisamment concurrentiel et financièrement déséquilibré au profit des opérateurs économiques. La fameuse loi Sapin du 29 janvier 1993 avait donné le ton : relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, elle a justement eu comme socle la mise en place d’une nouvelle catégorie contractuelle, la convention de délégation de service public, dont la souscription devait être précédée de procédures de publicité et de mise en concurrence. La convention de DSP a ainsi tout de suite été rapprochée de la corruption et donc du délit pénal : la procédure de passation qui lui a été imposée signifiait, en filigrane, que les concessions ante 1993 étaient le lit de l’opacité et de la corruption… Il faut dire qu’à cette époque, avec de plus l’avènement du délit de favoritisme4, les marchés publics et délégations de service public étaient souvent perçus comme des instruments de manquements à la probité, l’affaire des METP (Marchés d’entreprise de travaux publics) des lycées d’Île-de-France n’ayant fait qu’enfoncer le clou en la matière5.
Pourtant, pendant toutes ces années jusqu’à aujourd’hui, les conventions de délégation de service public et autres concessions et affermages ont continué à avoir du succès et à être utilisées par les collectivités publiques notamment locales. Lors d’une rencontre organisée le 26 mars 2013 par la Chaire économie des partenariats public-privé de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne pour les vingt ans de la loi Sapin, une étude présentée a fait apparaître que les procédures en relevant restaient nombreuses chaque année – 822 en 2010 et 749 en 2011 – ; et que les dispositifs mis en place par le texte avaient eu des effets positifs tant sur la concurrence que sur le prix des services concernés et sur la durée des contrats.
À côté de cela, certaines villes ont décidé de « remunicipaliser » leurs services jusque-là délégués6, certaines avec des effets d’annonce tels que le mouvement de transformation des DSP en régie a pu apparaître plus profond qu’il ne l’était en réalité. Sans entrer dans un débat quelquefois davantage politique que technique, la mise en place d’une régie n’est pas toujours la situation idéale pour gérer un service de nature industrielle et commerciale. Dans des domaines souvent très techniques, comme l’eau et l’assainissement mais aussi les transports, le chauffage urbain ou encore, sans être exhaustif, les centres aquatiques, le recours à la régie et donc à la gestion directe nécessite de réelles compétences et donc de forts moyens humains, techniques et financiers7. D’ailleurs, bien des régies issues de transformations de DSP font appel à la technique des marchés de services mais aussi des sous contrats pour pallier les carences rencontrées dans le cadre de la gestion des services concernés.
Pour reprendre le Conseil d’État dans son rapport de 2010 précité, « si la gestion déléguée fait l’objet de critiques régulières, la polarisation de ce débat sur ses imperfections détourne l’attention de la situation préoccupante dans laquelle se trouvent certains services gérés en régie ». Et d’ajouter que « Aucun des modes de gestion ne pouvant prétendre en tout temps et en tout lieu à une supériorité absolue, il convient surtout de s’assurer que la législation facilite la réversibilité de l’un à l’autre, qu’elle n’introduise pas entre eux de distorsions injustifiées et qu’elle tende à faciliter un choix libre et éclairé ».
La situation est donc paradoxale. Le manque de contrôle des autorités publiques sur leurs concessionnaires apparaît consubstantiel aux concessions, alors que ces dernières sont des outils reconnus et régulièrement utilisés de financement et de gestion privés d’équipements collectifs. La question est peut-être plus irrationnelle que juridique, d’autant que les autorités concédantes disposent d’une palette d’outils permettant d’assurer une effectivité de leurs contrôles qui ne cesse de s’enrichir avec le temps.
Une question d’organisation ?
La transparence, un des trois grands piliers de la commande publique à côté de la liberté d’accès et l’égalité de traitement, concerne l’ensemble du process d’une concession, de la désignation du titulaire du contrat aux conditions d’exécution de ce dernier, ce qui comprend les relations concédant-concessionnaire. Or, cette transparence « à tous les étages » n’a cessé de s’accroître et s’amplifier sous l’effet de textes imposant de plus en plus de contraintes en la matière. Cette évolution se matérialise au sein du code de la commande publique, et notamment de son article L.3131-5 qui impose au concessionnaire de produire chaque année un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession et une analyse de la qualité des ouvrages ou services. Les articles R.3131-2 à 4 du code précisent le contenu de ce rapport et les données comptables qu’il doit contenir, données plus importantes et plus riches en présence de la gestion d’un service public.
Quelques mots sur ce rapport annuel. Il fait là encore l’objet de critiques récurrentes de la part des acteurs publics, qui dénoncent pêle-mêle son côté souvent obscur et incompréhensible, son rendu tardif et, globalement, sa relative inutilité. Pourtant, afin de faire face et tenter de maîtriser des documents effectivement assez techniques, il existe des solutions. D’abord celle de se faire entourer par des experts, des assistants à maîtrise d’ouvrage (AMO) spécialisés susceptibles de décrypter cette technicité et d’apporter une vraie valeur ajoutée à la collectivité publique. Nul doute que le coût d’une telle mission d’assistance représentera peu au regard des économies induites et de la sécurité juridique et financière ainsi apportée au concédant. Ensuite celle de prévoir des pénalités contractuelles en cas de retard dans la production des documents, voire de mauvaise foi dans le cadre de cette dernière qui se manifesterait par des oublis, des envois incomplets… sachant bien entendu qu’il ne suffit pas de prévoir de telles sanctions… l’essentiel étant de se donner les moyens de les appliquer et donc de donner une véritable force aux stipulations contractuelles idoines.
Au delà de ce rapport, le code de la commande publique va plus loin et impose aux concessionnaires, en cas de gestion d’un service public, de fournir aux autorités concédantes « les données et bases collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public faisant l’objet du contrat et qui sont indispensables à son exécution » – article R.3131-2. Et « l’autorité concédante ou un tiers désigné par elle peut extraire et exploiter librement tout ou partie de ces données et bases de données, notamment en vue de leur mise à disposition à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux ». Au vu de ces éléments, la transparence peut aller très loin et avoir des répercussions en termes de droits de propriété intellectuelle qu’il est sans doute prudent de prévoir et de traiter dès le stade de la rédaction et de la négociation du contrat.
À noter d’ailleurs que les obligations de transparence dans les concessions et plus largement les contrats de la commande publique concernent aussi… les concédants, qui doivent rendre accessibles les données essentielles des contrats – article L.3131-1 du code –, en offrant un accès « libre, direct et complet » à des données portant sur la passation et l’exécution du contrat mais aussi son contenu – article R.3131-1 – … symbole de l’avènement de l’open data dans la commande publique.
Un bon contrôle de l’exécution du contrat dépend aussi des relations entre les parties à ce dernier, parties liées rappelons-le par une obligation de loyauté qui peut se révéler redoutable en cas de contentieux entre elles8.
Et là encore quelques clés contractuelles peuvent être les garants sinon d’une parfaite entente du moins d’un dialogue entre les co-contractants. Il en est ainsi des clauses de réexamen – article R.3135-1 – qui permettent aux parties de se revoir de façon régulière et de discuter de l’évolution des conditions d’exécution de leur contrat, et d’en envisager le cas échéant des évolutions s’agissant du périmètre des prestations, de l’apparition de circonstances imprévues, de la substitution du concessionnaire par un autre, ou encore de toute modification, non substantielle bien entendu, d’une ou plusieurs de ses dispositions et de ses conséquences notamment en termes financiers.
L’autre clé réside dans la faculté de prévoir des modalités de règlement amiable des litiges, et donc tous les mécanismes de conciliation, médiation, transaction ou encore, selon les cas, arbitrage relevant des articles L.3137-1 à L.3137-5 du code ; mécanismes qui, dans une majorité de cas, permettent non seulement d’éviter le contentieux mais d’instaurer des échanges suffisamment constructifs entre les parties pour arriver à dégager une solution amiable à leur différend. Même si le règlement amiable des litiges tend à se développer de façon exponentielle dans le cadre de l’action administrative, il reste encore peu utilisé dans le cadre de contrats de longue durée et d’une ampleur certaine comme la plupart des contrats de concession.
À une heure où la professionnalisation des acheteurs publics est à la mode, sans doute faut-il évoquer dans la même veine la professionnalisation des autorités concédantes, qui, à vrai dire, sont souvent les mêmes. Rédaction et négociation du contrat, suivi de son exécution via une vraie stratégie de « contract management », gestion amiable du contentieux : le chemin est tracé et nécessite des actions de formation des agents concernés et une organisation à la hauteur des enjeux posés par des types de contrats souvent à haut risque et d’une grande sensibilité dans le cadre des relations administration-usagers. Et une telle nécessité s’impose d’autant plus dans la période de crise économico-sanitaire due à l’épidémie du Covid-19 qui impose une ingénierie contractuelle encore plus fine afin d’en tirer toutes les conséquences et préparer l’avenir de contrats la plupart du temps indispensables à une bonne exécution des services publics – et au-delà des prestations publiques – fournis aux usagers de l’administration.
Solutions alternatives
Ainsi que cela a été souligné (voir note de bas de page 1), la concession ne se distingue pas toujours très clairement du marché public, et cela est d’autant plus exact pour ce qui est d’une des formes de ce dernier, à savoir le marché de partenariat qui a succédé en 2015 au contrat de partenariat issu de l’ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004. La concession comme le marché de partenariat sont en effet deux modalités de financement privé – en tout cas en partie privé – d’équipements publics ; deux contrats publics à maîtrise d’ouvrage privée avec appropriation temporaire des équipements réalisés, bien qu’ils n’aient pas le même sort en fin de contrat.
Bien que, entaché par certains échecs de son prédécesseur à la fois pointés du doigt par la Cour des comptes et largement médiatisés9, le marché de partenariat n’a pas vraiment le vent en poupe, il peut représenter sur certains projets une alternative intéressante au contrat de concession. Du point de vue de l’opérateur économique, celui-ci peut percevoir pour une part plus ou moins importante selon les contrats et les opérations une rémunération versée par l’autorité publique, rémunération destinée à rembourser tout ou partie de ses coûts d’investissement, de fonctionnement et de financement. Et même si cette rémunération est limitée, au regard par exemple des revenus issus d’activités annexes, de la valorisation du domaine ou des subventions provenant de diverses structures publiques, elle sera un élément de sécurité aux yeux des candidats à la concession, ainsi qu’à ceux des investisseurs financiers appelés à intervenir dans l’opération. Quant à la personne publique – de toutes les personnes publiques ayant en fait participé au financement des investissements –, elle peut prendre une participation minoritaire au capital du titulaire lorsque celui-ci est constitué en société dédiée à la réalisation du projet – article L.2213-6 du code. En termes d’information mais aussi de contrôle sur le fonctionnement de la société et par là même le déroulement du contrat, une telle possibilité est intéressante bien qu’elle présente des risques pour l’autorité publique en tant qu’actionnaire. Il reste qu’une telle approche en termes capitalistiques est une modalité de réponse aux difficultés qui peuvent être rencontrées dans le cadre du contrôle public sur l’exécution des marchés de partenariat, cette possibilité n’existant pas pour les contrats de concession.
Une autre alternative au contrat de concession proprement dit est la Société d’économie mixte à objet unique-SEMOP10. Comme pour le marché de partenariat, elle offre la possibilité aux collectivités publiques d’entrer dans le capital de la structure chargée d’exécuter le contrat, en bénéficiant cette fois d’une minorité de blocage et donc d’un minimum de 34 %. L’autre actionnaire sera l’opérateur économique choisi après mise en concurrence – sur la base d’une procédure de marché public ou de concession –, leurs relations et leurs modalités de fonctionnement étant appelées à être définies, au-delà des statuts de la société, au sein d’un pacte d’actionnaires. Sur un plan politique, la SEMOP est sur le papier une excellente solution : elle permet de concilier contrats de la commande publique – et donc respect des règles de publicité et de mise en concurrence – et contrôle de leur exécution. Elle est en cela une réponse claire et opérationnelle à la question de la perte de contrôle des concessionnaires par les concédants. Six ans après son apparition dans notre système juridique, son succès est cependant mitigé. On compte à ce jour 16 SEMOP plus ou moins abouties contre 359 Sociétés publiques locales (SPL) selon les derniers chiffres de la Fédération des EPL. Qu’est-ce qui peut expliquer le relatif échec d’un outil pourtant attirant ? Peut-être la lourdeur de sa procédure de constitution, qui fait se cumuler en fait deux procédures, l’une pour le choix de l’attributaire du contrat de la commande publique et l’autre pour la constitution de la SEMOP. Bien qu’elles puissent être menées de manière masquée, elles peuvent décourager des autorités publiques déjà désireuses, tout en restant dans la légalité, d’assouplir le plus possible leurs procédures de passation de contrats de la commande publique.
Sans doute, surtout en cette période de relance économique où la commande publique va nécessairement jouer un rôle phare, faudrait-il inventer de nouveaux mécanismes, ou tout au moins en assouplir certains existants – à l’instar du marché de partenariat précité dont les conditions de recours sont souvent jugées drastiques et inadaptées à la réalité –, ne serait-ce que de manière temporaire. Par exemple, pour ne tracer qu’une piste, permettre aux collectivités territoriales, tout en encadrant cette possibilité, de recourir de nouveau aux baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour la réalisation de leurs équipements publics du type groupes scolaires, ce qui est aujourd’hui impossible alors que le BEA comme l’autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels (AOT droits réels) ont prouvé leur utilité en se posant comme une véritable alternative aux marchés publics classiques et aux concessions, surtout pour les projets d’équipements d’une ampleur et d’un montant limités.
Les concessions sont-elles donc hors de contrôle ? La réponse ne peut qu’être nuancée, le champ d’intervention des concessions étant particulièrement vaste et appelant des contextes et situations par nature très divers.
On ne peut cependant s’empêcher de penser que les clés du problème sont détenues par les décideurs politiques.
D’abord, avant tout au plan local, par les responsables des collectivités qui doivent impérativement se doter des capacités de maîtriser leurs politiques de gestion de leurs services, publics ou non, qu’ils soient gérés en direct, via une SPL ou externalisés auprès d’un opérateur économique privé. Ensuite au plan national, où nos représentants élus peuvent encore faire évoluer les choses et enrichir tout en l’assouplissant la boîte à outil utilisée pour la gestion contrôlée de la chose publique.
Jean-Marc Peyrical
Avocat associé
Maître de conférences à l’Université Paris-Saclay
Directeur de la Chaire Achat Public de l’Université
Président de l’Association pour l’achat dans les services publics (APASP)
- La notion de convention de délégation de service public est apparue avec la loi 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale et a été consacrée par la loi 93-122 dite
« Sapin » relative à la prévention de la corruption. Tel que cela ressort des travaux préparatoires de cette dernière, le périmètre de ces conventions comprenait la concession, l’affermage, la régie intéressée et la gérance. Depuis l’ordonnance 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, aujourd’hui codifiée au sein du code la commande publique, la notion de concession a repris le dessus et a remplacé celle de convention de délégation de service public qui n’est plus qu’une de ses catégories. On notera que la frontière entre la concession et le marché public – qui sont tous deux des contrats souscrits à titre onéreux pour répondre aux besoins d’une collectivité publique en matière de travaux, fournitures et services – est assez floue et ne repose que sur un critère, le risque lié à l’exploitation qui doit normalement caractériser la concession. ↩ - Xavier Bezançon, 2000 ans d’histoire du partenariat public-privé, presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 2004. ↩
- La lecture du rapport du service des concessions de la ville de Paris pour l’exercice 2018 dévoile de son côté l’existence de 192 contrats de délégation de service public, et ce dans des domaines très divers : énergie, équipements de tourisme et de loisirs, déplacements, équipements sportifs, équipements et services culturels, jeunesse-famille-petite enfance, marchés couverts et découverts, développement économique et services funéraires. ↩
- Article 432-14 du code pénal relatif aux atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession. ↩
- Après une longue enquête a été mis à jour un vaste système de détournement de centaines de millions de francs notamment au profit de partis politiques via les marchés de construction et d’entretien de dizaines de lycées de la région. Le tribunal correctionnel de Paris a, le 26 octobre 2005, condamné 43 prévenus, élus, agents publics et responsables d’entreprises, dont le président de la Région, le directeur de cabinet du maire de Paris et un député, connu pour avoir été champion olympique du 110 mètres haies en 1976. Celui-ci sera finalement amnistié par le Président de la République en 2006. ↩
- On pense bien sûr à la création le 1er janvier 2009 de la Régie Publique Eau de Paris, ainsi qu’à Grenoble ou encore à Nice, où la Métropole a repris en direct non seulement la gestion de l’eau mais aussi celle de l’assainissement, des transports publics, des cantines, du festival de jazz et d’un marché. Comme on le voit, ces remunicipalisations transcendent les clivages politiques… ↩
- Une étude de l’Institut de la Gestion Déléguée – Atlas des modes de gestion des services publics locaux en 2019 dans les villes et intercommunalités de plus de 30 000 habitants – a ainsi démontré que la gestion externalisée restait majoritaire dans des secteurs nécessitant des savoir-faire et processus technologiques complexes comme les réseaux de chaleur – 72 % – ou le transport urbain – 75 %. La gestion déléguée a même augmenté dans certains domaines, comme celui de la valorisation des déchets, tout en restant minoritaire dans d’autres comme l’éclairage public ou la restauration collective. L’étude note aussi que de nombreuses reprises en gestion directe se font non pas par le biais d’une régie mais par celui d’une société publique locale (SPL). ↩
- CE, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req n° 304802 : un contractant ne peut, en cours d’exécution du contrat et dans le but de se soustraire à ses obligations, invoquer des vices dans la formation dudit contrat au mépris de l’exigence de loyauté des relations contractuelles. ↩
- On pense bien sur ici à la construction de l’hôpital sud-francilien via un bail emphytéotique hospitalier, qui a donné lieu à des années de conflits entre le centre hospitalier et l’emphytéote et s’est terminé par une coûteuse résiliation le 11 avril 2014. À noter que la CRC d’Île-de-France a, dans son rapport rendu public le 26 janvier 2015 dans cette affaire, reconnu que ce n’était pas l’outil juridique en lui-même qui avait été à l’origine des dérapages et dysfonctionnement constatés mais davantage l’utilisation qui en a été faite par ses utilisateurs tant publics que privés… ↩
- Créée par la loi 2014-744 du 1er juillet 2014, articles L.1541-1 à L.1541-3 du CGCT. ↩