Depuis l’élection présidentielle de 2017, la procédure de sélection du candidat d’une formation politique par primaire fait l’objet d’un puissant rejet. Ses contempteurs font valoir, à juste titre, qu’aucune des trois personnalités désignées de cette façon (successivement Yannick Jadot, François Fillon et Benoît Hamon) ne participa au second tour.
À droite, les préventions sont à la mesure de la frustration née d’une victoire manquée après avoir été longtemps promise. Plusieurs responsables des Républicains ont ainsi exprimé de fortes réserves contre l’organisation d’une nouvelle primaire en 2021 : arguant que l’échec de la droite était directement imputable à cette procédure, ils jugent impératif de ne pas reproduire la même erreur.
Les sympathisants de droite partagent-ils ce diagnostic et cette prescription ? Pour le savoir, nous avons interrogé1 un échantillon national représentatif de 5 042 Français, au sein duquel nous avons isolé les réponses de 604 sympathisants de droite et 492 sympathisants des Républicains, catégorie qui ne recoupe pas strictement celles des militants et des adhérents du parti.
L’échec de la droite en 2017 est lié aux affaires, plus qu’à la primaire
Pour les sympathisants de droite, le principal motif de l’échec lors de la dernière élection présidentielle réside dans le climat délétère créé par les affaires concernant le candidat des Républicains : il s’agit de la première raison identifiée et de la seule majoritaire (74 %, et même 78 % parmi les électeurs de François Fillon). Rappelons, à cet égard, que les premières révélations du Canard enchaîné sont intervenues le 28 janvier 2017, soit deux mois après la désignation du candidat au soir du second tour de la primaire, le 27 novembre 2016.
Les « divisions nées de la primaire » sont citées en deuxième position (16 %), mais plus de 50 points derrière les divers scandales ayant mis en cause le candidat. La difficulté à surmonter les conflits apparus pendant la campagne électorale a sans doute été favorisée par les dates de la primaire, plus que par la primaire elle-même. Le calendrier tardif retenu pour le scrutin, organisé fin novembre soit un mois plus tard que la primaire citoyenne de la gauche en 2011, n’a pas permis un temps de réconciliation.
Enfin, « le programme économique du candidat », parfois stigmatisé pour sa radicalité, n’est en cause que pour 6 % des sympathisants de droite dans la défaite au premier tour de 2017.
Les causes de la défaite des Républicains en 2017
Question : Diriez-vous que la défaite des Républicains à l’élection présidentielle de 2017 est due principalement… ?
Par conséquent, du point de vue des sympathisants de droite, la responsabilité de la primaire dans l’échec de la droite au premier tour de 2017 est jugée secondaire. Dès lors que la procédure est en grande partie mise hors de cause, les sympathisants de droite (57 %) et des Républicains (58 %) souhaitent majoritairement qu’une « élection primaire soit organisée pour désigner le candidat à l’élection présidentielle de 2022 de la droite ». L’adhésion est également majoritaire parmi les électeurs de la primaire de 2016 (55 %) : après avoir exercé cette prérogative une première fois, comment pourraient-ils renoncer volontairement à participer au choix du candidat de leur camp ?
Cependant, même si l’approbation de la primaire demeure majoritaire, elle subit un recul marqué. En octobre 2012, 85 % des sympathisants de l’UMP se déclaraient favorables à l’organisation d’une primaire ouverte pour désigner leur candidat de l’UMP à l’élection présidentielle de 20172.
Une aspiration à une primaire simplifiée
Dans l’esprit des sympathisants de droite, les modalités de l’éventuelle primaire qu’ils appellent de leurs vœux sont claires. Si elle était organisée, « tous les citoyens qui le souhaitent » (57 %) devraient être autorisés à y participer. L’hypothèse d’une primaire fermée, réservée « uniquement aux adhérents des partis concernés », n’est approuvée que par une minorité des sympathisants de droite (41 %) et des Républicains (40 %). Le corps électoral serait donc identique à celui de 2016.
Le corps électoral souhaité pour la primaire de la droite
Question : Si une élection primaire était organisée, qui devrait être autorisé à voter pour désigner le candidat à l’élection présidentielle de 2022 de la droite ?
Toutefois, l’organisation de la primaire ne prendrait pas les mêmes formes que la précédente. Différence majeure, les sympathisants de droite (60 %) et des Républicains (60 % également) se prononcent pour un scrutin à un seul tour. Plus lourd à mettre en œuvre et davantage source de divisions, le scrutin à deux tours n’est soutenu que par une minorité (37 %).
Le mode de scrutin pour la primaire de la droite
Question : Si une élection primaire était organisée, quel mode de scrutin devrait être utilisé pour désigné le candidat à l’élection présidentielle de 2022 de la droite ?
Cette primaire ne devrait évidemment pas se limiter à un seul parti politique. En moyenne, les sympathisants de droite en citent trois. Logiquement, Les Républicains (90 %) et, dans une moindre mesure, l’UDI (54 %) se classent en tête des formations politiques devant prendre part à la primaire (figure 4).
Déjà représenté en 2016 par Jean-Frédéric Poisson, le Parti Chrétien Démocrate serait à nouveau légitime pour participer à cette compétition électorale (26 %). Une partie des sympathisants de droite attendent la participation de l’Union Populaire Républicaine (26 %) et de Debout la France (19 %). Les scores obtenus par les candidats de ces deux partis en 2017, respectivement François Asselineau (0,92 %) et Nicolas Dupont-Aignan (4,70 %), sont sans doute perçus rétrospectivement comme des barrières ayant bloqué l’accès de François Fillon au second tour, qu’ils conviendraient de lever grâce à la primaire.
De façon plus surprenante étant donné sa place dans la majorité présidentielle actuelle, le MoDem devrait également participer à la primaire pour 26 % des sympathisants de droite. En revanche, seuls 13 % souhaitent la présence de Soyons libres, le parti étant sans doute moins connu que sa fondatrice, Valérie Pécresse.
Relevons également que 17 % des sympathisants de droite estiment que le Rassemblement national devrait prendre part à cette primaire. Parmi les sympathisants du parti d’extrême-droite, cette adhésion s’élève à 76 %.
Les partis devant participer à la primaire de la droite
Question : Si une élection primaire était organisée pour désigner le candidat de la droite à l’élection présidentielle de 2022, quels partis politiques devraient y participer ?
Enfin, en termes de calendrier idéal pour l’organisation de cette primaire, deux périodes se détachent pour les sympathisants de droite : d’une part, avant l’été, en mai (12 %) ou juin (13 %) ; d’autre part, à la rentrée, en septembre (17 %) ou octobre (14 %). L’organisation d’une primaire tardive, en janvier 2022, recueille les faveurs de 13 % des interviewés. Cette solution serait calquée sur le modèle de la primaire de la Belle Alliance Populaire en 2017, dont le calendrier avait été dicté par l’hypothèse de la participation du Président en exercice, François Hollande.
La date souhaitée pour la primaire de la droite
Question : Si une élection primaire était organisée, quand devrait-elle être organisée pour désigner le candidat à l’élection présidentielle de 2022 de la droite ?
En conclusion, les sympathisants de droite estiment que ce sont les affaires plus que la primaire qui doivent être incriminées dans la défaite présidentielle de François Fillon. Ils attendent l’organisation d’une nouvelle primaire, qui serait ouverte à tous les citoyens souhaitant y prendre part. Organisée avant l’été ou à la rentrée, cette primaire à un seul tour devrait inclure plusieurs formations politiques, afin de remplir pleinement une des fonctions qui lui est assignée : favoriser la victoire d’un candidat de droite en limitant la multiplication de candidatures concurrentes.
Il existe ainsi une opposition de vues entre les sympathisants de droite et les dirigeants des Républicains, qui ont accepté de réfléchir aux modalités d’un système de départage, mais seulement après les élections régionales et départementales de juin 2021 et « si besoin en était », c’est-à-dire si aucun candidat ne s’impose naturellement dans les enquêtes d’opinion, en particulier dans les intentions de vote. Cette dernière solution constitue un pari risqué. À un an de l’élection présidentielle, les interviewés se prononcent avant tout en fonction de la notoriété et de la présence médiatique des différents candidats. L’histoire des sondages enseigne que les campagnes électorales transforment les perceptions des électeurs et que les favoris d’un jour le demeurent rarement jusqu’au scrutin.
Frédéric Micheau
Directeur général adjoint OpinionWay
Directeur des études d’opinion
Photo : ricochet64/Shutterstock.com
- Échantillon de 4 564 personnes inscrites sur les listes électorales, issu d’un échantillon de 5 042 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas (de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence).
L’échantillon a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne. Les interviews ont été réalisées du 18 au 22 décembre 2020. OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252. ↩
- Sondage OpinionWay pour Le Figaro réalisé auprès d’un échantillon de 523 sympathisants de l’UMP, issu d’un échantillon représentatif de la population française de 2 213 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas (de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région, de résidence). L’échantillon a été interrogé en ligne du 27 septembre au 1er octobre 2012. ↩