Après deux ans de vacance présidentielle et des décennies d’occupation syrienne suivies de l’ère de l’hégémonie de la milice islamiste du Hezbollah, le Liban a élu le 9 janvier dernier un président de la République non inféodé à l’Iran ni à l’Ancien Régime déchu des Assad.
Le Général Joseph Aoun connu pour ses batailles contre les djihadistes de l’Etat islamique à la frontière libano-syrienne. Quatre jours plus tard, un Premier ministre a été désigné pour former un gouvernement. Un choix controversé au moment où le cessez-le-feu fragile entre le Hezbollah et Israël tire à sa fin. En effet, le Premier ministre investi, Nawaf Salam, est l’ancien Président de la Cour internationale de justice réputé pour son engagement contre l’Etat hébreu. Quoique intègre et non immiscé dans les dédales de la corruption au Liban, car il n’a jamais occupé de poste officiel au pays du cèdre, Salam s’avère un choix qui pourrait être perçu comme allant à l’encontre d’un processus d’apaisement entre les deux pays.
Les défis qui attendent le magistrat international sont immenses.
Former un gouvernement libéré des blocages institutionnels que le tandem chiite (Hezbollah-Amal) imposait. Or, comment procéder à ce processus de formation gouvernementale semée d’embûches sans tenir compte des équilibres politiques au Parlement ? La dernière guerre a affaibli le Hezbollah militairement, mais ce dernier est toujours présent à l’Assemblée. Pour éviter un scénario répétitif de gouvernement d’ « union nationale » rassemblant des factions irréconciliables, le Premier ministre doit s’imposer fortement dans le choix et dans l’octroi des portefeuilles ministériels.
Or, le tandem chiite revendique encore le ministère des Finances qu’il a mal géré pendant la dernière décennie. En outre, octroyer un tel portefeuille à ceux qui sont responsables du naufrage économique et sécuritaire du pays serait lu comme un torpillage de la nouvelle ère qui s’ouvre après la défaite du Hezbollah ; une nouvelle ère saluée à l’international et soutenue fortement par la France dont le chef de l’Etat a rendu visite au Liban dernièrement. Nawaf Salam est donc devant un véritable dilemme cornélien. Un gouvernement qui mette en œuvre les réforme exigée par la communauté internationale et la Banque mondiale est la condition sine qua non pour le renouveau au Liban.
La reconstruction du Liban-sud ne se fera pas sans les investisseurs étrangers et arabes. Garder le Hezbollah dans la représentation gouvernementale comme l’entend de plus en plus Salam serait une prolongation de la crise libanaise. Et pour sortir de cette impasse, deux scénarios se présentent. Le premier s’appuiera sur la formation d’un gouvernement de technocrates pour gérer les dossiers les plus brûlants pendant un an et demi et organiser les prochaines législatives. Le second sur un gouvernement issu directement de l’opposition politique au Hezbollah, forte du nouvel équilibre des forces.
Le gouvernement, en effet, ne pourrait tenir compte de la surpuissance militaire du Hezbollah d’avant-guerre au moment où cette milice pro-iranienne est décapitée.
Les prochains jours dévoileront la configuration du gouvernement et les choix du Premier ministre. Les urgences sont multiples. La plupart des villes libanaises ne bénéficient pas plus de 4 heures d’électricité par jour, les déposants libanais attendent toujours la restitution de leur argent confisqué par les banques, les familles des victimes et les milliers de déplacés attendent la reconduction de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, les habitants du sud espèrent retourner vite retourner dans leurs villages ravagés par la guerre, le chômage bat son plein et au-delà de tous ces fléaux, un sentiment de désespoir persiste chez la population libanaise. La nouvelle ère, sera-t-elle un renouveau ou une reproduction enjolivée des erreurs du passé ?
Maya Khadra