Aux termes du Titre V du Traité sur l’Union européenne (TUE), l’UE a adopté des « Dispositions Générales relatives à l’action extérieure de l’Union et des dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune ».
Ce titre comporte 25 articles divisés en deux chapitres. Cette abondance de dispositions donnerait à penser que la politique étrangère et de sécurité de l’UE est une réalité tangible et non déclaratoire.
La réalité tangible s’est d’abord concrétisée par une mesure protocolaire, le titre d’ambassadeur, conféré aux chefs de missions des représentations de l’Union en poste dans des pays tiers.
En application de l’article 24 du TUE, l’UE met en œuvre sa politique étrangère et de sécurité qui est définie par le Conseil européen – composé des Chefs d’État ou de gouvernement – et par le Conseil qui statuent à l’unanimité ; l’article précise que « cette politique est exécutée par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres… »
L’article 27 du TUE stipule : « Dans l’accomplissement de son mandat, le haut représentant s’appuie sur un service européen pour l’action extérieure», le SEAE.
Le haut représentant Josep Borrell disposait en 2021 de 346 millions d’euros au titre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Il effectue de très nombreuses visites diplomatiques, publie autant de communiqués, sans que l’efficience de son action puisse être appréciée au-delà de ses communications médiatiques…
La réalité est simple, l’UE a une politique étrangère de la parole. Elle commente, condamne ou exprime ses regrets sans avoir prise sur les situations au Proche et Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie.
En fait l’UE a organisé elle-même sa propre paralysie en raison des forces centrifuges qui la traversent et illustrent son absence parfaite de vision commune, autrement dit d’une « Weltanschauung » partagée.
Cette faiblesse intrinsèque a été posée comme axiome dès la conclusion du TUE lors de la signature du Traité de Lisbonne les 18 et 19 Octobre 2007, dont le TUE constitue la première partie.
En effet l’article 42 du TUE énonce que « La politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune. »
Pour avoir une politique étrangère un État doit posséder des forces armées pour la soutenir :
« La défense, c’est la première la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. » – Charles de Gaulle.
Ce que de Gaulle dit de l’État vaut encore davantage pour l’UE – qui n’est qu’une organisation internationale –. La défense européenne est un projet d’avenir qui le restera longtemps pour une raison simple, formulée à l’article 42-7 alinéa 2 du traité :
« Les engagements et la coopération dans ce domaine (sécurité) demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »
Emmanuel Macron a dit de l’OTAN, le 7 novembre 2019, à The Economist, qu’elle était en état de « mort cérébrale », recevant alors de très vives critiques de la Chancelière Angela Merkel. La guerre en Ukraine l’a revitalisée et a donné tout son sens à l’article 42-7 alinéa 2. Désormais, sous la conduite de Washington, l’OTAN est une machine américaine dont les pays européens sont les serviles vassaux.
Ni la France, ni l’Allemagne ne manifestent une quelconque velléité de secouer cette tutelle américaine qui annihile toute volonté d’indépendance.
La politique étrangère des États de l’UE s’appelle l’OTAN, c’est une évidence. Avec un autre risque en perspective, celui d’être entrainé dans la rivalité sourde mais croissante entre les États-Unis et la Chine.
« Le but de la politique étrangère est de persuader les autres de faire ce que nous voulons ou mieux encore de vouloir ce que nous voulons. » – Madeleine Albright (1937-2022), Secrétaire d’État américaine (1997-2001).
Mais avant de s’interroger sur les risques d’affrontements en Asie et surtout sur les moyens pour la France de s’en préserver, il convient de s’affranchir des naïvetés éculées qui obnubilent la politique européenne française :
- Il n’y a et il n’y a jamais eu de couple franco-allemand. Heureusement quelques esprits plus réalistes commencent à se réveiller de la béatitude ambiante. L’entretien de l’ambassadeur Claude Martin au Figaro du 24 mars dernier intitulé « La solidarité européenne est illusoire », est un coup de semonce salutaire. Les désaccords sur l’énergie, les projets d’armement, les relations avec la Chine sont patents.
- Mais il convient aussi de relire avec attention le long entretien du ministre polonais Zbigniew Rau au Figaro (17 mars 2023) qui dénonce la connivence et l’entente permanente de l’Allemagne avec la Russie depuis… la guerre de 7 ans (1756-1763) où le Tsar Pierre III renverse les alliances et sauve la Prusse de Frédéric II ; Il reproche à l’Allemagne « d’avoir acquis une position privilégiée en Europe parce qu’elle s’est entendue avec la Russie.» Selon lui, la Russie ne peut jamais être fiable, la sécurité en Europe ne peut être organisée avec elle mais doit l’être sans elle.
« Si vous connaissez la géographie d’un pays, vous pouvez comprendre et prédire sa politique étrangère. » – Napoléon Bonaparte.
La vision polonaise est antagoniste de la vision de la France. La politique étrangère de l’Europe devient une quadrature permanente du cercle, même si les salonnards eurobéats continuent d’en parler avec gourmandise, au mépris de la réalité.
Une chose est certaine : l’UE va continuer de payer et de reconstruire ce que d’autres s’acharnent à détruire à Gaza, en Irak ou ailleurs ; le budget de l’UE « L’Europe dans le monde » l’atteste avec plus de 11 milliards d’euros de crédits !
Mais la politique étrangère de l’UE en dehors de positions communes ou des sanctions occidentales contre la Russie n’existe pas, elle est comme le monstre du Lock Ness, on en parle mais on ne la voit jamais.
Plus que jamais la politique étrangère demeure un enjeu de la nation ; les intérêts de la nation sont, en effet, le « fondement » de sa définition et « l’instance de sa mise en œuvre. »
Charles de Gaulle le déclare avec force :
« Il est intolérable à un grand État que son destin soit laissé aux décisions et à l’action d’un autre État, quelque amical qu’il puisse être. »
Jacques Myard
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte