La France, dans sa partie hexagonale, s’est récemment enflammée sur un sujet inquiétant. La violence extrême qui s’installe parmi les jeunes adolescents est-elle en augmentation et que faire pour l’endiguer ?
A partir de faits marginaux, c’est-à-dire qu’ils ne concernent pas une frange minoritaire de la jeunesse, les opinions publiques se sont exprimées sur les réseaux sociaux mais aussi à travers leurs représentants au sein des forces politiques disposant de places dans l’espace médiatique ; chacun sait que la jeunesse et la sécurité/insécurité sont des sujets qui redonnent vie au clivage gauche-droite.
La France Hexagonale a-t-elle pensé, abandonnant pour un bref moment son jacobinisme génétique, reproche qui lui est souvent fait par sa lointaine collectivité d’outre-mer à statut particulier, que la violence juvénile pourrait malheureusement s’exprimer en Nouvelle-Calédonie et assurément devenir un cas d’école dans les prochaines semaines ; un cas explosif !
29 000 jeunes que tout oppose désormais vont se croiser dans les rues et à l’école
Dans quelques jours, après une période de vacances scolaires succédant aux émeutes, les lycées et collèges qui n’ont pas brûlé, vont rouvrir ici et là partout à Nouméa. 29 000 collégiens et lycéens[1] retrouveront leurs salles de classe. Jeunes calédoniens d’origine européenne et jeunes calédoniens d’origine mélanésienne reprendront leurs habitudes.
Or qu’en sera-t-il de la camaraderie qui fût jusqu’alors leur mode relationnel ?
Au mitan de la journée, ceux qui furent quelques jours auparavant réunis au centre de leur salon, sacs de voyage et passeport en main, prêts à abandonner leur maison, ou pour les plus chanceux à être évacués, en côtoieront d’autres qui, sur les barricades, ont bloqué l’île et pire ont participé aux incendies de leurs maisons, des commerces de leurs parents.
Faut-il disposer d’un diplôme de travailleur social spécialiste de la jeunesse en difficulté pour prévoir les situations potentiellement explosives, fruit de la peur et du ressentiment nourri des deux côtés ?
Où vont se tourner les yeux du monde, maintenant que le Président Macron vient de faire exploser le corps politique métropolitain après l’annonce d’une dissolution de la chambre basse du Parlement et la tenue de prochaines élections législatives.
Où se tourneront-ils ensuite lorsque les Jeux Olympiques réuniront enfin la planète entière à Paris remplaçant les querelles autour du dégel du corps électoral par d’autres formes d’opposition et un corps différent ; celui des muscles bandés d’athlètes se battant pour conquérir une médaille, quête d’une vie de champion. Loin des loupes médiatiques, la jeunesse du Pacifique risque de refuser ce comportement éponyme.
Celles et ceux, avenir de cette île paradisiaque, qui vivaient depuis leur naissance côte à côte vivront désormais leur scolarité face à face. Or il est impératif d’éloigner ces jeunes d’un quelconque esprit de revanche ! Comment ? Comptons sur l’intelligence des acteurs qui, de part et d’autre dans les communautés, aspirent à retrouver la concorde qui convient tellement bien à ce « Caillou » sans égal.
Pas de vague en Calédonie ? Quand les professeurs appelleront au secours
Ce serait un comble qu’un des temples mondiaux du surf et de la planche à voile se voit imposer un « Pas de vague » honni du corps professoral métropolitain, lorsqu’il va immanquablement alerter Paris de la dégradation du climat au sein des établissements scolaires. Je n’imagine pas que les craintes que j’ai pu recueillir auprès de mes proches, sur place, n’aient pas déjà été appréhendées par les professionnels de l’éducation.
Par voie de conséquences, l’État devrait déjà se saisir de ce problème, bien plus préoccupant que les récentes émeutes endurées par les populations. Les dernières résurgences montrent que les braises de la violence, recouvertes par une forte présence des forces de l’ordre sont encore incandescentes.
Qu’adviendra-t-il si des professeurs, en majorité d’origine européenne sont agressés, si des jeunes s’affrontent à la sortie des classes ou pire dans les établissements. Une large part de la population pratique le sabre d’abattis en « seconde langue ». Nombreux sont les jeunes qui ont participé à ces épisodes de quasi guerre civile.
Aussi, aux émeutes que l’hexagone expérimente de manière cyclique, que certains partis politiques essaient de décrire comme l’expression de violences communautaires, et qui n’est rien d’autres que cela en Calédonie, il faudrait ajouter d’autres craintes exprimées par le corps professoral. Certains slogans anti-blanc autorisent de craindre que les éducateurs soient essentialisés à un statut de colon envahisseur. Un comble pour ces milliers de professionnels qui n’ont pour seul sacerdoce que de faire grandir par le savoir. La Calédonie de la communauté mélanésienne (Kanak) croit à la force de l’esprit et chacun qui s’est rendu dans ce pays lointain respecte et comprend cette culture. Osons espérer que l’esprit des professeurs Paty et Bertrand sauront alerter les décideurs de retour dans la grisaille parisienne que le risque de guerre civile entre jeunes est prêt à s’enflammer à nouveau à l’autre bout du monde !
Jacky ISABELLO
[1] DEPP, enquête dans les écoles publiques et privées de l’enseignement préélémentaire et élémentaire – chapitre 10 : la population scolaire en outre-mer