Les putschs militaires qui se sont succédé au Mali, Burkina Faso puis maintenant au Niger amènent un certain nombre de constatations. La menace islamique reste toujours présente malgré les interventions militaires étrangères, dont celle de la France. Les états ont montré leur incapacité à y faire face, en ont pris conscience, et, d’une manière désordonnée, cherchent comment en sortir. Ne sont pas résolus, les problèmes locaux, ethniques, religieux, économiques, structurels, démographiques et de la jeunesse, toujours prompte à s’enflammer.La classe politique, corrompue, est désemparée. Une telle dégradation de la situation est propice à la recherche d’hypothétiques aides ou solutions. La démocratie vacille et ce sont les armées locales qui réagissent en prenant le pouvoir.Pour le consolider, tous les moyens sont bons, allant de l’élimination des opposants politiques à une instrumentalisation des populations contre la France, accusée facile de tous les maux.
Aujourd’hui :
Les réseaux sociaux touchent particulièrement les jeunesses, avides de mieux être et de changements. Cette situation d’excitation collective pourrait-elle favoriser une éventuelle prise de conscience du sentiment national, voire les prémisses d’un printemps africain ?
Les propagandes sont multiples. Elles viennent de politiciens en recherche de popularité et en propos souvent démagogiques, de pays africains fragilisés, des islamistes toujours actifs, sans oublier les interférences étrangères visant :
- Leurs propres intérêts politiques, économiques mais aussi le total retrait militaire de la France comme celui des Etats-Unis.
- La possibilité pour la Russie de déstabiliser perfidement l’Europe en favorisant un nouveau flux migratoire clandestin d’Africains, et, répondre aux sanctions occidentales qui lui sont imposées pour l’Ukraine.
- Un nouvel ordre mondial, rejetant l’Occident décadent et le néo-colonialisme.
Demain :
- La flambée anti-française ne va pas s’arrêter et les jeunesses sénégalaises, ivoiriennes, guinéennes…pourraient bien être appelées à prendre le relais.
- Dans le climat actuel de surenchères démagogiques, la vague déferlante xénophobe en formation pourrait aussi échapper à tout contrôle.
Gagnants de la crise, les manipulateurs islamiques vont poursuivre leur insidieuse idéologie. La nostalgie du Califat de Sekoto, qui avait couvert la région de 1804 à 1903, reste ancrée dans leur esprit.
- Russes, Chinois et Turcs ne peuvent que profiter de la situation pour se placer dans l’avenir économique prometteur du continent africain.
Et après ?
Face à cette situation explosive et quelque peu surréaliste au Niger, un retour à la sagesse devient de plus en plus difficile à s’imposer. Mais, peut-on effacer les liens tissés par l’histoire sans tenir compte des nombreuses pressions actuelles ?
La démocratie demeure la clé fragile d’un développement harmonieux des états africains et de leurs populations. Le temps viendra ou il faudra purger les nombreuses illusions qui accompagnent cette crise et repenser la grille de lecture française de nos relations avec l’outre-mer.
La langue française est aisément utilisée par l’ensemble des protagonistes. C’est le véhicule heureux d’unité dans ce monde multi ethnique et plurilingue. Qu’en sera-t-il demain des si nombreux jeunes qui ne pourraient pas pleinement bénéficier de cet héritage linguistique ?
Quel sera le devenir des gesticulations autour du putsch nigérien, de son impact local, régional et de ses risques de métastases en Afrique ?
Quid alors de la mouvance islamiste et de son idéologie qui est toujours audible ? Encouragés par le délitement militaire occidental au Sahel, les djihadistes d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) pourraient en profiter pour essayer de prolonger leur zone d’influence. De l’Atlantique aujourd’hui, ils pourraient, via le Soudan, approfondir leurs contacts avec les shabab de Somalie, voire, donner un autre souffle à Al Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA).
François Besson
Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer