Une récente étude de l’OCDE rapporte que le risque d’émergence de la stagflation existe dans plusieurs ensembles économiques. De fait, la coexistence de l’inflation et de pressions récessionnistes ressort de statistiques nationales au sein de la zone euro.
Le Gouverneur de la Banque de France a abandonné sa métaphore de la « bosse » transitoire, largement démentie par les faits, et se cale désormais sur un vocable singulier : « la maladie de l’inflation » (Discours de septembre 2023 / EUROFI / tenu à Saint-Jacques de Compostelle.
Autre présentation de la Banque de France : « En conséquence, selon les projections macroéconomiques de la BCE, la dernière datant du mois de juin, la croissance annuelle moyenne du PIB de la zone euro devrait ralentir à 0,9 % en 2023 (contre 3,5 % en 2022), avant de remonter à 1,5 % en 2024 et 1,6 % en 2025. Concernant l’inflation, celle-ci ne devrait ralentir que progressivement et revenir vers 2 % fin 2025. La prévision d’inflation de la BCE pour la zone euro est ainsi de 5,4 % en 2023, 3,0 % en 2024 et 2,2 % en 2025. »1
De ces deux apports dotés de consistance, il faut déduire que nous sommes loin d’être sortis de la lutte contre l’inflation.
NON, Monsieur le Gouverneur l’inflation n’est pas une « maladie » ( sic ) mais le pur reflet d’une lutte entre offreurs et demandeurs.
Qui ne voit les traces patentes de cette lutte dans l’actuel bras de fer qui se déroule entre les grands industriels et les distributeurs ? Qui ne voit les surmarges de certains offreurs – pétroliers par exemple – qui sont ce que Léon Walras nommait un conglomérat de price-maker il y a déjà plus d’un siècle.
L’économie a été beaucoup plus sérieusement perturbée par la Covid et ses conséquences, notamment les chocs d’offre. Depuis la forte reprise de 2021, chacun tend à se « refaire », à restaurer ses marges de manière frontale en jouant, lorsqu’il le faut, sur les délais d’approvisionnement.
OUI, Le rapport de force va continuer entre l’offre et la demande avec de surcroît des considérants géopolitiques.
L’alliance de facto entre la Russie et l’Arabie Saoudite afin de réduire leurs quantités d’hydrocarbures produites va stimuler l’inflation dont nous allons subir de plein fouet les conséquences économiques tant le pétrole est une composante quasi-universelle de nos productions.
C’est pour cette raison que je ne saurais valider les approches quantifiées rapportées ci-dessus. On comprend bien que le Gouverneur et le premier sous-Gouverneur sont tenus à une expression orale ou écrite dite prudentielle mais de là à embrouiller la réflexion des acteurs, il y a un pas comme aurait dit Pierre Mendès France.
René Monory ou Raymond Barre ou Pierre Bérégovoy et évidemment Jacques Delors manquent au présent débat. Tout autant que la discrétion de Philippe Lagayette ou de l’éminent Jacques de Larosière.
La France – certains en France – veulent répandre des tuyaux volontairement coudés, à l’excès.
Les Professeurs qui m’ont formé ne goûtaient pas de cette soupe.
L’industrie automobile souffre, la distribution enregistre des baisses de consommation en volume parfaitement révélatrices de la crise du pouvoir d’achat qui ne résulte pas d’une maladie mais d’un rapport de forces.
Pour le reste, ayant écrit sur le site de la Revue Politique et Parlementaire https://www.revuepolitique.fr/2023-la-croissance-helas-evanouie/ en date du 20 septembre 2022 (Valmy…) au sujet de la slumpflation (stagflation + inversion néfaste de la courbe du chômage), je propose au lectorat le mot de cette Rentrée : « Et la lucidité que diable ! ».
A défaut, nous paierons chèrement nos approches lacunaires. Ou plus exactement leurs approches qui, détectées comme fausses, ne font qu’alimenter de dangereuses anticipations inflationnistes.
Jean-Yves Archer
Économiste
Membre de la Société d’Économie Politique
- Forum Économique Breton, 7 septembre 2023, Discours de Denis Beau, Premier sous-gouverneur. ↩