Il y a une semaine, le peuple vénézuélien se rendait aux urnes pour voter lors de l’élection présidentielle. Voilà un an, nous lancions déjà une alerte pour dénoncer la dictature au Venezuela sous la férule de Nicolás Maduro qui avait succédé à Hugo Chavez décédé en 2013 1. L’indifférence de la communauté internationale sur ce qui se passait au Venezuela n’a d’égale que la violence avec laquelle ce pays a été mené sous la direction du dirigeant pendant plus de dix ans.
L’échec de Juan Guaidó entre 2019 et 2022
Le peuple vénézuélien avait initié une première tentative de libération à l’occasion des précédentes élections de 2019. Nicolás Maduro, président de l’assemblée nationale, se présente aux élections présidentielles. Invoquant la Constitution et des irrégularités, le dirigeant de l’Assemblée Nationale Juan Guaidó s’autoproclame président par intérim de la République bolivarienne du Venezuela, augurant une crise politique majeure. Après avoir été reconnu par une partie de la communauté internationale, il est de plus en plus contesté et l’Assemblée vote la fin de son mandat de président par intérim en 2022. De fait, la communauté internationale ne le reconnaît plus. Au final, le dictateur Nicolás Maduro sort vainqueur de ce premier bras de fer.
L’indifférence de la communauté internationale
Pendant ce temps, lors des deux années qui ont suivi, la communauté internationale a évolué entre indifférence lorsque ce n’était pas un soutien pur et simple, et intérêt économique. La vice-présidente du Venezuela avait même été conviée en toute discrétion à Bruxelles en marge d’un conseil européen dont l’objectif principal était de sécuriser en accord en vue de la fourniture de pétrole dans le cadre de la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine. Il n’aura évidemment pas été question de la violation des droits de l’homme au Venezuela.
Le dictateur Nicolás Maduro a quant à lui renforcé la répression sur son peuple, son régime s’est durci par tous les moyens possibles : par l’armée, élément clé du régime, mais aussi grâce aux multiples milices supplétives à la solde du régime très armée, dont les colectivos, groupe de paramilitaires armés menant des expéditions punitives, souvent à motocyclettes, procédant à des arrestations, à des tortures et à des exécutions extra-judiciaires. Ces groupes violents ont en outre mis en coupe réglée le pays exigeant de nombreux vénézuéliens le versement de sommes d’argent, ce que l’on appelle dans ce pays la vacuna (qui signifie vaccin en espagnol), afin de tenter de se protéger contre ces persécutions.
Ces groupes se sont enrichis avec la complicité des militaires soutenant le régime de Nicolás Maduro.
Ils ont ensemble organisé la pénurie alimentaire et surtout celle des médicaments pour empêcher le peuple d’accéder aux soins et aux médicaments. Nicolás Maduro et ses groupes armés ont ainsi systématiquement pillé le pays pendant toutes ces années.
La fuite de huit millions de vénézuéliens
Aujourd’hui, ce sont plus de huit millions de vénézuéliens qui ont quitté le pays, beaucoup en Colombie, de nombreux autres vers l’Europe, dont la France, où des centaines ont obtenu la qualité de réfugié au sens de la convention de Genève sur les réfugiés ou le bénéfice de la protection subsidiaire, grâce tant à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qu’à la Cour nationale du droit d’asile.
Ces dernières années, outre la répression, la pauvreté a aussi considérablement augmenté. Peu à peu, le dictateur, sans s’en apercevoir, a commencé à perdre le contrôle du pays, selon des informations précises fournies par les vénézuéliens sollicitant l’asile en France et celles remontant directement du terrain.
L’opposition a commencé à se structurer. Après l’échec de Juan Guaidó, une autre personnalité, anciennement députée, est apparue sur le devant de la scène : María Corina Machado, qui a fait preuve d’un courage extraordinaire au péril quotidien de sa vie. Lors des primaires démocratiques de l’opposition et devant Juan Guaidó qui était candidat, elle a, le 22 octobre 2023, largement remporté le titre de candidate de l’opposition à l’élection présidentielle du 28 juillet 2024, dont à Paris par la diaspora vénézuélienne qui a voté.
La structuration de l’opposition
Ses chances de devenir la présidente élue démocratiquement du Venezuela étaient donc très grandes. C’était sans compter la capacité de nuisance de Nicolás Maduro qui a fait décider par la Cour suprême sous son contrôle, au mois de janvier 2024, qu’elle ne pouvait être candidate en la disqualifiant pour quinze ans. Dans la foulée, elle fut remplacée par une professeure âgée de quatre-vingt ans Corina Yoris, sans expérience politique et de toute façon aussitôt elle-même disqualifiée par le pouvoir. Le dernier candidat en date, sans doute le plus acceptable pour le pouvoir en place, devenait donc Edmundo González Urrutia, soixante-quatorze ans, ancien ambassadeur en Argentine entre 1998 et 2002, dont la candidature fut, curieusement, sans doute pour donner le change, validée par les autorités vénézuéliennes.
Depuis quelques mois, il était évident que, face à la ruine économique du pays, la répression sanglante, le pouvoir avait perdu toute crédibilité et le contrôle sur le terrain.
Plutôt discret, le candidat de l’opposition finalement admis sera toutefois resté discret : la cheffe de l’opposition qui aurait dû être candidate, Mme Machado, n’a cessé de battre campagne, sillonnant le pays d’un bout à l’autre sans jamais se décourager. Des foules immenses venaient à sa rencontre, signe s’il en est que le régime de Maduro était fini.
Si la communauté internationale n’en était pas convaincue, les élections qui se sont déroulées ont permis de mettre en évidence la victoire incontestable du candidat de l’opposition Edmundo González. Cette victoire aujourd’hui ne peut être remise en cause au vu des bulletins de votre soigneusement remis par l’opposition dans les bureaux de l’ONU à Caracas.
Mais depuis une semaine, le dictateur Maduro a décidé de s’opposer à la volonté de son peuple continuant de mener une répression toujours plus sanglante faisant des dizaines de morts, des centaines de blessés, des milliers d’arrestations.
Edmundo González, président élu et le soutien international
Cette fois-ci, face à l’évidence, la communauté internationale a, dans un premier temps, exigé la prise en compte de la volonté démocratique du peuple vénézuélien. Puis, dans un second temps, les États-Unis, par la voix de son secrétaire d’Etat Anthony Blinken, ont reconnu Edmundo González Urrutia comme le président élu.
Plusieurs pays d’Amérique centrale ont procédé de la même manière : le Costa Rica, l’Equateur, les pays du G7 enfin. L’Elysée publiait également, le 3 août 2024, un communiqué conjoint avec l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne les Pays-Bas et le Portugal appelant à la transparence du scrutin, au respect de la volonté du peuple vénézuélien, condamnant la violence contre les arrestations arbitraires.
Aujourd’hui, la seule solution radicale est la reconnaissance d’Edmundo González Urrutia comme président élu du Venezuela d’une part, la chute de Nicolás Maduro, d’autre part.
Le dictateur continue aujourd’hui à s’accrocher au pouvoir. Cette situation ne saurait s’éterniser. Tant que les caciques du régime, notamment les militaires, soutiennent Maduro, il pourra espérer rester président quelques temps. Mais les réactions politiques devront être en accord avec la reconnaissance de la victoire du candidat de l’opposition.
L’hypothèse d’une intervention extérieure a été évoquée. Si les États-Unis en campagne électorale ne sont sans doute pas en situation d’intervenir directement, ils pourraient soutenir une coalition de pays d’Amérique centrale et latine volontaires pour une intervention rapide visant à déloger Maduro de son palais présidentiel. Reconnu président élu par ces pays, Edmundo González Urrutia serait en outre légitime pour appeler une intervention extérieure.
Les évènements pourraient aussi se précipiter de l’intérieur avec un lâchage rapide de Maduro par les militaires qui pourraient faciliter la transition démocratique en le renversant et en assurant le nouveau président de leur neutralité.
Les criminels du régime devront en tout état de cause être jugés pour les crimes qu’ils ont commis et les souffrances endurées par le peuple vénézuélien pendant toutes ces années de plomb.
- « Focus sur le Venezuela : une terrible dictature », revue politique et parlementaires, 3 août 2023 ↩