Michèle Rivasi, députée européenne EELV, Marie-Odile Bertella-Geoffroy, ancienne juge d’instruction en charge des dossiers de santé publique, et Serge Rader, pharmacien et lanceur d’alerte, se sont penchés sur le lobby des laboratoires pharmaceutiques et dressent un diagnostic détaillé d’une situation qui touche un bien précieux : la santé publique.
Depuis cinquante ans, les scandales sanitaires se succèdent. Notre système de santé souffre d’une maladie chronique, gangrenée par la corruption et les conflits d’intérêts. Comment y remédier ?Le constat des auteurs est, pour le moins qu’on puisse dire, alarmant. Les “trente glorieuses” (1960-1990) sont loin derrière nous ; à l’époque, le système de santé reposait sur une procédure fiable. Désormais, le doute s’insinue : l’industrie pharmaceutique est devenue une gigantesque multinationale (quatrième en termes de capitalisation boursière, après les banques, les compagnies pétrolières et le secteur informatique) et régit sous tutelle les laboratoires par les fonds d’investissement spéculatifs. Intéressée étroitement au marché des médicaments, l’industrie pharmaceutique a tissé par son lobbying des “liaisons dangereuses” et opaques avec la haute fonction publique et le monde politique. Les auteurs démontent toutes les stratégies de “Big Pharma”, dénoncent la multiplication des contrats avec le réseau médical qui entraîne surprescription, surmédicamentation et hausse parfois astronomique des prix des médicaments en France, fixés par les firmes pharmaceutiques dans la grande opacité, pesant lourdement sur le déficit de la Sécurité sociale. En somme, le médicament est devenu une question de relations publiques et de réseaux.
Pour contrer une dérive coûteuse et remédier à cette situation alarmante, les auteurs fournissent un traitement radical : “la réforme de la politique du médicament passe à la fois par une réforme structurelle liée aux institutions “gendarmes” et par une modification des usages des prescripteurs et des patients. Il faut agir simultanément sur ces deux leviers pour lutter à la fois contre le surcoût du médicament et sa surconsommation par les citoyens”, soulignent-ils, proposant d’agir sur l’indépendance de l’expertise, l’épuration des instances de contrôle du médicament et de la fixation du prix, la réorientation de la recherche et la réforme de la filière du médicament, l’ouverture du débat sur l’obligation vaccinale, la révision de la logique des brevets et le renforcement de la pharmacovigilance. “Dix milliards d’euros d’économies par an sont possibles sans brader la qualité des soins et l’accès égal de tous aux traitements […] Seule une réappropriation citoyenne de ce bien commun qu’est la santé permettra de susciter une véritable volonté politique de transformer le système de santé” affirment-ils.
Ce livre courageux, bien argumenté, s’inscrit dans le cadre de l’opération “mains propres sur la santé”. Il a déjà fait des émules puisqu’un collectif d’étudiants en médecine a rédigé un petit livret d’une trentaine de pages intitulé “Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ?”, destiné aux futurs médecins ; une initiative encourageante, porteuse d’espoir.
Michèle Rivasi, Serge Rader et Marie-Odile Bertella-Geffroy
Le racket des laboratoires pharmaceutiques, et comment en sortir
Editions les petits matins, 2015
200 p. – 14 €