Le masque est au Covid-19 ce que le préservatif était au Sida. Dis comme ça c’est plus clair !
Alors oui nous avons besoin de masques : professionnels de santé, mais aussi chauffeurs de bus, caissières, vous, moi… Des masques pour soigner, beaucoup, pour s’alimenter, un peu, juste un peu, en toute sécurité.
Mais de masques nous n’en n’avons pas… sauf pour Macron flanqué de toute une délégation masquée à Mulhouse.
Alors, pour nous, pour les soignants, c’est une grande réponse privée via des entreprises qui se joue sous nos yeux incrédules : les couturières bretonnes, les professionnels du textile, les fans de plongée sous-marine. Tous deviennent faiseurs de masques.
Pourquoi ? Parce que nous avons désengagé l’Etat de la gestion des masques. En 2011, il y a quasiment 2 milliards de masques de tout type, FFP2 et chirurgical. A l’époque, c’est l’Etat qui gère, l’Etat est responsable du stock. Xavier Bertrand, ministre de la Santé de l’époque, compte les masques ; il est rassuré. Et puis, patatras, la chaîne de décisions politiques s’emballent, et via Marisol Touraine, il est décidé que l’Etat ne s’occupera plus du stock de masques. Nous sommes en 2013, c’est là que tout bascule. Chaque année le nombre de masques sera réduit. En 2017, le nouveau président n’inversera en rien, ni la tendance, ni l’organisation de la gestion des stocks.
Cette illustration tout en gris, nous dit combien cela est triste. Combien cela paraît irréel. Un mélange de noir et de blanc qui sont plus des couleurs-concepts que des couleurs réelles. Hors réalité en effet, cette année 2013 et tout ce qui s’en suivit.
Alors, devant ce préservatif manquant qui permettrait de ne pas risquer, ni mettre en risque, il faut justifier, raconter une histoire. Une mascarade. Les Dupont et Dupond tentent un pas de deux. Flanqués de mines déconfites et peu ragoutantes, l’un aux yeux fatigués, l’autre aux yeux affutés, ils semblent préparer leur coup. C’est là que le « chiasme » apparaît. Il est en effet question ici, pour se protéger des miasmes… d’utiliser cette figure de rhétorique, le chiasme, consistant à inverser deux groupes de mots.
Rappelons-nous du « Blanc bonnet et bonnet blanc » ou dans l’Évangile selon Luc : « Celui qui s’élève sera abaissé, celui qui s’abaisse sera élevé ».
Ici, en l’occurrence, ce sera plutôt « gris bonnet et bonnet gris ».
Ces figures émergent d’un brouillard bien grisâtre, ce qui en dit long – mais sans clarté – sur la situation.
On nous enfume, on justifie, mais pour l’instant tout le monde tente de fabriquer des masques. Bonne nouvelle, c’est sûrement plus facile que des préservatifs !
Virginie Martin, politiste, professeure-chercheure à Kedge Business School, co-presidente du Conseil scientifique de la Revue Politique et Parlementaire
Eric Van de Valle, sémiologue