Il y a 80 ans, le 19 août 1944, était déclenchée l’insurrection populaire qui allait conduire à la libération de Paris de l’occupation allemande.
Hommage à ceux qui ont permis de libérer Paris dans une France agressée pour la troisième fois en moins d’un siècle par l’Allemagne : ne les oublions pas ! Après 9 jours de combats acharnés, le 28 août, ce sera chose faite.
Paris aura été libérée par les siens : des Parisiens anonymes, les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) commandées par le communiste Rol Tanguy, les Francs-Tireurs et Partisans – Français ou étrangers des MOI (main d’œuvre immigrée) –, les policiers et les gendarmes, les soldats de la 2ème division blindée commandée par le général Leclerc, la Nueve des Républicains espagnols gagner en France. De grands noms entrés dans l’Histoire et des inconnus, tous unis, tous héroïques.
Honneur à la mémoire de nos morts : plus de 2 800 civils sont tués pendant les combats pour la libération de Paris ; 532 résistants FFI, 77 policiers et 130 soldats de la 2ème division blindée.
De nos jours, quand on flâne dans les rues de la capitale, ou qu’on presse le pas pour aller au travail ou chercher ses enfants à l’école, le regard croise régulièrement des plaques commémoratives expliquant un moment important de cette histoire, rendant hommage à tel ou tel citoyen ou combattant, mort pour la libération de Paris, pour la France, pour la patrie, en luttant contre l’hydre nazie.
Malheureusement, cette mémoire collective est frappée par la maladie cruelle de l’évanescence.
J’ai un petit serrement au cœur quand je vois quelques fleurs desséchées pendouiller pauvrement au-dessus de la plaque d' »Untel, 22 ans, mort héroïquement pour la libération de Paris »…
Qui a fleuri cette tombe publique ? Une ancienne amante attendant de retrouver son amour mort en héros ? Une association d’anciens combattants ? Un patriote zélé ? Un édile de la ville faisant son devoir de manière vaguement ennuyée ?
Evanescence… et pourtant quelle histoire !
Il faut la raconter aux jeunes pour que les ombres derrière ces plaques de marbre revivent et que leurs âmes sourient au sacrifice consenti.
Ma plaque préférée est celle du 41 rue de Bellechasse dans le 7ème arrondissement. On peut y lire :
« Dans cet immeuble, le 19 août 1944, le bureau du Conseil national de la Résistance (présidé alors par Georges Bidault) et le bureau du comité parisien de la libération rédigèrent et lancèrent l’appel à l’insurrection nationale pour la libération du territoire ».
Mais tout se prépare depuis plusieurs jours : de plus en plus de grèves paralysent la capitale, le 14 août la police de Paris est prête pour l’insurrection, les chefs de la Résistance s’organisent, les armes sont distribuées, les jeunes sont échauffés et piaffent d’impatience, l’air dans Paris est électrique.
Le 18 août, la grève générale à Paris accélère la mobilisation populaire parisienne et prépare les combats de demain – il y a 70 ans. A l’avant garde, comme souvent, depuis le 10 août, les cheminots sont en grève.
Les agents du métropolitain les suivent, puis les gendarmes le 13 et la police nationale le 15 août, enfin les postiers le 16. Le peuple, comme à ses grandes heures de gloire révolutionnaire et nationale dresse des barricades. Les déplacements des troupes allemandes sont freinés.
Les premiers accrochages ont lieu la nuit entre le peuple de Paris insurgés et les forces d’occupation fascistes, mais aussi contre les traîtres de la Milice de Vichy.
Six pompiers héroïques hissent le drapeau tricolore sur la Tour Eiffel au risque de périr sous le tir des soldats allemands.
Après cela, l’immense colonel Henri Rol Tanguy – ouvrier, communiste, membre de la direction de la Résistance et commandant régional des FFI, qui avait combattu dans les rangs des républicains en Espagne – lance l’insurrection contre l’occupant allemand et les nazis.
Les combats commencent. Le Paris populaire, comme en 1870, résiste les armes à la main à l’occupant.
Et là se joue une course de vitesse pour forcer la main aux Etats-Unis : Paris n’est pas une priorité pour les Américains ou pour le général Eisenhower, commandant des forces alliées ; il veut contourner Paris par le nord pour attaquer l’Allemagne plus vite.
Mais de Gaulle et les FFI veulent, eux, libérer Paris.
C’est politiquement crucial, en particulier pour de Gaulle qui ne veut pas d’une nouvelle occupation étasunienne, mais la pleine indépendance de la France. Et pour atteindre cet objectif de souveraineté nationale et rétablir la République, il faut libérer Paris, la capitale de la France. D’ailleurs, les Américains le comprennent très bien et leur décision de contourner Paris n’est pas innocente.
Alors de Gaulle organisera avec le général Leclerc, qui veut être le premier à libérer Paris, sa désobéissance à ses supérieurs américains et lancer la 2ème division blindée pour appuyer l’insurrection populaire qui fait rage dans Paris.
Le 21 août, la 2ème DB s’élance. Avec elle arrivent les Républicains et anarchistes espagnols de la « Nueve », venus combattre contre le fascisme – comme leurs camarades français, dont Rol-Tanguy, étaient venus chez eux –, mais cette fois avec la victoire au bout du fusil.
Pendant ce temps, les Parisiens tombent au combat. Le commandement allemand mine Paris et menace de raser la ville lumière (il faut revoir l’extraordinaire film de René Clément, « Paris brûle-t-il ? »).
Un grand hommage au peuple de Paris qui a lutté avec courage. Beaucoup sont tombés, mais ce ne fut pas en vain : le statut de la France d’après-guerre auprès des vainqueurs leur doit beaucoup.
Ne les oublions pas et fleurissons de temps en temps ces lieux de mémoire – hé oui ! les amantes et amants passés sont de plus en plus vieux.
Marc Bloch, qui ne verra pas le jour magique de la libération de Paris, se posait en 1940 la question de cette « étrange défaite » à laquelle nos élites font écho depuis 40 ans en capitulant systématiquement face à une Allemagne qui réalise, au sein de l’UE, le projet bismarckien de la « Mitteleuropa », à savoir l’intégration économique et géopolitique de l’Europe centrale et de l’Est à son seul profit et au détriment de ses « partenaires européens », et en préférant servir les intérêts géopolitiques de Washington plutôt que les intérêts français.
Il est temps de reconquérir notre souveraineté, face à l’Union européenne dont il faut dénoncer l’ensemble des traités, face à l’Allemagne qui instrumentalise l’UE à son seul avantage, face aux États-Unis et à l’OTAN… ou alors ces commémorations ne seront qu’une farce dont on ne tire aucune leçon.
Il nous faut trouver le courage qu’ont eu nos anciens pour tailler notre destin nous-mêmes.

