Toute la philosophie politique de Gaudin aura été marquée par des principes forts qu’il divulguera à peine. Tribun et grand communicant, Jean-Claude Gaudin restera extrêmement discret, voire secret sur les valeurs qui ont conduit toute son action pendant 25 ans à la tête de la Mairie de Marseille.
L’action politique de Jean-Claude Gaudin aura été marquée par 2 faits majeurs qui ont totalement changé sa manière d’appréhender la politique :
- Sa défaite en siège (mais pas en voix) en 1983 par Gaston Deferre qui a su malicieusement réformer 1 an avant cette élection le cadre électoral des communes de Paris-Lyon-Marseille dans le cadre des lois de décentralisation dites « lois Deferre ». Jean-Claude Gaudin retiendra de cet échec l’importance de la maitrise de la carte électorale et des découpages qui doivent parfois primer le fond.
- Sa défaite sans appel, y compris dans son propre secteur, lors de l’élection municipale de 1989 où Robert Vigouroux avait remporté le grand chelem à l’échelle de la ville. Pourtant Jean-Claude Gaudin avait réalisé un ouvrage riche et documenté « Mon Projet pour 1 million de Marseillais ». Cette élection triomphale de Robert Vigouroux ( Maire de 1986 à 1995) a souvent été attribuée à une victoire éclatante d’une communication politique nouvelle et particulièrement bien comprise par les marseillais. Cette obsession de la communication ne le quittera jamais et il s’en occupera lui-même tout le reste de sa carrière, sans vraiment déléguer.
Le gaudinisme, c’est d’abord un parallèle permanent avec le defferrisme.
En arrivant à la Mairie de Marseille dirigée 33 ans par le Vieux Lion, Gaudin a préféré endosser certaines habitudes plutôt que les combattre. Il s’est d’ailleurs souvent comparé à son « illustre prédécesseur » (même fauteuil, même clochette…), essayant de faire oublier les réussites du mandat de Robert Vigouroux. Defferre a profondément marqué Gaudin qui tentait parfois de l’imiter y compris quand il était ministre de 1995 à 1997 où il portait le même chapeau que Defferre, ce qui avait alors provoqué des réactions ironiques d’Edmonde Charles-Roux .
Le gaudinisme, c’est ensuite un pragmatisme politique.
Avec son fidèle directeur de cabinet, Claude Bertand, ils ont construit une stratégie politique bâtie sur deux axes clés :
- Toujours maitriser le parti politique ( Gaudin présidera toujours les formations politiques DL, UDF, UMP, LR et en sera même Président de la commission d’investiture au niveau national).
- Ne jamais perdre les mandats politiques et si possible les cumuler à l’intérieur de son propre camp ou au profit de ses fidèles lieutenant pour encore mieux maîtriser son système.
Pour ce faire, Gaudin aura su nouer des alliances y compris avec le front national en 1986 pour asseoir une majorité dite de projet au Conseil Régional. Reprenant l’expression de Pierre Mauroy, Gaudin aimait rappeler que la politique, c’est aussi des mathématiques.
Le gaudinisme, c’est enfin des valeurs sociales et chrétiennes
Indiscutablement son point fort, Jean-Claude Gaudin utilisait son charisme et son leadership pour fédérer autour de valeurs fortes. Imprégné par la démocratie chrétienne de Marc Sangnier, l’action politique de Gaudin était guidée par ces principes au grand dam par exemple de la communauté musulmane de Marseille qui n’aura pas réussi à avoir sa grande mosquée à Marseille malgré les 25 ans de son règne.
Le gaudinisme aurait pu perdurer après Gaudin sous l’impulsion légitime de Martine Vassal actuelle Présidente du Département 13 et de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Il l’appréciait pour ses qualités et sa puissance de travail et surtout pour avoir réussi à ravir le vaisseau bleu. Hélas le drame très mal géré de la rue d’Aubagne ( avec une communication de crise particulièrement maladroite qui aura poussé le peuple dans la rue aux cris de « Gaudin assassin ») aura éloigné Gaudin des siens et son départ par la petite porte de la Mairie de Marseille aura été un moment particulièrement difficile pour lui. De plus, ses condamnations en 2022 auront malheureusement terni l’ensemble de sa carrière politique.
Finalement c’est avec Benoît Payan qu’il trouvera son fils spirituel. Payan était à Gaudin, ce que Gaudin était à Defferre. A la fois opposant et admirateur, Benoît Payan perd aujourd’hui son meilleur et plus fidèle conseiller à qui, en contrepartie, il avait réservé un traitement de faveur pour une retraite active.
Sans la voix du maître, nombreux se retrouvent aujourd’hui orphelins. Réponse en 2026…
Didier Davitian,
Ancien conseiller au cabinet de Jean-Claude Gaudin (1998-2001)