A l’heure des guerres, des taxes douanières, des effarements devant les agressions de la démocratie et dans le contexte des contributions du Parti Socialiste en vue de son Congrès, je poursuis dans la veine de mes derniers articles sur Hope lang et Hope land dans la Revue Politique et Parlementaire…
Il y a des mots qui, à force d’être utilisés, se vident. Et puis, il y a ceux qui, discrètement, résistent. Contribution, par exemple. À première vue, c’est un mot modeste, presque administratif. Mais à bien y regarder, il porte déjà l’essentiel : contribuer, c’est porter ensemble, faire corps, partager un sens. Ce mot contient le principe même d’un parti, d’une démocratie vivante. Et pourtant, combien de « contributions » aujourd’hui participent réellement à un langage commun ?
Le Parti socialiste, comme d’autres, publie, articule, structure. Mais ces mots — trop souvent — visent des équilibres internes, ménagent les courants, pèsent les nuances sans jamais faire surgir un imaginaire partagé. Ils visent à corriger, non à proposer. Ils organisent des compromis, rarement des commencements.
Et dans une époque traversée par la brutalité géopolitique, les accélérations technologiques, et les fractures sociales, cette absence de commencement est un risque existentiel.
Parce que ce que nous vivons n’est pas une simple crise. C’est un déplacement tectonique. L’hostilité de Trump à l’Europe, les murs tarifaires, les menaces sur l’Ukraine, les alliances implicites entre l’autoritarisme numérique chinois et les ambitions impérialistes de Musk ou Thiel… tout cela ne dessine pas un paysage, mais un vertige. Un monde où le numérique n’est plus outil, mais empire. Où l’IA n’est plus innovation, mais un risque d’occupation.
Dans ce monde-là, résister n’est pas une figure romanesque. C’est une urgence politique. Et cette résistance passe, paradoxalement, par le langage. Pas seulement par des mots. Mais par une langue capable de traduire les angoisses, les désirs, les complexités du peuple. Une langue qui ne sépare pas l’intime du collectif. Une langue de lien, de transmission, de projection.
C’est là qu’interviennent les concepts de HopeLang et HopeLand. Pas comme slogans perchés. Mais comme des outils d’ancrage. Car c’est en redonnant sens à ce que nous disons — et à ce que nous taisons — que nous pourrons offrir une alternative à l’empire algorithmique qui, chaque jour, colonise un peu plus notre imaginaire.
HopeLang, c’est une langue qui relie. Une langue politique du vivant. Une langue qui ne panse pas les plaies à coups de novlangue mais qui nomme les chemins. Qui n’a plus peur des émotions, ni des héritages, ni des silences. Une langue qui réintroduit le temps, le vrai : celui de la transmission.
Ce temps long, fait de mémoire et de dépassement jamais de régression. Pas le temps réel, où tout est pulsion et oubli. Ni le temps virtuel, où les IA parlent à notre place. Mais un temps politique où l’on hybride le passé avec l’élan de demain.
Et demain, justement, ne se fera pas sans lieu. HopeLand, c’est ce lieu. Un territoire augmenté — pas au sens des gadgets connectés — mais au sens d’un espace habité par une vision : celle d’un numérique solidaire, d’une écologie des infrastructures, d’une démocratie des transitions. Ce n’est pas un rêve hors-sol. C’est ce qui permettrait à nos enfants non seulement de vivre, mais de se projeter. De se sentir chez eux dans le monde à venir.
Contribuer, alors, ce n’est plus corriger une ligne. C’est ouvrir une maison. Une maison symbolique, politique, collective. Une maison où les jeunes générations ne seraient plus condamnées à errer entre burnout, cynisme et précarité algorithmique. Une maison politique, où les mots fierté, puissance, protection retrouveraient leur place. Une maison où l’on défendrait — ensemble — le climat, l’éducation, les imaginaires.
C’est pourquoi nous ne devons plus écrire des contributions comme on remplit une case. Nous devons les écrire comme on tient une promesse. Celle de parler à nouveau vrai, de résister dans la langue, de projeter un monde commun.
Ce n’est pas perché. C’est profondément ancré. C’est politique.
C’est le seul chemin encore viable vers la maison future.
Pierre Larrouy
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