L’année 2023 offrirait-elle à l’Amérique latine les conditions d’un nouvel élan lui assurant un retour sur la scène internationale ? La victoire de l’Argentine en finale de la Coupe du monde 2022 a mis un focus sur les talents sportifs issus du sous-continent mais également sur l’incroyable ferveur populaire. Le football incarne l’espoir d’un mieux vivre et d’une possibilité de rupture d’un déterminisme social qui révèle les forces et faiblesses des sociétés latino-américaines.
Plus que jamais, cette réalité est placée dans le cœur d’un continent qui doit en 2023, trouver une nouvelle dynamique en faveur d’un élan économique aux côtés d’une plus grande justice sociale. Cette ambition est difficile à atteindre et à coordonner : l’Amérique latine, avec la région des Caraïbes, est composée de 33 pays constituant autant de pièce d’un puzzle difficile à rassembler. Cet espace couvre une superficie de 19.2 millions de kilomètres carrés, auxquels se rajoutent 2.754 millions de km2 des Caraïbes. Les dernières années écoulées, marquées notamment par la crise de la Covid-19, ont conduit à privilégier les logiques nationales au détriment des coopérations régionales. Comment pouvait-il en être autrement tandis que le nombre de décès a atteignait le million et demi, le commerce international était à l’arrêt comme les transports aériens ?
Il est important de rappeler qu’un tiers de la population du continent vit dans la pauvreté. 54 % des emplois dépendent du secteur informel, renforçant d’autant les fragilités sociales.
Cet environnement socio-économique difficile explique, en partie, les tensions importantes qui ont secoué depuis 2019, de nombreux pays parmi lesquels le Chili, l’Equateur, le Pérou, la Colombie ou le Panama. Les problèmes internes et les réalités de chaque pays ont obligé les gouvernants à se concentrer sur la politique nationale. En effet, l’Amérique latine a semblé s’extraire, pour un temps, des relations internationales au point d’en apparaitre « la grande oubliée » alors même que les tensions exacerbées par la guerre en Ukraine obligent à se positionner et s’adapter aux défis commerciaux, énergétiques, financiers et technologiques induits par le conflit.
Pour sa part, la mécanique électorale a suivi son cours se concluant systématiquement, par des alternances politiques. Elles peuvent redonner une cohérence aux blocs régionaux, malgré les soubresauts institutionnels qui peuvent surgir, comme dernièrement au Pérou1. Les élections brésiliennes2 ont conclu un cycle électoral, qui, au delà des victoires de mouvements issus de la gauche, peuvent redonner un sens à une cohésion régionale. Depuis l’élection de Gustavo Petro3, le dialogue a repris avec le Venezuela4 après plus de trois années de rupture de relations diplomatiques. L’Amérique latine a diversifié depuis les années 2000, ses partenaires économiques : les États-Unis restent le 1er investisseur sur le continent mais la Chine est parvenue à s’implanter dans les principales économiques du continent au point d’en devenir l’un des premiers partenaires commerciaux : Brésil, Mexique, Colombie, mais également le Pérou, l’Equateur, le Panama ou l’Argentine.
Cette nouveauté engage une rupture avec l’histoire contemporaine : longtemps perçue comme le « back yard »5, « l’arrière cour », des Etats-Unis, l’Amérique latine a constitué un enjeu majeur durant la guerre Est-Ouest. La crise des missiles de Cuba en 1962, les guérillas et contre mouvements insurrectionnels en Amérique centrale et du sud, luttes idéologiques et sociétales, l’Amérique latine a constitué « un terrain de jeu » entre les deux superpuissances, avec son lot de « conflits périphériques », « de haute ou basse intensité ». Au sortir de cette période, au début des années 1990, l’Amérique latine s’était transformée en un continent convoité tandis que l’approche libérale donnait le souvenir d’un développement soutenu et durable durant les années 2000.
La crise financière de 2008 mais plus encore, la chute du cours des matières premières dans le courant des années 2010, renvoyaient le continent à une réalité structurelle : terre de production plus que de transformation, elle peine à se diversifier, tandis que les structures sociales freinent les termes durables d’une croissance économique.
Aujourd‘hui, pour certaines grandes puissances, la région latino-américaine est un champ d’opportunités. Pour d’autres, dans le climat de tensions internationales actuelles, l’Amérique latine constitue un nouvel espace de lutte d’influence.
Le climat, la transition économique, des produits tels le lithium6, constituent autant de perspectives nouvelles qui peuvent constituer un socle de renouveau en s’appuyant sur une gouvernance revisitée.
2023 est dans ce contexte, l’année de tous les défis pour le continent. La diversité latino-américaine offre l’avantage d’une présence sur large sceptre de sujets. Elle peut également renforcer une forme de fragmentation tant les différences nationales sont fortes. C’est bien pourquoi la cohérence politique née des alternances depuis 2019 marquées par une forte conscience sociale, peut offrir l’avantage de rebâtir une ambition régionale offrant un retour sur la scène internationale.
2023 : l’année de tous les possibles
L’Amérique latine a toujours été un continent de ruptures historiques : les périodes précolombiennes, la conquête, les indépendances, les nationalismes, les conflits et tensions de la période Est-Ouest ont constitué autant de temps forts. Aujourd’hui, la cohérence politique qui a surgi des élections depuis 2019, pourrait lui permettre de favoriser un projet commun.
Et les défis à relever ne manquent pas : gouvernance, élargissement des politiques fiscales, coopérations régionales, industrialisation, sécurité, santé, lutte contre la précarité, autant de sujets ; transition écologique, lutte contre la fracture numérique, autant de sujet dans le cœur d’une transformation qui est la garantie d’une position renforcée sur la scène internationale. La relance de l’économie est une priorité : le frein à la consommation pendant les années Covid a accéléré une dégradation économique : en 2020, la croissance chutait de 7.7 % mais le PIB connaissait un rebond de 6.9 % en 2021.
L’année 2022 devrait se conclure avec une croissance de 3.7 % alors que les indications pour 2023 sont plus pessimistes : la CEPALC7 s’attend à une croissance de 1.3 %. Ce niveau n’est pas suffisant pour constituer une large offre d’emplois permettant de faire baisser de manière significative, le niveau de pauvreté. Ce sont près de 115 millions de personnes qui sont entraîné dans la spirale de la pauvreté de manière durable. Beaucoup sont issues des classes moyennes qui avaient émergé durant les années 1990 et 2000.
Et pourtant, les réformes à mener sont connues mais comme toujours, difficiles à mener.
Pour retrouver une dynamique économique associée une nouvelle cohérence sociale, les pays du continent devraient s’engager dans plusieurs réformes permettant de mener à bien divers objectifs fondamentaux :
- Retrouver un équilibre budgétaire et la voie de la croissance
- Renforcer les liens publics-privés
- Développer une attractivité pour les investissements étrangers
- Renforcer une meilleure convergence normative entre les pays
- Réviser les politiques fiscales au service de politiques publiques
- Créer des politiques de protection sociale
- Préparer les économies à absorber de prochains chocs
- Réviser et renforcer les coopérations régionales.
C’est à ce prix que le continent retrouvera une place durable sur la scène internationale et pourra éviter de devenir « un terrain de jeu » des deux acteurs essentiels du nouveau duopole que le Sommet du G20 à Bali a une nouvelle fois, révélé : les Etats-Unis et la République populaire de Chine. Comment ne pas être « balloté » par cette réalité tandis que les questions socio-économiques continuent à prendre le pas sur les autres sujets ?
La crise sanitaire a servi de révélateur d’une situation tendue dont les origines de la crise sont à rechercher dans les structures économiques et sociales. Elles sont, notamment, caractérisées par un manque de diversification des secteurs d’activités, par une difficile redistribution des richesses.
Comment résister dans ces conditions, à la poussée de la Chine, déjà 1er partenaire commercial du Brésil, très implantée en Equateur, au Pérou, au Panama, mais également au Mexique ou en Argentine ?
Au-delà des matières premières, ce sont les infrastructures notamment dans les domaines de l’énergie, des télécommunications et numériques, tout autant que dans les transports de masse qui permettent à Beijing d’ancrer sa présence en disputant le leadership des investisseurs étrangers aux Etats-Unis.
Cette réalité économique s’inscrit dans un cadre international de tensions : après avoir dû se concentrer sur les réalités nationales, l’Amérique latine ne doit pas basculer dans une nouvelle rivalité bilatérale entre les USA et la République populaire de Chine. Pour exister et être prise en considération, l’Amérique latine va devoir en 2023, assurer un retour à la cohérence des sociétés nationales tout en s’engageant sur des sujets placés dans le cœur des relations internationales.
L’année 2023 est une année chargée sur le plan électoral : élections générales (présidentielle et législatives) au Paraguay le 30 avril, au Guatemala le 25 juin, en Argentine le 22 octobre, élections régionales en Colombie le 29 octobre. Cette nouvelle année, c’est aussi la relance d’un référendum constitutionnel au Chili dans le cadre de l’écriture d’une nouvelle Constitution. Après l’élection d’une nouvelle assemblée constituante, ce plébiscite aura lieu le 26 novembre 2023. L’objectif est de trouver un accord entre les parties prenantes du processus et d’éviter un nouveau rejet du projet. L’Équateur connaitra également un référendum le 5 février prochain, jour des élections locales (maires et gouverneurs de provinces). La population sera amenée à s’exprimer sur des questions sécuritaires, politiques et environnementales, pour permettre notamment l’extradition d’Equatorien lié au crime organisé et réduire la taille du Congrès monocaméral. Au total, huit questions seront posées lors de cette consultation qui vise à « renforcer la démocratie ». Concernant l’environnement, l’exécutif équatorien emmené par Guillermo Lasso souhaite offrir une compensation d’État aux communautés autochtones qui fournissent des services ou s’investissent dans la protection de la biodiversité. C’est la cinquième fois que le référendum sera utilisé en Équateur.
2023 : l’Amérique latine à l’heure des choix : peser ou se résigner
La crise de ces deux dernières années a laissé entrevoir les risques d’une fracture numérique et technologique, pouvant contribuer à renvoyer une partie du continent aux marges du monde. Cette « balkanisation » du continent n’est pas inéluctable. L’Amérique latine est un continent de contrastes. Il est également celui des contradictions : le brassage culturel, la créativité, l’émergence de « majors » industriels, les mégalopoles comme Sao Paulo, Mexico et même Bogota, côtoient le secteur informel, un accès à l’éducation qui peine à se généraliser.
La réforme de fond porte évidemment dans l’ensemble du pays, sur la fiscalité, autant sur les entreprises, les produits importés et exportés que sur les revenus. Cette nécessité apparait titanesque sinon illusoire mais la durée de la crise a réveillé les consciences.
Les questions environnementales, touchant notamment, à la sécurité alimentaire, à la gestion de l’eau et celle des déchets dans les grandes agglomérations, deviennent des notions qui renvoient aux fondamentaux d’une société à refonder.
C’est pourquoi, les convergences politiques des principales économies peuvent être une chance pour le continent.
Elles répondent aux enjeux internationaux : pour les Etats-Unis, l’une des priorités tend à « contenir » et « réduire » l’influence, considérée comme potentiellement hostile, de la Chine dans le monde. Que ce soit sur le plan technologique, numérique, économique, mais également dans la construction de sa représentation symbolique, « l’Empire du Milieu » est le partenaire-rival de Washington. Cette réalité place l’Amérique latine dans une position délicate. Cette zone de danger est désormais renforcée par la situation en Ukraine. Jamais le risque de « dommage collatéral » ne s’est fait autant sentir depuis les années 1990 que depuis le déclenchement de cette nouvelle guerre en Europe.
Et pour cause ! La Russie est parvenue, depuis la chute de l’ex-URSS en 1991, à maintenir ses positions auprès de ses « alliés », Cuba et le Nicaragua naturellement, le Venezuela depuis Hugo Chavez et la Bolivie. Elle a élargi ses assises notamment par le renforcement de ses échanges commerciaux, agricoles notamment, avec des pays comme l’Argentine et même le Brésil. Pour Washington, le sentiment d’une possible « prise à revers » existe. Il devient pour les États-Unis, indispensable de la stopper net sous peine de voir l’Amérique latine redevenir un espace d’instabilité.
La visite du Secrétaire d’État américain, Antony Blinken8, à Bogota, pour s’entretenir avec le nouveau président issu des rangs d’une gauche qui fût en son temps, combattante, vise à établir le cadre d’une entente sur les grandes lignes de sécurité.
Il s’agit de trouver un « modus operandi » qui assure des garanties au concept de « la paix totale » du Président Gustavo Pétro9 et de la lutte contre le narcotrafic pour Washington. C’est aussi sous ce prisme qu’il est nécessaire de saisir et analyser la portée des négociations secrètes engagées depuis le début du mois de mars 2022, entre les USA et le Venezuela.
Il s’agit de répondre au défi de la recherche de nouvelles voies énergétiques, faisant suite aux sanctions contre la Russie. En Amérique latine, le Venezuela offre la possibilité de recourir à une fourniture en gaz et pétrole moyennant sans doute, la levée des sanctions imposées par Washington contre Caracas depuis 2019. « Realpolitik » oblige, la possibilité d’un accord, avec en arrière fond la thématique nucléaire iranienne, permettrait le retour du Venezuela dans le concert des nations en échange d’une neutralité sur le dossier russe. Le Forum de Paris10 pour la paix les 11 et 12 novembre dernier, a donné un aperçu des enjeux qui passent par l’amorce d’un nouveau dialogue inter-vénézuélien, sous les bons auspices de pays comme la Colombie, le Mexique et la France. Et naturellement, les questions environnementales et le positionnement latino-américain sur le climat, ouvrent une voie pour un nouvel engagement international.
Autre point important : c’est la place des peuples originaires dans la politique intérieure menée par les nouveaux gouvernants.
Pour illustrer la volonté d’une intégration des autochtones dans la politique, on peut prendre l’exemple du Chili. Au début de son mandat, le nouveau président du Chili, Gabriel Boric, a innové en participant à une cérémonie avec les peuples autochtones au palais présidentiel, avant de se rendre à une traditionnelle messe en la cathédrale de Santiago. Le Président Boric et la première dame, Irina Karamanos, ont reçu une à une les doléances et vœux des sept peuples indigènes du Chili : Yagan, Lican Antai, Mapuche Pewenche, Rapa Nui, Mapuche Lafkenche, Diaguita et Mapuche Füta Warria. Au Pérou, l’ancien président Pedro Castillo dont les appuis politiques provenaient des paysans et des peuples autochtones, souhaitait défendre les terres des indiens depuis son élection. Au cours de sa campagne, le président-élu Lula (qui sera investi le 1er janvier prochain) avait annoncé la création d’un ministère des peuples autochtones, qui constituerait une avancée historique. Avec la création d’un groupe technique publiée au Journal Officiel la semaine dernière, ce ministère pourrait bien voir le jour début 2023, contribuant à la protection des peuples indigènes – et par extension de l’environnement. Le Président élu avait accusé son adversaire, le président Jair Bolsonaro, d’avoir maltraité les peuples autochtones du Brésil. Il s‘agit de favoriser une forme de politique de réconciliation qui engage l’Etat en matière de protection environnementale. Cette ligne est également celle tenue par l’Argentine comme le démontre le procès du «massacre de Napalpi »11.
Cette année 2022 est un nouveau retentissement dans une Amérique latine en mouvement. La France, en perte d’influence dans certains pays du continent africain, explore de nouvelles horizons pour de nouvelles coopérations économiques.
Il est évident que les nouvelles personnalités politiques élus en Amérique latine permettront d’engager des nouvelles discussions et un rapprochement notamment sur la question énergétique.
Reste à savoir si l’intérêt reste réciproque tant la distance géographique est importante avec des zones comme l’Union européenne et tant les Etats peinent à stabiliser des politiques nationales.
Conclusion
2023 s’annonce comme une année déterminante pour l’Amérique latine qui est désormais face à son destin. Deux options s’ouvrent à elle : d’une part, le « repli sur soi ». Les réalités intérieures, extrêmement importantes, peuvent expliquer cette stratégie au dépens des coopérations régionales : certains seront à la recherche d’un nouveau contrat social, tels le Chili, la Colombie, le Honduras, la Bolivie. D’autres chercheront à préserver leur régime en s’isolant, comme le Nicaragua. Mais il existe une autre option : la priorité restant la relance économique, l’Amérique latine et ses pays membres, relancent les dynamiques régionales, font de la mer pour la plupart d’entre eux un outil d’influence à la fois sur le plan commercial comme stratégique.
Même si les bases des projets politiques peuvent différer d’un pays à l’autre, les convergences jouent en faveur de la recherche d’une nouvelle dynamique de coopérations régionales.
Pour le Brésil, la relance du Mercosur12 et d’un dialogue des pays de l’Amazonie13 constituent un axe essentiel du nouveau Président offrant une projection mondiale dans le cadre de l’enjeu majeur que constitue désormais le défi du changement climatique. De continent « oublié »14 des relations internationales pendant les années marquées la Covid-19, l’Amérique latine peut se transformer en « un espace convoité », un acteur aux multiples facettes :
- un facilitateur international comme le Forum de Paris sur la paix l’a révélé en Novembre dernier entre la France et le Venezuela, sous les bons auspices de la Colombie et, dans un cadre élargi, du Mexique et de la Norvège.
- un pôle d’influence compte tenu des enjeux économiques .La République populaire de Chine y est devenu un partenaire de premier plan, comme les Etats-Unis qui restent un des principaux investisseurs, au même titre que l’Union européenne tandis que la Turquie mais également la Russie tentent de s’y implanter ou de maintenir quelques positions.
- un modèle, notamment sur les questions environnementales et sur le défi de la transition écologique. La crise de la Covid 19 a rappelé les fractures structurelles qui expliquent notamment, le fait que 54% des emplois dépendent du secteur informel sur l’ensemble du continent.
Au sortir d’une crise sanitaire qui l’a affaiblie sur le plan économique et social, l’Amérique latine a conscience qu’il lui faut éviter le risque d’une « balkanisation » internationale. Le conflit en Ukraine et ses conséquences autant sur le plan des enjeux sécuritaires qu’économiques e commerciaux, l’obligent à se positionner et à se transformer sous peine de redevenir un « objet balloté » au gré des évènements internationaux.
Le leadership de nouveaux dirigeants qui ont conscience de la nécessité de rompre avec une forme d’isolationnisme, en accord avec le poids de leur pays, tels les Présidents du Brésil, M. Lula da Silva15, de la Colombie, M. Gustavo Petro, de l’Argentine, M. Alberto Fernandez16, du Chili, M. Gabriel Boric17, mais également du Pérou avec Pédro Castillo, renversé le 7 Décembre 2022, ou du Mexique et M. Andrés Manuel Lopez Obrador18, ne peut que jouer en faveur d’une action concertée au service de tous : la CELAC19, la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, peut retrouver une place centrale, sorte de vigie politique avec pour objectif, celui d’éviter une « récupération » mécanique par de grandes puissances globales qui inscrivent leur démarche dans une logique de blocs, d’actualité depuis le 24 Février 2022 et le conflit en Ukraine.
Cette réalité, loin des problématiques politiques, géographiques, sécuritaires traversées par l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient ou une partie de l’Asie, peut lui offrir l’opportunité de revenir dans le jeu international. Cette position lui permettrait de construire une forme de « 3ème voie » internationale. La réalité géographique fait de l’Amérique latine, « l’extrême occident »20 d’un monde sous tension, position qui peut désormais jouer en sa faveur : le réajustement de certaines voies d’approvisionnement, la prise en compte de la mise en place d’un nouveau contrat social intégrant la dimension environnementale comme facteur de développement, constituent autant d’axes essentiels pour un continent qui retrouve sa place dans le monde.
Pascal Drouhaud
Spécialiste de l’Amérique latine
Chercheur associé de l’Institut Choiseul, il a fondé l’Association « LatFran » ( www.latfran.fr).
Il est notamment l’auteur de livre « FARC, confessions d’un guérilléro / Choiseul, Paris, 208) et de nombreux articles sur l’Amérique latine dans les revues spécialisées françaises et étrangères. Il est le correspondant en Europe, du quotidien salvadorien, El Diario de Hoy (www.elsalvador.com)
Guillaume Asskari
Journaliste spécialisé sur l’actualité latino-américaine
Auteur de nombreux articles pour différents médias et intervenants sur les chaines internationales
- Pedro Castillo a pris ses fonctions de Président du Pérou le 28 Juillet 2021 un terme d’un processus électoral tendu face à son opposante, Keiko Fujimori. Il a été démis de ses fonctions à l’issus d’un conflit politique avec le parlement, le 7 Décembre 2022. La Vice-Présidente Dona Boluarte lui succède. ↩
- Brésil : les élections présidentielles se sont tenues les 2 et 30 octobre 2022. Elles se sont conclues par la victoire du candidat de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva contre le Président sortant, Jair Bolsonaro. ↩
- Gustavo Petro, candidat de la gauche unifié rassemblée dans le « Pacto historico) a été élu le 19 Juin 2022 à la Présidence de la République colombienne. Il a promu l’idée d’une « Paix totale », basée sur des accords entre les groupes de dissidents de l’ex guérilla « FARC », le mouvement de l’ELN (Armée de libération nationale), les groupes illégaux liés au narco trafic ( notamment le « Clan del golfo ). Il a pris ses fonctions le 7 août 2022. ↩
- Venezuela : depuis les élections présidentielles contestées de 23018, le Venezuela est entré dans une crise politique posant la question de la légitimité. L’opposition n’a pas reconnue la réélection de Nicolas Maduro, reconnaissant pour sa part Juan Guaido. Depuis 2022, la recherche d’une sortie de crise semble engagée, l’objectif étant la reprise d’un dialogue entre les deux parties dans la perspectives des élections présidentielles de 2024. ↩
- Le « Back yard »est la traduction d’une analyse géopolitique portant sur les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine. Construites à travers les doctrines Monroe (1823), complétées notamment par Theodore Roosevelt (1904), cette perception d’une relation déséquilibrée, alliant défense des intérêts économiques américains et interventionnisme. Cette approche a été remise en question pendant la guerre froide durant laquelle l’Amérique latine a été un foyer de nombreux conflits et d’enjeux stratégiques globaux comme pendant la crise des missiles d’Octobre 1962. ↩
- Le Sommet mondial du lithium s’est tenu à Buenos Aires les 28 et 29 Novembre 2022, réunissant les principaux producteurs de ce métal indispensable notamment aux batteries des téléphones portables et ordinateurs. L’Amérique latine concentre 65% des réserves mondiales. ↩
- CEPALC : communiqué du 15/12/2022 . Bilan et perspectives économiques en Amérique latine. ↩
- Anthony Blinken: Lors de sa tournée latino-américaine, le Secrétaire d’Antony Blinken a effectué un déplacement en Colombie (3-4 octobre), au Chili (5), au Pérou -6-7) où il participait au Sommet de l’Organisation des Etats américains (OEA) ↩
- La « paix totale » est le programme sur lequel a été élu le 19 Juin 2022, Gustavo Petro. Il propose une paix négociée avec l’ensemble des groupes armés clandestins en Colombie, qu’ils soient issus de la guérilla comme l’ELN (Armée libération nationale) ou narcotrafiquants. Un projet de loi sur la « paix totale » est en cours d’examen devant le Congrès fixant le cadre légal de ces futures négociations et une « politique d’Etat » durant le mandat du Président Pétro. ↩
- Forum de Paris: il s’agit d’une rencontre internationale organisée, depuis 2017, à Paris et portant sur les questions d’actualité multilatérale. En 2022, le Forum de Paris a réuni les Présidents d’Argentine, de Colombie, le ministre des affaires étrangères du Mexique et les représentants de Nicolas Maduro et de Juan Guaido pour donner une impulsion à la reprise du dialogue politique vénézuélien. ↩
- Le massacre de Napalpi s’est produit le 19 Juillet 1924 dans la province du Caco, dans le nord de l’Argentine. Selon les témoins, il aurait conduit à la mort de 300 à 500 personnes des communautés Qom et Moqoit. ↩
- Mercosur : Crée au mois de mars 1991, le Mercosur constitue un marché commun régional, regroupant les économies du brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay, du Paraguay et le Venezuela (qui a été suspendu en 2017). ↩
- Les pays membres du bassin de l’Amazonie sont : le Brésil, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Suriname et la France (Guyane française). ↩
- Pascal Drouhaud et David Biroste, «L’Amérique latine : le continent oublié des relations internationales ? », Revue politique et parlementaire, 2 novembre 2021, 2 novembre 2021 (consulté le 2 janvier 2022). ↩
- Luiz Inacio Lula a été Président de la République fédérative du Brésil de 2003 à 2011. Il a été élu pour un nouveau mandat le 30 octobre 2022. Il prend ses fonctions le 1er janvier 2023. ↩
- Alberto Fernandez est Président de la République argentine depuis le 10 Décembre 2019. ↩
- Gabriel Boric est Président de la République chilienne depuis le 11Mars 2022. Issu des mouvements étudiants de 2011, il était député avant de se présenter aux élections présidentielles qu’il a remporté le 19 Décembre 2021. Il prône un Etat providence sur la base d’une réforme constitutionnelle dont le projet a été rejeté par référendum, le 4 Septembre 2022. ↩
- Andrès Manuel Lopez Obrador est Président des États-Unis du Mexique depuis 2018. ↩
- CELAC : la Communauté des Etats d’Amérique latine / Caraïbes a été créée le 23 février 2010 et a succédé au groupe de Rio. ↩
- Extrême occident : Concept défini par M. Alain ROUQUIE dans son ouvrage : « Amérique latine, introduction à l’extrême occident, Essais, Paris, 1998 ↩