Dans un courrier au journal La Repubblica cette semaine, Ursula Von der Leyen a déclaré « J’ai à l’esprit une Europe fondée sur la solidarité, notre plus grande espérance et notre investissement dans un futur commun ». Après l’échec du Conseil européen de la semaine dernière, la Commission européenne est aux avant-postes de la réponse commune au défi du Covid-19. Analyse de Patrick Martin-Genier, essayiste spécialiste des questions européennes et internationales.
Lors du précédent conseil européen du 26 mars, réalisé au moyen de la visio-conférence, destiné à répondre à la pandémie du Coronavirus, l’Europe avait affiché un spectacle des plus désolants en montrant une division comme jamais elle n’avait pu avoir dans son histoire face à un phénomène sans précédent, menaçant non seulement sa continuité institutionnelle, mais simplement la survie de ses concitoyens.
Cet échec majeur a été très mal vécu par les chefs du gouvernement du sud de l’Europe en particulier par Giuseppe Conte président du Conseil italien, mais aussi Pedro Sánchez Premier ministre espagnol et António Costa Premier ministre portugais, ce dernier dénonçant le mépris de certains pays, notamment des Pays-Bas.
Le sursaut de la Commission européenne
Cette épreuve a été tellement déstabilisante pour l’ensemble de l’Europe que la Commission a dû, en urgence, redresser la barre.
Ce sursaut, on le doit clairement à la Commission européenne dirigée collégialement par Ursula Von der Leyen sa présidente et à la mobilisation de l’ensemble du collège dont le commissaire français Thierry Breton qui, jeudi 2 mars, a dit espérer que les chefs d’Etat et de gouvernement finiront par se mettre d’accord sur le « paquet financier » mis en avant par la Commission européenne.
Face à la stupéfaction suscitée au sein des membres de l’UE, en exigeant de la part de la Commission qu’elle réalise une enquête sur les marges de manœuvre budgétaire de l’Italie avant la proposition de toute aide financière, alors que des milliers d’Italiens étaient en train de mourir, les Pays-Bas ont fini par admettre que leur réaction avait été tout simplement déplacée dès lors que dans un même temps, neuf pays avaient écrit au Conseil européen pour proposer une « stratégie de sortie de crise. »
Il faut espérer que cette réaction intempestive sera mise de côté et que la chancelière allemande Angela Merkel acceptera de son côté d’être moins psychorigide en s’arcboutant contre vents et marées et en contradiction avec les valeurs européennes sur le pacte de stabilité budgétaire qui, comme on sait, a de toute façon volé en éclat.
Des réponses budgétaires ambitieuses
La présidente de la Commission a fait preuve d’une présence remarquable tous les jours en s’exprimant en français, en allemand, en anglais dans les médias et en envoyant un courrier d’excuse au journal La Repubblica, une communication destinée à affirmer haut et fort la solidarité pleine et entière de l’Union européenne avec le peuple italien et les pays les plus affectés par la pandémie.
De fait, depuis une semaine, les réponses et propositions ont été très ambitieuses.
D’une part et depuis le début de la crise sanitaire, un total de 240 millions d’euros a été versé pour la recherche afin de trouver un vaccin, des sommes ont été remises à plusieurs laboratoires pour accélérer cette recherche dont 80 milliards à un laboratoire allemand. Elle a aussi débloqué en urgence 8 milliards d’euros des fonds structurels qui n’avaient pas été utilisés en 2019 et qui seront insérés dans le paquet de 37 milliards du plan d’investissement décidé la semaine dernière, qui a aussi reçu le soutien du Parlement européen.
La Commission européenne a aussi acté l’extension du fonds de solidarité de 800 millions d’euros, le tout dans la perspective d’élaborer un cadre financier pluriannuel 2021-2027 dont la priorité sera de faire face aux conséquences économiques, industrielles et sociales du Coronavirus.
La Commission a, dans le même temps, débloqué une enveloppe d’un milliard d’euros en garantie du fonds européen d’investissements pour encourager les banques à octroyer des liquidités à au moins 100 000 petites et moyennes entreprise et de taille intermédiaire en Europe. Elle a aussi constitué une réserve médicale de 80 millions d’euros pour du matériel de protection, outre des appels d’offres conjoint dans le même objectif.
Il ne paraît pas exagéré de considérer que la Commission a sauvé l’honneur de l’Union européenne dans cette terrible épreuve.
La Banque centrale européenne, quant à elle, après une réaction timorée en début de crise, sous la pression des Etats, a accepté de mettre sur table un plan de 1 000 milliards d’euros destinés en partie à des rachats d’obligations des Etats sur le marché.
Les Etats face à leur responsabilité
Certes, l’effort sera de longue haleine. Certains Etats trouveront ces engagements financiers certainement trop timides, mais la réponse semble ambitieuse à condition que les Etats de la « ligue hanséatique » et l’Allemagne donnent leur accord lors de la réunion des ministres de la zone euro et et du prochain Conseil européen.
Il s’agira, n’en doutons pas, pour certains pays de « sauver la face ». Si les Pays-Bas et l’Allemagne ne veulent toujours pas des « corona bonds » destinés à mutualiser la dette, le fonds proposé de 10 à 20 milliards de dons à l’Italie et l’Espagne notamment, devrait avoir des effets équivalents. Ce que ne veulent pas les pays du sud est de devoir se retrouver dans la situation de la Grèce lors de la dette souveraine en 2015, une mise sous tutelle de la Commission et de la Banque centrale européenne (voir le fonds monétaire international) la fameuse « troïka » qui avait exigé des réformes structurelles très dures telles que réduction des dépenses du service public qui ont conduit à des situations désespérées dans lesquelles se retrouvent aujourd’hui les hôpitaux… face au Coronavirus.
Patrick Martin-Genier
Essayiste spécialiste des questions européennes et internationales
Enseignant en droit public à Sciences-Po
Administrateur de l’Association Jean Monnet