Matthieu Creson, conférencier, enseignant, journaliste, tente de faire comprendre dans cet article ce qui a poussé une majorité d’Américains à voter pour Trump lors de la présidentielle qui vient d’avoir lieu.
Contrairement à ce qui était annoncé, Donald Trump et les républicains ont gagné les élections haut la main. Non seulement Trump devrait totaliser 312 grands électeurs – en gagnant dans le Nevada et dans l’Arizona -, il s’est imposé dans l’ensemble des États pivots, et a remporté le vote populaire. Le Sénat est repassé aux mains des républicains, qui risquent fort de conserver la Chambre des représentants. Bien des Français ne comprennent pas le résultat de ces élections. Ils ne comprennent pas par exemple pourquoi des partisans de Trump affichent aussi fièrement leur soutien à la liberté de détenir une arme. Ils ne comprennent pas pourquoi tant d’Américains ont voté pour lui, que les médias mainstream ne cessent de présenter depuis plus de huit ans comme le diable incarné. Ils ne comprennent pas pourquoi l’Amérique aurait choisi un supposé « fasciste », voire un « nazi » à la tête du pays, comme l’ont répété nombre de ses rivaux. Ces qualificatifs sont en réalité parfaitement ridicules dans le cas de Trump, qui malgré ses déclarations à l’emporte-pièce n’a rien à voir avec le fascisme mussolinien ou le nazisme hitlérien :
le courant incarné par Trump est plutôt ce qu’il faudrait appeler le « libéral-populisme », positionnement politique à vrai dire contradictoire, et il faudra dès lors voir dans les mois et les années à venir où Trump va placer le curseur entre ces mouvements opposés que sont le libéralisme et le populisme.
Comme l’a souvent écrit l’économiste Pascal Salin, le libéralisme est non seulement le seul système qui marche, mais c’est aussi le seul système économique et politique moral dans la mesure où il est fondé sur le respect des droits de propriété de l’individu. Le libéralisme repose sur le respect absolu d’un triple principe : droit à la vie, droit à la liberté de l’individu, droit à la propriété privée. Il nécessite aussi, pour pouvoir fonctionner correctement, le respect de l’État de droit. Dans les pays fortement collectivisés comme la France, où l’État est bien trop interventionniste, ne sait que taxer et redistribuer, et tend à vouloir se mêler de tout, les droits de propriété ne sont pas suffisamment protégés, ainsi qu’en témoigne notre système fiscal, odieusement confiscatoire et inégalitaire, du fait par exemple de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Le libéralisme repose aussi sur l’idée de liberté du commerce, et de ce point de vue le projet de taxation voulu par Trump de l’ensemble des marchandises à hauteur de 20 % -60 % dans le cas de la Chine peut-être considéré comme antilibéral.
C’est également une erreur de sa part, car ce sont en définitive les consommateurs américains qui vont devoir payer plus cher le produit qu’ils achèteront.
Contrairement aux apparences, cette mesure entrerait donc en contradiction avec le principe du America First « l’Amérique d’abord » -, mais il est sans doute électoralement plus payant de faire croire l’inverse : a priori, le protectionnisme semble favoriser certaines industries nationales et protéger l’emploi, alors que dans la pratique, il nuit surtout à l’intérêt du consommateur.
Cela dit, il ne faut pas minimiser la dimension libérale du trumpisme. Lors de son premier mandat (2017-2021), Trump a appliqué un programme de fortes baisses des impôts, ce qui a contribué au dynamisme économique que le pays a connu durant ces années-là. De ce point de vue, Trump s’inscrit dans le conservatisme américain traditionnel, celui d’un Ronald Reagan, fondé sur la limitation de l’intervention étatique et le respect de l’initiative privée. En fait, la large victoire de Trump doit être interprétée comme un rejet massif du collectivisme, de l’étatisme, du socialisme, mais aussi du wokisme, tous incarnés par sa rivale à la présidentielle, Kamala Harris.
Rappelons que le Parti démocrate n’est plus ce qu’il était il y a encore vingt-cinq ans, comme le rappelle souvent l’essayiste Guy Millière. C’est un parti qui s’est fortement radicalisé en devenant un parti d’extrême gauche.
Il y a d’ailleurs une contradiction interne entre d’une part les valeurs du parti démocrate actuel – qui défend la taxation à tout-va et notamment des plus riches, la redistribution massive, l’immigrationnisme à des fins clientélistes (à distinguer de l’immigration légale, qui reste un droit), l’élargissement de la place et du rôle de l’État fédéral – et d’autre part les valeurs fondamentales de l’Amérique, celles de 1776 : les États-Unis ont été fondés sur des valeurs résolument individuelles et non pas collectivistes, ainsi que sur le principe de la limitation de la sphère d’intervention du gouvernement.
Les Américains ont sanctionné la dérive socialo-collectiviste des États-Unis et en ont eu marre de voir les progressistes radicaux leur dicter ce qu’ils devaient faire, et même ce qu’ils devaient penser. Ils entendent redevenir maîtres de leur destinée, et ne pas laisser l’État choisir à leur place. Reste maintenant à espérer que Trump mènera dans la pratique une politique qui sera bien plus libérale que populiste, par-delà la rhétorique souvent démagogique à laquelle il nous a habitués.
Matthieu Creson
Photo : Below the Sky/Shutterstock.com
1 https://www.youtube.com/watch?v=p9iZInK6BTg