L’été de 2022 marquera une rupture et signe effectivement un tournant dans notre vision d’un monde où les saisons et leur rythme avaient encore une signification tangible en nous rassurant sur le cours de l’existence et en nous faisant supporter les vicissitudes de la marche des événements dans le fil d’une histoire qui se forge au prix le plus fort en ces temps de grande confusion et d’incertitudes de tous ordres.

Le « cher et vieux pays » est confronté au dur réveil sur des réalités trop longtemps occultées qui sont en passe de faire basculer le cadre précaire et abimé dans lequel la France aura survécu grâce à la résilience de son peuple et à sa patience aussi dans les épreuves et l’adversité, sans doute aussi grâce à un héritage et un patrimoine historique uniques et admirables, son essence vitale qui la fait tenir debout malgré et envers tout.

Il est rare d’avoir le talent et le génie oratoire du Général de Gaulle ou de Sir Winston Churchill pour galvaniser la résistance d’un peuple dans les épreuves présentes et à venir, d’annoncer sang et larmes et malgré cela parvenir à réunir, plutôt rassembler et cimenter dans un effort unanime et incontesté le meilleur d’une nation pour surmonter et vaincre les obstacles, gagner son salut et assurer son avenir et son destin. L’étoffe des héros est une denrée hélas qui n’a plus vraiment cours dans l’univers actuel de la primauté du verbe sur l’action, du déni et des faux semblants sur le constat impartial des défaillances coupables et de l’illusion sur la dure réalité de ces temps de confusion.

Il se reflète dans la parole des dirigeants, dans les médias et contribue à une dérive sans cesse accrue, qui ne présage rien de bon pour la période de fin d’abondance et d’appel à la sobriété annoncée par l’exécutif, dans la continuité de ses récents discours d’une tonalité grave mais qui sonnent comme un aveu d’impuissance et de réveil tardif dans l’entame d’un second quinquennat arraché par défaut et non adhésion sur fond de périls grandissants, internes et externes.

Six mois de guerre déjà en Ukraine qui célèbre ses 31 ans d’une indépendance ambiguë dès le berceau pour avoir constitué un des piliers de l’Empire des tsars et de l’Union soviétique, durement acquise et d’une liberté aujourd’hui battue en brèche par la Russie dans sa volonté de restaurer son glacis originel… Ce conflit est en train d’échapper à toute logique habituelle de recherche d’issue – quel qu’en soit le prix – au nom de la défense de valeurs dont on voudrait tous croire qu’elles sont unanimement partagées mais dont le coût pourrait bien se révéler fatal pour la cohésion politique et économique de l’Europe dans une situation d’attrition progressive des forces en présence, avec des populations en souffrance qui risquent à terme d’oublier les raisons des sacrifices demandés… A-t-on réellement, au sortir d’une pandémie qui a bouleversé la planète entière, avec des menaces telles que celle de la centrale de Zaporijia pour ne citer que celle-là, les moyens de soutenir et de poursuivre dans la durée cette guerre sans consacrer plus d’efforts à relancer un processus de négociations et de recherche d’un compromis acceptable par les deux principaux belligérants ? Il y a un an, Kaboul tombait aux mains des talibans. Une poignée d’Afghanes manifestant leur soif de liberté, dispersées brutalement en moins de cinq minutes dans les rues de la capitale reconquise l’été dernier, a été le seul sursaut notable pour marquer ce triste anniversaire de défaite de nos valeurs… La spirale ukrainienne va-t-elle à terme nous entraîner dans une déconvenue similaire au fiasco aujourd’hui étouffé, subi en Afghanistan, au fur et à mesure où les privations et sacrifices s’avéreront de plus en plus lourds et remettront en cause une abondance qui n’est plus depuis longtemps l’apanage d’une grande partie de la population – Gilets jaunes, et autres victimes d’une crise sans précédent loin d’être jugulée -, qui pourrait se hasarder à tabler sur une prédiction fiable dans un contexte où l’euro n’est plus une valeur de refuge en étant passé sous la barre du dollar et où l’inflation va augmenter, renchérissant le prix de l’énergie et des denrées de base ?

Est-on capable dans les limites de notre propre pays de défendre ces valeurs de liberté et de sécurité autour desquelles on voudrait nous mobiliser pour restaurer l’Ukraine dans ses frontières de 1991, quand on constate la situation d’insécurité qui gangrène la société française ? 75 % des Français partagent un même constat d’échec dans ce domaine de la sécurité, préalable à toute paix civile. L’actualité estivale n’aura été à nouveau qu’un long et sinistre florilège d’incivilités grandissantes, souvent meurtrières : refus d’obtempérer, rodéos urbains, viols perpétrés au sein même d’un hôpital, inutile de s’appesantir sur le triste constat d’un naufrage qui ne remonte pas à aujourd’hui loin s’en faut…

Si des actes concrets assortis d’une réponse pénale adéquate ne marquent pas le début d’un coup d’arrêt, la fin apparente du déni de ce cancer qui ronge la cohésion sociale et les annonces de remédiations ne serviront tout au plus qu’à ouvrir d’ores et déjà le bal des prétendants à la succession de l’exécutif dans la perspective de 2027… L’épisode Kohlantess de la prison de Fresnes est symbolique de la confusion qui règne à tous les étages de la maison France. Après le pitoyable spectacle du Stade de France offert au reste du monde à l’occasion de la finale de la Ligue des champions, ce nouveau feuilleton vient ternir un peu plus la confiance de l’opinion générale dans la parole publique quand il s’agit pour le pouvoir d’assumer ses responsabilités en reconnaissant ses défaillances ou erreurs d’appréciation. Il souligne aussi combien certains échelons politiques et administratifs sont déconnectés des réalités dans lesquelles se débattent les citoyens « ordinaires ». Il y a tant à faire en matière de pratique carcérale et de réinsertion civique des détenus qu’on ne peut que s’interroger sur la signification d’un tel épisode dans la saga de cette dérive qui perdure en saison 2 de ce qui devait être une ère nouvelle inaugurée le 24 avril au soir dans un pays fracturé…

Bien d’autres polémiques surviendront probablement d’ici là : des piscines aux jets privés en passant par les statistiques relatives aux faits de délinquance, sur fond d’annonces plus « sensationnelles » les unes que les autres, Conseil national de la refondation, projet de loi sur l’immigration, mise en œuvre des mesures de lutte contre l’inflation, la liste des sujets de s’étonner, s’émouvoir, s’indigner ou se réjouir, dans son amplitude et son éclectisme, fera le miel des commentateurs avisés ou non…

En ce jour de rentrée gouvernementale et d’annonce de fin d’abondance, l’image du sourire d’enfants en partance pour leur unique journée de vacances au bord de la mer, organisée par le Secours populaire, constituait un contrepoint bienvenu dans une actualité marquée par la confusion et la dureté des temps présent et à venir…