Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Quel est leur projet ? Daech : histoire, enjeux et pratiques de l’organisation de l’Etat islamique de Kader A. Abderrahim s’appuie sur des faits et sur des données chiffrées pour présenter l’histoire, la stratégie et les problématiques actuelles de l’Etat islamique.
L’Organisation de l’État islamique (OEI), Daech, ébranle par sa violence le Moyen- Orient et bouleverse les stratégies dans les relations internationales. L’actualité macabre de cette organisation fait la une des médias, mais elle est rarement bien cernée et analysée dans sa dimension historique.
Le livre de Kader A. Abderrahim, maître de conférence à Sciences Po Paris et chercheur à l’Iris a choisi d’aller au-delà du chaos et du bouleversement entraînés par Daech, en creusant dans le puits de l’Histoire. Il s’agit de mettre en perspective des « questions ou des problèmes occultés même dans le contexte de confusion que nous vivons ». Il met ainsi en lumière les tendances lourdes de l’histoire : la résolution en suspens des problèmes depuis plus d’un demi-siècle (question palestinienne, démocratisation, relation à l’Occident…). De même a-t-il choisi de ne pas utiliser le terme « djihadiste » qui renvoie à une acception essentiellement religieuse (l’effort sur soi), et a préféré nommer les choses pour ce qu’elles sont et utiliser « terrorisme/terroriste ».
L’auteur remonte le fil d’un siècle d’histoire, de la création des Frères musulmans au terrorisme en passant par l’enracinement des islamistes dans le monde musulman et le monde arabe. Il explique comment l’islamisme est apparu dans un contexte historique, « la colonisation, qui pose la question de la réappropriation de la culture d’origine par rapport à la violence coloniale dont le but est d’imposer une culture de substitution. L’islamisme devient dès lors une idéologie interprétative, à différencier de l’islam en tant que foi ». Mais au début des années 1960, Sayed Qotb, l’un des plus influents théoriciens islamistes, suggère une rupture avec les sociétés qui se sont éloignées de la tradition ; c’est dans un texte fondateur que certains groupes extrémistes puisent la légitimité théorique de l’utilisation de la violence pour justifier la réislamisation des sociétés musulmanes par la coercition. S’ajoute plus tard la contestation des régimes en place, on entre alors sur le terrain de la lutte pour le pouvoir par la violence.
En examinant le temps long de l’histoire nous mesurons les graves conséquences des problèmes non résolus depuis plus d’un demi-siècle auxquels sont venus s’ajouter d’autres malentendus. « C’est sur les ruines de l’Irak et le chaos syrien qu’a proliféré Daech » réussissant de ce fait une progression militaire et une implantation non seulement au Moyen-Orient mais aussi en Afrique, Maghreb et Asie. « Pour les dirigeants occidentaux le court terme fait office de politique alors que la situation actuelle nécessiterait une vision et des choix clairs » écrit Kader A. Abderrahim.
L’ouvrage fournit des clés de compréhension sur les grandes écoles juridiques de l’islam, sur ses différents courants (le wahabisme, le salafisme, la Nahda, l’islamisme versus nationalisme, la laïcisation de l’islamisme turc, la sécularisation de l’islam en France) et enfin sur les rivalités régionales et les antagonismes confessionnels. L’approche historique et pédagogique de Kader Abderrahim donne à cet essai un attrait certain.
Daech : histoire, enjeux et pratiques de l’organisation de l’Etat islamique
Kader A. Abderrahim
Editions Eyrolles, 2016
192 p. – 10 €