Le retour des pouvoirs forts et autoritaires est une réalité de ce premier quart du XXIe siècle. Il en est une pourtant qui ne semble guère susciter d’intérêt alors qu’elle est une des plus terribles : le Venezuela.
Autrefois une démocratie et un pays prospère
Ce pays a, avant l’accession au pouvoir d’Hugo Chavez et de Nicolás Maduro, été une démocratie prospère. Tandis que le Chili de Pinochet et l’Argentine de Videla connaissaient deux dictatures sanguinaires (de 1974 à 1990 pour le premier et de 1976 à 1981 pour le second), la République bolivarienne du Venezuela, pays peuplé de 28 millions d’habitants, coulait des jours heureux. Gouverné par des partis centristes (aujourd’hui dans l’opposition) tels que l’« Action Démocratique » et le « Comité d’organisation politique indépendante d’obédience sociale-chrétienne », la fin du mandat du président Carlos Andrés Perez fut marquée par une situation économique très dégradée ayant conduit à des soulèvements populaires, notamment au mois de février 1989.
Ces soulèvements furent réprimés dans la violence et des tentatives de coup d’Etat eurent lieu, dont l’une fut conduite par Hugo Chavez qui allait être élu président en 1999 et allait gouverner le pays jusqu’à la date de sa mort en 2013, remplacé par le président actuel Nicolás Maduro.
Hugo Chavez est arrivé au pouvoir dans un contexte marqué par un appauvrissement des couches populaires. Sa présidence a été marquée par une augmentation considérable des dépenses sociales et, par suite, l’endettement de l’Etat. Si le soutien populaire à Hugo Chavez ne s’est pas démenti au cours de son mandat, c’est en raison de sa politique sociale ambitieuse qui a néanmoins conduit le pays au bord du précipice financier que la manne pétrolière n’a pas suffi à combler. Le Venezuela est en effet l’un des principaux producteurs mondiaux de pétrole, ce qui explique qu’aujourd’hui il garde une place importante dans les échanges internationaux.
La mise en place d’une dictature
Mais en même temps, Hugo Chavez a jeté les prémices d’un pouvoir fort qui s’est mué, avec Nicolás Maduro, en une dictature effroyable. Fort de leurs convictions idéologiques de gauche, les dirigeants du Venezuela que certains en Europe admirent en référence à la tradition d’un lyrisme révolutionnaire idéalisé, de l’émancipateur Simon Bolivar au révolutionnaire Fidel Castro en passant par l’icône de la lutte contre le colonialisme américain, Ernesto Che Guevara, ont au fil des ans instauré une dictature implacable.
Hugo Chavez n’avait pas eu le temps d’achever de mettre en place son pouvoir autoritaire, malgré son temps de présence au pouvoir, mais Nicolás Maduro lui, l’a fait de façon minutieuse avec le soutien de l’armée.
La vie démocratique a été suspendue. Alors que des élections se déroulent quand même au mois de décembre 2015 et que l’opposition l’emporte, une tentative de destitution du président Maduro se solde par un échec. Le parlement est brutalement suspendu. En mars 2017, la Cour suprême, désormais soumise au pouvoir, décide de suspendre lui-même le parlement puis, au mois de juillet de la même année, Nicolás Maduro décide de faire élire une assemble constituante entièrement à sa solde. C’est le début de la dictature condamnée par la communauté internationale.
L’opposition impuissante
Face à une situation bloquée, l’opposition tente de s’organiser et, au mois de décembre 2019, le président de l’assemblée élu en 2017 Juan Guaidó se proclame lui-même chef de l’Etat par intérim. Il est aussitôt reconnu par de nombreux pays, dont les Etats-Unis, une partie des pays de l’Union européenne dont la France, qui demandent l’organisation d’élections avant le mois de février 2019. Il reçoit également le soutien de l’organisation des états américains, alors que Nicolás Maduro reçoit quant à lui le soutien de Cuba, de la Russie, de la Turquie et de la Bolivie.
Depuis, la situation s’est dégradée.
Face à l’affaiblissement de l’opposition, Juan Guido a perdu le soutien de la communauté internationale ainsi que sa qualité de président intérimaire.
Pis, la coopération avec Maduro a repris d’autant plus aisément et sans scrupule que la guerre en Ukraine a fait du Venezuela un pays incontournable pour la livraison de pétrole, même mal raffiné. Les Etats-Unis ont mis en bémol leur condamnation du régime. Nicolás Maduro a repris ses déplacements notamment au Mexique au mois de septembre 2021 pour la réunion de la communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, mais aussi au mois de novembre 2022 à la réunion de la COP-27 à Charm-el-Cheikh en Egypte où le président vénézuélien a été vu serrant la main à Emmanuel Macron avec un « bref entretien » entre les deux chefs d’Etat.
Le retour de Nicolás Maduro sur la scène internationale
La réintégration de fait du président vénézuélien dans la communauté internationale est pourtant le résultat du renforcement du pouvoir de la dictature devenue incontournable et de la faiblesse d’une opposition qui ne parvient plus à s’organiser et à faire face à la répression.
Car cette répression est féroce et peu de responsables politiques pour différentes raisons, abordent la question.
Ce régime dit socialiste est avant tout un pouvoir mafieux. Il n’existe plus de responsable politique intéressé pour défendre le pays.
Si Maduro tient son pays, c’est en raison d’un trafic de drogue qui affecte les plus hautes sphères de l’Etat. Il soigne son armée, les hauts gradés sont très bien rémunérés pour qu’ils lui restent fidèles.
Le pouvoir se maintient aussi par une terrible répression sur le peuple vénézuélien, non seulement par l’armée régulière mais aussi et surtout par des milices tristement connues dans ce pays, les colectivos. Ce sont des milices armées composées d’hommes circulant à moto et souvent vêtus en noir et rouge qui sèment la terreur parmi la population. Ce sont surtout des supplétifs mafieux qui se livrent à un véritable racket sur les habitants de ce pays de Caracas à Maracaibo en passant par Valence, Barquisimeto et Merida.
Un régime mafieux
Les personnes qui refusent de payer la vacuna (vaccin en espagnol) c’est-à-dire la dîme, l’impôt des mafieux, sont soit éliminées soit persécutées.
La police régulière se livre aussi à ce genre d’exactions avec les services de renseignement comme à Maracaibo, notamment de part et d’autre du pont qui relie le plus grand lac d’Amérique latine.
Les personnes sont violentées, violées, subissent des interrogatoires. Les terres et exploitations agricoles de ces personnes sont confisquées et tous les citoyens qui refusent de souscrire au régime de Nicolas Mauro sont persécutées. Cette répression touche tout le monde y compris les commerçants et propriétaires de débits de boissons qui n’acquittent pas la vacuna.
Les élections ne sont plus libres. Les citoyens sont invités à souscrire au régime afin d’obtenir le « livret de la patrie ». La possession de ce livret est un signe quasi obligatoire d’allégeance au régime. Il permet en outre d’obtenir des denrées alimentaires et d’accéder aux soins dans les hôpitaux qui manquent toutefois cruellement de moyens. Les personnes qui le refusent sont considérées comme des opposants au régime. Le pouvoir de Maduro quadrille le terrain. Dans chaque ville, dans chaque quartier, il existe un ou une responsable chargé de surveiller les habitants rue par rue. Les personnes suspectées d’activités séditieuses sont repérées et chassées par les colectivos, milices qui se chargent des basses œuvres du régime.
Lorsqu’il s’agit de voter, il n’est pas de bon aloi de se réfugier dans un isoloir. Il existe deux couleurs apposées sur le livret de la patrie pour attester que vous avez voté pour ou contre le régime, le rouge et le bleu.
Les crimes de Nicolás Maduro et la fin du régime
Aujourd’hui, le Venezuela s’enfonce dans la crise financière.
Son économie est exsangue, l’inflation est à un taux faramineux de 436 % au mois d’avril 2023, son endettement est tel que ce pays mettra de nombreuses années à retrouver des basses assainies, même après le départ de Nicolás Maduro, une reprise de la croissance en 2023.
La population en grande souffrance en subit les conséquences. L’ONU estime que presque 5 millions de vénézuéliens ont quitté leur pays entre 2015 et 2019. Ce chiffre s’est accru depuis consacrant ainsi une diminution démographique de ce pays. Plusieurs millions d’entre eux ont fui vers la Colombie et vers d’autres pays de l’Amérique du Sud dans des conditions de vie difficile, de surcroît confrontés au racisme d’une forte partie des populations locales qui les accuse de vouloir prendre leurs emplois. Beaucoup sont partis aux Etats-Unis, enfin en Europe où les demandes d’asile ont considérablement augmenté.
Parmi ces demandeurs d’asile, on peut mentionner des citoyens soumis au danger du racket permanent, aux violences en tout genre. Il faut aussi mentionner des opposants politiques, même des militaires-femmes et hommes- ayant fait défection de l’armée régulière et qui encourent la peine de mort en cas de retour dans leur pays.
La situation de crise de ce pays s’enfonce toujours plus.
L’espoir réside dans de nouvelles élections qui devraient être organisées l’année prochaine en 2024, mais si elles doivent être organisées dans les mêmes conditions que les dernières sans contrôle des observateurs de l’ONU, elles seront sans issue.
L’Union européenne commence à se positionner. Lors d’une réunion à Bruxelles plusieurs dirigeants européens dont Emmanuel Macron et sud-américains dont le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, en présence de la vice-présidente vénézuélienne, Delcy Rodriguez, ont appelé à la fin des sanctions contre le Venezuela et à « une négociation politique menant à l’organisation d’élections justes pour tous, transparentes et inclusives ».
La seule issue réaliste est la fin de la dictature de Nicolás Maduro et de son régime afin qu’il soit jugé pour tous ses crimes. Mais rien n’est à ce jour moins certain. Aujourd’hui, comme il a été souligné lors de cette réunion à Bruxelles au mois de juillet 2023, si les sanctions économiques qui frappent en effet durement le peuple vénézuélien doivent être levées, c’est à la condition que des élections totalement libres soient organisées en 2024, sous le contrôle d’observateurs internationaux. L’espoir de l’opposition se nomme aujourd’hui Maria Corina Machado, cinquante-cinq ans, ancienne députée de 2010 à 2014 et qui compte sur la diaspora vénézuélienne à l’étranger et un soutien important de la population pour l’emporter. Fondatrice du mouvement associatif Súmate, elle a été une opposante sans faille d’Hugo Chávez dont elle avait réclamé le départ par une pétition dès 2004 et avait soutenu Juan Guaidó comme président intérimaire. Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour tourner la page du chavisme et du madurisme à condition que la communauté internationale se porte garante de l’organisation d’élections libres.
Patrick Martin-Genier