Hamid Enayat revient sur le rôle important du régime iranien dans la guerre de Gaza.
Le 22 mai 2021, le site Internet du Guide Suprême iranien, Ali Khamenei, a publié le message de félicitations que lui a adressé Ziad Nakhaleh, l’un des dirigeants du groupe Hamas. Il s’adresse à Khamenei et lui déclare : « Les amis et les frères de Qassem Soleimani, en particulier Ismail Ghani (le commandant du corps des pasdarans iraniens) et ses collègues, ont mené cette bataille. Ils étaient présents avec nous lors de notre récent conflit avec Israël… Nous prions pour la République islamique d’Iran et pour ses braves soldats. »
Depuis sa création il y a 42 ans, le régime iranien a semé la guerre et le chaos dans la région. Ces interventions n’ont visé qu’à détourner l’attention des Iraniens des problèmes internes du pays, ou d’une crise électorale comme l’impasse actuelle. Cette politique sert au pouvoir à s’affranchir temporairement de ses problèmes les plus critiques.
L’Iran aujourd’hui est une bombe à retardement en raison des conditions de vie des Iraniens. L’année dernière, le parlement a déclaré un taux de pauvreté de 60%. Les médias officiels ont fait passer ce taux à 80% cette année. Cependant, l’Iran reste classé parmi les dix pays les plus riches au monde, malgré les sanctions en place.
Selon le président actuel du parlement, Qalibaf, seuls 4% de la population sont prospères, le reste étant accablé par la misère et souffrant de la faim. Cette pauvreté est due principalement à la corruption gouvernementale et à la forte inflation qui constituent les principales raisons des deux soulèvements de l’hiver 2017-18 et de novembre 2019. Le pouvoir y avait répondu en ouvrant le feu sur les manifestants, faisant 1 500 morts en novembre.
La poudrière du mécontentement risque d’exploser en Iran. Afin de retarder la déflagration, Khamenei a interdit les vaccins Covid 19 des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et de France, pour que l’épidémie accapare l’opinion publique et l’empêche de penser à la misère qui l’étreint.
D’un autre côté, Téhéran est en pleines négociations sur son programme nucléaire. Cela pourrait l’obliger à abandonner ce programme qui lui a coûté des milliards de dollars, à freiner celui des missiles balistiques et à mettre fin à ses activités terroristes au Moyen-Orient. Ce blocus contribuera sans doute aussi à la montée de nouvelles révoltes et de troubles sociaux en Iran.
L’impasse du régime
Le régime est confronté à une élection qui pourrait servir d’étincelle et faire exploser le baril de poudre que constitue le mécontentement populaire en Iran.
Par exemple, en 2009, lorsque Khamenei a voulu tirer Ahmadinejad des urnes par « l’ingénierie électorale » (comme il le fait aujourd’hui pour tirer son candidat préféré des urnes) et qu’il s’est heurté à l’opposition de Moussavi (le candidat favori), cela a été l’étincelle qui a provoqué un soulèvement populaire de grande ampleur.
Khamenei veut à présent purger son régime. Comme tout les dictateurs, il mène une politique de repli sur soi dans cette période très difficile et cruciale pour la survie de son régime. Il a écarté la faction rivale, dite « réformatrice ». Il veut uniformiser sont régime pour avoir les coudées franches dans la répression. En disqualifiant Larijani, le précédent président du parlement, il a voulu éviter une nouvelle étincelle lors de la prochaine élection afin que l’expérience de 2009 ne puisse se répéter. D’autre part, les négociations nucléaires de Vienne en 2021 ne sont pas celles de 2015. Le régime iranien doit désormais se soumettre aux grandes puissances occidentales, d’autant plus que l’influence de Téhéran se réduit à vue d’œil dans la région. Elle est très contestée dans la rue en Irak, au Liban et en Syrie.
Dans ce dossier du programme nucléaire, Khamenei avait en tête de forcer l’Occident à lever toutes les sanctions. Il a lancé la guerre de Gaza en guise de démonstration de force. Or la vraie raison derrière ce conflit de Gaza était de détourner l’attention de l’opinion publique de ses intentions à la présidentielle et de l’impasse qu’elle constitue.
Dans ce contexte, les unités de résistance qui fourmillent dans la société iranienne multiplient à la fois leurs nombres et leurs activités. Elles s’y sont répandues pendant le soulèvement de 2019. Elles diffusent leurs appels à un changement de régime et à une république démocratiquement élue. Leurs affiches et leurs tracts prônent la séparation de la religion et de l’Etat, des élections libres, la fin des discriminations, l’égalité des genres dans une société où la loi interdit aux femmes de se présenter à la présidentielle et les privent de leurs droits les plus élémentaires. Ces unités de résistance qui affirment leur soutien à Maryam Radjavi, l’ennemie jurée de la dictature religieuse, sont en mesure d’orienter la colère populaire vers le Guide Suprême à chaque événement susceptible de déclencher une explosion à l’intérieur du pays.
Hamid Enayat
Ecrivain et expert de l’Iran