Si l’on en croit George Lakoff, conseiller en communication des démocrates américains depuis une dizaine d’années, le terrain de bataille sur lequel des élections se gagnent, ce sont les mots.
Les mots véhiculent des valeurs gravées dans notre subconscient et déterminent nos convictions morales, sociales et politiques. « Nous réfléchissons avec notre cerveau […] Environ 98 % de l’activité de notre cerveau se situe en deçà du niveau de conscience. Par conséquent, nous ignorons partiellement, voire en grande partie, ce qui détermine nos convictions morales, sociales et politiques les plus profondes » soutient George Lakoff, expert américain en matière de cadrage du discours politique, linguiste et spécialiste des sciences cognitives. En qualité de conseiller en communication des démocrates américains depuis une dizaine d’années, il se propose dans La guerre des mots de rappeler ce qu’est le cadrage, comment il fonctionne, mais surtout comment faire gagner les démocrates dans la bataille des mots en tentant de rendre l’inconscient conscient. Doit-on accéder au niveau neuronal pour comprendre la politique d’aujourd’hui ? La réponse est oui selon George Lakoff. Ce dernier démontre l’importance capitale d’imposer ses propres cadres dans le débat public, de bien définir les valeurs que l’on défend, tout en gardant à l’esprit que « les cadres sont des idées pas des slogans. Les restructurer consiste davantage à accéder à nos convictions inconscientes et à celles des personnes qui partagent nos opinions ».
Au-delà de la manipulation des esprits, le principal objectif est de rassembler le pays derrière les valeurs les plus nobles et ne pas tomber dans le piège d’une « guerre civile culturelle sans merci » suscitée selon George Lakoff par les idéologues américains dont les « outils sont la discorde, les vociférations, les insultes et le mépris. Nous gagnerons grâce à notre discours courtois et à des débats coopératifs et respectueux. Parce que c’est ainsi que s’illustre notre modèle altruiste en matière de communication et que notre tâche est de susciter et d’entretenir un tel modèle. » affirme l’auteur.
Il est évident que G. Lakoff se situe au-delà de la manipulation de l’esprit, mais quand on affirme qu’il y a une valeur absolue n’est-elle pas considérée aussi comme la « bonne propagande » pour la différencier des mauvaises ? On se fonde ainsi sur le bien absolu comme postulat, tout acte robotisé de l’homme dans le sens d’un bien absolu est un « élément de bonne propagande » un danger potentiel car chaque parti considère qu’il œuvre pour le bien absolu. Une nuance de l’épaisseur d’un papier à cigarette avec les conséquences évoquées dans Le viol des foules par la propagande politique (Serge Tchakhotine, Gallimard, 1952).
« La guerre des mots » constitue un manuel pour les communicants de tous bords et un instrument indispensable pour tout lecteur qui assiste aux nombreux débats politiques.
George Lakoff
Editions Les petits matins, 2015
174 p. – 17 €