Faut-il sortir de l’euro ? « Peut-on relancer la croissance… quand la planète agonise » ? Peut-on restaurer la souveraineté ? Pour répondre à ces questions, l’économiste et sociologue, Frédéric Lordon analyse les « impasses de l’Europe ».
Il critique les politiques économiques menées depuis la crise de 2008 et dénonce une Europe qui se construit sans les Européens dans le déni de toute expression des souverainetés populaires.
Face aux crises, les institutions européennes ont démontré leur impuissance en adoptant la logique fondamentalement néolibérale et antidémocratique qui s’est imposée : « la construction européenne exprime les caractères les plus fondamentaux de la mondialisation néolibérale entendue comme le processus de déréglementation du plus grand nombre de marchés possibles à l’échelle internationale la plus étendue possible. » écrit-il. Les États se sont placés sous la dépendance des marchés financiers du monde entier. Loin de constituer un bouclier contre les effets néfastes de la mondialisation, l’euro et les rouages institutionnels s’inscrivent dans le cadre de l’ordo-libéralisme allemand exigeant que le marché fonctionne librement dans le cadre de règles contraignantes. Pour l’auteur, une telle politique ne pourra pas conduire à la résolution de la crise économique en cours, mais contribue plutôt à l’aggravation des désordres économiques et sociaux.
F. Lordon est amené, chemin faisant, à considérer que le Parti socialiste français, qui a joué un rôle actif dans la mise en œuvre de cette construction néolibérale, conduite selon cette logique anti-démocratique et anti-sociale, est en fait une « droite complexée » par opposition à la droite décomplexée des Républicains. Et qu’il est nécessaire d’envisager une rupture avec cet édifice.
La conclusion s’impose, si l’on veut défendre une vision réellement « de gauche » d’un capitalisme non financier, il conviendrait, selon l’économiste, de sortir de l’euro pour lui substituer un autre système monétaire qui se résoudrait à un retour aux monnaies nationales et à l’ institution d’une monnaie commune pour les besoins des échanges extérieurs comme cela avait d’ailleurs été un temps envisagé avant la création de l’euro comme monnaie unique. Comme il est vain d’espérer que l’Allemagne s’y rallie, il faut l’envisager sans elle, ajoute-t-il. L’auteur en vient à analyser longuement les conditions à remplir pour que la spéculation ne se lance pas contre les monnaies nationales : taux de change semi-fixes, ajustements de changes internes et externes en monnaie commune, ajustements des « balances courantes », ré-intermédiation des financements publics et privés.
La troisième dimension de cet ouvrage est celle de la souveraineté et du rapport à la Nation.
D’aucuns objecteraient que, dans le contexte politique et social actuel et de risque de désintégration de l’Europe , l’hypothèse de la sortie de l’euro risquerait de nous conduire à un retour pur et simple aux monnaies nationales sans possibilité à la clef de réalisation de la monnaie commune ? Pareillement, en l’absence d’une réelle alternative de l’avènement d’une « véritable gauche », que l’auteur appelle de ses vœux , les replis nationaux et les mouvements identitaires ne vont-ils pas être les plus puissants à court terme ?
La malfaçon – Monnaie européenne et souveraineté démocratique
Frédéric Lordon
Edition Babel, 2015
294 p. – 8,70 €