Lampedusa est l’une des îles de l’archipel des Pélages qui se trouve au sud de l’Italie, dans la mer Méditerranée. Cette île est connue pour ses plages, notamment celle de Spiaggia dei Conigli, avec ses eaux peu profondes et sa faune marine colorée. Parmi les plus belles du monde. Elle fait face à la réserve Area Marina Protetta Isole Pelagie, sur la côte sud, et constitue un site de ponte pour les tortues de mer. Plus à l’est se trouve la plage abritée de Cala Greca, de plus petite taille. Des dauphins vivent dans les eaux entourant l’île. La superficie de cette île est de 20,2 km². Elle fait partie de la province d’Agrigente. Lampedusa est peuplé d’un peu plus de 6 000 habitants.
Voilà le décor idyllique posé. La réalité est devenue toute autre depuis plus de vingt ans. En effet Lampedusa est à présent la plaque tournante de l’immigration clandestine en provenance d’Afrique noire et maghrébine. Une première et majeure raison à cela : située à moins de 150 km du littoral tunisien, Lampedusa est l’un des premiers points d’escale pour les migrants qui franchissent la Méditerranée en espérant gagner l’Europe. Mais en fait cette île est une zone de transit ultra-rapide pour les exilés qui débarquent sur ses côtes. Lorsque les migrants arrivent, ils sont orientés vers un hotspot de l’île pour une durée de 48 heures. Ensuite, ils sont en principe transférés en Sicile.
Il faut noter que longtemps la grande majorité de ces migrants fut d’origine tunisienne. « Les Tunisiens sont la première nationalité représentée chez les migrants débarquant sur l’île. Selon les chiffres de l’OIM, sur les 3 400 migrants arrivés cette année, 2 100 sont des Tunisiens, soit un petit peu plus de 60 % » (https://www.infomigrants.net , octobre 2019). On remarque, depuis un ou deux ans, une montée en puissance des migrants d’Afrique noire. Près de 40 % aujourd’hui.
Ces jours derniers la petite île italienne a accueilli jusqu’à 6 800 personnes arrivées de Tunisie majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne. Le plus souvent dans des embarcations de fortune. C’est le plus gros afflux jamais connu. « Une pareille situation n’a jamais été vue sur l’île », affirme au Monde Rosario Valastro, le président de la Croix-Rouge italienne. Les problèmes que cette arrivée massive posent sont multiples. D’abord que faire de tous ces migrants ? Il y a bel et bien un problème humanitaire. Il est essentiellement traité par les associations. Le gouvernement italien de Mme Meloni constate que la gestion d’une telle crise ne peut s’opérer avec des postures autoritaires ou des coups de menton. Bien des choses avaient été annoncées par les autorités italiennes pour mettre fin à ces situations. Or rien de transcendant n’a été réalisé. “Elle a eu des propos incantatoires (sur l’immigration) et elle n’a pas souhaité ou pas été capable de les mettre en œuvre (ses promesses de campagne) ce qui est une déception absolue” constate Sébastien Chenu, porte-parole du RN et ancien zélateur de la Première ministre italienne.
Alors l’Italie, comme la majeure partie de ses membres, s’en est remise à l’UE et en particulier la présidente de la Commission l’incontournable Ursula von der Leyen. Cette dernière n’a pas manqué de se rendre à Lampedusa (aux côtés d’une Mme Meloni assez déconfite d’ailleurs). La présidente, toujours prompte à prendre les rênes, a proposé la mise en place d’un plan d’urgence pour l’Italie en dix points. Parmi les mesures proposées : renforcer les missions de Frontex, la coopération avec la Tunisie ou encore inciter les États membres à apporter leur aide (sur la base du principe de « solidarité volontaire », incitation des migrants à retourner dans leur pays d’origine (vaste programme !) avec des campagnes de sensibilisation dans ces derniers, renforcer la coopération avec les instances internationales (HCR par exemple).
Ce plan n’a pas fait l’unanimité. La France par la voix de Gérald Darmanin « ne s’apprête pas à accueillir » une partie des migrants. Et de rajouter que la France doit « renvoyer chez eux ceux qui n’ont rien à faire en Europe ». Même si, peu avant, E. Macron avait promis à Giorgia Meloni, samedi, « une action partagée ». L’Allemagne ne semble pas très encline non plus. Pas plus que la Hongrie ou la Pologne.
Un constat s’impose selon nous. D’abord ces migrants sont avant tout « économiques ». Il y a très peu de demandeurs d’asile. Rappelons que le droit d’asile est défini en France par la Constitution de 1958 et plus spécifiquement l’alinéa 4 du préambule : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République ». Que lit-on lorsque l’on se penche bien sur ce texte ? Que le droit d’asile, un peu comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique ! Seul celui ou celle qui est politiquement persécuté dans son pays peut bénéficier de ce droit. Dans les rangs des milliers de migrants qui débarquent régulièrement sur les côtes italiennes, il y a très peu de candidats à l’asile en France. La principale motivation de ces malheureux est économique et sociale. Ils fuient des pays où le niveau de vie est très faible et dont certains sont en voie de se sous-développer (certains pays Afrique subsaharienne). D’autres ne trouvent pas de travail dans leur pays d’origine. C’est le cas de la Tunisie. Ce pays connait une crise politique depuis 2021 avec la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed. La Tunisie ne s’est jamais véritablement relevé des « printemps arabes ». Et sa situation économique n’est guère florissante avec un taux de chômage qui a atteint au premier trimestre 2023 16,1 % (30 % des chômeurs ont moins de 25 ans et 78 % d’entre eux moins de 35 ans).
La migration économique peut bien entendu s’expliquer. Quand on est dans le dénuement l’Italie et les autres pays européens (surtout la France) sont des Eldorado qu’il convient d’atteindre. On va y revenir. Mais à quel prix ! Au départ les passeurs demandent des prix souvent astronomiques (entre 3 000 et 5 000 euros voire plus). Question : comment ces gens peuvent-ils payer puisqu’ils sont le plus souvent dans le dénuement ?…. On peut émettre aussi des doutes sérieux sur certaines organisations humanitaires. Comment font-elles pour gérer les bateaux (de croisière désaffectés souvent) qu’elles affrètent ? Certaines sont financièrement « complices » de passeurs. La justice de différents pays a d’ailleurs intenté des actions contre elles. Ainsi une enquête de la justice italienne accuse les ONG de sauvetage en mer Save the Children, Médecins sans frontières et Jugend Rettet de complicité avec des passeurs, encourageant de fait le trafic d’êtres humains sous couvert d’actions humanitaires (https://frontpopulaire.fr/, 12/3/2021).
On parlait plus haut du problème des migrants économiques. A contrario des demandeurs d’asile, ils n’ont juridiquement aucun droit notamment sur le sol français. Seule l’humanisme défini par certains traités « obligent » les Etats à l’accueil. Ainsi en 2018 a été adopté à Marrakech, sous l’égide de l’ONU, le Pacte mondial sur les migrations. De même au printemps 2023, l’UE a adopté un ersatz d’accord, le Pacte sur la migration et l’asile. Il est censé remplacer le traité de Dublin de 2013. Ersatz pourquoi ? Parce qu’à ce jour seuls deux volets, essentiellement techniques, ont été adoptés. Ledit pacte a pour objectifs d’assurer un partage plus équitable de l’accueil des demandeurs d’asile entre les États membres de l’UE. Il doit être définitivement mis en vigueur avant les européennes de juin 2024. Rien n’est moins sûr tant un certain nombre de pays de l’UE sont rétifs à cette gestion européenne des crises migratoires.
Etant donné que de par le traité de Schengen, il n’y a plus aucune frontière entre les pays européens, il est loisible à tout migrant arrivé sur le territoire de l’UE d’aller où il veut….Tous les policiers en charge de barrer la route aux migrants (sud méditerranéen, sud basque) attestent qu’un manque cruel de moyens transforme les « barrages » en passoire ni plus ni moins. Etant donné encore qu’à l’initiative de F. Hollande, droit-de-l’hommiste s’il en est, la loi du 31 décembre 2012 a supprimé le délit de séjour irrégulier (L. n°2012-1560, 31 déc. 2012, art.8 : JO, 1er janv.2013). Erreur grave estiment les spécialistes en la matière.
Selon l’article 5 de la Déclaration de 1789 : la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. Dès lors, et c’est imparable, l’abrogation décidée par la loi de 2012 consacre le droit de séjourner irrégulièrement sur le sol français…. Les forces de l’ordre sont unanimes pour dire que cela pose un gros problème en matière d’ordre public. Rappelons que selon l’article 622-4 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros. La complicité donnée à un étranger sans papier est donc, elle, sanctionnée.
Puisque l’on en est à l’aspect judiciaire, il faut souligner le lien étroit qui existe depuis quelques années entre immigration clandestine et insécurité. Seuls les purs esprits peuvent dire le contraire ! Peu après sa réélection, E. Macron aidé de G. Darmanin, s’appuyant sur les statistiques du ministère de l’Intérieur, ont fait sauter le tabou entre immigration et insécurité (on sort à peine de l’affaire Lola). Lesdites statistiques sont claires : elles montrent une surreprésentation des étrangers dans la délinquance dans les métropoles. Il est une ville test, Lyon. Dans la capitale des Gaules 44 % de la délinquance et de la criminalité constatées est le fait d’étrangers. Ils représentent même 61 % des personnes mises en cause pour des atteintes aux biens, par exemple des vols. Et 35% des atteintes aux personnes, c’est à dire les faits de violence. Des chiffres partout en nette augmentation depuis 2017. Même tendance à Paris, Nantes ou encore Bordeaux (où la délinquance est montée en flèche depuis l’arrivée du maire écologiste M. Hurmic). Il faut tenir compte aussi de la précarité sociale des immigrés illégaux. Ecoutons l’ancien préfet de Paris (et de Bordeaux) Didier Lallement conservateur s’il en est mais qui dit tout : « La réalité est que, pour ne pas devenir délinquant après être arrivé en France dans des situations chaotiques, vous devez être un saint. Des personnes arrivent sur le territoire, ne sont pas reconduites à la frontière pour diverses raisons et n’ont pas le droit de travailler ». Et l’ancien préfet de rajouter là encore sans conteste : « Qu’ont-elles comme choix ? Travailler au noir ? Subsister grâce à d’autres ressources illégales ? On crée les conditions d’une réalité. » (https://www.lopinion.fr/politique/immigration-et-insecurite-les-chiffres-decodes, novembre 2022).
Pourquoi les pays européens sont unanimes ou presque pour dénoncer et s’inquiéter de ces vagues migratoires qui s’abattent de plus en plus régulièrement sur l’Italie mais aussi sur la Grèce et, à un degré moindre, l’Espagne et déferlent vers nous ? La France au premier chef. Dans un certain nombre de pays d’Afrique noire (subsaharienne notamment), les gouvernements affichent au frontispice des mairies ou des bâtiments publics des formules selon lesquelles la France est le plus accueillant des pays, que l’on peut s’y faire soigner gratuitement, etc… Même s’il y a toujours, bien sûr, un sentiment anti-français çà et là (habilement entretenu par les Russes).
Les déferlantes migratoires qui fondent sur l’Europe viennent, on l’a dit, pour un Edorado. Combien parviendront à s’acclimater, à s’intégrer ? Une minorité selon nous. Qu’on le veuille ou non, il se déroulera à un moment ou à un autre ce que Samuel Huntington appelait prodigieusement en 1996 « Le choc des civilisations » (Odile Jacob, 2000). Si l’on prend l’exemple de la France, nous sommes le pays d’Europe qui sur les dix dernières années (mandat d’E. Macron en quelque sorte) a le plus augmenté ses chiffres. Ainsi l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) a noté dans un récent rapport une augmentation de l’immigration en France. Avec plus de 320 000 primo-délivrances de titres de séjour en 2022 (ressortissants hors espace économique européen et Royaume-Uni), 2022 constitue une année inédite en matière d’immigration et accélère les tendances constatées les années précédentes. En 2022, le stock de permis de séjour atteint un niveau inégalé de 3 704 613 permis, soit 25% de plus que le stock en 2017 et 47% de plus qu’en 2012. Dans le trio de tête des pays concernés : Algérie, Maroc, Tunisie. Le nombre moyen annuel des éloignements et départs de clandestins durant le dernier quinquennat est inférieur de 15 % par rapport au quinquennat Hollande. L’OID estime que malgré la survenance de la crise sanitaire, l’immigration a atteint sous la présidence Macron un niveau plus important encore que sous les quinquennats Sarkozy et Hollande. Alors qu’en 2007, environ 171 000 premiers titres de séjour étaient délivrés à des immigrés non européens/extérieurs à l’espace économique européen (EEE), ce nombre a atteint 320 330 en 2022 selon l’estimation du ministère de l’Intérieur. Cela représente, sur une année, 150 000 délivrances de premiers titres en plus en 2022 qu’en 2007, soit une augmentation de près de 86 %. Les chiffres ne parlent-ils pas d’eux-mêmes ? Le stock des permis de séjour n’a jamais été aussi élevé que sous la présidence Macron : 25 % de permis supplémentaires par rapport à 2017 et 47 % de plus par rapport à 2012. La réalité chiffrée est souvent accablante.
Il s’avère que la France est la deuxième destination privilégiée en Europe pour les demandeurs d’asile (derrière l’Allemagne qui maitrise cependant bien mieux son immigration). Quant au droit d’asile il semble par ailleurs être devenu une fabrique à séjours irréguliers (d’autant plus quand ces derniers ne sont plus un délit). A propos de l’éloignement des clandestins l’exemple symptomatique est celui des étrangers algériens. Entre le 1er janvier 2021 et le mois de juillet, 7 731 Algériens ont été visés par une obligation de quitter le territoire français : seuls 31 d’entre eux sont effectivement rentrés en Algérie soit 0,4 % d’entre eux. Et tout cela, il faut le dire au risque de déplaire, au nom d’une repentance qui a assez duré…. L’OID conclut en disant que la présidence Macron a consisté en cinq années d’immigration à un rythme plus important encore que sous les quinquennats Sarkozy et Hollande, marquant la poursuite de la transformation démographique de la France. Et le second semble s’annoncer de la même façon (https://observatoire-immigration.fr/immigration-2022).
Alors on peut toujours accueillir encore et toujours. Mais il y a un coût. Le démographe Jean-Paul Gourévitch s’est attelé à évaluer les coûts et les bénéfices engendrés par les personnes immigrées en France. Résultat ? L’immigration coûte au contribuable 53,9 milliards d’euros par an, selon son étude. En particulier il note que « dans la colonne des coûts, l’impossibilité d’obtenir un montant précis des fonds publics directement dédiés aux associations d’aide aux migrants ». Incontestablement l’immigration coûte plus qu’elle ne rapporte (étude réalisée par JP Gourévitch pour Contribuables Associés, 2023).
Et pendant ce temps-là, la France compte aujourd’hui près de 9 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Soit 15 % de la population (Collectif Alerte). De même un étudiant sur trois ne mange qu’un repas par jour et des associations caritatives (exemple : Resto du Cœur) devront « sélectionner » cet hiver parmi les démunis.
Nous ne sommes en aucun cas un politique en charge de donner des conseils, des méthodes. Nous avons simplement en tête un pays (où vivent depuis longtemps de nos parents), l’Australie. La doctrine pratiquée est simple. “Vous ne ferez pas de l’Australie votre maison.” En 2014, le gouvernement australien lançait sa campagne “No Way” pour dissuader les migrants clandestins d’affluer par bateau sur l’île-continent. Les bateaux de migrants sont systématiquement refoulés par les bâtiments de la marine australienne. Il y a toutefois au sein de ces bâtiments des navires de secours pour veiller à la santé des migrants. « Aucun boat people arrivant prêt de ses côtes n’est accepté, même si les personnes à son bord remplissent les conditions du droit d’asile pour avoir le statut de réfugié » explique David Camroux, chercheur honoraire au CERI et professeur associé à l’Université internationale du Vietnam. Et depuis 2001, l’Australie délocalise des centres de rétention administratifs dans des îles à côté d’elle. Les conditions de vie n’y sont cependant pas toujours dignes….
« L’Australie justifie cette politique draconienne avec un discours humanitaire : décourager les passeurs et les migrants à s’engager dans un voyage qui coûte la vie à des milliers de personnes », poursuit David Camroux (https://www.la-croix.com/2019)
Il reste qu’en matière migratoire ce pays a opté depuis des décennies pour une immigration qualifiée (pour le Canada c’est une immigration choisie). « On ne peut pas venir en Australie pour vivre de l’oisiveté. D’ailleurs on n’obtient pas son titre de séjour aussi facilement qu’en France. Loin de là. Et un migrant refoulé n’a plus le droit de revenir » nous confie un proche.
Finissons avec un politique de gauche qui, voici quelques temps déjà, a estimé à raison et au rebours de la bien-pensance de l’époque : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts.» (Michel Rocard, 3 décembre 1989, 7/7, TF1).
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités
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