Les images de l’irruption des partisans de Donald Trump au Capitole, le jour de l’Epiphanie de 2021, ont fait le tour de la planète, suscitant une émotion et les commentaires indignés de la majeure partie des capitales du monde occidental. Par Eric Cerf-Mayer.
Elles augurent d’un mandat difficile pour le vainqueur des élections, adoubé dans une atmosphère de tentative de coup d’état, plus fréquente dans la partie Sud de l’hémisphère américain qu’au Nord du Mexique.
L’histoire des Etats-Unis est cependant celle d’un empire né d’une insurrection contre l’ordre colonial établi par la Couronne britannique sur un territoire immense où l’homme a toujours lutté contre une nature grandiose et dangereuse… Un pays qui a été déchiré par une guerre civile d’une rare violence, opposant des visions antagonistes de la société américaine, dans un conflit précurseur des hécatombes du 20e siècle, pour abolir l’esclavage inique d’une partie de la population de ce qu’il est convenu d’appeler une des plus grandes démocraties du monde. C’est aussi une République où l’assassinat des Présidents a plongé le monde dans une sidération consternée à plusieurs reprises dans son histoire, et l’image d’un de ses plus jeunes dirigeants abattu à Dallas par une journée ensoleillée de novembre 1963 hante encore la mémoire collective universelle.
A l’orée de 2021, au moment où les Etats-Unis consacrent l’élection à leur tête d’un représentant expérimenté et d’un âge remarquable, issu de la caste politique traditionnelle du pays, la violence de la colère exprimée par les partisans du président sortant prend l’allure d’un avertissement brutal pour l’ensemble du monde occidental et sonne sans doute le
glas d’une certaine manière de gouverner, dans le confort de l’entre-soi et des certitudes des élites conformistes, qui ne sont plus habituées aux éclats de voix populaires de moins en moins sporadiques et qui ferment les yeux sur la montée inexorable du mécontentement de ceux qui ont le sentiment de n’être plus entendus et d’être livrés à la terrible incertitude de l’heure…
Dans le contexte effrayant d’une pandémie ni contrôlée ni maîtrisée, où l’espérance d’une vaccination salvatrice ne suffit pas pour ramener le calme tant les dirigeants du moment fluctuent entre décisions et stratégies vacillantes, l’image du Capitole envahi par une foule de mécontents qui ne croient plus en leur démocratie devrait conduire les politiques du monde entier à s’interroger sur le sens de leur mission, avant qu’il ne soit trop tard.
Combien de drames faudra-t il encore subir pour réfléchir un peu plus et porter une attention réelle aux cris de colère qui s’élèvent de toute part dans notre pays et dans le monde en provenance de ceux qui ne se reconnaissent plus dans leurs dirigeants et qui ont perdu confiance dans les institutions démocratiques, faute de se sentir respectés ?
Les yeux du monde entier sont tournés vers l’Amérique du Nord mais nous ne sommes plus à la fin du XVIIIe siècle, et ce n est plus un vent de liberté qui nous vient d’outre-Atlantique mais bien plutôt un avertissement lourd de présages de tempêtes à venir, qui ébranleront nos certitudes et détruiront les lignes Maginot illusoires de nos certitudes en politique si nous n’y prêtons pas plus attention…
Eric Cerf-Mayer