Michel Barnier a voulu nous ramener à une expression classique, qui entend se tenir et tenir son rôle, respectueuse des bonnes pratiques d’un débat public qu’il veut apaisé et ordonné, loin des embardées provocatrices et hystérisantes.
Ce retour à ce que d’aucuns appelleront le « vieux monde » s’opère sur fond d’urgences, dans un contexte de très grandes tensions tout à la fois sur les enjeux budgétaires et régaliens.
Sur le fond de son intervention, le locataire de Matignon aura tenté de trouver une voie médiane entre une assise politique précaire, des oppositions majoritaires, et une opinion en attente, pas nécessairement méfiante, mais sans doute dubitative et qui ne demande qu’à accorder sa confiance sous réserve que le nouveau gouvernement puisse répondre à ses attentes de protection et de proximité.
En d’autres termes, il fera ce qu’il peut avec le peu, encore une fois, dont il dispose mais il le fera en s’efforçant de tenir compte de la réalité des problèmes et non de leur interprétation idéologique.
Le Premier ministre, confronté à la construction sous contraintes d’un projet de loi de finances des plus incertains, à la fois sous la pression de la Commission européenne, des agences de notation et des marchés, doit d’abord parer au plus pressé, colmater les brèches de l’avarie budgétaire héritée de ses prédécesseurs sur lesquels il ne peut que s’appuyer, faute de majorité à l’Assemblée. C’est d’ailleurs là l’une des immenses difficultés de sa mission que de s’essayer au redressement de la France avec ceux qui l’ont affaiblie.
A cette première gageure s’en greffe une seconde, qui, elle, touche aux demandes d’autorité et de maitrise en matière régalienne.
Sur le volet sécuritaire, comme sur le volet migratoire, où les attentes sont fortes, le Premier ministre est exposé à une autre limite qui ne se résume pas uniquement au caractère aléatoirement composite de sa coalition mais également à un ordre normatif qui ne permet pas nécessairement de pouvoir disposer des outils législatifs indispensables à son action publique. La controverse déclenchée par le ministre de l’Intérieur sur l’Etat de droit est révélatrice du noeud gordien qui à ce stade et compte tenu des rapports de forces parlementaires noue l’expérience qui commence et c’est bien de son habileté à desserrer ce dernier au jour le jour, à défaut de pouvoir le trancher, que dépend la capacité du Premier ministre à s’installer dans une durée dont chacun mesure qu’elle est marquée du sceau des circonstances et donc de la relativité. Reste à savoir si à l’épreuve des problèmes à surmonter, l’habileté politique est suffisante pour répondre à l’immensité des défis auxquels la société française est confrontée…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université